Grand Prix Jazz à CÉCILE McLORIN SALVANT pour son disque 'The Window' (Mack Avenue / Pias)
Grand Prix Blues au groupe DELGRES pour son disque 'Mo Jodi' (PIAS)
JORDI PUJOL, du label Fresh Sound, a reçu un Prix in honorem pour son travail sur l'édition phonographique et les rééditions, depuis 1983, et en particulier pour ses récentes publications de rééditions et d'inédits du jazz français des années 40 à 60.
JOËLLE LÉANDRE a reçu un Prix in honorem en musique contemporaine pour l'ensemble de son parcours musical,à l’occasion de la parution récente de 'Double bass', ( B. Jolas, G. Scelsi, J. Cage, J. Druckmann, J. Léandre par J. Léandre) (Empreinte digitale). Elle a publié également cette année plusieurs disques de musique improvisée
L'harmonica est un instrument trop rare dans le Jazz, il n'en reste pas moins l'un des plus expressif et des plus puissant sur le plan émotionnel…
Laurent en est l'un des représentants les plus accompli et respecté à ce jour, alliant une technique instrumentale rarement atteinte sur cet instrument à un son qui emporte et fait rêver, au travers d’un répertoire plantureux (compositions, standards, arrangements, reprises …), où Il invite à (re)découvrir ce superbe instrument qu’est l’harmonica chromatique.
Quelques repères biographiques et discographiques :
… Ou l’histoire d’un gamin de douze ans qui tombe amoureux d’un son et d’un instrument. Il l’a d’abord entendu dans les salles de cinéma, et c’est le cadeau qu’un ami lui fera d’une cassette d’enregistrements de Toots Thielemans qui le fera définitivement entrer en religion !
Né à Paris en 1970, son apprentissage musical commencera finalement assez tardivement, vers l’âge de 18 ans. Dans sa chambre avec les disques tout d'abord, puis dans le métro parisien où il gagnera sa pitance en musique (de 1990 à 1994) puis au sein de différentes formations de blues et de rock, Peter Kingsbery (ex Cock Robin), Mighty Sam Mac Laine, Adrian Burns, Sittin Blues.
Ses principales influences sont à chercher du côté de Sugar Blue et Sonny Boy Williamson, mais il a également beaucoup écouté Big Walter Horton, Little Walter, Paul Butterfield … et Toots, bien sur.
L'envie de jouer du jazz l’amène à suivre pendant un semestre une formation plus théorique au C.I.M. de Paris (1994), puis il s'installe a Bordeaux au début de l'été 1994 et commence à faire ses armes et jouer avec les Jazzmen locaux... Avec les encouragements de Toots Thielemans et la complicité de Do Harson (compositeur-arrangeur), il réalise un premier album* « Mano a Mano » en s’entourant du trio de Francis Lockwood en décembre 2001.
Les étapes de sa progression s’enchainent alors à l’avenant:
- Il est double lauréat du concours international d’harmonica de Trossingen (Allemagne)**, en 2001, dans les catégories chromatique libre et jazz chromatique.
- Il intègre en 2004 le “CMDL” de DIDIER LOCKWOOD. La rencontre qu’il y fait avec ORLANDO POLEO, un maitre de la percussion, est un virage important dans sa carrière : il le rejoindra dans son nouveau projet, l’AfroVenezulian Latin-jazz Quintet, (avec Gerardo di Giusto (Arg), Felipe Cabrera et Glukmil Perez (Cuba), Orlando Poleo (Venez.)), dont les engagements les amèneront à se produire dans toute l’Europe (festivals de Genève, Lausanne, Séville, Paris, nombreux clubs …).
- Il réintègre les studios en septembre 2006 pour participer à l’enregistrement de l’album « should I stay » de la jeune et talentueuse chanteuse Clem, (sur des compositions de la leader et des arrangements de Felipe Cabrera, pour le label japonais DIW Records), qui l’engage également dans son quintet (tournées en Suisse, Luxembourg, Allemagne), puis en novembre de la même année sur l’album « 7waves » d’Yves Carbonne (Alternity Records, USA).
