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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 10:17

Louis-JOOS---THELONIUS-MONK-volume-2.jpgTHELONIUS MONK (1954-1956)
Louis Joos  volume 2
BD JAZZ 2CD + 1 Bande dessinée
www.bdmusic.fr
Dessin et scénario LOUIS JOOS

Voilà pour les fêtes une idée intéressante : écouter  le volume 2 de la collection BD music, consacré à Thelonius Sphere Monk avec une sélection attentive de deux CDs qui donnent un des meilleurs aperçus de la « carrière » discographique de ce fou génial, formidable pianiste !
Le jazz c’est du noir et blanc, et souvent des photos ! A moins que ce ne soient les sublimes planches encrées de Louis Joos que l’on met en musique avec quatre albums réunis dans ce précieux écrin. Quand le dessinateur  (et pianiste) Louis Joos s’installe à sa planche à dessin, il restitue le « melting pot » musical new yorkais. C’est un bonheur intense de plonger dans sa vision de Manhattan, cette vibrante évocation des rues de New York,  la dernière planche, comme un clin d’œil à  Woody Allen.  Les albums choisis  par Christian Bonnet furent enregistrés entre 1954 et 1956, en solo, trio, ou en combo, et chacun est présenté  avec une vignette de la pochette et un texte soigné de l’auteur.
Magnifique début avec ce  Portrait of an ermite de 1954, capté à Paris, en solo pour la première fois, dont l’excellent Henri Renaud soulignait la formidable conception rythmique, le « tempo intérieur ».Suit l’album historique Thelonius Monk plays Duke Ellington, paru en 1955 sur Riverside ; c’est le premier album où Monk ne joue pas ses propres compositions. Cette idée de présenter le pianiste sous un jour plus aimable, de faire oublier sa réputation de pianiste « maudit », connaîtra un réel succès.
Sur le deuxième CD, on écoutera un disque de standards  de 1956  The Unique Thelonius Monk  où Monk avec Art Blakey (dm) et Oscar Pettiford (b) revisitent des thèmes de Gershwin, Richard Rodgers, Vincent Youmans... Enfin il était temps de n’enregistrer que des albums « cent pour cent » originaux, monkiens avec le génial (mais cauchemardesque à l’enregistrement )  Brilliant Corners  où s’illustre Sonny Rollins. Citons un autre spécialiste de Monk, Laurent de Wilde :  « Jamais Monk n’a été aussi loin dans son souverain mépris des règles… Rien n’est carré, tout est de guingois...La tyrannie de sa mélodie singulière est totale, et l’improvisation, plus que jamais est totalement asservie. »

Un résumé discographique sans faute avec des illustrations superbes, que demander de plus ? Voilà un nouveau numéro de l’excellente collection BD music à se procurer ! Vite !
Sophie Chambon

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 20:46

Bettye LaVette. A Woman Like Me. With David Ritz.

Blue Rider Press.

Pearson-Penguin Group. Septembre 2012.262 pages. 26,95 $

BettyeLaVetteCover2012.JPG

Voici le genre de biographie du plus pur style américain, bien saignante. Amateurs de politiquement correct et âmes sensibles, s’abstenir. La vie de Bettye LaVette n’a rien d’un conte de fées.  Le récit que la chanteuse de R& B en donne, avec la complicité de David Ritz-un expert du genre qui a mis sa plume au service notamment de Ray Charles- s’avère bousculé, agité, passant par des hauts  et (surtout) des bas. Jamais elle ne baisse les bras. Elle assume sa personnalité, comme elle assure sur scène. Avec vigueur. Sans (presque) rien dissimuler, de son penchant pour la boisson (venu de ses parents qui  tenaient une boutique d’alcools), de son goût pour le(s) sexe(s) et surtout des coulisses du show-bizz avec ses coups fourrés et  ses coups tout court (allant même jusqu’à justifier le traitement viril imposé à Tina Turner par son époux-Pygmalion Ike).

