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17 mai 2015 7 17 /05 /mai /2015 09:09
ORCHESTRE NATIONAL  :  Europa BERLIN

ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ OLIVIER BENOIT

Europa BERLIN

ONJAZZ records/ l’autre distribution

Sortie nationale le 27 avril

www.onjazz.org

Voilà l’ONJ reparti pour son tour des capitales européennes : après l’hommage à Paris, l’onzetet découvre Berlin. Le choix était évident tant la ville est unique dans son évolution et activité artistiques. Une évocation très personnelle où l’on sent, dès les photos du livret réalisées par le chef lui-même, une vision empreinte de ce recyclage urbain, où la nature boisée disparaît dans les friches industrielles, le no man’s land de conglomérats, gravats et sables. Un Berlin étranger plus qu’étrange, encore marqué de l’histoire tumultueuse et violente du XXè siècle, attentif à un présent omniprésent. Plus que jamais dédié à l’architecture et à l’accumulation/destruction des différentes strates historiques. Ce n’est vraiment pas un itinéraire touristique auquel nous sommes conviés même si le travail de mémoire est constant. Ou alors un tourisme de mémoire qui ne cesse de jouer à cache-cache avec les vestiges, de surexposer des fragments, obsédé par cette réunification autour d’un mur mythique, aujourd’hui démantelé.

D’ailleurs, les titres des compositions (Effacement des traces, Persistance de l’oubli, Métonymie, Oblitération) sont emblématiques du projet d’Olivier Benoît qui se recommande de Berlin, l’effacement des traces, livre de Sonia Combe, Thierry Dufrene et Régine Robin.

On retrouve les points forts du premier volet sur PARIS, ramassés sur un seul CD cette fois. On est saisi d’un bout à l’autre, du faussement doux « Effacement des traces » au vrillant «Détournement» final, par ces compositions toujours denses, alliant l’acier de crescendos puissants à la légèreté d’une chorégraphie aérienne. Un concentré d’énergie pur jus où de jeunes talents résolument actuels dans leurs recherches musicales sont entourés d’aînés confirmés et experts (divine section rythmique). Fruit d’une sélection rigoureuse qui se voulait impartiale, la formation est à mi-chemin entre le big band cuivré et le combo élargi : les instrumentistes jouent parfaitement leur rôle, tour à tour en pleine lumière mais pleinement collectifs dans des tutti orchestraux de belle facture.

C’est une vision éclatée du jazz d’aujourd’hui, où se côtoient rock alternatif, électro, avant-garde, rythmes d’une « asphalt jungle » en mutation, qui correspond à l’ordre séculaire que l’on a plus ou moins déconstruit dans la ville. Le Cd est fait de plusieurs suites qui se suivent, s’emboîtent en un klaxonnement presqu’ ininterrompu jusqu’à un achèvement, jamais épuisé. Une succession de morceaux autonomes avec des respirations brèves, qui favorisent l’improvisation, ou servent de tremplin à des développements plus larges. Dans une urgence convulsive («Métonymie»), les saxophones s’en donnent à cœur joie sur le tempo échevelé d’Eric Echampard et on se demande quand s’arrêtera cette cavalcade. Un grinçant et martelant « Révolution» ? « Réécriture» où violon et claviers s’ajointent sur des accents sourds de batterie, avant le pilonnement des cuivres et vents ?

Bouillon de culture avec toujours la touche avant-gardiste,qui faisait déjà sa force dans les années trente, Berlin continue à surprendre, à mener la danse avec un ONJ exultant dans le paysage musical contemporain.

Sophie Chambon

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16 mai 2015 6 16 /05 /mai /2015 12:52
Eliane Elias vs Laurence Allison : Les sirènes de Rio

ELIANE ELIAS : « Made in Brazil »

Concord records 2015-0

Eliane Elias(vc, p), Mark Kibble ,Amanda Brecker,Ed Motta, Roberto Menescal (vc), Marcus Teixeira (g), Marcelo Mariano ( bass), Marc Johnson (cb), Edu Riberio (dms), Rafael Barata (dms), Mauro Refosco, Marivaldo dos Santos ( perc), Rob Mathes ( orchestral arrangements)

Eliane Ellias reste sur son terrain, essentiellement celui de la musique brésilienne qui lui va comme un gant sur la peau d’une star hollywodienne.

