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8 mars 2023 3 08 /03 /mars /2023 16:42
PAPANOSH       A VERY BIG LUNCH

Label Vibrant/ /Enja Records

Papanosh quintet (lesvibrantsdefricheurs.com)

 

Découvert lors du Charlie Jazz Festival de 2013 à Vitrolles où ils étaient la révélation de Jazz Migration, PAPANOSH (comprendre une recette de crêpe roulée... ukrainienne) était un jeune quintet sous emprise de folklores réels ou imaginaires, d’Alasnoaxis de Jim Black, nourris au jazz des Monniot et Dehors, allant se frotter au compliqué Lubat. Ils ne sont pas dépaysés, ces musiciens qui viennent de Rouen, ces diables de Normands d’aller sur les terres du flamboyant Jim Harrisson, les grands espaces du Nord Michigan.

Le pianiste Sébastien Palis, visiblement inspiré par l’écriture ardente de Big Jim, a composé une musique tout en impros-ruptures, fidèle à un esprit roots qui évolue avec un bel instrumentarium, saxophones, trompette, contrebasse, drums, piano, balafon et Wurlitzer! Huit compositions plutôt courtes, ce qui n’est pas pour nous déplaire, car elles conservent ainsi jusqu’au final leur intensité frémissante. Ces quadras actifs et volontaires du collectif les Vibrants Défricheurs - une nébuleuse de groupes au nom tous plus allumés et ludiques, sortent sur le bien nommé label  Vibrant un nouvel album A Very Big Lunch. Que l’on pourrait comparer à une grande bouffe, joyeuse cette fois et toujours très arrosée. Si le géant cyclope était passionné de cuisine, ses livres de recettes sont tout bonnement impossibles à réaliser tant ils évoquent de gargantuesques ripailles!

Truculents, irrigués d’une mélancolie mâtinée d'ironie, les livres ont souvent été qualifiés de construction musicale. Une adéquation au thème qui n’a pas échappé au quintet qui évoque dans cette bande-son imaginée romans et personnages. On pourrait d’ailleurs écouter, sans regarder les titres et chercher de quel roman chaque composition se rapproche...

On aurait pu craindre que Papanosh ne se soit assagi quelque peu, attentif à célébrer la figure de l’ogre de la littérature américaine au pas nonchalant. Mais dès la fin du premier titre, “Faux Soleil”, le rythme s’accélère, se poursuit sur le “Westward Ho” suivant, invitation à partir à l‘ouest vers la frontière pour défricher de nouvelles terres. Papanosh garde sa pertinence dans les choix et orientations esthétiques dans une alternance de climats qui n’enlève rien à la cohérence de ce qui constitue une suite. Le très beau “Nord Michigan”, hymne à cet état si peu emblématique pour nous Européens, est une ballade qui s’adapte entre chasse, pêche et virées nocturnes. Toujours puissant, mais sans brûler, voilà un drôle de remontant. Une écriture lyrique qui s’appuie sur des formidables solistes, deux soufflants qui avancent ensemble, aux timbres complémentaires, aux contrepoints parfaits : le trompettiste Quentin Ghomari et le saxophoniste alto et baryton Raphael Quenehen.

Ces variations prennent le temps de se fixer dans des tableaux sonores complexes et intrigants. On part sur une nouvelle piste, traçant “Wolf” : sur un rythme plus lent, cette invocation-tournerie de tribu indienne, chaloupe sur la musique des fûts et des peaux de Jérémie Piazza et de l’autre pilier rythmique, le contrebassiste Thibault Cellier et nous fait entrer dans l’univers envoûtant du sorcier.

Dans la roue d'un trio qui prend la route pour faire sauter un barrage vers le grand Canyon, retournant dans l’Amérique des années soixante, celle de la jeunesse d’Harrisson et de la contreculture, voilà le formidable “A good day to die”, formule indienne qui devient road trip musical, plus affolant, heurté et forcément exposif. Sans pour autant annoncer le final splendide, plus léger et doux, une mélodie que tous se partagent, insufflée en hommage à l’attachante Dalva, l’héroïne de l’un des romans les plus célèbres de Jim Harrisson.

La musique du quintet, en décalage pour mieux s’échapper vers un horizon inconnu, n'est jamais tout à fait là où on l’attendrait, et c’est bon. Un album spontané et exaltant,  captivant de bout en bout, à consommer sans modération en n’hésitant jamais à se resservir.