En cinquante ans de carrière, Betty Jo Haskins en a vu et subi. Vedette à 16 ans en 1962 avec « My Man, He’s A Lovin’Man », signée par le label Atlantic, camarade d’écurie d’Aretha Franklin, Marvin Gaye, Otis Redding, oubliée à 20 ans, revenue sous les feux de l’actualité la cinquantaine passée grâce au producteur français Gilles Pétard qui redécouvre des enregistrements jamais publiés, consacrée enfin par sa participation au concert d’inauguration  de la présidence de Barack Obama en janvier 2009. En quelque deux cents pages bien troussées, au style alerte, aux expressions crues, Betty LaVette n’hésite pas à laver son linge sale en public. Surtout elle donne une leçon de vie, de survie plutôt dans un milieu que l’on sait impitoyable. « A l’approche de mes 67 ans, confie-t-elle, je ne suis pas encore là où je voudrais être mais je suis sûr, c’est vrai, que je ne suis plus où j’étais ».

Jean-Louis Lemarchand

Dernier disque publié, Thankful N’Thoughtful (Anti) en septembre 2012, que Betty LaVette a présenté lors d’une tournée en France qui s’est achevée le 9 décembre à Lille.

 

 

 


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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 18:42

tana_-_livre_-_new_york_en_50_chansons.jpgTana Editions
Parution le 11 octobre 2012
226 x 270 mm
144 pages
15 euros

Un véritable bonheur que de feuilleter ce guide musical de New York, en 50 chansons, sur des textes pertinents et érudits du journaliste Bertrand Dicale  ( France Inter, France Info ) : une promenade musicale et photographique qui fait dialoguer Bruce Springsteen, Harry Belafonte, Sammy Davis Junior, Jay –Z, Serge Gainsbourg avec les clichés d’Hervé Tardy. Le dispositif est simple : une double page de photo sur laquelle apparaît le refrain de la chanson et sa traduction et un texte qui met en lumière le choix iconographique et le contexte de la chanson choisie.
Comme l’écrit l’auteur, ce livre explore une ville folle et ses mythologies, un New york rêvé, imaginé, dans lequel on vit aussi. Ces chansons tissent la trame, réécrivent  l’histoire d’une ville où le regard et l’oreille ne sont jamais en repos. New York a été chantée sur tous les tons dans tous les styles (tubes de Broadway, jazz, rock, rap, funk...). Qui dit New York, reprend immédiatement avec Liza Minelli, « I want to be a part of it, New York, New York »  le refrain de la chanson, dans  le film culte de Scorsese, New York New York, qui surpasse même la version de Frankie « The Voice » Sinatra. Autre référence inoubliable « I like to be in America », la chanson des Portoricains de West Side Story , LA comédie de Leonard Bernstein. On pense aussi  à « Walk on the Wild Side », l’un des tubes incontournables de Lou Reed, période Transformer.
On ne peut oublier Louis Arsmstrong avec l’orchestre de Benny Carter dans  « Christmas night in Harlem », ni Gene Kelly chantant « Broadway melody » dans Singin in the rain.  Mais il y  aussi des surprises dans cette sélection futée et les Français ne sont pas absents, en proie à cette fascination pour la « Grosse Pomme », de Nougaro qui en fit sa « Nougayork » à Louise Attaque sans oublier Gainsbourg, Higelin, Renaud, Yves Simon et Matthieu Bogaerts.
 Si on mettait bout à bout tous les refrains, si on alignait les citations placées en exergue sur chaque page , on aurait le texte le plus fou, le plus représentatif de la ville mythique.
Un bonus : cet ouvrage est réalisé en partenariat avec Spotify. Le lecteur trouvera un QR code qui lui permettra de retrouver la « playlist » en ligne sur le site.Autre bon point, apparaissent non seulemement les crédits des photos, mais des extraits de chansons citées dans l’ouvrage.
Voilà une excellente idée de cadeau, intelligent et moderne, pour les fêtes de fin d’année.
NB : il existe l’équivalent chez Tana Editions, sur PARIS , du même auteur. N’hésitez plus !