Elle aligne ainsi quelques saucissons brésiliens ( Vocé, Brasil, aguas de Marços) et quelques thèmes aux arrangements plus pops, le tout avec une réjouissante fraîcheur.

Eliane Ellias c'est l'été ! c'est la pina colada sur la plage ! C’est la farniente et l’amour à l’ombre des persiennes ! Bref c’est glamour à souhait (à l’image de ce sexy cover) ! Eliane Elias chante avec cette voix chaleurese et suave. Placement impeccable, aucun effet superflus. Hyper pro, rien qui dépasse !

Mais Eliane Elias nous ravit aussi par toutes ces petites pépites, ses propres incises lumineuses au piano. Car Eliane Ellias, outre ses talents de compsitrice, de parolières et de chanteuse est aussi une pianiste qui semble s'ignorer tant elle s'y fait trop discrète à notre goût. Il serait peut-être temps que son bassiste de mari, Marc Johnson l’amène à jouer plus. Enfin nous, c’qu’on en dit ….

Les arrangements ne sont pas absolument révolutionnaires loin s’en faut mais suffisamment efficaces pour ratisser un public large. On a aimé par exemple ce ravissant Some enhanted place frais comme tout ou encore ce très funky Driving Ambition !

Et si les arrangements ne renversent pas la table, les accompagnements sont eux impeccablement réalisés qu'il s'agisse de l'ajout de cordes ou de voicing à la façon Real group. 7 des 12 titres s’appuient ainsi sur les arrangements orchestraux de Rob Mathes, arrangeur doué qui a travaillé avec le ghotta du jazz et de la pop américaine et qui en la matière sait y faire dans le genre effficace et qui rapporte gros.

Assurément du bon boulot.

A Déguster en pleine période estivale, le soir après dîner sur la terrasse en fumant un havane la tête perdue dans les étoiles ou en dansant langoureusement avec la femme de ses rêves.

Jean-Marc Gelin

Eliane Elias vs Laurence Allison : Les sirènes de Rio

LAURENCE ALISON : « Claro »

La Baleine 2015

Laurence Allison (vc), Benôit Charlier (p, fdr), Jean-Michel Charbonnel (cb, b) + Carl Schlosser (fl), Eric Zorgnotti (cello), Johan Renard (vl), Jean-Marie Ecay (g), Alain Debiossat (sax), Pauline Chagne (harpe), Laurent Coq (p), Philippe Chagne (sax, cl)

Avec Laurence Allison, qui n'est pas née au pays du pain du pain de sucre mais qui semble s'immerger dans sa culture comme si c'était la sienne, on a affaire à un autre univers, un peu moins connu et moins mielleux en tous cas.

Ici la chanteuse et compositrice entreprend de rendre un magnifique hommage au superbe compositeur brésilien Edu Lobo, contemporain de Jobim, de Buarque et de Vinicius de Moraes mais qui n’a toutefois pas eu la même reconnaissance du grand public. Il faut dire que le répertoire de Lobo est sublime et exigeant à la fois tant sa musique est subtile et riche dharmonie qui se juxtaposent. Il faut ainsi entendre Laurence Allison reprendre cette chanson poignante, Canto Triste ou au contraire cette samba joyeuse Corrida de Jangada pour comprendre la richesse musicale d’Edu Lobo.

Laurence Allison côtoyait au domicile familial ,lorsqu’elle était enfant les disques d’Edu Lobo dont les mélodies lui étaient devenues, à force familières. Il lui a fallu attendre de grandir et de parcourir son propre chemin musical pour redécouvrir ce compositeur qui ne l’a jamais quitté en fait et se sentir prête à lui rendre un hommage très personnel.