La poursuite de l’amicale collaboration avec Orlando va l’entrainer dans une filière Caraïbe et Vénézuélienne aussi enrichissante que dépaysante, en particulier en juin 2007 à Caracas (Venezuela) pour le festival international de musique afro-américaine, le « FITA » où ils partageront la scène avec la Descarga Criolla (plateau réunissant les plus grands artistes vénézuéliens du moment) ...
En 2010 l’appel du large l’emmène en Asie (Chine, Corée) , où il développe une carrière de leader et partage la scène avec les plus grands artistes de jazz locaux (Xiajia, Moreno Donadel, Beibei, zhangke , Kim Jeeseok, Kim Minchan, Kim Dae Ho, Wonsool Lee, Vian , Jo Jung Hee...) . Il s'installe principalement a Beijing et Seoul et tourne dans toute l’Asie, en Chine, en Corée et en Mongolie (Shanghai, Taiwan, Oulan Bator, Hanoi, Wuhan, Tianjin, Nanjing, Guangzhou, Jarrasum, Daegu, Chunchon ...).
En 2016 il revient s'installer à Paris et depuis joue dans les clubs et festivals Français tout en continuant ses collaborations et tournées à l'étranger (Concert a l'opéra house de Oulan Bator et Festival de Chalon en champagne en mars 2017 ...).
La période récente le voit enregistrer un nouvel album en leader (2018) et participer à celui d’un quartet original, associant les flutes d’Emilie Calmé à son harmonica (2017) :
YOUPI 4tet, ‘No Man’s Land’, avec Émilie Calmé (flûtes, bansouri), Ouriel Ellert (basse électrique) et Curtis Efoua Ela (batterie). 2017. InOuie Distribution.
Laurent MAUR, ‘La Dernière Danse’, avec Mario Canonge (piano), Felipe Cabrera (basse), et Pierre Alain Tocanier (batterie), avec l’amical soutien de Richard Galliano, Alain Jean-Marie, Jean-Jacques Milteau et Marc Berthoumieux. 2018. MAQUIZ’ART.
* Laurent MAUR, ‘Mano a Mano, Harmonica with strings’. 2002. CRISTAL Records.
Daniel Goyone (piano), Thierry Bonneaux (vibraphone, percussions)
Pernes-les-Fontaines, 25-27 septembre & 20-23 novembre 2017
Music Box Publishing A 442 / InOuïe Distribution
À la première écoute, à cause peut-être de la plage 1, Baba Rumba, qui exhume le souvenir d'Armando's Rhumba, et aussi en raison de la clarté mélodique, et du dialogue avec le vibraphone, on pense à Chick Corea. Mais c'est un leurre. Daniel Goyone est un brouilleur de pistes, un musicien qui maraude sur les sentiers transversaux, offrant ses talents mêlés de pianiste et de compositeur au jazz, aux musique latines et indiennes, ou à la chanson de qualité. Goût revendiqué de la musique française du début du vingtième siècle (dont une plage-clin d'œil à Erik Satie), mais aussi exploration hardie des combinaisons rythmiques les plus audacieuses, tout chez lui respire l'esprit d'indépendance. Écriture soignée, espaces improvisés quand le déroulement le requiert, le musicien garde la maîtrise de son projet, en harmonie totale avec le vibraphoniste-percussionniste Thierry Bonneaux, complice de longue date. Il en résulte un disque résolument inclassable, et qui manifestement se revendique comme tel. Alors rangez votre étalonneur de catégories musicales, oubliez votre tendance à la taxinomie, et profitez du plaisir qu'offre ce disque singulier et totalement réussi.
Xavier Prévost
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Sur Youtube, extraits et élucidation par le pianiste-compositeur
Peu avant la fin de l'année, j'ai reçu des nouvelles du saxophoniste-improvisateur Daunik Lazro, qui avait égaré mes coordonnées et souhaitait me faire partager deux nouveaux disques : le premier, « A Pride of Lions », issu d'une rencontre à Tours dans la cadre transatlantique de 'Across the Bridge' en 2016, et paru lors du match retour à Chicago en mai 2018 ; et le second, enregistré en 2016 à Vandœuvre-lès-Nancy à l'initiative du regretté Dominique Répécaud, mixé ultérieurement, et apparu dans le paysage sonore cet automne.