Sophie Chambon

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 12:32

Le Mot et le Reste, collection Attitudes
422 pages, 26 euros

Bruford2009, Bill Bruford a soixante ans. Les temps changent, il ne prend plus son pied sur la route. L' a-t-il jamais pris d'ailleurs ? Après quarante ans d' une carrière dédiée à la musique et à la batterie, il décide de raccrocher et nous livre son autobiographie sans détour, une somme pas vraiment anecdotique. C'est la première fois qu'il nous est donné de suivre la vie (compliquée) d'un musicien célèbre, Bill Bruford s'expliquant sans langue de bois sur ses participations dans divers groupes : Yes, à ses débuts à 19 ans en 1968, King Crimson avec des sorties et retours sur 20 ans, son passage à Genesis quand Phil Colllins abandonna un temps les baguettes pour se mettre à chanter, mais aussi son aventure dans l'anarchique Gong, dans la " fournaise ardente " UK, sans oublier la création de ses propres groupes, Bruford puis le quartet de jazz moderniste Earthworks. Intéressant point de vue qui n'est pas celui d'un fan même érudit, mais d'un musicien au cœur de la tornade entre pop, rock et jazz. Comme le déclarait Miles Davis en 1969, Bill Bruford est obligé de " changer ", d'accepter " comme une malédiction " sa feuille de route. Bruford est un Anglais éduqué, de la classe moyenne de l'après guerre, qui plongea dans l'underground sans vraiment jamais réussir à choisir entre ces musiques : né en 1949, ses références sont jazz, ses batteurs préférés sont Max Roach et Art Blakey, la pop des Beatles et des Stones ne l'intéresse pas plus que cela. Comme il arrive au bon moment, il participe à la naissance du rock prog qu'il contribuera à développer. Travailleur acharné, scrupuleux, sans complaisance,  Bill Bruford décrit de l'intérieur la vie d'un groupe de rock progressif (il en donne une des meilleures définitions page139 ), les galères de la vie d'artiste, déjouant ainsi certaines idées reçues. On apprend beaucoup sur l'industrie du disque, les conditions d'enregistrement, les concerts et la vie en tournées, de la fin des années soixante aux années deux mille. Cupidité de managers et de producteurs plus que contestables, naïveté des musiciens qui se laissent déposséder de leur travail. Ses anciens compagnons, Ian Anderson, John Wetton, Robert Fripp, Phil Collins, Alan Holdsworth, Chris Squire, s'ils ne sont pas toujours épargnés, sont jugés sans trop exagérer le trait, avec humour même.
Le Mot et le Reste a réussi le tour de force, après le très complet Rock progressif d'Aymeric Leroy, expert en la matière, d'évoquer en deux livres King Crimson et Bill Bruford, l'une de ses principales figures. La traduction de Leroy est parfaite, avec juste ce qu'il faut de recul pour mettre en valeur  la construction en chapitres précis, aux titres attractifs, découpant ce parcours en épisodes savoureux que l'on lira à son rythme et selon son désir. Le dernier chapitre " Lâcher prise " pourrait se lire en premier, dévoilant ainsi le retour sans indulgence sur une vie pas si exceptionnelle et pourtant exaltante. Au moment du bilan, au delà des mirages du show business, cette introspection constitue une analyse rigoureuse d'un milieu controversé, passionnant pour l'amateur, désespérant pour l'artiste. Et fait la part des choses entre succès, célébrité et talent. Suivant une chronologie finement établie, la narration, sans être platement linéaire, suit cet univers rock en expansion dont les contours ne sont pas encore complètement connus. Un parcours rarement chaotique malgré certains repentirs, avec une ligne assumée de la part d'un musicien authentique qui a marqué de sa personnalité presque tous les albums qu'il a enregistrés. Bruford a su gérer sa carrière, sans tomber dans l'exaltation mystique de Yes, la sombre démesure de King Crimson. Sans aucun scandale, menant une vie familiale rangée,  c'est au fond un type très ordinaire … sauf qu'il a traversé l'histoire de la musique populaire des quarante dernières années, participé à quelques-uns des plus grands groupes, alors que les rock stars explosaient en vol …
Absolument indispensable, enlevé, percutant  et instructif !
NB : un index suffisant et une iconographie (photos, pochettes...) très bien insérée dans le texte.
Sophie Chambon