Chantant dans un portugais impeccable ( qu’elle a appris à l’université, déjà amoureuse de la langue de Pessoa), Laurence Allison rend hommage à Lobo aussi bien en chantant ses chansons qu’ en composant ( ou lui dédiant ?) quelques titres magnifiques comme celui qui ouvre l’album, Na Minha Cancao ( « c’est ma chanson ») que l’on aurait pu croire composé par le maître lui-même/

Laurence Allison chante dans son registre qui, on l’a dit n’est pas un registre sucré et tout miel mais au contraire avec cette voix au caractère bien plus affirmé, hors format, restituant la mélodie mais aussi les textes avec une élégante précision.

Les arrangements sont à géométrie variable allant quand il le faut jusqu’à l’ajout de cordres discrètes. ET comme toujours, avec Charlier (piano, fender) et Sourisse (dms,percus) on donne dans l’orfèvrerie en matière accompagnement.

On sort ainsi de cet album émerveillés par la beauté exceptionnelle du répertoire d’Edu Lobo, pas l’osmose entre son propre univers et celui de la chanteuse. Avec l’envie irrésistible aussi de se ruer chez notre disquaire préféré pour faire razzia sur les albums du brésilien.

Quel plus bel hommage ?

Jean-Marc Gelin

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14 mai 2015 4 14 /05 /mai /2015 08:58
GHOST RYTHMs : " Madeleine"

LEM 2015

https://fr-fr.facebook.com/GhostRhythms

Il y a peu de chance que vous connaissiez Ghost Rythms. Ce jeune groupe bourré de talent n'est pas forcément ( en tous cas pas encore) dans les radars du jazz hexagonal. Mais de vous à moi, il y a fort à parier qu'il sera bientôt l'un de ses acteurs incontournables. Car en effet ce jeune groupe et ses deux principaux compositeurs ( Xavier Gelard et Camille Petit) cumule les prix de compositions dans tous les tremplins où il passe ( dont notamment La Defense en 2012).

Il faut dire que Ghost Rythm a définitivement beaucoup d'idées et beaucoup de moyens pour les exprimer.

Après un album remarquable marqué par l'influence de Steve Coleman, le groupe parisien revient aujourd'hui avec un double CD axé autour du film d'Alfred Hitchcock, Vertigo ( ou " Sueurs froides"). Xavier Gelard explique qu'il a été un jour marqué par la légende selon laquelle "The dark side of the moon" l'album des Pink Floyd, pouvait s'entendre comme la bande son du film de Victor Fleming, "Le Magicien D'Oz".

Ici l'album se conçoit aussi comme celle de Vertigo.

C'est dire les qualités expressives de ce projet qui nous embarque en parfaite synchronisation avec les moments forts de ce film dont il faut redécouvrir les qualités hypnotiques ( à l'instar du regard incroyablement fascinant de Jame Stewart !).

L'exercice de Ghost Rythms et de ses deux remarquables compositeurs est ici d'autant plus périlleux qu'il leur fallait s'extraire de la musique inoubliable de Bernard Hermann. Pour ce faire, Gosth Rythms est allé puiser dans le creuset de ses influences modernes. On pense beaucoup à Guillaume Perret, on pense à Ping Machine ou encore au grand ensemble de John Hollenbeck.

L'écriture terriblement efficace et porteuse d'émotions fortes est envisagée comme des traveling ou comme des cadrages de sons et d'image. Il fallait pour réussir ce challenge, une réalisation et une direction de groupe impeccables avec une vraie dimension orchestrale ainsi qu'une place laissée à chacun des musiciens qui le compose (que chacun des solistes porte à merveille).

Et c'est par le biais de l'écriture et de l'engagement total qu'il parviennent alors à nous emmener à l’intérieur de l'écran.

Il y a parfois dans cette musique une dimension kaléidoscopique, comme l'agencement d'un rouage fascinant. La musique y est en mouvement, s'y fait organique, comme la danse de micro- cellules qui s'agencent entre elles.

