JJJ Chris Cody Coalition : « Conscript »
Nocturne 2007
Avec une intrigante énergie, le disque « Conscript » de ce quartet commence par un suspense, idéal pour ouvrir les hostilités. La « coalition » de Chris Cody fonctionne dès les premières notes comme une machine, bien huilée, dirigée par la « cool-issante » attitude d’un tromboniste au cœur tendre, Glenn Ferris. La présence de la paire d’inséparables rythmiciens donne une impression de déjà-vu, impression bien plus rassurante qu’encombrante. Laurent Robin, fidèle aux cotés de Bruno Rousselet, participe à ce projet de la même façon qu’à tous les autres, c’est-à-dire avec la plus fervente des générosités du moment. Les compositions viennent du pianiste australien, leader du groupe. Laissant place aussi bien aux mesures composés qu’aux poétiques envolées sonores, en passant par un bref regard sur le Jazz et sa culture, et tout cela parfois avec beaucoup d’humour. À la fois baladés et à la fois attendris, à la fois bousculés et à la fois chatouillés. L’esprit de surprise domine. Facile à croire quand on connaît la redoutable malice des protagonistes. La relation entre eux n’est pas seulement fusionnelle, mais elle est en plus une interaction fonctionnelle. Le résultat est un disque soigné, à la prise de son et au mixage excellents. Peut-être un bémol sur le visuel du support cd. Hélas en ces périodes illégitimes de téléchargements abusifs, un effort des musiciens dans le domaine visuel n’est jamais inutile, sans être taxé de carriérisme. Quoiqu’il en soit, on ne s’inclinera jamais assez devant le talent de ces musiciens, qui, pour l’anecdote, se retrouvent chaque année en tant que musiciens-accompagnateurs des candidats au concours d’entrée de la classe de Jazz du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Ce qui ne fait qu’honorer d’autant plus la richesse de leur groove. C’est un disque extrêmement rythmique, le dandinement des corps est provoqué par le précis touché d’une contrebasse, allant directement à l’essentiel. On sent donc chez lui une grande expérience dans ce genre de contexte. Inutile d’en rajouter pour le vieux briscard Glenn Ferris. C’est chez Chris Cody que la maturité est ressentie différemment. Est-ce dû aux origines lointaines ? Le son personnalisé de ces voicings convoque en permanence la Beauté. Cette esthétique se rapprochant même du son européen. Mais aussi dans ce quartet, à certains moments, le swing revient au galop, profond et pénétrant, avec par-dessus des accords suspendus aux consonances bien afro-américaines. Tout en feeling, c’est un album complet certes, une boîte à idées sûrement. Des idées expérimentées à l’extrême par de férus passionnés, au service de la « session ». Est-ce une erreur que de les citer comme de parfaits « sidemen » ? Non, il s’agit bien là d’un métier : celui de servir la Musique. Il n’y a que du positif à user d’un tel disque, transporté par cette éternelle joie de vivre que nous apporte la Musique de Jazz.
Tristan Loriaut