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 12:29

paringaux.jpgIntroduction de Christophe Quillien
 Le Mot et le Reste/ Attitudes

Autre lecture incontournable en cette fin d'été, même pas hors sujet pour les DNJ, le recueil de chroniques de Philippe Paringaux, l'une des têtes pensantes de Rock and Folk, " la NRF de la contre-culture ", entre 1968 et 1973. Pourquoi ? Parce que fort étonnamment, Paringaux comme Koechlin, les deux timoniers du Rock & Folk historique,  étaient de vrais passionnés de jazz. Pour preuve, le premier numéro de la revue a paru en juillet 66, comme hors série de Jazz Hot.
Paringaux, voilà un type qui n'était pas sectaire, qui appréciait toute bonne musique, imprégnée de blues et qui pouvait écouter les Beatles à l'Olympia et Charlie Mingus à Wagram. Des types de cette génération qui entendirent  sans préjugé aucun, jazz, pop et rock, croyez moi c'est rare... capable d'apprécier autant In A Silent Way que Led Zep II. Un véritable éclectisme, au sens le plus noble du mot et non une dispersion brouillonne.  C'est un régal que de (re)découvrir les articles de PP qui témoignent du vrai désir d'écriture de celui qui a toujours manifesté un goût prononcé pour le roman et la littérature. Il aimait les mots, et écrire sur la musique relevait pour lui de l'exercice de style. Tout chroniqueur  devrait en prendre de la graine. La critique rock lui doit une fière chandelle.  "Jazz Magazine et les Cahiers du Cinéma possédaient une véritable écriture et une personnalité, ils étaient des " bibles " dans leur domaine respectif, et Rock and Folk s'est hissé à leur niveau, en écrivant sur le rock, considéré à l'époque comme une musique pauvre."
Il a formé malgré lui toute une génération de critiques qui ont su décrire, avec la plus grande liberté, la révolution musicale qu'ils avaient la chance de vivre, et développer les fondements d'une esthétique rock. Reportages, critiques sensibles, coups de cœur pas bidon ni trafiqués, Paringaux écrit sur Léo Ferré, Dylan, CSN&Y, le Buffalo Springfield, Montreux pop, Wight blues, Lou Reed, Larry Coryell, Zappa et The Mothers of  Invention, Johnny Winter, Jeff Beck et John Mayall , Pink Floyd, the Tony Williams Lifetime,  B.B King, Wayne Shorter, Tim Buckley, Charles Mingus , Sun Ra, The Who ... La liste n'est pas exhaustive tant cette période est bénie, favorisant l'éclosion de groupes talentueux. Il aime entourer les musiciens,  et c'est ainsi qu'il approchera Miles en 1970 à l'île de Wight qui lui confiera même sa trompette rouge.
Il y a aussi ses fameuses Bricoles, de véritables textes d'auteur au ton neuf...où il donne des nouvelles du petit monde du rock, parle de tout et de rien mais avec grand talent. Le reste est à découvrir dans ce recueil absolument passionnant qui devrait figurer dans toute bibliothèque d'amateur de rock, pop, jazz ou d'amoureux de la musique tout simplement. Paringaux a arrêté d'écrire sur le rock depuis longtemps, devenu ermite sur une île atlantique, il n'en a pas moins contribué à éveiller, à faire danser de nouveaux (in)fidèles,  prêts à écouter la musique plus que les experts. A en savoir moins, mais à se laisser guider par le plaisir et l'émotion, l'oreille et le coeur. Ce n'est donc pas une histoire du rock and roll, ni un cours magistral mais bien une série de portraits " chic et choc ", croqués au feeling, de figures élues parmi bien d'autres à venir ... Aujourd'hui, on relit l'histoire de cette musique,  de ces années où le temps est comme aboli, sans perspective ni recul. Un bonheur de lecture rare.
Autre particularité de ce livre : si ce sont ses textes qui sont repris et son nom d'auteur qui figure sur la couverture, Paringaux appréciant la maison d'édition Le mot et le Reste et se faisant volontiers traducteur au besoin, il n'a pas souhaité se prêter à la sélection de ses textes, corpus gigantesque d'un écrivain de musique prolifique, d'autant qu'il lui est arrivé parfois de rédiger la majeure partie du mensuel.