L'orchestre s'entend alors comme un véritable choeur.

Du début jusqu'à la fin de l'album , on reste captivés par ces moments, ces images suggérées, ces passages de l'effroi à l'émotion dramatique, par la course effrénée rythmée par un groove fort et par ses belles montées paroxystiques.

En fait jamais ce double album ne nous lâche.

Vous ne connaissiez pas Ghost Rythms ?

Vous aviez radicalement tort mais il n'est jamais trop tard. Laissez vous embarquer !

Jean-Marc Gelin

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11 mai 2015 1 11 /05 /mai /2015 21:35
STEPHANE BELMONDO : «  Love for Chet »

Naïve 2015

Stéphane Belmondo ( tp, bgl) ; Jesse Van Ruller (g), Thomas Bramerie (cb), Amin Bouker (vc sur Blame it on my youth)

Après le superbe hommage à Chet Baker rendu en début d'année par Riccardo

del fra, c'est une autre marque d'amitié profonde dont témoigne trompettiste toulonnais Stéphane Belmondo qui fut longtemps un de ses proches. Assez proche en tous cas pour que son aîné le prenne un peu sous son aile ou plus exactement lui en donne des sacrées pour qu’il suive son propre chemin.

On le sait Stéphane Belmondo, incontournable jazzmen de la scène hexagonale se nourrit de rencontres très fortes. De belles personnes comme récemment Yusef Lateef ou encore le pianiste Kirk Lightsey.

Cet hommage à celui dont il fut très proche cet hommage, Belmondo l'a voulu intime, voire intimiste, dans une formation restreinte, en trio avec le contrebassiste de toujours (Thomas Bramerie) et un magnifique guitariste Jesse Van Ruller. Un peu dans la lignée de ce superbe album que Chet avait signé avec Philippe Catherine ( « Strollin’ » notamment dont Belmondo reprend le love for sale).

Ici l'osmose des trois musiciens est totale, portée par une parfaite compréhension de la mélodie dont jamais ils ne cherchent le plagiat mais qu'ils comprennent avec beaucoup de finesse et de tendresse. La marque de Chet, ici prégnante c'est la capacité de Belmondo à mettre en valeur les lignes mélodiques au travers de ses impros un peu à la manière des chansons. Alors, jamais Belmondo ne donne dans le pathos ou dans l'emphase dramatique. On est plutôt au coeur d'une sorte de jam entre trois musiciens de grand talent qui mettent leur coeur sur la table. Tous les trois ensemble.

On ne s'en lasse pas.

Jean-marc Gelin

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9 mai 2015 6 09 /05 /mai /2015 07:58
SNARKY PUPPY & Metropole Orkest : «  Sylva »

Impulse 2015

NDR : Attention cet album ne ressemble pas à grand chose de ce que vous avez pu entendre jusqu’à présent.

Snarky Puppy ( litt. : « le chiot narquois ») est un collectif créé en 2004 par le bassiste américain Michael League. Véritable OVNI dans le paysage sage du jazz, le groupe de Brooklyn est un ensemble musical indépendant qui se joue des codes et des frontières, des instrumentums autant que des barrières stylistiques. Ce groupe d’artistes indépendants à géométrie variable, ne cesse album après album de fasciner par son art de se jouer des sons du jazz et de la funk avec un sens de l’écriture particulièrement exigeant et pourtant assez jubilatoire. Elu plusieurs fois meilleur groupe de l’année ( en 2008,2009 et 2010) le groupe de Michael League ne cesse de surprendre son monde qui aimerait bien le ranger dans une case, oui mais fichtre, dans laquelle ?

