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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 07:11

 

CONCERT DE YARON HERMAN « FOR PEACE BAND » Avec Michel Portal, Emile Parisien, Simon Tailleu et Ziv Ravitz

 

  herman.JPG

   © Lionel Eskenazi

“ J’y étais”, voici la seule phrase que la foule émerveillée arrivait à prononcer en sortant du très confortable auditorium de l’Institut Pasteur, après 90 minutes d’un concert unique, intense et exceptionnel. Une foule qui vient de prendre conscience d’avoir assisté à un évènement jazzistique considérable, d’avoir vu cinq musiciens qui n’avaient jamais joués ensemble, exécuter une performance inouïe en s’amusant comme des gamins allant au bout d’eux-mêmes, provoquant en nous une joie et un plaisir intense. « J’y étais » et j’ai eu la chance de voir le quintette le plus improbable, le plus fou et en même temps, le plus cohérent de l’année. Quelle chance d’avoir pu assister à la première exécution des toutes nouvelles compositions de Yaron Herman. Rien que du neuf, rien que de l’inédit, Yaron frappe très fort d’entrée et ne va pas arrêter de nous surprendre, de nous éblouir et de nous séduire. Le concert démarre en trio avec Simon Tailleu à la contrebasse et un batteur israélien (installé à New-York) Ziv Ravitz, que l’on ne connaissait pas et qui s’avère phénoménal. La très belle mélodie d’« Aladdin Psychedelic Lamp » s’enchaîne à merveille avec l’énergique « Try on », puis le trio continue de carburer à plein régime avec la reprise de « Heart-Shaped Box » de Nirvana (tiré de l’album « In Utero »). Puis le trio devient quartette avec l’arrivée d’Emile parisien au saxophone soprano pour nous interpréter un morceau toujours inédit et très « groovy » qui avait été majestueusement introduit par un magnifique passage en piano solo (comme la plupart des titres joués ce soir). Puis Emile Parisien cède la place à Michel Portal (qui ne jouera exclusivement que de la clarinette basse) dans une remarquable composition intitulée « Saturn Returns ». Après la mélodie enivrante d’un mémorable nouveau titre jouée en trio, place au quintette qui va réunir tout le monde dans une entente parfaite. On appréciera en particulier la belle osmose entre les sonorités du soprano d’Emile parisien et celles de la clarinette basse de Portal. Quarante sept ans séparent ces deux souffleurs et on ne s’en rend absolument pas compte car nous voyons deux gamins s’amuser comme des fous et « pousser » leurs instruments respectifs aussi loin que possible pour le bonheur des spectateurs. C’est d’ailleurs en duo qu’ils vont introduire le magistral « The Mountain in G Minor », véritable morceau de bravoure qui permet à Yaron de  nous livrer un chorus de piano spécialement endiablé. Le premier rappel nous fait apprécier des superbes mélodies hébraïques et enfin pour l’ultime rappel, Yaron réussit un véritable exploit car il réussit à faire jouer à Portal un morceau de Britney Spears ! Eh oui, on n’est pas près d’oublier la version de « Toxic » que le quintette nous livre en bouquet final d’un concert mémorable, qui restera certainement comme un des moments les plus forts de ce 10 ème festival de Jazz à Saint Germain-des-Prés.

 

Lionel Eskenazi

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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 07:09

Alors que le festival Esprit jazz fête ses dix ans, le concert de vendredi soir trouvait une résonnance bien particulière : le trio du batteur André Ceccarelli y rendait en effet hommage à Claude Nougaro, qui avait accepté il y a une décennie d’être le parrain de la première édition. Une forme de retour aux sources en somme, dans le cadre à la fois luxueux et insolite d’un salon de réception de l’hôtel Lutetia, qui fait désormais partie de ces lieux rares que le festival investit chaque année. Et aussi l’occasion de redécouvrir sur scène le répertoire de l’album « Le coq et la pendule », sorti chez Plus Loin Music à la rentrée 2009.

Sur le papier, l’idée de transposer à un format instrumental l’univers du grand parolier qu’était Claude Nougaro peut paraître pour le moins risquée. « Dédé » Ceccarrelli et ses talentueux acolytes (Pierre-Alain Goualch au piano, Diego Imbert à la contrebasse) relèvent pourtant le défi avec brio, grâce à des arrangements bien troussés faisant la part belle aux mélodies et à une dynamique de groupe alliant la finesse à l’énergie. En dépit d’une sonorisation un peu excessive – du moins depuis le troisième rang où j’étais installé – on ne perd pas une miette de leurs échanges.

