SIMON MOULLIER ISLA
Auto production
Sortie le 17 Février
Simon Moullier - Isla (Teaser 1) - YouTube
Simon Moullier - Isla (Teaser 2) - YouTube
Si son Spirit song nous avait semblé prometteur, le Countdown suivant avec un trio particulièrement percutant nous avait comblé avec ces reprises si personnelles de standards. Avec ce nouvel album, nous suivons toujours l’artiste dans son parcours, il renouvelle une fois encore sa manière, le thème et l’équipage: il s'agit d'une aventure en quartet avec piano et vibraphone, basse et batterie ( loin pourtant de la tradition instaurée par le Modern Jazz Quartet) ne gardant de son précédent album de 2021 que le batteur Jongkuk Kim. Simon Moullier nous embarque avec Isla, son troisième CD en leader, dans le monde de son enfance, une île au coeur de l’Atlantique, au large du Finistère. On est dans le ressac dès le vigoureux “Empress of the Sea” qui ouvre l’album, une valse qui tournoie en hommage à cette mer qui peut s’agiter sans être jamais cruelle.
Vibraphoniste virtuose qui vit à New York, adoubé par les plus grands, il reste fidèle à son imaginaire d’embruns et de vibrations. Une formule colorée, dépaysante qui ne tend plus vers l’Afrique comme dans son premier album Spirit Song où il intégrait le balafon mais dépeint l’insularité. C’est tout un art de la nuance, infiniment précieux, qu'il distille dans des compositions spatiales aux envolées envoûtantes dues à un véritable savoir-faire maillochique.
A la première écoute, les huit titres de la plume du leader à l’exception de deux standards, forment une suite très cohérente, un tableau saisissant qui donne une assez belle idée de son paysage musical imaginaire. Il est habile à tirer partie de sa palette sonore, des timbres et couleurs de sa formation. L’alchimie de cette musique tient au subtil dosage des interventions du contrebassiste discrètement brillant Alexander Claffy comme du pianiste Lex Korten dans un authentique travail de placement et de répartition des rôles. Le vibraphoniste donne souvent l’impression de se muer en un soufflant : on entend alors son chant, plus attentif à la mélodie qu’à la percussion sur “Phoenix eye”. Une nouvelle tendance des vibraphonistes actuels? On est alors sensible à cette gourmandise qu’il nous offre très vite et qui va droit au coeur, cette version de “You go to my head”, transformée en un boléro enchanteur. Car Simon Moullier a écouté Billie Holiday. Et il cherche bien à tordre les notes avec son instrument pour obtenir une qualité plus vocale dans son phrasé.
D’une qualité atmosphérique certaine, construites sur des impressions parfois fugaces, les compositions sans débauche d’effets, de rythmes ou d’ornements ont une vraie grâce. Ancré dans la tradition jazz, ça groove aussi comme dans cet “Heart” final, plus doux, intime où on se retrouve en territoires heureux.
On reconnaît la manière sensuelle et sensible, enjouée de l’ensemble d'une belle fraîcheur de ton. Au risque de ne pas me renouveller, je persiste à trouver le nouvel opus élégant quand il se coule dans l’univers rêvé du leader. Cet espace sonore du vibra sait étirer, voire suspendre le temps comme dans le titre éponyme.
Sophie Chambon