Sophie Chambon

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6 mars 2023 1 06 /03 /mars /2023 08:41

OJM Studios (Portugal, 28 novembre 2021.
Justin Time Records. Paru le 17 février dernier.

 

    Rare sur la scène parisienne depuis qu’il s’est installé en Amérique du Nord voici un bon quart de siècle (New-York puis Montréal), Jean-Michel Pilc se rappelle à notre bon souvenir par le disque. Deux albums sortis en moins d’une année voient le pianiste s’exprimer dans ses deux formats préférés, le trio (‘’Alive. Live at Dièse Onze, Montréal’’, voir chronique de Xavier Prévost) et le solo (‘’Symphony’’), tous deux publiés par le label québécois Justin Time.


    L’exercice du solo appartient depuis longtemps à l’univers du jazzman qui délaissa le prestigieux Centre National des Etudes spatiales, son emploi après Polytechnique, pour l’aventure de la musique improvisée.
    En 2004, avec  ‘’Follow Me’’ (Dreyfus Jazz), Pilc brassait un large répertoire, de Trénet et Brassens à Mercer et Hammerstein. . « Un artiste, ce n’est pas un distributeur automatique, nous confiait-il alors,  C’est un kaléidoscope. Il y a des vents d’ouest, des vents d’est, des grandes et des petites marées. La musique   est un fluide. »

 

    Le pianiste n’a pas renié ses engagements. L’improvisation, il l’a travaillée, il l’a théorisée dans un ouvrage, il l’enseigne à l’Université à Montréal. Dans « Symphony », Jean-Michel Pilc s’en donne à cœur joie sur ses propres compositions, tirant profit de conditions optimales, à son avis, pour un enregistrement (un Steinway magnifique, une acoustique parfaite) dans un studio sis au Portugal (OJM à Matosinhos) où il venait d’accompagner un saxophoniste à l’automne 2021.

 

    Dans ce cinquième album de sa carrière en solo, Jean-Michel Pilc nous délecte avec ces alternances de coups de tonnerre et de ruissellements de notes qui constituent sa signature. On retrouve l’admirateur de Fats Waller et d’Art Tatum ou encore le pianiste respecté par Martial Solal qui partagea avec celui-ci la scène dans des duos mémorables en club. Ces deux artistes partagent bien le goût de l’imprévu, le sens de l’humour. Avec Symphony, Jean-Michel Pilc se présente au sommet de son art et nous offre un album profond qui réserve à chaque écoute, son lot de (délectables) surprises.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

 

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5 mars 2023 7 05 /03 /mars /2023 15:58

Mikkel Ploug (guitare), Mark Turner (saxophone ténor), Jeppe Skovbakke (contrebasse), Sean Carpio (batterie)

Copenhague, 25-27 avril 2022

Stunt Records STUCD 22112 / UVM

 

Très étonnant (et très réussi) parti pris de jouer pour l’essentiel, en les adaptant, des thèmes de deux compositeurs classiques danois : l’historique Carl Nielsen (à cheval sur le 19ème et le 20ème siècles) et le contemporain sexagénaire Bent Sørensen ; ainsi qu’une pièce pour piano et voix de l’Ukrainien Valentin Silvestrov (né juste avant la seconde guerre mondiale). Et aussi 4 compositions du guitariste. Il en résulte une indiscutable unité stylistique, qui tient autant au choix des pièces issues d’autres instrumentations qu’à l’arrangement, la mise en forme, et la mise en œuvre dans un contexte où le lien entre l’écrit et l’improvisé semble couler de source. Le guitariste chante ses lignes, ce qui rappelle un certain pianiste, mais cela coïncide totalement avec l’expression. On est en territoire de lyrisme intense, et pourtant tout est fluide, presque diaphane, une sorte de mystère en mouvement. L’extrême élaboration se devine, mais subsiste une impression d’évidence, une sorte de ‘naturel’ très construit qui nous donne l’illusion que tout coule de source : Grand Art, en quelque sorte. Le groupe, le choix du répertoire et les développements des solistes, nous transportent littéralement dans un ailleurs qui, même s’il éveille dans notre esprit souvenirs et analogies, résonne en nous comme un bonheur inédit.

Xavier Prévost

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4 mars 2023 6 04 /03 /mars /2023 19:39
PEDRON  RUBALCABA

PEDRON RUBALCABA

LABEL GAZEBO/L’Autre Distribution

Pierrick PEDRON Official Website

 

Vous ne devriez pas rester indifférents au nouvel album de l’altiste Pierrick Pedron en duo avec le pianiste Gonzalo Rubalcaba intitulé sobrement Pedron Rubacalba. Une alliance artistique inattendue mais espérée, voire fantasmée par le saxophoniste qui n’hésite jamais à traverser l’océan pour retrouver ses idoles jazz. 

