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17 mai 2010 1 17 /05 /mai /2010 11:21

Futur Acoustic 2010

Jean-Pierre Como (p), Diego Imbert (cb), Aldo Romano (dm)

 

Como.jpg

On le connaît passionné, émotif, à fleur de peau. On le savait romantique ou fougueux. On avait été totalement anéantis, ébranlés par son précédent album, « L’âme Sœur » qu’il avait réalisé en 2006 avec l’orchestre de Pierre Bertrand. On suit aussi son histoire recommencée avec Sixun qui sous la baguette de Paco Sery  reprend du service avec enthousiasme. Jean-Pierre Como y est alors dans des univers plus percussif, plus funk que celui qu’il nous dévoile au travers de ce nouvel album presque entièrement dédié aux grands standards du songbook. Un tout autre visage. Celui qu’il affiche ici est celui d’un pianiste de trio qui apporte avec lui sa sensibilité et son élégance. Car Jean-Pierre Como fait partie de ces pianistes qui savent à eux seuls renverser les rôles jusqu’à mettre eux-même en valeur la superbe rythmique qui l’accompagne. Jean-Pierre Como donne à son jeu l’attaque suffisante, la respiration naturelle et l’espace qui permet aux trois de vivre ensemble. Il n’est que d’écouter ce choix judicieux qui a conduit à mettre Bewitched de Richard Rodgers en ouverture de l’album. Ecouter comment ces trois-là s’en emparent. Diego Imbert, immense, avec une gravité qui évoque celle de Charlie Haden et Romano qui instille à son drive l’attitude d’un chat faussement immobile, à la fois souple et d’une féline précision dans le geste. Avec ces deux-là, Jean Pierre Como se livre à nu dans cet exercice finalement si peu banal (si, si) de jouer ces standards, ces chansons d’amour avec autant de maturité. Car il faut avoir beaucoup écouté des maîtres, beaucoup appris de ces disparus pour atteindre à cette perfection si naturelle. Et l’on est sensible à cette version de ce Up jumped spring de Freddie Hubbard qui tire sa révérence à Bill Evans. Il faut avoir grandi, s’être frotté à l’expérience d’autres univers, à la dureté des clubs pour arriver en studio dépouillé de toute certitude et reprendre tout au début avec l’âme de ceux qui savent combien ces chansons d’amour parlent de la vie. Jean-Pierre Como pianiste à la fois subtil et gracieux dompte son piano, à moins que celui-ci ne le dompte lui-même dans un moment sans aucune emphase. Como passe du rire aux larmes avec un naturel déconcertant. Rallume le swing des anciens sur des thèmes comme The Way you look tonight, s’amuse à créer un thème « old style » réjouissant  ( The Sydney years) et ne se raconte à lui même aucune histoire sur cet Over the Rainbow qui, comme rarement, m’a ramené à l’inoubliable Judy Garland. On pleure sur If I Should loose you et l’on atteint une rare émotion sur ce Tout Simplement signé du pianiste qui vient clore ainsi ces 11 titres qui durant 46 minutes ont parlé d’amour, de jazz et de passion vivante.

Jean-marc Gelin

Jean Pierre Como sera au festival Esprit Jazz le Mardi 18 mai à la maison des Cultures du Monde

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17 mai 2010 1 17 /05 /mai /2010 08:04

Hank Jones a décidé d'aller retrouver ses frères. Hank, Thad et Elvin. A 92 ans le pianiste a tiré sa révérence et retrouvé au paradis des musiciens de jazz sa fratrie merveilleuse.

Hank Jones aura joué jusqu'au bout. Il y a un an encore à la Villette il nous aura ébloui avec cette façn si simple de jouer, court, ces standards que l'on aurait presque cru inventés pour lui.

Hank Jones nous en laisse gros sur le coeur.

Je me souviens de ce jour d'été au festival Jazz Baltica près de hamburg. Il jouait avec Joe Lovano. En coulisse j'etais avec Eric Legnini et batiste Trotignon. Nous en avions des larmes aux yeux tant il s'agissait de pure beauté. De cette façon de jouer old style comme plus personne n'ose le faire aujourd'hui.

Hank Jones emporte avec lui, au paradis du jazz, cette hsitoire qu'il a crée et qui, presque centenaire lui donnait encore cette incrable fraîcheur de jeu.

Après ce fameux concert j'etais allé le voir dans sa chambre d'hôtel où il avait bien voulu me consacrer gééreusement du temps.

C'est cette interview que nous avions pubié en septembre que nous vous proposons aujourd'hui.