Le nouvel album, enregistré en live avec le célèbre Metropol Orkest ( aujourd’hui dirigé par Jules Buckley) est dédié à la forêt ( d’où son titre , Sylva) , que Michael League décrit comme « un endroit à la fois innocent, effrayant, inspirant, impénétrable, fragile, stoïque, révélateur, un abri, un labyrinthe, un temple, une tombe, un sanctuaire, un parlement, un prison ». De quoi inspirer l’écriture très créatrice du bassiste qui, effectivement donne un certaine dimension protéiforme à son projet soutenu parfois par les cordes de l’orchestre néérlandais. Objet curieux, cet album évolue entre jazz funky, fanfare, popo et classique et instaure parfois des climats très forts à l'image de ce Curtain très émouvant certainement la pièce maîtresse de l'album avec une ouverture à cordes très Malherienne avant que des tambours plus lourds et plus rock n'envahissent l'espace. Les morceaux à tiroirs évoluent alors dans le temps et l’espace musical saisissant au vol de constants revirements de systèmes. 2 claviers ( l’orgue de Cory Henry, assez génial ici et le fender de Justin Stanton) se partagent un groove aussi fort que subtil s’appuyant juste lorsque la dramaturgie l’impose, sur un tapis de corde qui ne vient pas casser le groove mais au contraire le porter autrement.

C’est que la musique de Snarky y est conçue de manière symphonique comme une sorte d’opéra rock ( Gretel) où la masse orchestrale du Métropole prend toute son ampleur. Lorsque l’on entend une composition comme Sintra qui s’appuie sur l’écrin

des arrangements pour cordes on pense à la liberté que pouvait avoir un Charlie Haden lorsqu’il racontait avec Carla Bley et son Liberation Music Orchestra une musique à grande ampleur narrative.

En fait toutes les références des grandes écritures du jazz et de la pop avec un grand zest de classique se mêlent ici et les références se bousculent alors pour un musicien qui démontre ici l’étendue et la richesse d’une culture musicale foisonnantes

Pour ceux qui n’étaient pas au concert de Snarky Puppy le 7 mai Paris o le 8 à Coutances, il est urgent de se procurer cet album comme le témoignage éclatant d’une musique en mouvement.

Fascinant

Jean-Marc Gelin

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8 mai 2015 5 08 /05 /mai /2015 09:07
ERIC PLANDE /UWE OBERG/ PETER PERFIDO

TOUCHING

JAZZWERKSTATT 142

www.jazzwerkstatt.eu

Le saxophoniste ténor et soprano Eric Plandé traverse le jazz moderne depuis quelques années signant quelques belles réalisations (on se souvient de Between the lines avec Joachim Kühn. Installé en Allemagne depuis 9 ans il a travaillé avec le pianiste Bob Degen pour Human nature. Le saxophoniste, vibrant et charnel, à la fois catalyseur et discret meneur, poursuit son entreprise plurielle : toujours friand de belles rencontres, il a enregistré sur le label indé allemand Jazzwerkstatt, un premier CD Touching en trio avec le pianiste de Wiesbaden Uwe Oberg et le batteur américain Peter Perfido.

Dans l’ère post coltanienne, ce jazz free surprendra par sa grande fluidité, une réelle sérénité comme dans la composition éponyme d’ Annette Peacock. Comment ne pas nourrir une certaine tendresse pour ce saxophoniste délicatement intense, qui nous plonge dans une rêverie liquide ? Il offre parfois, au milieu de remous plus compréhensibles, quand on sait que certain morceau s’intitule « Chaos », un temps propice au recueillement et à la méditation dans cet « Awaken » à la flûte...

Dans ses notes de pochette, Tim Gorbauch cerne bien le travail du trio dès le premier morceau dont il donné une analyse précise : ce « Darkness from you » permet à chacun de jouer comme il est, comme il aime, tout en écoutant les autres, et de poursuivre un échange des plus fructueux, toujours énergique : un partage intense avec des directions communes, un engagement qui les conduit à une improvisation contrôlée, un flot / flux organique et élastique de sonorités qui gomme la différence traditionnelle entre chose écrite et improvisée. Les trois voix s’élèvent avec bonheur et complicité, équitablement, harmonisant la lisibilité de l’ensemble. Voilà un emboîtage revigorant de thèmes personnels rythmiquement efficaces, mélodiquement chantants. Au fond, cette musique est emplie d’un désir profond d’ ouverture au monde par un éventail de manières, de matières et de couleurs : on part vers cet ailleurs imprévu, au gré de la mémoire et de l’inconnu qui ne cessent de se rejoindre dans un souffle libertaire.