Aucune composition originale cette fois, mais des standards recherchés avec soin dans l’histoire du jazz par le directeur artistique Daniel Yvinec et arrangés par le grand pianiste bop Laurent Courthaliac, l’une des plumes les plus raffinées actuelles. Autrement dit, une histoire quatre partenaires forment une belle équipe. Huit pièces denses et inventives avec leurs modulations brusques, leurs variations de temps et la même ferveur. Il suffit d’écouter et de voir la vidéo de "Lawns" par exemple pour être subjugué, sous le charme irrésistible de ce thème de Carla Bley, étiré lancoliquement par les deux musiciens qui s’accordent parfaitement.

Enregistré live en seulement deux jours, en juin 2022, au studio Oktaven de New York , ce CD est un album qui réussit le délicat équilibre du duo, sorti sur Gazebo, le label de Laurent de Wilde qui ne peut résister une fois encore à “un vrai disque de jazz”. Travailleur acharné et perfectionniste, Pierrick Pedron n’allait pas s’arrêter après son album de la maturité 50/50. Il se donne toujours toutes les chances pour réussir ses projets aussi divers qu’ambitieux. Réfléchissant à leur faisabilité, il a dû se résoudre cette fois à abandonner (pour le moment), un projet pharaonique qui aurait fait appel à un orchestre symphonique pour un nouveau défi, un duo piano-saxophone qui se révèle aussi opulent qu’une très grande formation.

L’aventure a commencé en studio, face à face, jouant sans casque mais non sans avoir préparé le terrain. Tous les arrangements étaient prêts, avaient été proposés au pianiste, ses suggestions avaient été intégrées. Quelque chose d’unique s’entend à l’énoncé de ces huit compositions réinventées de Jerome Kern (le délicat “The song is you”), Bechet (l'émouvant "Si tu vois ma mère"), Carla Bley (Lawns) sans oublier le moderniste Georges Russell le vif “Ezz-thetic” : un son unique émerge  qui ne trompe pas, car la formation en duo ne permet aucune esquive : on joue comme on est en répondant aux sollicitations de l’autre, dans un échange qui, s’il est réussi comme ici, est quasiment télépathique. En toute intimité et vérité. A nu.

Ils ont tous deux la même énergie créatrice, le talent de donner de l’ampleur à ces confidences, de faire jaillir des couleurs insoupçonnées, des climats plus insolites comme dans le standard de Bechet dont Woody Allen, dès le générique de son Midnight in Paris, se régalait d’illustrer le vibrato si spécifique par ces images-cartes postales. La plainte devient flânerie chaloupée puis chant exacerbé d’un saxophone à vif.

Le duo est en réinvention incessante, dans une mise en place parfaitement maîtrisée qui n’interdit aucune réaction instinctive aux suggestions du partenaire. Une liberté autorisée sous le contrôle de l’autre. Il faut bien connaître les règles et les arrangements pour les tordre à sa guise et à la convenance de l’autre, dans l’instant. Cet élégant dépouillement acoustique en duo fait ressortir l’entente parfaite, l’interaction immédiate.

Expressif et charmeur, le son de Pierrick Pedron l’est toujours, cette fois, il a travaillé des anches plus dures qui rendent le son plus moelleux et rond. L’accompagnement pianistique est tout aussi inventif, décalé, en brefs épanchements qui font mouche à chaque fois, comme dans ce “Dreamsville”d’Henri Mancini. Sur l'éruptif “Ezz-thetic” le piano devient orchestral. Dans cette autre très belle mélodie de Jérôme Kern “The folks who live on the hill”, le  piano se révèle impressionniste sur une pièce atmosphérique triste.

Cet album épatant marque la rencontre réussie de deux solistes généreux, puissants, soucieux de mélodie et de rythme qui nous entraînent dans une musique désirante. Ils ont visiblement pris du plaisir à interpréter ces pièces qui parlent d’attirance et d’abandon, comme dans le final de Billy Strayhorn “Pretty girl”, dédié à celui qui connaissait si bien cette musique, Claude Carrière. Un sans faute.