Sophie Chambon

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11 septembre 2012 2 11 /09 /septembre /2012 18:01

Miles de A à Z. Franck Bergerot. Editions Castor Astral. 412 pages. 24 euros.

 

 

Miles-de-a-a-z.jpgIl y aura 21 ans le 28 septembre, Miles Davis III, fils de Miles Davis II, rendait l’âme au St John’s Hospital de Santa Monica. Tout aura été dit sur Miles, une des rares stars du jazz. Du moins le néophyte pouvait le croire. La « brique » de Franck Bergerot, rédacteur en chef de Jazz Magazine-JazzMan apporte une masse d’informations et d’analyses qui regroupés sous la forme d’un abécédaire constitue un must pour tout amateur de jazz, de musique ou plus généralement tout honnête homme du XXIème siècle.
Connaisseur émérite du trompettiste, Franck Bergerot lui avait consacré en 1996 « Miles Davis, introduction à l’écoute du jazz moderne » (Editions Le Seuil), ouvrage qui analysait l’œuvre du musicien des années be-bop à l’époque hip-hop. Il avait à cette occasion procédé à une écoute de la totalité de l’œuvre enregistrée et connue alors. Ces « fiches », enrichies des œuvres diffusées depuis, forment une grande partie de « Miles de A à Z » et sont indispensables à qui veut écouter en connaissance de cause les centaines d’albums du trompettiste.  Un intérêt d’autant plus fort que chacun des sidemen de Miles a droit à une fiche détaillée de Julian « Cannonball » Adderley à Zucchero.
L’autre centre d’intérêt de ce dictionnaire de quelque 400 pages à la présentation aride mais à l’écriture claire réside dans la présentation de la vie privée de Miles. La lecture des rubriques Santé, Toxicomanie, Femmes, Domiciles, Automobiles, Racisme permet de brosser un  portrait sans concessions (mais sans voyeurisme) d’une véritable star. Collectionneur de voitures de sport (Ferrari, Lamborghini, Jaguar….), grand séducteur (pour ses idylles françaises, Juliette Gréco et Jeanne de Mirbeck, productrice et sœur de René Urtreger), toujours élégant (une tenue extravagante provoqua le commentaire de Francis Marmande : « entre le Prince de Hombourg et Achille Zavatta ») peintre à ses heures perdues, Miles était tout cela. Et pas seulement l’artiste qui avec sa franchise coutumière avait confié à une convive d’un dîner à la Maison Blanche avoir « changé cinq ou six fois le cours de la musique ». 
 
