« J’ai toujours aimé la diversité, l’ouverture », nous confiait en 2012 Philippe Sollers.
L’écrivain, disparu le 5 mai à Paris à l’âge de 86 ans, restera comme l’un des auteurs majeurs de la littérature française qui aura exercé ses talents multiples dans tous les genres.
« Philippe Sollers était un amoureux des beaux-arts, de la musique et des lettres, célébrant le sacré d’ici-bas », a salué sa maison d’édition, Gallimard.
Issu d’une famille d’industriels bordelais, diplômé de l’Essec, Philippe Sollers (nom de plume de Philippe Joyaux), voit son premier roman « Une curieuse solitude » publié à 22 ans en 1961 encensé par deux sommités du monde des lettres, Louis Aragon et François Mauriac.
Mais l’œuvre de cet esprit brillant et bretteur riche de plus de 80 titres, comprend aussi des essais, monographies, biographies portant sur la philosophie (Nietzsche), la peinture (Fragonard, Cézanne, Picasso, Bacon, De Kooning), la littérature (Sade, Rimbaud, Proust) et ce qui n’était pas le moindre, la musique. S’il adorait Mozart, Stravinsky, Webern, Philippe Sollers se montrait aussi admiratif de Miles Davis (« un anarchiste chinois. Il me fait penser à Apollinaire un soir de demi-brume à Londres » in 'La guerre du goût'.1994) et de Thelonious Monk. A propos du compositeur de Misterioso, Crepuscule with Nellie, l’écrivain confiait (propos repris dans 'Mystere Monk' de Franck Medioni. Ed.Seghers.2022) : « Monk c’est la folie maîtrisée, la destruction de l’instrument par l’intérieur, la vraie fausse note vraie ».
Le label de l’ingénieur du son-musicien Jean-Marc Foussat a publié récemment deux nouveaux disques, où il dialogue avec Urs Leimgruber et Carlos Zingaro d’une part, et avec Sylvain Guérineau d’autre part ; et deux rééditions venues l’une du label In Situ, qui rassemble Daunik Lazro, Carlos Zingaro, Sakis Papadimitriou & Jean Bolcato, et l’autre du label Potlatch, qui associe Daunik Lazro, Carlos Zingaro, Joëlle Léandre & Paul Lovens
Qu’est-ce qui, de l’envol ou de la chute, détermine le cours des choses, et de la musique donc. «Le mystère des choses, où est-il ?» nous dit le poème de Fernando Pessoa, sur le livret du CD. Ne le cherchons pas, laissons venir à nous ces sonorités vibrantes de sensations et d’images. Elles nous conduisent au terme du poème : «Les choses n’ont pas de signification : elles ont de l’existence. Les choses sont l’unique sens occulte des choses»
LAZRO-ZINGARO-PAPADIMITRIOU-BOLCATO «PeriΦeria»
Daunik Lazro (saxophones alto & baryton), Carlos Zingaro (violons électrique & électro-acoustique), Sakis Papadimitriou (piano), Jean Bolcato (contrebasse & voix)
Dans le texte du livret le pianiste Sakis Papadimitriou évoque l’origine du titre en grec ancien, et tout ce qu’il transporte de sens induit, de rêves et de dérives. Entre le périmètre du cercle, le fait de porter la vie ou le sens, l’odyssée d’Ulysse ou le tournoiement du derviche, c’est un espace ouvert, et donc libre, qui s’est offert aux musiciens. Tous ensemble , ou par dialogues transversaux, ils nous entraînent dans cette liberté, la leur, qui devient nôtre autant que nous choisissions de les suivre. Le plaisir et la surprise sont au bout du chemin. Suivons-les avec bonheur.