 

Sophie Chambon

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26 février 2023 7 26 /02 /février /2023 17:18

 

Jean-Christophe Cholet (piano, compositions & improvisations), Quentin Cholet (matières sonores)

Paucourt (Loiret), juillet-août 2021

Boris Darley (traitement du son)

Épineuil (Yonne), juillet 2022

Infingo INF320220 / l’autre distribution

 

Une entreprise très singulière. Ce disque est le second volet d’une trilogie, en cours, de piano solo. Le premier volet, «Amnesia», avait été conçu durant la parenthèse du confinement (chronique de Sophie Chambon sur le site des DNJ en suivant ce lien). Cette fois des improvisations solitaires ont été retravaillées avec des matières sonores de Quentin Cholet, et un traitement électronique de Boris Darley. Il en résulte une sorte de voyage intérieur, mais dialogué, amendé, avec les partenaires choisis. De plage en plage, on passe d’une introspection harmonique soudain nourrie de rythmes obsédants à une libre déambulation dans les douze demi-tons, puis à une solennité de choral du temps passé, et à une mélodie d’accords aux saveurs de standard, avant de plonger dans le dialogues des basses et des aigus, et ainsi de suite. De surprise en surprise, on devient captif de cette quête qui n’est pas la nôtre, et à laquelle, pourtant, nous sommes conviés. Intense, requérant, et nimbé d’une beauté mystérieuse….

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

Concert de sortie à Paris (18ème arrondissement) le 28 février à 20h à L’Accord Parfait, 47 rue Ramey

https://my.weezevent.com/animA-Jean-Christophe-Cholet

http://studiolaccordparfait.com

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25 février 2023 6 25 /02 /février /2023 17:57

JAMES BRANDON LEWIS : “The eye of I”

James Brandon Lewis (ts), Chris Hoffman (cello), Max Jaffe (dms)


Où il n’est plus question de tricher. Où il est question de mettre directement ses tripes sur la table.

Dans un style à la Sonny Rollins, le saxophoniste qui nous avait émerveillé avec Jesup wagon nous revient, comme toujours dans un format pianoless, avec un album qui est comme un choc au plexus.

D’abord par le son de James Brandon Lewis. Un son brut, comme projeté, envoyé en pleine face de celui qui écoute. Mais aussi et surtout par ce qu’il exprime par là-même. C’est tripal. Ça vient des profondeurs, ancré dans le sol, ancré dans une forme de blues entre le cri primal et l’envolée expressionniste. C’est fort, c’est incroyablement puissant ( the blues still blossoms)

Et oui l’héritage de Rollins est là ! Mais aussi celui d’Albert Ayler. De ceux qui se tenaient à la frontière ou bien carrément dans le free jazz ( Middle ground) comme expression d’une forme de colère ou d’engagement, c’est selon. Et il y a un peu de cela dans cet album, Il y a de l’incantatoire dans la musique de James Brandon Lewis. Comme un appel aux cieux. Un appel aux Dieux du jazz. Les motifs, presque chantants sont parfois répétitifs comme des sortes de scansion. Parfois c’est le ventre qui parle ou alors la colère dans un climat électrique.

Cet album-là ne peut pas vous laisser indifférent. Vous pouvez l’aimer ou le détester. Il n’empêche que c’est un jazz créateur d’émotions fortes qui dit bien plus que la musique. L’expression d’une force tranquille et renversante.

Jean-Marc Gelin

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22 février 2023 3 22 /02 /février /2023 18:21
KAMI OCTET      WORKERS-Une musique populaire

KAMI OCTET WORKERS Une musique populaire

Naï No Productions

WORKERS. Une musique populaire est un album conceptuel qui marque une nouvelle étape, peut être décisive dans le parcours de Pascal Charrier qui continue le travail commencé en octet avec Spring party sorti en 2018. Ses formations sont en évolution continuelle du quintet à l’octet depuis ses débuts en 2004, et déjà ses Human Spirals de l’Ajmi Series, en 2012. Mais une constante demeure dans l’aventure artistique de ce guitariste singulier, c’est sa conception de l’écriture musicale liée à une pensée politique et poétique en marche. Exils, migrations, quête désirée ou forcée d'un "ailleurs" étaient d’ailleurs le fil conducteur de l’album précédent.

Dans les climats voulus par le compositeur dominent orchestration et direction d'ensemble pour servir un état d'esprit militant que traduit une musique exaltée et souvent exaltante. Kami, c'est moi, mon ressenti, ma pensée politique, mon histoire. Si ce dernier album fut conçu en amont des mouvements de résistance actuels, il entre pourtant en résonance avec notre actualité politique par ce Strike au mitan de l’album, plus de 14 minutes qui nous plongent dans un bain de rythmes heurtés, de sons foisonnants, de chants.