Sophie Chambon

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4 mai 2015 1 04 /05 /mai /2015 21:12
CASSANDRA WILSON : « Coming forth by day »

CASSANDRA WILSON : « Coming forth by day »

Sony Music 2015

Mettons un peu de côté la célébration un tantinet ridicule du centenaire de la naissance de Billie Holiday pour ne retenir avant tout et surtout que l’hommage très personnel d’une grande dame du jazz à une autre. Si Billie Holiday est évidemment la référence suprême de toutes celles à qui elle a donné un jour la vocation de chanter le jazz, Cassandra Wilson assume cet hommage avec une vision très personnelle et quasiment intime de cet héritage.

Mais Cassandra elle, vient du Delta, et porte en elle un autre blues, d’autres moiteurs. Clles du Mississsipi d’aujourd’hui où les bleutés des guitares électriques ont remplacé le velours des ténors lesteriens.

Produit par Nick Launay ( producteur connu notamment pour son travail avec Nick Cave), « Coming forth by day » est un album aux couleurs parfois très sombres porté par la voix magnifique et profonde d’une Cassandra Wilson qui magnifie ici une autre façon de chanter le blues de Billie. Jamais la chanteuse du Mississipi ne cède au plagiat ni à la tentation de la reprise. Son job ici c’est de redonner à Billie Holiday sa place dans la modernité. Billie devient électrique et brumeuse, proche ( comme elle le dit dans les colonnes de jazzmagazine) du rock alternatif dont Cassandra Wilson dit qu’elle y aurait certainement trouvé son univers aujourd’hui.

Et si Cassandra s’égare parfois dans quelques reprises un peu incongrues comme celle de You go to my head ( malgré de superbes arrangements et une coda très hollywoodienne) , sa version simplissime de The way you lok tonight touche au cœur et celle de I’ll be seeing you est quasiment hypnotique et lunaire. Mais il y a un souffle unique et épique dans cet album. Mélancolique ans être triste, parfois débordant d'amour et pourquoi pas de joie, il remet les choses à leur place bien au delà des clichés sur Billie.

Il y a dans cet album une vraie signature de Cassandra qui ne nous fait pas douter un seul instant de son authenticité. Son hommage à Billie Holiday touche au cœur. « Coming forth by day » est une référence au livre des morts des anciens de l’Egypte antique ( Livre pour sortir au jour). Mais mieux qu’un hommage, c’est une façon d’accompagner Billie ailleurs, là où elle se trouve. C’est-à-dire justement ici et maintenant.

Jean-marc Gelin

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18 avril 2015 6 18 /04 /avril /2015 09:21

Jazz & People 2015

Leïla Olivesi (p, vc), David Binney (as), Manu Codjia (g), Yoni Zelnik (cb), David Kontomanou (dms)

La pianiste Leila Olivesi devient une musicienne incontournable du monde du jazz hexagonal. Son quartet qui tourne depuis pas mal de temps et que l’on peut entendre assez régulièrement sur les scènes parisiennes a pris désormais la dimension d’un vrai d’un groupe homogène et ultra cohérent. Et à chaque nouvel album de la pianiste, toujours la même évidence, Leila Olivesi grandit, s’affirme et prend une réelle ampleur. Non seulement comme instrumentiste mais surtout et avant tout comme une vraie compositrice réellement inspirée. Par delà la performance d'un tel ou untel, « Utopia » c'est la confirmation que Leila Olivesi parvient à imposer son écriture et son talent de compositrice de grande qualité. Ecriture souvent " new-yorkaise". De celle qui s'inspire justement de l'écriture d'un musicien comme le saxophoniste américain David Binney (présent sur 4 des 8 titres), d'un Kurt Rosenwinkell ou encore même de Fly ou de Mark Turner. Ce qui en soi situe le niveau de cet album, assez haut. Grande compositrice assurément Leila Olivesi en a toute l’envergure. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, dans une toute autre veine l’un des titres qui clôture cet album, Summer wings a reçu le prix Ellington Composer.