Et puis, il y a David Linx, invité sur plusieurs titres, dont une version anglaise (!) d’Eau douce. Avec lui, on entre dans une nouvelle dimension : une silhouette dégingandée qui gesticule au gré de ses embardées vocales, des scats décoiffants à n’en plus finir, une énergie et une présence de tous les instants. Il n’en faut pas plus pour embraser le public du très chic sixième arrondissement. Cerise sur le gâteau : le concert s’achève par trois « bonus tracks » absents de l’album : Autour de minuit alias ‘Round Midnight, Les mots, que Linx prit à son répertoire à la demande de Nougaro lui-même, et enfin l’incontournable Rimes (adaptation d’Il Camino d’Aldo Romano), pris à un tempo endiablé, dans un esprit très différent de l’original. Une relecture étonnante d’un thème pourtant familier, comme on le ferait d’un bon standard.

Pascal Rozat

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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 22:30

Le jury du Tremplin, Esprit Jazz a décerné ses prix après que les trois groupes finalistes retenus après trois jours  de compétition, ont finalement pu s'exprimer sur la scène du Sunset.

 

Le groupe vainqueur de ce tremplin jeunes talents est le groupe

                3 SPIRIT

Un superbe trio aux couleurs coltraniennes qui suit les traces de Dave Liebman. Ce groupe est emmené par un Antonio Tritta, un saxophoniste dont on risque d'entendre longtemp parler. Il est épaulé à la batterie par Thierry Tardieu et à la contrebasse par l'une des très belles surprises de ce festival, l'italien Tomaso Montagnanni.

 

Le jury a tenu à décerner une mention spéciale au pianiste du groupe WW Quartet, véritable révélation de cette 8ème édition des tremplins. Frederic Volanti est assurément un pianiste immense qui a littérelament scotché tous les membres du jury.

 

Enfin le prix de soliste a été décerné par Benny Golson himself, de passage pour deux concerts au Duc des Lombards à un jeune ténor, Adrien Sanchez très impressionné de recevoir ce prix Selmer des mains d'une légende vivante du jazz.

 

 

A l'instar de ce que disait Fred Charbaut, on ne doute pas à entendre ces jeunes musiciens, que le jazz est bel et bien vivant et qu'il s'apprête à couler encore des jours bienheureux.

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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 08:13

Concert du 20 mai 2010, Eglise Saint-Germain des Prés

 

 Michel-Legrand.jpg

Avant le concert, il se disait inspiré par l'église Saint-Germain des Prés, au coeur du quartier cher à sa jeunesse. Michel Legrand, qui jouait pour la première fois en duo avec sa compagne et harpiste Catherine Michel, ancienne de l'Opéra de Paris, a offert un concert confinant par instants au divin. En tout cas plein d'émotion. Et de sourires. Avec un son magnifique.

Le (Messager). Version baroque. Contrepoint maîtrisé avec un art consommé. On n'est pas loin de Bach. Le début d'envolées magistrales. Et angéliques. Une Catherine Michel reine des nuances, capable de faire sonner sa harpe tantôt comme un pupitre de cordes, tantôt comme un orchestre entier, tantôt même, comme un carillon. Un Michel Legrand très détendu qui confiait quelques jours plus tôt « n'avoir jamais aussi bien joué du piano qu'en ce moment. » En effet, la technique est toujours là.Epoustouflante.

Adepte de la variété en toute chose, le pianiste, chanteur et compositeur a en fait surtout livré des versions inédites de ses oeuvres fétiches. Principalement des musiques de films (il en a composé plus de 250). Des réductions savantes de partitions symphoniques réorchestrées spécialement pour cette soirée. Peu de jazz et de swing, mais qu'importe... C'est du grand Legrand.

S'enchaînent ensuite les musts : «  La chanson des Lilas » alias « One upon a Summertime » devenue standard des chanteuses de jazz. «  La Chanson de Maxence », des Demoiselles de Rochefort. Catherine Michel est magistrale dans « Un Eté 42 ». Tout comme dans « Yentl ».

Toujours, les harmonies sont d'une rare élégance et souvent osées. Un bonheur.

Puis Legrand chante. Des poèmes qu'il a mis en musique. La voix est un peu fatiguée dans les aigus. Et on aurait aimé en distinguer mieux les paroles. Mais on lui pardonne tout bien volontiers.