THE BRIDGE SESSIONS 08 «A Pride of Lions»
Daunik Lazro (saxophones ténor et baryton), Joe McPhee (saxophone ténor, trompette de poche), Joshua Abrams (contrebasse, guembri), Guillaume Séguron (contrebasse), Chad Taylor (batterie, mbira)
De ce premier disque on pourrait dire qu'il est dans la tradition de la musique improvisée afro-américaine, car cette musique, surgie à l'orée de sixties, a déjà une (longue) histoire, des codes et une tradition. Et les rencontres suscitées par 'The Bridge', réseau transatlantique surgi à l'orée des années 2010, font vivre et revivre cette histoire presque neuve en organisant, en France et aux USA, des tournées de groupes où s'associent des musicien(ne)s de Chicago (et du Midwest) et des musiciens français. Ceux qui participent à ce disque ont des affinités et des expériences antérieures, mais comme toujours dans la musique improvisée, lorsqu'elle éclot sous un jour favorable, ce sont l'événement singulier, l'osmose du groupe et la magie de l'instant qui tissent un moment musical. Tissage réussi, trame lisible et pourtant pleine de surprises et de bifurcations inattendues, bref tout ce qu'on aime dans ce type de rencontre, sans filet et en concert.
Le second disque raconte une autre histoire, celle d'une musique expérimentale qui, comme la musique improvisée qui puise une part de son idiome dans le jazz.... et ailleurs, va prendre son bien dans d'autres territoires : musique électroacoustique, rock, musique(s) contemporaine(s).... La rencontre s'est faite autour d'une personnalité majeure de ce courant : Dominique Répécaud, guitariste mais aussi fédérateur du festival Musique Action qui vit éclore, sur plusieurs décennies, bien des aventures musicales autant qu'humaines. Cette musique est à l'image de cette rencontre entre des personnes-et des personnalités musicales- qui partagent un goût prononcé de l'aventure et un désir d'action sonique (si l'on veut reprendre l'expression qui identifie l'objet). Dominique Répécaud est mort moins de 5 mois après l'enregistrement. Les membres du groupe ont mis du temps à surmonter la tristesse qui les envahissait à chaque réécoute pour le mixage et l'édition. Mais comme ils l'expriment collectivement dans le livret du CD « Faire durer le travail, les écoutes, c'était encore jouer ensemble. Fraternité inoubliable et Reconnaissance éternelle ». Tout est dit, et cela se confirme à l'écoute.
Concert hommage initié par l’Académie du Jazz, journées spéciales à la radio (France Musique, TSF), sorties de coffrets de disques sur sa période Dreyfus : de nombreux événements sont prévus pour célébrer les 20 ans de la disparition de Michel Petrucciani le 6 janvier 1999 à 36 ans.
Pour les amateurs du pianiste « pétri de musique » selon le mot d’une voisine de sa ville natale Orange, les hommages ont débuté cet automne avec la sortie chez BMG d’une intégrale de la production discographique chez Dreyfus (12 cd). La même maison de disques, qui a repris le catalogue Dreyfus sort en janvier une anthologie des compositions de Michel Petrucciani avec le témoignage de pas moins de 40 pianistes recueillis par Pascal Anquetil.
Sur les ondes, France Musique consacrera une semaine spéciale à Michel Petrucciani : dans son émission, Open Jazz (18 h-19 h), 'Alex Dutilh invitera cinq pianistes du 2 au 8 janvier (2 janvier, Laurent Coulondre, le 3 Manuel Rocheman, le 4 Bruno Ruder, le 7 Thomas Enhco et le 8 Baptiste Trotignon) ; les Légendes du Jazz de Jérôme Badini proposeront des concerts du pianiste les 5 et 6 janvier de 18 h à 19 h ; le temps fort sera constitué par une nuit Petrucciani du 5 janvier à minuit au 6 janvier à 7 h présentant des concerts du pianiste disparu. Quant à TSF, la station présentera tout au long de la semaine du 7 au 11 janvier un abécédaire dédié à Michel Petrucciani en même temps que deux numéros de son émission dominicale Rue des Archives et des témoignage de ses proches dont Aldo Romano et Jean-Jacques Pussiau.