Mais il n’est pas d’album de jazz remarquables si les plus belles compositions ne sont pas servies par de grands interprètes. Et c’est tout l’art (très ellingonien d’aileurs) de Leïla Olivesi que des les avoir particulièrement choyés. David Binney qui apparaît ici en guest star culmine aux sommets auxquels il nous a habitué, apporte sa verve et son lyrisme et met le feu à tout ce qui bouge à l'image de ce Symphonie Circle incandescent ou comme dans le Monde de Cyrano aussi enflammé que son illustre personnage. Leila quand à elle chante sur deux titres (plutôt bien d'ailleurs) en utilisant sa voix comme porteuse de mots mais surtout de musique, autre instrument à corde qu'elle utilise avec légèreté et grâce. Dans un arrangement presque rock (en tous cas très rosenwinkellien) de Night and Day, l’incontournable Manu Codjia apporte ses couleurs bleutées et évanescentes qu’il manie avec un art consommé de l’envolée sensuelle. Le tout admirablement, soutenu par une superbe rythmique.

« Utopia », hommage aux écrits d’Edmond Rostand se situe un peu entre ciel et terre. Dans un autre mode peupé d'être imaginaires mais qui nous ressemblent fort.

Dans une dimension à la fois onirique et formidablement humaine, Leila Olivesi nous embarque dans son univers.

Jean-Marc Gelin

LEILA OLIVESI : «  Utopia »
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13 décembre 2014 6 13 /12 /décembre /2014 09:15

L’âge d’or du Jazz
Coffret de 5 CD. Jazz Magazine-Jazzman- Wagram Music. Réalisation, Lionel Eskenazi


Tout comme la langue d’Esope, la compilation peut être soit la meilleure soit la pire des choses. Dans cette dernière catégorie (que nos lecteurs naturellement fuient) figurent les reprises d’enregistrements-pirate, de qualité sonore déplorable, sans indications discographiques. Le coffret signé par un ex-collaborateur des DNJ, Lionel Eskenazi appartient (on s’en serait douté vus les états de service d’icelui auteur des deux précédents coffrets annuels pour Jazz Magazine ) à la première.
Nous avons ici affaire à une sélection ciblée dans le temps, 1954-1962, intitulée sobrement « L’âge d’or du jazz ». Le choix de la date initiale a été opéré spécialement pour correspondre au lancement de Jazz Magazine par Frank Tenot et Daniel Filipacchi et accompagner les 60 ans du magazine-référence. Pour ceux qui aimaient le jazz à l’époque –parmi lesquels l’auteur de ces lignes- ces 100 titres rappellent une période foisonnante, où le hard bop voisinait avec le third stream et, au tout début des années 60, le free jazz. En cinq heures d’écoute, on retrouve les titres-phare de l’émission-culte quotidienne de Daniel et Frank.
Pour les jeunes générations, le réalisateur justifie son appartenance à l’Académie du Jazz par l’œcuménisme de ses choix. De Benny Goodman à Cecil Taylor, de Charlie Parker au MJQ, de Jimmy Giuffre à John Coltrane, de Nat King Cole à Nina Simone, de Lester Young à Ornette Coleman, d’Oscar Peterson à René Urtreger, d’Erroll Garner à Martial Solal… on pourrait allonger à l’envi l’exercice. Présentés de manière chronologique- ce qui permet de voir que Duke Ellington a gravé en dix jours en septembre 1962 un album en trio avec Max Roach et Charles Mingus – Money Jungle dont est extrait ici Fleurette Africaine, et une rencontre avec John Coltrane, présentée avec In a Sentimental Mood- ces 100 morceaux offrent un panorama aussi varié que surprenant. Et l’écoute en continu permet ainsi de passer pour l’année 59 d’Anita O’Day à Bud Powell, Tina Brooks, Bobby Timmons et Sun Ra. Sacré grand écart !
Evidemment, toute sélection présente ses limites, ne serait-ce que par les contraintes techniques imposées (difficile d’aller au-delà de 70 minutes par album). Pourquoi avoir écarté untel ? On peut deviser à l’infini. Laissons ce débat aux ayatollahs aigris ! Et plongeons dans ce bain de jouvence des années 50-60 sans nostalgie ni regret.