Au bout de deux heures, c'est le final, brillant, avec un medley des Parapluies de Cherbourg.

Juste avant, moment d'émotion intense avec Dingo, qu'il avait écrit et interprété avec son ami Miles, juste avant sa mort. Legrand scatte toujours à sa manière. Nous on adore.

Bénédicte Agoudetsé

 

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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 07:57

One dark night I left my silent house

ECM 2010


C’est avant tout la découverte d’une clarinettiste remarquable , David Rothenberg qui signe là, aux côtés de Marylin Crispell, son 7eme album et son premier pour le compte du label ECM. Clarinettiste et saxophoniste qui développe un univers poétique très individualiste et un sens de l’improvisation qui lui permet cette exploration (presque solitaire) tout au long de ces 13 titres, David Rothenberg passe de la clarinette à la clarinette basse avec une richesse de son qui donne tout le relief à un album dans lequel, il fat bien l’avouer il ne se passe pas grand chose. La pianiste Marilyn Crispell en est réduite au rôle de faire-valoir et meuble l’espace avec une infinie discrétion. Très concertant, cet album qui ne manque pas d’un certain charme très littéraire, s’inscrit sans surprise dans une esthétique ECM, très beau mais aussi un tantinet ennuyeux.

Jean-marc Gelin

 

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23 mai 2010 7 23 /05 /mai /2010 11:58

Le jazz s'invite aux Starbuck Cafés de St Germain.


Ce vendredi 22 mai.

 


C'est au deuxième étage des Starbuck cafés de St Germain, à Paris, que les concerts du festival ont pris position. Les Starbucks café sont des lieux qui correspondent bien au quartier St Germain de 2010: on y vient pour prendre un café mais aussi pour profiter de son atmosphère privilégiée et sa tranquillité déconcertante. Le Festival de St Germain des Prés y amène le jazz pour une rencontre-expérience hardie.

Le Starbuck café de la rue St André des Arts est un lieu très agréable à vivre, plus livré à l'espace entre les tables qu'à la surpopulation, qui accueillent le trio guitare / basse / batterie de Yann Cole. La musique de ce trio bien rodé est ancrée dans le blues rock de Stevie Ray Vaughan avec de fortes influences soul. Une agréable surprise: la musique de Yann Cole nous donne l'impression d'être assis sur un bloc de blues transpirant en raze campagne alors même que de suaves vagues soul, typiques de Prince, nous entraine dans un monde plus doux et clinquant. Dans le public, les discussions se tarissent, un café est renversé, le techno-addict lève la tête avec un sourire, certains se lèvent pour se rapprocher. Ca prend!

Dans un tout autre registre, le Starbuck St Michel Seine accueille Arthur Borgnis aka Doctor Donuts pour faire un mix à partir d'enregistrements jazz dopé à l'acid(jazz) et aux basses rondes et groovantes. La prestation est de qualité même si le public tarde à tendre l'oreille.
La plus belle surprise vient du Starbuck Cluny qui voit la diva électrique, alias Deborah Benasouli, éclater son talent face à un public studieux, très à l'écoute et visiblement venu pour cette occasion. La chanteuse est associée à la contrebasse de Jean-Daniel Botta et au piano électrique d'Alexandre Saada. Mais Deborah Benasouli a t-elle besoin d'être accompagnée? Blague à part, la chanteuse est vibrante, straight et son vivant artistique pousse les musiciens à la suivre sur le chemin qu'elle sillonne ce soir là. Véritable moteur de ce trio elle déroule une très belle prestation faite de standards jazz et brésiliens, en passant par des chansons pop (Cat Steven). Devant une assemblée, dont certains membres sont médusés et d'autres font la queue dans l'escalier, venue écouter le trio, Deborah Benasouli entreprend des standards avec l'envie de les rendre ludiques. Talent, rires dans la voix et quelques fins de morceaux originales et audacieuses - principalement dues à Alexandre Saada - font de ce concert un vrai moment de joie créative.

Jérôme Gransac

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22 mai 2010 6 22 /05 /mai /2010 09:09

sophie-Alour.JPG

                                                                                    © Lionel Eskenazi

 

 

La saxophoniste ténor Sophie Alour viendra présenter son très bel « Opus 3 » sur scène au Sunside à Paris les 21 et 22 mai. Nous l’avons rencontré afin de faire le point sur un virage musical recentré sur le jazz, dans la formule sans concession d’un trio saxophone-contrebasse-batterie à la fois explosif et langoureux.