Jean-Louis Lemarchand

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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 12:16




azoulay.jpgLa librairie VUIBERT
www.vuibert.fr




Et pour moi tout est musique, disait  John Cage. Hélios Azoulay reprend cette citation célèbre à son compte et pour étayer sa démonstration,  nous entraîne sur les pas de quelques artistes fantaisistes et aussi génies musicaux. Des personnages reconnus actuellement mais qui ne l’étaient pas (autant) de leur temps comme Erik Satie ou Hugo Wolf. Dans le sillage d’un Michel Onfray, certes beaucoup plus critique,  il se moque de l’esprit universitaire (dé)formateur, des castes que représentent les grandes écoles...reproduisant les élites. Avec une feinte décontraction, et un désordre (seulement) apparent, le clarinettiste, compositeur, renvoyé de l’institution, étudie assez sérieusement ceux qui n’appartiennent pas à l’institution justement, les rejetés de l‘intelligentsia de chaque époque, s’inspirant des esthétiques contemporaines dans lesquelles il se sent à l’aise, les mouvements comme « Merz », « Fluxus », dadaïstes et autres surréalistes. Rien de nouveau certes mais son panorama retrace une histoire parallèle, buissonnière évoquant aussi bien Henri Thoreau et son « Walden » que l’histoire de Monsieur de Sainte-Colombe (épié par Marin Marais), popularisée par le film d’Alain Corneau (Tous les matins du monde ), d’après Pascal Quignard. A mille lieues du pensum académique, l’auteur suit des chemins de traverse, pour proposer une déambulation potache, vivante, et néanmoins instructive. Certains rapprochements sont audacieux mais pertinents entre Wagner et les « Merrie Melodies » des Warner Bros. Le jazz est utilisé pour servir d’exemple et montrer une démarche originale, Louis Armstrong inventant le scat, un peu par hasard (c’est ainsi que se font les plus grandes choses, sur le moment, suivant la loi du hasard et de la nécessité).
Certains points  qui prêtent à réflexion sont abordés sérieusement  comme le « subventionnisme ». Et un chapitre terriblement émouvant est consacré à toutes  les musiques d’outre monde, d’outretombe avec les musiques d’Auschwitz. Un témoignage  qui mérite de ne pas être passé sous silence justement. Hélios Azoulay se livre à  une écoute décomplexée de la musique, comme le fit jadis, Daniel Pennac pour la lecture, et nous propose sans forcer d’en faire autant. Si on passe les élucubrations du premier chapitre qui déplie en tous sens une histoire de larynx, on se familiarise vite avec le style, la dérision , la mise en page réjouissante. Et surtout on picore, lisotte ce livre avec plaisir. Culture d’autodidacte ou non, rien de fantaisiste en tous les cas dans cette démarche ludique et instructive. Ludidactique, votre travail, Monsieur Azoulay !
NB : A noter que la liste des références des œuvres citées, qui tient lieu de bibliographie, rédigée avec le plus grand sérieux, nous entraîne dans un voyage littéraire et artistique des plus réjouissants.     
Sophie CHAMBON

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24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 18:52


marylin-copie-1.jpgParution 23 avril 2012
TANA EDITIONS
456 pages (170x230mm)
Prix : 31 euros

Dans LE PETIT LIVRE A OFFRIR A UN AMATEUR DE JAZZ, du même éditeur TANA, on peut lire :
Le jazz se découvre en tous lieux, à tout âge et de mille manières : par la chanson, en discernant le groove incomparable d’Eddie Louiss dans les chansons de Nougaro ; par la danse et la comédie musicale avec le bondissant Gene Kelly dans  Un Américain à Paris ou Singin in the Rain ; par le cinéma  encore avec le chant si poignant de Marilyn Monroe, à la fin de Certains l’aiment  chaud, susurrant I’m through with love 

Dans le Marilyn  Monroe de A à Z, 200 photos et 200 entrées reconstituent les fragments d’un portrait- puzzle passionnant  de la star. Les références au jazz existent, dans les 30 films qui sont retenus à son actif,  dans les chansons qu’elle interpréta ( I wanna be loved by you, Specialization, Let’s make love, Incurably romantic, My heart belongs to Daddy...)
On apprend aussi au hasard des entrées que sa chanteuse préférée était Ella Fitzgerald (p.166), qu’elle eut une relation très particulière avec Frank Sinatra et les autres membres du « rat pack », qu’elle n’aimait pas chanter en public ...
Avec ce dictionnaire qui se lit comme un roman, ou se feuillette au gré de ses envies, on apprend beaucoup de choses sur le cinéma et l’Amérique : se dessine en filigrane  le portrait d’une époque où  le jazz régnait  de façon absolue ...