Jean-Louis Lemarchand

L’âge d’or du Jazz
L’âge d’or du Jazz
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30 novembre 2014 7 30 /11 /novembre /2014 15:13

Intuition Music

www.intuition-music.com

1 CD+ 1 DVD

 TheSongIsMyStory.jpg

Quel plus bel hommage pour les 80 ans du pianiste sud-africain Abullah Ibrahim !

Un choc !

Le label allemand Intuition a profité d’un concert en solo donné en Sicile en juin 2014 pour en graver à la fois sa captation mais aussi pour réaliser une magnifique interview filmée qui fait l’objet d’un DVD.

A l’aube de ses 80 ans Abdullah Ibrahim dégage une sorte de force tranquille et une sérénité que seuls quelques vieux sages dans ce monde agité peuvent transmettre. Lorsqu’il joue c’est comme si cette sagesse millénaire tombait sur vous et vous enveloppait. Chacune des notes du pianiste est en effet empreinte d’une exceptionnelle profondeur, d’une gravité qui va chercher au cœur même de l’essentiel. Qui va puiser au cœur de la vie, des hommes et de Dieu certainement.

Il y a bien sûr, comme souvent dans l’exercice du piano solo, une sorte d’introspection. Mais avec Abdullah Ibrahim elle prend la forme d’une sagesse chamanique. Une façon d’arrêter le temps. La musique d’Abdullah Ibrahim est méditative et si émouvante lorsqu’elle jette ce regard sur lui-même et sur ses propres racines. Le pianiste dit beaucoup, digresse autour d'une immense improvisation. On y entend parfois Ravel et Debussy, parfois Monk ou la religiosité de Coltrane dans ses réflexions et dans son cheminement. C’est que, comme chez le saxophoniste, il y a dans sa musique venue des township et du jazz d’Ellington une part de religiosité, de gospel et de profondeur croyante. Ce sont parfois comme des chants d’église qui s’élèvent vers le ciel.

La musique d’Abdullah Ibrahim se trouve ici au sommet de l’art du pianiste. Cette musique qui ouvre en chacun les portes d’une méditation profonde. La quintessence du piano solo.

 

Puis suit un documentaire tourné au même moment qu’avait lieu de concert. Documentaire magnifiquement réalisé où le pianiste y raconte l’histoire de ces chansons qu’il a composées. C’est magique comme lorsque, avec générosité il nous fait entrer dans l’intimité de ses compositions, comme lorsqu’il parle d’Aspen et de son imaginaire qui prend forme en musique. Et cette émotion qui surgit lorsqu’il parle de l’amour et de Blue Bolero dédié à la femme de sa vie. Il y raconte aussi avec tendresse ses influences sur la musique de Cap Town, l’apartheid, l’exil et l’incroyable pouvoir politique que sa musique a pu avoir sur tout un peuple en lutte (Mannenberg). Derrière l’apparente simplicité de ses mélodies, il évoque sans fausse modestie la complexité de ses structures musicales et parle de « la profondeur de la simplicité. ». Cette interview que l’on aurait voulu prolonger se poursuit par un extrait de ce concert solo du 26 juin 2014 au Fazioli Concert Hall, magnifiquement filmé au cœur du processus de l’improvisation comme rarement capté par l’écran.

 

On sort de là, le cœur et l’âme chavirée, persuadé d’avoir rencontré un être sublime, sorte de chamane magnifique dont chacune des phrases et chacun des sourires peuvent apporter un supplément de paix et d’amour.

C’est tout simplement bouleversant.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

 

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