 

 

DNJ : Comment t’es venue l’idée de passer au trio pour ce troisième album ?

 

S.A : C’est à cause des pianistes… (rires…), non plus sérieusement je crois que c’est tout simplement un moment dans ma carrière qui correspond à une certaine maturité. Plus on avance dans le temps, plus on a tendance à aller vers des choses plus simples, plus économes, plus austères aussi. L’austérité, ce n’est pas un mot qui me fait peur, je trouve même que c’est assez beau, d’un point de vue artistique bien-sûr car je ne parle pas de l’austérité économique que nous subissons en Europe en ce moment !

 

DNJ : Plutôt qu’ « austérité », je préfère le mot de « maturité ». Je pense qu’avec ce disque, tu es à un virage important où tu te recentres vers le jazz et où quelque part tu fais un bilan de ta carrière en reprenant presque tout à zéro, d’où ce titre « Opus 3 ».

 

S.A : Effectivement, il y a tout ça à la fois et cet « Opus 3 » correspond pour moi à la fin de quelque chose et au début de quelque chose d’autre. Je ne sais pas encore exactement quoi, mais il est clair que je suis à un virage. En ce qui concerne le retour vers le jazz, c’est une musique que j’aime profondément depuis que j’ai 14 ans et qui a longtemps habité mes rêves, mais j’ai eu une crise d’adolescence assez tardive, une crise d’identité, où j’ai voulu m’éloigner du jazz et chercher autre chose. Ça paraît un peu étrange de le dire, mais aujourd’hui j’ai presque l’impression de redécouvrir le jazz.

 

DNJ : Au moment de « Uncaged », ton deuxième album, tu écoutais beaucoup de groupes de rock comme Radiohead par exemple.

 

S.A : J’en écoute toujours, mais beaucoup moins qu’à l’époque, je voulais me libérer de certains carcans liés aux codes du jazz. J’avais envie de me bousculer, je me sentais enfermé, je voulais sortir de la cage (« Uncaged ») en changeant mes repères artistiques et j’ai cherché du côté de la forme, des sonorités. Il y en a qui ont été beaucoup plus loin que moi dans ce domaine, par exemple j’ai toujours refusé de jouer avec une basse électrique. Je voulais sortir des conventions alors qu’aujourd’hui j’y suis revenu en me réconciliant avec la forme du jazz, avec l’épure.

 

DNJ : Oui et en même temps on sent une tension extraordinaire dans ce disque, une énergie catalysée qui vient du cœur et des tripes.

 

S.A : Je suis quelqu’un de tendu (rires…). Ce qui est curieux c’est que plusieurs personnes qui m’avaient suivi sur « Uncaged » ont eu du mal à rentrer dans ce nouveau projet, alors que pour moi cette musique, même si elle n’est pas forcément accessible, me paraît évidente car elle est assez naturelle, elle vient du cœur et du plus profond de moi-même. Je trouve que le son de l’album (sans l’apport d’instruments harmoniques) oblige à rentrer dedans avec une écoute exigeante car il ne s’agit pas d’un simulacre de quartette.

 

DNJ : D’autant que dans « Uncaged » il y avait sur un tiers de l’album, la présence de la guitare de Sébastien Martel qui amenait un deuxième instrument harmonique à ton groupe, comme par exemple dans le morceau assez rock « Haunted » que tu as voulu reprendre ici en trio, pourquoi ?

 

S.A : C’était un peu ironique, je voulais utiliser cette matière pour en faire quelque chose de différent, comme un peintre qui reprendrait un tableau. Cette relecture m’a semblé intéressante car la forme du trio permet d’aborder plusieurs styles de musique de la même manière, avec le même son d’ensemble.

 

DNJ : Cette formule du trio te permet aussi de mieux t’affirmer comme leader, car sur l’album précédent, la présence de Laurent Coq était assez importante (il avait même signé trois compositions).

 

S.A : Oui c’est vrai, mais je suis fière de l’avoir utilisé à contre-emploi en le poussant à jouer du Fender Rhodes, avec plein de pédales d’effets aux sonorités rock. Ce n’est pas son instrument de prédilection, mais il a bien joué le jeu et y a pris du plaisir.

 

DNJ : Parlons des musiciens de ce trio et de la formidable interaction qu’il y a entre vous.