MADLY YOU
Daunik Lazro (saxophones alto & baryton), Carlos Alves ‘Zingaro’ (violon), Joëlle Léandre (contrebasse, voix), Paul Lovens (contrebasse, scie musicale)
Pour évoquer cette musique, simplement citer cet extrait du livret, signé P.L. Renou : «Deux secondes à peine ont suffi à Joëlle Léandre, Daunik Lazro, Carlos Zingaro et Paul Lovens pour parapher d’une main collective ce silence d’avant la musique, dont la déchirure, si elle ne procède pas de lui, la soumet aux emprunts arbitraires qu’on a dits, qui l’inféodent aux langages communs, l’adressant ainsi à une oreille commune». Tout est dit, qui nous prépare à écouter ce nouveau miracle de l’improvisation collective, dont le quartette a cultivé dès longtemps le secret
Bobo Stenson (piano), Anders Jormin (contrebasse), Jon Fält (batterie, percussions)
Lugano (Suisse), avril 2022
ECM 2775 / Universal
À chaque fois que je découvre un nouveau disque de Bobo Stenson, je suis tenté de penser, et donc d’écrire, que c’est l’absolue quintessence du trio. On peut aussi le dire, ou l’avoir dit, de quelques trios dans l’histoire de cette musique. Pourtant, si je persiste et signe, c’est qu’il y là une singularité précieuse, une espèce de magie indécodable, tant le niveau d’interaction est confondant. Je m’explique : ce serait une sorte d’avers, ou de revers, selon qu’on l’interprète, de la conception du grand Ahmad Jamal qui vient de disparaître. Chez Jamal le fonctionnement du trio obéit à une construction tellement minutieuse qu’elle paraît corsetée. Ici c’est tout l’inverse, et c’est pourtant d’une rigueur folle. À ceci près que cela semble couler de source, jaillir d’une connivence partagée, et non d’une volonté de leader. Sur des thèmes empruntés aux compositeurs de musique dite savante des différentes patries nordiques, de Sibelius à Per Nørgård en passant par Sven-Erik Bäck, le programme se déploie. Mais il y a aussi une mélodie d’un musicien sud-coréen, et deux compositions du contrebassiste Anders Jormin, dont la très belle Unquestionned Answer, miroir de Unanswered Question de Charles Ives (à qui ce thème est dédié). Bobo Stenson n’a cette fois pas composé, mais chaque plage recompose en propre ce qui n’appartient qu’à lui, et évidemment à ses deux précieux partenaires, magiciens des nuances. Et la sonorité du magnifique studio-salle de concert, tout de bois habillé, de la radio suisse de langue italienne (RSI), où ECM aime à venir enregistrer, participe évidemment de cette troublante beauté. Grandiose !
ECM 2023 Joe Lovano (ts), Marilyn Crispell (p), Carmen Castaldi (dms)
Le 3ème volume du trio Tapestry pour le label de Manfreid Eicher paraît ces jours-ci. Et, à nouveau c'est une pure merveille.
Comme pour les deux volumes précédents, tout est ici fait d'écoute mutuelle des trois musiciens totalement en phase et fusionnels. Comme Joz Lovano le dit lui-même dans le texte de présentation, l'atmosphère est au mystère et aux limbes féeriques.
Ce volume 3, conçu autour des compositions du saxophoniste est presque un moment mystique. Alors que d’autres voient en la transe l’expression d’un mysticisme fort, ici c’est tout le contraire. Toute la spiritualité de l’œuvre repose dans son minimalisme, dans les silences qui précèdent ou suivent le son (Rythm spirit). Et c’est bien dans cette démarche spirituelle que les trois membres du trio, à force d’écoute télépathique, façonnent le son et dessinent l’espace. Et ce n’est pas un hasard si ce trio se nomme « Tapestry » ( tapisserie). Car c’est comme si fil à fil, il construisaient ensemble une forme délicate, forte et incroyablement fragile en même temps.
On a encore en tête d’avoir écouté ce trio un soir à Nevers. Ce qui prédominait était une forme de recueillement quasi-religieux. Comme une sorte d’élévation.
Laissez vous embarquer dans ce jazz atmosphérique. C'est envoûtant. Jean-marc Gelin
64 pages. 13 euros. Editions de la Philharmonie, collection Supersoniques.
Paru le 16 mars.
Un point de prime abord subalterne mais capital pour l’inventeur d’un synthétiseur qui plut tant à Sun Ra, Herbie Hancock ou encore… Stanley Kubrick. Son nom, Moog, doit se prononcer Mogue (comme Vogue), compte tenu de son origine hollandaise, et non Mougue, comme le font la plupart des gens. « Il faut croire que la prononciation en « ou » colle trop parfaitement avec le son produit par ses machines », observe Laurent de Wilde, auteur de cette courte et pétillante biographie de Robert Moog (1934-2005) « mise en images» (20 pleines pages) par un créateur de bandes dessinées, Yvan Guillo, alias Samplerman.