On peut d’ailleurs considérer ce Workers sous deux angles, le premier étant l’engagement politique, l’aventure collective qui ne laisse jamais de côté les individus. Voilà un brûlot de l’exergue vigoureuse où Pascal Charrier ne mâche pas ses mots sans oublier le choix pour la pochette d’une iconique photo de Lewis Wickes Hine Workers on the Empire State Building aussi connue comme Icare au sommet de l’Empire State Building de 1931. Un hommage aux bâtisseurs anonymes de ce qui était alors l’immeuble le plus haut du monde. Une photo esthétique certes dont la dimension politique est indéniable. Le propos du guitariste est de nous faire souvenir des luttes de l’internationale ouvrière, des combats de la gauche américaine du début du XXème siècle, de ce mouvement prolétaire très actif qui finit souvent en répressions violentes après des grèves sanglantes. Et puisque le terrain musical de Pascal Charrier est le jazz, une expression éminemment populaire, il ne peut s’empêcher de lier le monde des ouvriers au travail à celui d’autres opprimés en lutte pour les droits civiques.

Si l’on s’en tient à la musique d'une réelle force narrative, il s’agit d’une performance d’une qualité opératique certaine qui commence avec “Le Bal Populaire” plutôt allègre, se poursuit par un intrigant “The Child” bruitiste, dans le souffle et le frottement où la tension est palpable pour culminer après “Le Printemps” en action dans ce “Strike” sur les mots de la chanteuse Emilie Lesbros hurlant la colère, la rage dans les cadences inhumaines de l’usine. On admire alors ce sens indéniable du collectif avec des interventions solistes très équilibrées, des unissons ardents et des contrepoints brûlants entre sax alto (Julien Soro) et trombone (Simon Girard); le piano percutant de Paul Wacrenier est toujours bienvenu, la rythmique exacerbée (Nicolas Pointard et Leïla Soldevilla) s'adaptant aux rythmes et tempos changeants selon les compositions qui prennent le temps de se développer. Le leader ne se taille pas la part du lion mais ses interventions soulignent les effets recherchés de timbres et de couleurs qui créent des tableaux sonores différents pour chaque titre.

Une réelle réussite dû au travail et à l’énergie du compositeur et au choix d'une belle équipe à l'aise dans ce laboratoire musical. On aime aussi le final optimiste d’une douceur exquise “L’ espoir” qui contraste avec la cacophonie survoltée de la matière en fusion de certains titres. Où la voix de la chanteuse se fond dans l’ensemble, enfin apaisée.

 

Sophie CHAMBON

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21 février 2023 2 21 /02 /février /2023 11:20

JAZZ FAMILY 2023

 

Quentin Braine (dms et compos), Charles-Eric Moreau (a, ts, ss), Killian Rebreyend (p), Romain Delorme (cb), Marc Nègre (g),

 

 

 

On ne sait pas ce que Quentin Braine, batteur et cycliste au long cours au confins de l’Europe a pu découvrir What’s beyond mais l’on jurerait à l’écoute de son nouvel album qu’il y a eu, dans ses pérégrinations des sourires, des visages rayonnants et du soleil à foison.

Car voilà un album qui nous arrive comme un immense moment de bonheur pur. De ceux qui en les écoutant apporte un plaisir intégral du début jusqu’à la fin. De ceux dont on se dit qu’il n’est pas l’heure de l’analyser mais juste de se laisser porter.

Car il est purement et simplement LU-MI-NEUX !

Pour son nouvel album, le batteur accompagné de ses jeunes camarades de jeu (tous excellents) livre des compositions à la criante évidence. Pas introspectif un seul instant, pas non plus dans une morne réflexion autocentrée, pas de structure aux contours complexes, juste la musique qui parle d’elle-même avec une formidable puissance évocatrice.

Tout y est réuni. des lignes mélodiques superbes, des paysages sonores à la Bill Frisell, des échapées de solistes qui prennent la tête du peloton, des arrivées au sommet.  Car ici la musique est tout sauf ramassée. C’est une musique des grands espaces et ça fait un bien fou. 

Et c’est jouissif parce que tout simplement beau.

Jean-marc Gelin

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21 février 2023 2 21 /02 /février /2023 11:16

Enregistré du 19 au 21 octobre 2018.
Palmetto Records - PM2208CD /L’autre distribution.
Paru le 3 février 2023.
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    Heureuse surprise que cet enregistrement conservé depuis quatre ans, la rencontre en club de deux artistes qui se connaissaient déjà à l’époque depuis cinq ans. Autant dire que le courant passe entre Fred Hersch et esperanza spalding (ndlr : écriture en minuscules à la demande de la musicienne), distingués de longue date par la communauté musicale (5 Grammys pour elle et double lauréat de l’Académie du Jazz, 2001 et 2015, pour lui).