 

S.A : Oui il y a une très bonne entente et une formidable complicité entre nous. On m’a proposé d’enregistrer avec des musiciens américains, j’ai refusé et j’ai tenu bon car je voulais de partenaires de jeu que je connaissais bien et avec qui je m’entend parfaitement, comme Yoni Zelnik (contrebasse) et Karl Jannuska (batterie). Ce qui est intéressant c’est qu’ils ne jouent pas de la même façon en trio qu’en quartette, ils se positionnent différemment, ils ont plus d’espace. Yoni (qui n’a jamais voulu être leader d’une formation), est un partenaire de jeu idéal, il est complètement à l’écoute, il joue un rôle pivot et je peux avoir entière confiance en lui. Il sera, si besoin est, très difficile à remplacer. Avec Karl, c’est différent car il est lui-même leader de plusieurs formations, il compose et il a une maturité musicale incroyable. Il a la capacité à voir les morceaux dans leur globalité, il apporte quelque chose de cohérent et de très défini. Il ne cherche jamais, il trouve !

 

DNJ : Qui a eu l’idée de confier la direction artistique de l’album au pianiste Eric Legnini ? N’y a-t-il pas un paradoxe que ce soit un pianiste qui tienne ce rôle alors que tu as justement choisi de ne pas utiliser de piano pour ce disque ? Et quel a été son rôle exactement ?

 

S.A : Oui, on peut y voir de l’ironie et trouver ça amusant, mais il a été idéal dans son approche et il a joué un rôle très important dans la réussite de l’album. Yann Martin tient à ce qu’il y ait un directeur artistique sur les albums Plus Loin Music et nous avons pensé à Eric, qui avait déjà joué ce rôle sur plusieurs disques. Il a été parfait dans son travail car il n’y avait aucune ingérence et en même temps à chaque fois qu’il disait quelque chose, c’était pertinent et utile. Très souvent, c’est lui qui a déterminé la direction du morceau car il percevait très bien ce qu’on voulait faire et il nous a aidé à y parvenir.

 

DNJ : Peux-tu nous dire quelques mots sur chaque morceau du disque ?

 

S.A : L’album démarre avec « Grekerna » qui est une reprise d’un morceau d’un groupe pop suédois qui s’appelle « Loney Dear » (et non pas « Lonely People » comme c’est indiqué par erreur sur la pochette du disque). C’est une idée de Nicolas Moreaux qui est un ami contrebassiste et compositeur, qui est leader de plusieurs formations et membre du groupe franco-espagnol « Beatnick Quintet ». J’ai d’ailleurs repris une composition de lui « Why People Always Laugh About Serious Things », qui est le septième morceau du disque.

 

DNJ : J’aime beaucoup le deuxième morceau de l’album qui s’intitule « Mystère et Boule de Gomme ».

 

S.A : je l’ai écrit à partir d’un mode d’Olivier Messiaen. On ne dirait pas en l’écoutant et pourtant il est joué tel quel au début du morceau.

 

DNJ : Puis vient une « Eloge du Lointain » qu’évoque-t-elle ?

 

S.A : Ce morceau parle de la distance qui m’éloigne des musiciens de jazz afro-américains. On joue leur musique, mais il faut avoir conscience qu’à la base, elle ne nous appartient pas, ce n’est pas nôtre notre musique, ni notre culture. J’ai eu cette idée après avoir lu « Free jazz, Black Power » de Jean-Louis Comolli et Philippe Carles. C’est un livre qui m’a énormément marqué et qui a changé ma vision des choses.

 

DNJ : Qui est l’Arthur Cravan de « Ode à Arthur Cravan » ?

 

S.A : C’est un écrivain du début du siècle que j’ai découvert grâce à l’essayiste Gilles D’Elia de la revue « Relectures » qui est un ami.

 

DNJ : « En ton Absence » est un très beau  morceau, émouvant et tendre…

 

S.A : Je l’ai écrit en hommage à mon grand père qui venait de disparaître. 

 

DNJ : Et « La Pensée Vagabonde » ?

 

S.A : Celui là il m’est venu au sortir d’une sieste, avec un cheminement très vagabond…

 

DNJ : « Caprice » ?

 

S.A : C’est une forme classique très courte (« Les Caprices de Paganini ») qui peut être humoristique ou bien désigner une cadence. Ce titre correspond bien à l’humeur du morceau et puis c’est un trait de mon caractère que je revendique !