L’ancien élève de Normale Sup s’est délecté à retracer le parcours de ce new-yorkais, fils d’un ingénieur électrique, qui donna naissance à ces drôles de machines qui font « VZZIIOUNG » ou « WOOOAAAOUH ». Le pianiste-compositeur avait fait ample connaissance avec Robert Moog en préparant « Les fous du son » (Grasset 2016), guide au pays des inventeurs qui créèrent de la musique avec de l’électricité, d’Edison à Rhodes, Kakehashi, Zinovieff, Martenot…
Branché sur les sciences et la musique dès son adolescence, Bob Moog va ainsi s’atteler à produire du son avec de l’électricité mais aussi des transistors et un haut-parleur. Les appareils qui sortent des ateliers R.A Moog à Trumansburg (New-York) vont séduire nombre de musiciens et pas seulement dans la sphère du rock et autres sons psychédéliques. Une certaine Wendy Carlos reproduit ainsi au Moog un Concerto Brandebourgeois de Bach. Un choc. Sorti en 1968 par Columbia, "Switch on Bach" remporte quatre Grammy Awards et dépasse le million d’exemplaires vendus. Même succès trois ans plus tard avec la commande de Stanley Kubrick pour la bande son d’"Orange Mécanique", qui « passe Beethoven à la moulinette du synthé ».
Inventeur révéré, fuyant les honneurs, Robert Moog, laisse à son brutal décès à 71 ans une entreprise solide. Le fruit des valeurs professées par son fondateur, souligne Laurent de Wilde, « la curiosité, le sérieux ou l’humour selon la nécessité, l’inventivité, le travail en équipe, l’absence de dogmatisme, la perpétuelle recherche de l’amélioration ».
Praticien des claviers (acoustique, électroniques), musicologue, Laurent de Wilde a su fouiller dans les entrailles des Moog et sonder l’esprit de Bob pour nous faire vivre une aventure qui met la science au service du son. Une lecture captivante qui donne envie d’écouter toutes les curieuses musiques générées par ce Messie du son.
Jean-Louis Lemarchand.
A noter que le Moog est à l’honneur dans le dernier album de Thierry Maillard « MOOG PROJECT » (Ilona-L’autre distribution) qui sera présenté en concert le 4 mai au NEW MORNING (7510).
Alexandra Lehmler (saxs), Franck Tortiller (vb) Comme un dialogue qui se tiendrait sur les ailes des anges. Où les mélodies tutoient les nuages. Cette rencontre entre le vibraphoniste et la saxophoniste allemande est un éloge de la douceur et de la tendresse. Tout l'inspire. Que ce soit le verbe (musical) ou l'écoute. Il y a une dans cette rencontre une forme de sensualité à fleur de peau. Un peu à la manière de calligraphes ils dessinent tous les deux des courbes musicales avec une maîtrise dépouillée de tout autour superflu. Alexandra Lehmler dessine ainsi les notes avec la finesse d'un maître zen. Et quand ça groove, Franck Tortiller au vibraphone et elle au Baryton c'est avec une souplesse de chat, à pattes de velours (L'innocence du cliché). On a fortement envie de se mêler à ce dialogue, en spectateurs charmés. Reste à programmer ce beau duo en France. A bon entendeurs ! Jean-Marc Gelin
La vie, ce n’est pas du cinémaa-t-on coutume de dire mais Laurent de Wilde a le sens des tournures et des renversements : dès la pochette, le trio bien calé dans les fauteuils rouges d’une salle obscure voit défiler les images d’un film qui n’a pas l’air de leur déplaire...Le film de leur vie?
Dans ce nouvel album Life is a movie défilent sentiments et émotions les plus divers, exactement comme dans le film d’une vie, traduits en une suite de morceaux différents par leur rythme et leur thème...
Producteur heureux, Laurent de Wilde revient en toute confiance à l’art du trio acoustique, avec ses partenaires de jeu dans cette formule depuis dix ans, le contrebassiste Jérôme Regard et le batteur Donald Kontomanou. Une alchimie perceptible dès qu’ils se retrouvent. L’album devait s’appeler “Back On The Beat” (le deuxième titre au riff entraînant, en hommage à Ramsay Lewis)pour célébrerla sortie d’un alitement forcé de plusieurs mois. Un retour à un jazz essentiel, existentiel après un accident de moto pour un Laurent de Wilde mûri, peut-être assagi. Dans une réinvention permanente de sa musique, il se réenracine dans le jazz qu’il n’a jamais vraiment quitté mais qu’il explore de toutes les façons possibles. Car ce fou des sons sait traduire à merveille son imaginaire en musique!