Les fans de Michel Petrucciani retrouveront Aldo Romano sur scène le 9 février à l’auditorium de la Seine Musicale à Boulogne Billancourt lors d’un concert organisé par l’Académie du Jazz qui réunira entre autres des musiciens ayant joué avec le pianiste, Joe Lovano, Lenny White, Flavio Boltro , Philippe Petrucciani (son frère) mais aussi les pianistes Franck Avitabile, Jacky Terrasson et Laurent Coulondre, la saxophoniste Géraldine Laurent, le bassiste Géraud Portal...
Jean-Louis Lemarchand
JORGE ROSSY : « Beyond sunday »
Jorge Rossy (vbes), Mark Turner (ts), Al Foster (dms), Doug Weiss (cb), Jaume Llombart (g)
Jazz & People 2018
On connait Jorge Rossy mais dans un tout autre registre que celui présenté ici. Car avant d'être vibraphoniste comme dans ce nouvel album qui paraît sur le label Jazz & People, Jorge Rossy est avant tout batteur. Et non des moindres puisqu'à côté de ses talents de pianiste, il fut l'un des membres du trio mythique de Brad Mehldau aux côtés de Larry Grenadier. C'est dire s'il s'agit d'un musicien accompli et aux multiples talents.
Son nouvel album s'inscrit dans le registre de la douceur cotoneuse où les belles et agréables compositions vous enveloppent dans une sorte de feel good story.
Mark Turner y survole quelques sommets avec la rondeur et le velouté d'un son plus "Lesterien" que jamais même si l'on ne peut que regretter une prise de son souvent lointaine (p.ex sur Kierra). Quant à Al Foster, c'est l'autre bonne nouvelle de cet album où son drumming est fait de vibrations frémissantes sur les peaux.
Une sorte de complicité amicale semble emerger de ces 10 piéces qui, sans prétention, amènent à ce délicat état de grace où tout semble fluide, simple, naturel et suave. Sans prétention car il y a là une (fausse) apparence de simplicité dans ces belles mélodies servies dans un ecrin de soie. Ce n'est bien sûr pas la révolution du jazz et il est fort possible que cet album file comme une comète dans votre mémoire musicale.
Rien ne vous empêche pourtant de vous laisser aller par ces longues soirées d'hiver. dans votre canapé, un verre de whisky à la main et le cigara aux lèvres et de vous laisser vous évaporer dans les nuées bleutées.
Vous verrez, cela fait un bien fou !
Jean-marc GELIN
Enregistré au studio La Buissonne entre 2017 et 2018, cet album original de jeunes musiciens installés à Lyon ( piano, violoncelle, batterie) qui se sont rencontrés en 2012 et ont décidé de faire oeuvre commune, retrace un bout de leur chemin musical . Rejoints bientôt par un clarinettiste, s'est alors créée une formation à quatre, un trio de jazz chambriste autour d'un batteur percussionniste brésilien. Se souvenir des belles choses est né, sur le label LA&CA (Là-bas et ici, en portugais). Ça tombe bien, le livret comme la musique sont collectifs, un carnet de souvenirs, de voyages souvent, d'expériences sensuelles et poétiques avec ce titre sensible qui fait aussi rappel du film de Zabou Breitman sur la maladie d'Alzheimer qui ne touche pas que des personnes vieillissantes.
La musique n'est aucunement illustrative des textes, dessins et photos du livret, confectionné avec un soin d'artisan. On lira les bribes de mots, les phrases de ces compositions collectives évoquant des réminiscences, des impressions floconneuses, images rassemblées, d'univers très proches (Provence) et aussi éloignés que le Brésil, ou l'Afrique. Un chant fragile et délicat, fait de nostalgie, voire de mélancolie comme dans "Couleurs d'automne" ou l'hypnotique "Lluvia de Cenizas" de Camille Thouvenot (piano, moog). Des instantanés heureux tissent des ballades qui nous enveloppent dans un continuum subtil aux variations fines.