 

DNJ : « Karlston » est une composition de Karl Jannuska très ancrée dans le jazz  be-bop.

 

S.A : Je voulais, comme sur le précédent album, une contribution de Karl sur ce disque. Il m’a fait plusieurs propositions et j’ai choisi ce morceau énergique qui est effectivement très jazz et surtout complètement différent de  l’atmosphérique « Snow in May » qu’il m’avait proposé sur « Uncaged ».

 

DNJ : L’album se termine sur la très belle « Petite Anatomie du Temps qui Passe » et nous restons comme en suspension dans l’espace et le temps.

 

S.A : Oui, c’est bien de finir sur ce morceau où nous sommes tous les trois en homorythmie complète. On joue la même chose en même temps, sans remplissage. La batterie ne marque pas le tempo, et la basse ne marque pas l’harmonie.

 

DNJ : Tu vas jouer l’album sur scène et vas-tu en plus arranger d’anciens morceaux pour le trio ?

 

S.A : Non, je vais plutôt faire des reprises et jouer des morceaux que j’aime particulièrement comme « Fleurs Africaines » de Duke Ellington et sûrement un arrangement que j’ai fait pour le trio d’après le « Moderato » du concerto pour violoncelle de Chostakovitch. Et puis au troisième set, je compte bien inviter des amis musiciens.

 

DNJ : Vas-tu inviter ton jeune frère, le trompettiste Julien Alour ?

 

Oui, j’aimerais bien, surtout que je n’ai pas pu le remercier sur les notes de pochettes du disque, mais c’est grâce à lui et à ses encouragements après un concert, que j’ai pu concrétiser l’idée de réaliser cet album en trio.

 

Propos recueillis par Lionel Eskenazi le 06 mai 2010.

 

retrouvez la chronique de l'album de Sophie sur  SOPHIE ALOUR : « OPUS 3 » ****

 

 

 


 

 

En prime un petit clip de Sophie Alour ( sur un autre projet)

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21 mai 2010 5 21 /05 /mai /2010 08:18

 

Jusqu’au 6 juin 2010

Au Musée du jeu de Paume

 

 

 

lisette model

Les amoureux du jazz et de la photo ne manqueront pas les derniers jours de l’exposition des superbes photos noir et blanc de Lisette Model au Musée du Jeu de Paume à Paris. Non pas qu’elle soit consacrée au jazz, mais vous pourrez y repérer quelques clichés de Sinatra, de Bud Powell, d’Ella ou encore de Satchmo.

Mais l’intérêt de cette expo est ailleurs. Lisette Model ( 1901-1983), a photographié les gens de Paris ( dans les années 30), ceux magnifiquement grotesques de la promenade des Anglais dans la fin des années 30 , puis ceux de New-York au Sammy’s bar ou au Nick’s, ceux de Reno ou de Las Vegas au gré de ses reportages publiés dans Harper’s Bazar.

La photographe livrait ainsi de formidables caricatures sociales, la société nue miséreuse ou bouffie d’orgueil comme ces femme élégantes , hautaines et finalement ridicules. 

 

LisetteModel2

Une série de clichés est consacrés aux reflets des passants dans les vitrines de New York. Images fantomatiques où notre propre reflet se projette dans le reflet des œuvres.lisettemodel1-copie-1.jpg

Lisette Model saisit des instants crus, trouve des angles et des contre-champ, fait rire ou pas.

ET l'on suivra, bien sûr, avec notre regard affuté de jazzmen, les quelques clichés pris au new York Jazz Festival de 1954 à 1956.

 

En fin d’exposition, ne pas manquer de se poser sur un banc et d' écouter l’interview donnée par la photographe qui se livre avec franchise et fausse candeur.


Jean-Marc Gelin

lisettemodel 3

 

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21 mai 2010 5 21 /05 /mai /2010 07:25

COSA BRAVA : «  Ragged Atlas »

Intakt 2010

Fred Frith (g), Carla Kihlstedt (vl), Zeena parkins ( acc), Matthias Bossi (dm), The Norman Conquest (sounds), Anantha Krishnan (mridangam,tabla)

 

cosabrava

 

John Zorn et Fred Frith : «  Late works »

Tzadik 2010

John Zorn (as), Fred Frith (g)

zorn & frith

Fred Frith on le sait, malaxe les univers musicaux les plus divers pour s'approprier une musique réellement originale qui fait un peu office d'OVNi dans le paysage musical très formaté que nous connaissons aujourd'hui. Membre, entre autre du groupe Naked City et proche de Bill Laswell, le guitariste revendique des influences bien multiples. Un genre de caméléon capable de livrer dans un même moment un album avec son propre groupe (Cosa Brava) et un duo avec John Zorn soit

deux univers qui semblent ici radicalement différents mais qui, quand on connaît le parcours de l'un et de l'autre, trouvent des points d'interaction.