Les neuf compositions se ressentent d’une gestation particulière, les sons et rythmes propageant l’élan d’une tension créatrice. Comme si le pianiste, spectateur de sa propre histoire, était le personnage d’un film qu’un autre aurait écrit.
Maître du jeu- il a créé son propre label Gazebo- il peut ainsi, en producteur heureux, enregistrer son travail et celui d’amis talentueux, les saxophonistes Géraldine Laurent, Pierrick Pedron, le pianiste Paul Lay. Il a choisi d’enregistrer cette fois, non dans son home studio, mais au studio Gil Evans d’Amiens (lié à l’ historique label Bleu ) qui dispose d’un piano magnifique et de cellules pour isoler chaque membre du trio.
"La Vague qui ouvre l’album, composée en pensant à la mer, commenceet finit dans un clapotis de marée basse ou “grave”, précise De Wilde dans des liner notes très bien conçues qui donnent les clés de chaque composition tout comme les teasers de l’album intelligemment montés. Ce flottement, cette incertitude se poursuivent dès l’attaque des cordes de la contrebasse dans “Life Is A Movie” proposé par Jérôme Regard comme titre définitif.
L' album contrasté, souvent intrigant est à la fois cohérent et pluriel. Atmosphères et climats diffèrent comme autant de paysages mentaux dans une partition intime et retenue, presqu’autobiographique : après cette intranquillité vitale, la mélancolie s’empare du pianistedans cette incroyable composition “les Paradis Perdus” quiglisse entre nostalgie et rêverie positive avec un son particulier de kora. C’est la patafix dans les cordes du piano qui produit cet effet où les cordes de la basse, en tressant leur motif s’enroulent au piano.
Rupture de rythme dans le vif “Easy Come Easy Go” dont les paroles peuvent être chantées sur le pont, comme un mantra. Après les roulements en introduction du batteur, toujours pertinent et léger qu’il soit aux balais ou aux baguettes, le piano chemine allègrement, allant bon train jusqu’au prochain artefact, accident du destin qui se traduit par un “Inner roads” plus sombre et néanmoins limpide. Musique de résilience que suit le sursaut, l’excitation du retour à la vie avec la conviction et l' énergie dégagées sur “Get Up And Dance”, hommage au grand Fela Kuti et à son Afrobeat pulsé par Tony Allen. Groove assuré! Changement de tableau, le jazz flirte avec la chanson d’amour sur “Liane et Banian” en souvenir du duo envoûtant formé avec Ray Lema.
Life is a moviese termine sur la scansion d’un poème mis en musique “Mes Insomnuits” suffisamment explicite.
On reste sur la force vitale que dégage le trio, l’ouverture d’esprit et de goût, l’humour partagés. Comme au cinéma où l’on savoure chaque instant en voulant retarder la fin, en espérant encore unsursis. Un memento mori en somme qui aide à vivre.
Plus de dix ans après le disque «Goldberg Variations / Variations», enregistré en 2011, Dan Tepfer revient vers Bach, et cette fois pas pour improviser sur chacune des pièces originelles après les avoir interprétées ‘dans le texte’. La caractéristique des Inventions de Jean-Sébastien Bach, c’est qu’elles ne sont qu’au nombre de 15 (BWV 772 à 786). Au lieu de donner 12 inventions en majeur et 12 en mineur, sur les 12 degrés de la gamme chromatique, Bach avait laissé de côté 9 tonalités et modes. Et le projet, aussi artistique de ludique, a consisté pour Dan Tepfer à proposer ses ré-inventions sur chacune des tonalités délaissées. Il en résulte une sorte de voyage, à la fois musical et spirituel, dans le passé de l’histoire et dans le présent de l’improvisation. Et l’esprit du jazz est bien là, où se jouent les relations entre l’écrit et l’improvisé, le familier et l’étrangeté de l’objet neuf qui surgit d’une impression, d’un désir, d’une émotion ou de laconnaissance intime de la musique. Cérémonie secrète peut-être, c’est en tout cas fascinant, et intensément jouissif, pour le mélomane sans œillères que tente d’éveiller - ou de réveiller - en nous, le pianiste.