Une musique qui s'écoule avec fluidité, s'écoute facilement, mixe les genres et formes musicaux, fait voyager intelligemment, avec des climats légèrement balkanisés de "L'écharpe bleue" du clarinettiste Vincent Périer, au rock d' "Anitcha" (Audrey Podrini, violoncelliste) . Du multicoloré, sans être trop épicé qui passe aussi par le tango. Avec "Au revoir là haut" d'après le livre de Pierre Lemaître sur les gueules cassées de la Première Guerre. On peut alors se souvenir, puisque c'est la thématique de l'album, du beau film de François Dupeyron La Chambre des Officiers. Une superbe composition de ZaZa Desiderio (batterie-seau à champagne!) "In the Silence " vient nous cueillir, mettant en avant ses camarades pour terminer cette séquence collective avant l'élégante "Envolée" finale.
Un album atmosphérique qui s'insinue lentement, en douceur mais que l'on risque de ne pas épuiser rapidement tant il réussit à combiner émotion et dépouillement.
Sophie Agnel (piano), John Edwards (contrebasse), Steve Noble (batterie)
Brighton (Angleterre), septembre 2016 & Nickelsdorf (Autriche), juillet 2016
ONJ Records JF 010 / l'autre distribution
Cinq ans après la parution de «Meteo» (Clean Feed Records, enregistré en 2102 au festival Météo de Mulhouse), le trio récidive avec d'autres extraits de concerts, captés plus récemment dans deux autres lieux (Alternative Jazz Festival & Konfrontationen Festival). Trio ouvert, et musique qui l'est tout autant : la prise de son place les trois instruments à égalité de présence et d'écoute, de sorte que le dialogue est permanent, sans prépondérance, la dynamique et le discours structurant la lisibilité de cette création en mouvement incessant. Deux longues improvisations, captées à Brighton, et une troisième, beaucoup plus brève, enregistrée en Autriche : comme trois images instantanées de moments privilégiés de musique vivante. Depuis des années et des années que j'écoute des disques de musique improvisée, je remarque que la plupart de ceux qui me conquièrent ont été captés en public, comme si la présence d'un auditoire induisait une magie particulière, un supplément de communication. Ce n'est peut-être là que le phantasme de l'amateur (de jazz et de musique improvisée, idiomatique ou non) que je fus et demeure. J'accepte l'alibi fantasmatique qui n'ampute en rien mon plaisir d'écoute. Plaisir qui se nourrit aussi, par sensations rétrospectives, des nombreux concerts d'improvisation auxquels j'ai assisté. En écoutant ce disque, j'ai la sensation de vivre un événement, qui a déjà vécu pour ceux et celles qui l'ont joué ou écouté en direct, mais qui pour moi se rejoue comme au premier instant. Ces trois improvisations sont unifiées par leurs titres, évocation d'un oiseau du Groenland dont la photographe Juliette Agnel, sœur de la pianiste, a tiré un portrait plein de mystère qui orne le disque. Et l'on entend, à la fin de la dernière plage, le cri étrange de cette perdrix des neiges que là-bas on appelle aqisseq. C'est un autre mystère, celui d'une musique en mouvement vers un futur aussi fragile qu'inexorable, qui capte notre attention en quête de beauté fugace. Belle(s) page(s) de musique improvisée, assurément.
Xavier Prévost
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Le trio est en concert le dimanche 9 décembre 2018 , 18h, à Paris, au Lavoir Moderne Parisien, pour les 20 ans de l'Atelier Tampon-Nomade
Samuel Blaser Early in The Morning.
Samuel Blaser, trombone, Russ Lossing, piano et orgue, Masa Kamaguchi, basse, Gerry Hemingway, batterie, harmonica, et en invités Oliver Lake, saxophone alto, Wallace Roney, trompette. Enregistré à New York, janvier 2017. OutNote Records-Outhere Music.