Dans Cosa Brava, Fred Firth compose en effet une musique très hétéroclite basée sur l'association subtile du violon de Carla Kihlstedt ,de l'accordéon de Zeena parkins et de la guitare. On pense aux travaux de Dreamers sauf que le spectre s'élargit ici. On y retrouve ainsi un univers pop à la Robert Wyatt (avec  qui il a d'ailleurs travaillé),  surtout dans les parties chantées et des danses gaéliques médiévales dont Fred Frith s'inspire, un peu à la manière de madrigaux. Une façon de rappeler que ce

Musicien anglais sait remonter à toutes les sources de son éducation musicale jusqu'aux classiques comme John Dowland. Cependant, très occupé à créer son propre espace musical, son univers si particulier, Fred Frith en oublie au passage le jeu improvisé auquel pourtant ses tourneries pourraient donner lieu. Le souci de travailler remarquablement la matière se fait ainsi au détriment de l'émotion qui peine ici à s'installer. Nous assistons à l'oeuvre à la fois fascinés et intrigués passant d'un morceau à l'autre sans repères ( c'est tant mieux) mais aussi sans fil conducteur. Car en effet les liner notes sont réduites à la plus simple expression et ne permettent pas de pénétrer dans l'intimité du travail de Fred Firth.

 

 

Les parentés avec John Zorn sont plus à trouver dans The Dreamers et dans l'orchestration superbe que dans le sens de l'improvisation ' choc" auquel nous habitue de saxophoniste. Il en est ainsi dans cet album avec Fred Firth qui explore les angoisses zorniennes au plus profond de la douleur, de l'angoisse et des tréfonds de l'âme humaine. Comme d'habitude avec Zorn les paroxysmes succèdent au accalmies non moins oppressantes. Aux cris qui semblent être d douleur, succèdent des notes tenues traversant des no man's land imaginaires. C'est du zorn pur jus que l'on retrouve avec bonheur au sax pour cet enregistrement qui date d’octobre 2009. Fred Frith ici met en valeur les textures, joue en gourou de cet univers démoniaque, installe les sons et les ruptures et parfait back up du saxophoniste ultra présent. Et le guitariste dans cet autre répertoire semble tout aussi à l'aise et décidément bien insaisissable.

Jean-Marc Gelin

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 07:59

STREAMING

Karl Jannuska featuring Sienna Dahlen


www.karljannuska.com

www.parisjazzunderground.com

 

 streaming.jpg

 

C’est en fanfare, sur un rythme de marche impulsé par la batterie que commence l’album de Karl Jannuska et de sa compatriote canadienne, la chanteuse Sienna Dahlen. Il ne s’agit pas  de jazz vocal ni de voix qui stratosphérise , mais l’énonciation parfaite, sans étirement ou effet sophistiqué masquant la compréhension -fait souvent des non-anglophones- enjolive ces chansons, qui, sans être mièvres, sont un peu lisses parfois.

 D’abord décontenancé par cet album aux sonorités légères et raffinées, on se laisse vite prendre à l’ambiance poétique, aux climats nettement océaniques-on est loin de la lumière crue et insolente d’un sud aride.

On tombe vite sous le charme d’une musique étrangement familière. Sont-ce les accents de pop anglaise dans la voix délicate, fraîche et bien placée de Sienna Dahlen, son chant net et précis ?

Les musiciens paraissent en retrait  même s’ils assument parfaitement un accompagnement efficace au niveau des couleurs et timbres. Ils sont d’ailleurs nombreux et composent deux ensembles sans piano : Nicolas Kummert/ Joe Miller au ténor, Olivier Zanot/ Christine Jensen à l’alto,  Pierre Perchaud ou Ken Bibace à la guitare électrique et Mathias Alamane / Frazer Holins à la contrebasse. Sans que la substitution ne paraisse trop évidente, il y a un esprit commun à tout le disque, même si les trois derniers titres ont été enregistrés à Montréal avec la formation canadienne du batteur.   