NB : Consultez sans hésitation l’index, la bibliographie et la filmographie  très complets.

Sophie Chambon

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 22:10

 

Daniel Filipacchi.

Editions Bernard Fixot. Février 2012.


Brother Daniel, Billie, Art, Charlie, Django et les autres

ceci-n-est-pas-une-autobio_FILIPACCHI_Mise-en-page-1.jpg

Pour toute une génération –la mienne, les natifs de l’immédiat après-guerre (la seconde)- son nom équivaut à la découverte du jazz sous toutes ses formes : le sérieux avec Jazz Magazine, le ludique avec Pour ceux qui aiment le jazz, émission radio quotidienne. Un marqueur de ces années 50-60 où le jazz était populaire et faisait danser dans les « surprise-parties ».

Associé dans cette croisade avec son compère Frank Ténot, Daniel Filipacchi passe aujourd’hui en revue sa vie, sans tambour ni trompette, avec humour et franchise dans « Ceci n’est pas une autobiographie ». Un titre en forme de clin d’œil à l’œuvre de Magritte, lui, le collectionneur érudit des peintres surréalistes, qui reflète bien l’esprit de cette « brique » de quelque 400 pages, souvenirs sous forme de chroniques jetées au fil de la plume, ou plutôt de l’ipad par l’ex-magnat de la presse magazine (40 publications, Paris Match, Lui, Salut les Copains, Photo, Woman’s Day, les Cahiers du Cinéma…).   

En feuilletant ce livre curieusement (encore un clin d’œil) qualifié de roman, l’amateur de jazz découvrira comment le jeune Daniel, né en 1928, grande année pour Armstrong et Duke, se prit de passion pour la musique syncopée. Son père, Henri, natif de Smyrne, futur créateur de la collection Livre de Poche, en était fan et recevait moult disques envoyés par son frère Charles émigré à New York. Habitant Saint Germain des Prés, Daniel rencontre Django Reinhardt, se trouve à Pleyel en 48 pour « le » concert de Dizzy Gillespie et retrouve le trompettiste dans une petite boîte du New Jersey avec Charlie Parker. Grand choc et premier entretien pour le jeune photographe avec un « Bird » dont la disparition en 1955 conduira à la naissance de « Pour ceux qui aiment le jazz ». Invité à présenter en catastrophe sur Europe n°1 quelques disques du saxophoniste, Filipacchi se voit dès le lendemain confié une émission de jazz…S’ensuit l’organisation de concerts, la production de disques… et la reconnaissance des jazzmen dont témoignent « Brother Daniel » de l’organiste Lou Bennett ou « Blues March for Europe n°1 » d’Art Blakey, gros succès chez les disquaires.

Au milieu de dizaines de rencontres avec des célébrités du monde des arts et des lettres qui émaillent cet ouvrage –Céline(en exil au Danemark), Cocteau, Georges Pompidou, Marlene Dietrich (qu’il invite à danser), Jean Genet (qui le voit comme un « jeune Citizen Kane ») André Masson…- les jazzmen tiennent une place, modeste mais marquante. On retiendra pour l’émotion une journée parisienne avec une Billie Holiday à la dérive, ou une soirée dans un club new yorkais désert avec un Art Blakey qui s’adresse au producteur : « Daniel Filipacchi vient d’un pays où le mot jazz n’a pas la même signification qu’ici où toutes les excuses sont bonne pour ignorer notre musique.(…) Le jazz est pourtant l’une des seules choses valables que nous autres pauvres américains avons à donner au monde ».