     Ici, portés par l’ambiance du Village Vanguard, Fred Hersch, au piano, et esperanza spalding, au chant (délaissant son instrument de prédilection, la contrebasse) déroulent leur art en toute liberté, avec fluidité et légèreté. Etait-ce dû au fait que l’une et l’autre traversaient une période difficile dans leur vie personnelle ? Toujours est-il qu’ils atteignent une certaine forme de sérénité, donnant même par instants un aspect primesautier à leurs interprétations, comme dans Girl talk (Neal Hefti/Bobby Troup).


    Le répertoire révèle l’éclectisme des duettistes : du Monk (Evidence, et une composition du pianiste Dream of Monk), un des musiciens préférés de Fred Hersch) mais aussi du Parker (Little Suede Shoes), des standards (But Not For Me, des Gershwin, Some Other Time de Cahh-Styne) et une autre composition signée Hersch (A Wish) avec des paroles dues à une chanteuse-culte, princesse de l’intime, Norma Winstone.

    « Fred prend son dévouement à la musique aussi au sérieux que la vie et la mort, mais une fois que nous jouons c’est juste amusant » commente dans le livret esperanza. « esperanza ? une chanteuse intrépide », répond en écho Fred.


    Avec « Alive at Village Vanguard », Fred Hersch et esperanza spalding nous offrent une nouvelle réussite dans la catégorie duo pianiste-chanteuse, rejoignant ainsi les tandems mixtes de haute volée qui ont marqué l’histoire du jazz, Helen Merrill-Gordon Beck ou Jeanne Lee-Ran Blake. Downbeat leur a consacré la « une » de son édition de janvier. Un choix que nous partageons sans réserve.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

 

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21 février 2023 2 21 /02 /février /2023 10:47

Andy Emler (compositions, piano, direction), Laurent Blondiau (trompette), Guillaume Orti & Philippe Sellam (saxophones altos), Laurent Dehors (saxophone ténor, clarinette basse), François Thuillier (tuba, saxhorn), François Verly (percussions), Éric Échampard (batterie), Claude Tchamitchian (contrebasse), Nguyên Lê (guitare)

Pernes-les-Fontaines, 29-31 août 2021

Label La Buissonne RJAL 997044 / PIAS

 

La veille de l’enregistrement, en août 2021, les spectateurs du festival Jazz Campus en Clunisois avaient eu la primeur de quelques extraits de ce nouveau programme. Et il avait déjà été donné en décembre 2020, pendant le deuxième confinement, pour un concert sans public au Triton, capté en vidéo et accessible sur le site en janvier 2021 (https://vod.letriton.com/les-concerts-en-replay/19122020-20h30.html). Puis repris en juillet 2022 au Festival Radio France Occitanie Montpellier.

J’avais écouté cette musique au Triton puis à Montpellier, mais l’écoute du CD fut pour moi comme un bonheur tout neuf.

L’écriture hardie, exubérante, est toujours là, au service des membres du groupe, choisis autant pour leur singularité que pour leur sens du jeu collectif. Et la présence de Nguyên Lê, en invité sur les deux dernières plages, est plus qu’un clin d’œil aux origines de l’orchestre : le guitariste, tout comme François Verly et Philippe Sellam, était dans le groupe avant même qu’il ne s’appelle MegaOctet.

Mais l’écriture n’est pas qu’exubérante : elle traque la profondeur, l’émotion et la complexité, tout en demeurant toujours au plus près de la sensation immédiate. C’est comme un tour de force, et sans doute un manifeste de ce que l’art (le Grand Art) doit être. La diversité des modes de jeu des solistes se fond dans un acte totalement partagé. Et la composition intègre tous les langages (et ils sont nombreux!) où Andy Emler se plaît à gambader. Mais ce qui tend à prévaloir, c’est la volonté du leader de magnifier le groupe, et ses membres, par son écriture comme par sa direction d’orchestre. Exemplaire en somme, et profondément jouissif !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

Le MegaOctet sera en concert à Paris le 12 mai au Pan Piper. Et le 16 mai, au Centre des Bords de Marne (Le Perreux-sur-Marne) l’orchestre rencontrera le hip-hop avec la compagnie Lady Rocks

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