Xavier Prévost
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Un avant-ouïr sur Youtube :
Dan Tepfer : Invention improvisée en Ré bémol mineur
ALAIN JEAN-MARIE : " créole promenade" Paradis improvisé 2023
Alain Jean-Marie et la ballade créole.
Cela fait un bail qu'Alain Jean-Marie continue inlassablement d'explorer les merveilles de la biguine. Toute la série des " biguine réflexions" porte, depuis des années le témoignage de son amour fraternel pour cette musique aux mélodies chaloupées dont il ne cesse de magnifier les phrases en pas de danse relâchés.
Alain Jean-Marie est assurément l'un de nos plus grand pianiste. C'est bien simple : il respire le piano. Qu'il soit en solo ou en sideman derrière quiconque (souvent des chanteuses), il sublime tout par son sens de l'interprétation. On l'avait entendu récemment avec la série des At Bartloyd's. Aujourd'hui c'est pour le label d'Hélène Dumez consacré aux pianistes qu'il nous revient sur un répertoire qui, plus que tout autre lui est intimement chevillé au corps. Et c'est un album immense ! Un véritable masterpiece pour tout pianiste qui se respecte. Avec Alain Jean-Marie c'est tout un univers intime qui prend corps sous ses doigts. Cela parle d'enfance, cela parle d'amour, cela parle de danser, cela parle en dansant et cela joue en faisant chanter les notes. Mais il y a plus que cela. Il y a de la profondeur dans son jeu. Une sorte de profondeur de l'âme. Un expressionnisme fort et puissant. Et cette façon de tenir la pulse de la main gauche sur un rythme caribéen (jocade et marie Thérèse) comme sur un blues sombre (morena's reverie) ! Il y a là une vraie déclaration d'amour du pianiste pour ses terres, pour son soleil antillais et ses racines caribéennes. Amour dont il n'a jamais cessé de déclarer la flamme. A sa façon (jamais égalée) Alain Jean-Marie avec son propre patrimoine écrit des pages de l'histoire du piano jazz. C'est immense et la marque des très grands.
Ecouter Alain Jean-Marie c'est comme boire un ti' punch face à la mer turquoise.
Caracol, théâtre l’Echangeur, Bagnolet (93). Juin 2022.
Collectif Surnatural / L’autre distribution.
Paru le 31 mars 2023.
En 2025, il sera célébré le centième anniversaire de la disparition d’Erik Satie, compositeur inclassable, atypique. Prenant de l’avance sur les hommages de la sphère musicale, le saxophoniste ténor Fabrice Theuillon s’est allié au pianiste Yvan Robilliard, pour réorchestrer treize œuvres, de courtes pièces, du normand né à Honfleur (1866) et décédé à Paris, « miné par les désillusions, la misère et l’alcool » (François Hudry).
On y retrouve des titres qui prêtent à la mélancolie et d’autres qui prêtent à sourire. Les deux comparses reprennent ainsi les premières œuvres pour piano qui assurèrent le succès d’Erik Satie, la Gymnopédie n°1 (1888), deux Gnossiennes, les 2 et 4 (1890) ou encore un des Airs à faire fuir (1897). Mais aussi des Nocturnes (1 et 3) et des airs moins connus tels que Sévère réprimande ou Affolements granitiques.
L’album est titré IKIRU dans une évocation du film éponyme d’Akira Kurosawa (‘Vivre’ en français) sorti sur les écrans en 1952 et inspiré en partie par le roman ‘La mort d’Ivan Illitch’ de Léon Tolstoï. Un scénario qui peut ainsi se résumer à gros traits la prise de conscience d’un modeste fonctionnaire atteint d’un lourd cancer qui choisit de vivre dès lors sans entraves ses derniers instants sur terre.
Avec ‘IKIRU plays Satie’, Fabrice Theuillon (Surnatural Orchestra, PYG, The Wolphonics), à l’origine du projet, nous plonge dans un univers où l’étrange cohabite avec l’intime.
Un album grave et léger qui va à l’essentiel en moins de 45 minutes. Nous sommes au cœur de l’œuvre de ce compositeur hors des sentiers ‘battus, surnommé par certains ‘Esotérik Satie’. D’ores et déjà, une des belles découvertes discographiques de 2023.