Eternel blues. Source permanente d’inspiration pour les jazzmen. Le tromboniste suisse Samuel Blaser vient inscrire son nom dans la liste de ceux qui sans renier les traditions apportent une touche personnelle et originale. Le natif de la Chaux de Fonds passé par New-York et désormais résident à Berlin “hisse toutes les voiles du jazz d’hier et d’aujourd’hui pour faire fructifier cet héritage dans une conception contemporaine de ce répertoire », analyse dans le livret le musicologue Arnaud Merlin. Son traitement du blues mobilise toute sa connaissance de la musique contemporaine (Ligeti, Kurtag) et son inclinaison pour Charles Mingus (avec Early in The Morning, premier titre de l’album) et aussi le Third Stream cher à Jimmy Giuffre. Le trombone se fait sauvage, sombre, profond, majestueux dans un répertoire proposant titres traditionnels et compositions du leader. Sous la direction artistique de Robert Sadin, le groupe s’est plu à méler l’ancien et le moderne. Une formation réunie en studio à New York, où se côtoient des comparses habituels de Blaser (Russ Lossing, Masa Kamaguchi, Gerry Hemingway) et deux invités d’horizons différents (Wallace Roney de facture plutôt classique et Oliver Lake aux confins du free). Un album qui devrait plaire aux amateurs de blues et aux amateurs de musique sans œillères. Chaudement recommandé.
Jean-Louis Lemarchand
Lee Konitz (saxophone alto, voix), Dan Tepfer (piano)
New York, septembre 2010, juillet 2015 & février 2016
Verve 602567664574 / Universal
Dix ans après le premier disque («Duos with Lee», Sunnyside), le saxophoniste et le pianiste se retrouvent sur disque, alors qu'ils se sont souvent produits ensemble sur scène dans l'intervalle (et depuis : encore à New York, à la Jazz Gallery, la veille de l'instant où j'écris ces lignes). Quelques plages aussi en re-recording dans lesquelles Konitz dialogue avec lui-même. Et d'un bout à l'autre l'esprit de l'improvisation, de l'aventure, de l'interaction. Le saxophoniste vétéran et son jeune confrère sont deux virtuoses de cette liberté revendiquée et assumée. C'est comme un voyage onirique : l'espace s'ouvre devant nous, inconnu, et chaque note, chaque accent, dévoilent un nouvel horizon. Ici une Suite improvisée en hommage au victimes du 11 septembre 2001. Ailleurs un incursion dans la technologie, quand le pianiste utilise un piano à interface numérique qui réagit par les algorithmes développé par ses soins. Et pour finir les harmonies de Body And Soul, caressées par Lee Konitz, comme il sait si bien le faire depuis des décennies, ayant de longtemps pris le parti d'entrer directement dans l'impro sans citer le thème.Et Dan Tepfer, familier des libres digressions, est totalement en phase avec ces dérives d'un partenaire qu'il pratique depuis des années. D'un bout à l'autre, leur complicité est fascinante.
MARK TURNER- ETHAN IVERSON «Temporary Kings»
Mark Turner (saxophone ténor), Ethan Iverson (piano)
Lugano, juin 2017
ECM 2583 / Universal
Une chronique jumelée de ce disque avec le précédent me paraissait s'imposer : d'abord parce que le disciple de Lennie Tristano que fut Lee Konitz trouve écho chez Mark Turner, qui est une sorte d'héritier de cette famille musicale ; ensuite parce que la plage 4 du disque (Dixie's Dilemma) est une composition de Warne Marsh, partenaire de Lee Konitz auprès de Tristano dès 1949. Ici l'on est dans l'improvisation autour de compositions, signées (hormis le thème déjà cité) par chacun des deux duettistes (6 pour le pianiste et 2 pour le saxophoniste). Et l'univers musical est bien celui auquel je faisais référence à l'instant, et qui mêle extrême liberté, formidable maîtrise, et grande sophistication musicale. On se laisse embarquer dans les sinueuses volutes où s'aventurent les deux improvisateurs au fil de leur dialogue, libres de se surprendre, libres de nous égarer avant de nous recueillir avec bienveillance dans le secret de nos émois d'auditeurs. Ici encore, on se laisse emporter, victimes consentantes d'un égarement qui nous enchante, admiratifs de la connivence qui unit ces deux grands musiciens.