Aujourd’hui encore figurant à l’ours de Jazz Magazine-Jazzman avec le titre de Chairman emeritus, Daniel Filipacchi a bien mérité du jazz. Et dans « Ceci n’est pas une autobiographie » l’éditeur évoque avec cœur ce jazz, l’une des grandes passions de sa vie avec le surréalisme et la bibliophilie.

 Jean-Louis Lemarchand

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19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 07:56

Philippe CARLES, ANDRE CLERGEAT, JEAN LOUIS COMOLLI

Le Nouveau Dictionnaire du Jazz

Collections Bouquins/ Robert LAFFONT

www.bouquins.tm.fr

1472p/32 euros

 nouveau-dico-du-jazz-2011.jpg

On se réjouit de la nouvelle édition du Dictionnaire du Jazz paru dans  la mythique collection Bouquins fondée par Guy Schoeller. Il devenait urgent en effet de réactualiser cette bible du jazz, vingt trois ans après la toute première édition. Il en résulte un état des lieux des plus précis de cette musique, si difficile à définir. L’approche volontairement ouverte ne privilégie aucune époque ou esthétique, déjoue les pièges de la chronologie, inventant un va-et-vient qui bouscule les a prioris.

Avec la nouvelle édition, vous saurez tout ou presque de la jazzosphère française, européenne et même mondiale. Créé en 1988 par 67 auteurs venus d’horizons divers (journalistes -équipe resserrée de Jazzmagazine- musicologues, universitaires, musiciens) sous la direction des trois auteurs principaux, on peut donc lire 3200 articles rédigés au plus près (chaque mot compte) sans volonté d’exhaustivité, mais visant à la précision, selon le même principe (données biographiques, commentaires stylistiques et en fin d’article, une sélection discographique jusqu’en 2010) : un repère biographique et artistique, une sorte d’état-civil des musiciens, orchestres ou/et formations, labels. Ce nouveau dictionnaire décline aussi  le vocabulaire du jazz, étudie les principaux instruments, analyse le répertoire, établit des synthèses historiques et stylistiques. Augmenté et mis à jour, sans laisser tomber les grands disparus, plus faciles à repérer que les futures «pointures», avec quelque 400 entrées nouvelles, il laisse encore de côté des « oubliés » qui se sentiront frustrés, d’autant que le jazz vocal a une place d’honneur  (Virginie Teychené, Stacy Kent, Anne Ducros, Jeanne Added font leur entrée) … Ceci dit, Frank Sinatra et Julie London par exemple, qui ne figuraient pas dans les éditions précédentes, font leur apparition, ce qui n’est que justice.

Mais comme le souligne avec humour l’exergue de George Bernard Shaw :

Un dictionnaire est comme une montre : indispensable mais jamais à l’heure.

Ce livre devient vite un livre de chevet, une somme, pratique à consulter dans cette formule compacte sur papier velin, favorisant les rencontres les plus décisives comme les plus insolites. Destiné aux amateurs aussi bien qu’aux spécialistes, sa présentation efficace ( classement alphabétique, indispensable index qui permet très vite de retrouver l’information recherchée) favorise le plaisir de la consultation aléatoire : on ouvre le dico pour chercher une référence et on se surprend à ne plus le quitter, sautant d’un nom à un autre. Nul besoin de photos, si ce n’est en couverture ( l’incontournable Miles Davis par Giuseppe Pino ), le propos étant de rédiger des portraits de musiciens, d’écrire les pages du Livre du jazz.

Incontournable!

NB :  Il y a même une petite énigme sur la dédicace à Michel Boujut, récemment disparu, cet homme du cinéma, grand amateur de jazz, signataire d’un seul article, a priori extrajazzosphérique.» Trouverez-vous ?

Sophie CHAMBON

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