 

Si Karl Jannuska et  Sienna Dahlen ont co-écrit les paroles des dix chansons de l’album, la musique est entièrement composée par le batteur dans ce troisième album en leader de sa jeune carrière, d’où la cohérence de ce Streaming, justement nommé. Cette musique coule, s’écoule sans l’obstacle de la virtuosité et de la performance individuelle. Timide et discret, ce batteur que l’on s’arrache sur les scènes parisiennes ? Il a, en tous les cas, chevillé au corps le sens de collectif, comme l’atteste son implication au sein de cet actif mouvement, l’intéressant PJU (Paris Jazz Underground), dont nous pouvons découvrir les albums en ce printemps 2010.

 

 C’est un album d’arrière saison, à écouter entre amis, au coin du feu, réconfortant, pas vraiment mélancolique. Ces chansons douces et tendres font rêver à l’harmonie et à la beauté du monde : « Timbuktu » ou « Sundogs » sont des comptines enfantines aux cadences douces et enveloppantes que souligne un chorus de saxophone aérien lui aussi.

Cette légèreté, pas du tout insoutenable, vous transforme en une plume qui vole au vent avec les nuages, les « merveilleux nuages ». Une idée persistante d’une musique de l’instant. Une sorte de petit bijou, miniature délicate, intimiste, éloignée de l’image que l’on pourrait se faire d’un batteur plutôt énergique. Ce n’est pas

un disque de batteur, disent d’ailleurs ses potes du collectif, même si cela groove en permanence.

Avec Streaming, on s’abreuve à la fraîcheur d’une musique désirante, ouverte au monde actuel. Entre réflexion, lucidité et croyance.

 

 

SYNAPSE ***

PJU records 2010

Synapse.jpg

Dans la continuité, retrouvons Karl Jannuska qui, en trio, nous offre cette fois avec la saxophoniste londonienne Amy Gamlen et le guitariste Pierre Perchaud un Synapse, absolument attachant et très prenant pour nos neurones. La composition qui nous a immédiatement accrochée, demeure l’arrangement de la saxophoniste de  « Skylark », standard de Carmichael et Mercer dont il existe un nombre effarant de versions. Voilà le plus long titre de l’album, plus de 8 minutes de musique qui s’étire comme une aile, une épure traitée avec douceur et poésie, en hommage à l’oiseau du matin. Rien que pour ce moment, nous recommanderions l’album, preuve que ses jeunes musiciens ont compris l’esprit du jazz et intégré ses repères. Ils peuvent ensuite emprunter d’autres voies, l’essentiel demeure, ce goût irrésistible et singulier.

Un trio très attachant vraiment, un jazz chambré sans contrebasse : il se déguste en suivant les méandres et autres sinuosités du phrasé de la saxophoniste, rehaussés des accords doux, aériens de la guitare-dentelle de Pierre Perchaud, soutenu par le drive continûment efficace, toujours juste de Karl Jannuska.

 On se plaît à partir avec eux sans connaître la destination de ce voyage musical dès le premier titre « Deeper », à remonter jusqu’à « La source », à s’envoler joyeusement dans ce « Big sky ». Les titres, souvent hermétiques, n’empêchent pas d’embarquer dans des contrées franchement exotiques, imaginaires aussi : « Dobroudjanska  Tropanka » ( ah, on ne soulignera jamais assez l’attrait des Balkans sur les souffleurs…)

 Sur un tempo plus vif, juste après le chant de l’alouette, «Flintabaty» nous raconte une petite histoire avec cette sonorité aigrelette, déconcertante du soprano, en accord avec cette course-poursuite qui tient du thriller, rendue haletante par le drive surchauffé du batteur. Amy Gamlen révèle  aussi un son véritablement plein et réconfortant à l’alto, et voilà, pour notre plus grand plaisir, la révélation féminine de l’album. Il faudra désormais compter avec cette jeune musicienne.

Il est courant de parler d’interaction, d’« interplay » : un coup d’œil au graphisme de la pochette, confirme que ce trio est parfaitement stable et équilatéral. Tous ont composé et proposent en alternance des pièces de leur cru mais se livrent aussi à des improvisations collectives.

Un chant continu, irrépressible comme dans cette dernière courte ballade « Vision »pour ce trio simple, efficace et discret. Un album serein,délicat et sensible de musiciens à suivre absolument. Sophie Chambon

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