 

 


 

 

DNJ : Vous et Joe Lovano semblez vous être parfaitement trouvés. D’où vient cette complicité ?

 

H.J : Joe et moi avons fait plusieurs Cd et nous avons fait ensemble une tournée très importante (NDR : en 2008). On se connaît bien tous les deux, nous sommes musicalement sur le même plan. Je ressens les mêmes choses que lui quand il joue et j’essaie de le supporter musicalement autant que je peux quand il prend ses solos. C’est une question de feeling quand on joue ensemble. Je me sens relax et je pense que lui aussi.

 

DNJ : Vous êtes tous les deux ancrés dans les racines du jazz 

 

Je ne sais pas trop ce que cela veut dire mais par exemple si vous prenez Joe Lovano, il a longtemps joué dans les big band. Il a ainsi beaucoup joué dans les big band de Thad Lewis et Mel Jones (rires) euh, Thad Jones et Mel Lewis je veux dire. Et avant il a beaucoup joué avec des gars de la Nouvelle-Orléans. Ce qui fait que, certainement nous partageons les mêmes racines.

 

DNJ : On a le sentiment que votre jeu s’épure de plus en plus. Que vous n’avez rien à prouver. Vous semblez être dans une approche directe au cœur des gens. C’est une démarche volontaire ?

 

Quel que soit l’instrument que vous jouez, vous devez jouer ce que vous ressentez et pas ce qu’un autre joue. Vous ne devez imiter personne parce que si vous faites cela vous perdez votre identité, votre âme. Vous devez toujours être vrai.

 

DNJ : Qu’est ce qui vous motive aujourd’hui pour jouer. Qu’est ce qui vous challenge ?

 

Quand je joue avec d’autres, il n’y a jamais aucune compétition dans mon esprit. La seule compétition qui existe c’est une compétition avec moi-même parce que depuis toujours j’essaie de jouer mieux que ce que je jouais avant. De concert en concert j’essaie de progresser, c’est vraiment ce que je souhaite faire. Et tous les musiciens devraient être dans cet état d’esprit même si parfois je sens qu’il n’en est pas ainsi. Si vous voulez avancer, vous améliorer, progresser techniquement, vous devez faire l’effort qu’il faut pour y arriver. Les choses changent, tout le temps. Je pense que mon jeu a tout le temps changé tout simplement parce que les choses, le monde change. Et même si c’est imperceptible, ma façon de jouer change forcément tout le temps. Je joue différemment maintenant qu’il y a 20 ans. Et je pense que, pour la plupart des musiciens, il en est ainsi tout simplement parce qu’ils essaient toujours de progresser dans leur jeu.

Quant à ma relation avec les autres musiciens, il n’y a jamais eu de notion de challenge ou de compétition. Au contraire je les écoute avec attention. Notamment les jeunes musiciens qui m‘intéressent beaucoup. Je continue à aller les entendre dans les clubs de jazz. Tenez il y a une jeune saxophoniste que j’ai découvert en allant au Smoke à New-York , Eric Alexander (1), c’est l’un des ténors les plus fins que j’ai pu entendre ces dernières années : de belles idées, de l’émotion, une technique rare, précision bref, tout.

 

 

DNJ : Quand vous jouez comme ce soir des standards comme Polka Dots and Moonbeams ou In a sentimental mood, vous pensez pouvoir découvrir encore de nouvelles choses ?

 

Il y a peut-être des choses que je peux découvrir pour la première fois mais en même temps quand vous jouez quelque chose pour la première fois avec quelqu’un c’est aussi la première fois que l’autre joue avec vous. Ce sont donc des occasions où l’on redécouvre tout.

 

DNJ : Quels ont été les moments les plus importants de votre vie, musicalement ?

 

Je crois que c’est lorsque j’ai eu la chance de travailler avec Ella Fitzgerald. Ensuite c’est certainement lorsque nous avons travaillé avec le Jazz At Philarmonic ( JATP). La troisième c’est lorsque j’ai rejoint le personnel de CBS où je suis resté 17 ans. Mais il y a tant de choses. Travailler avec Charlie Parker est aussi une des choses les plus marquantes.

Mais il y a eu tant de choses dans ma vie musicale. J’ai grandi dans une communauté près de Pontiac  où chacun était très religieux. On allait chanter à l’église. On adorait chanter tous ces gospels. Et il y avait des groupes qui venaient de Detroit chanter Swing low swing Chariot et tout ces bons vieux trucs. C’est ça mon background et c’est peut être ce qui m’a le plus marqué, au départ.

 

 

DNJ : Avez-vous eu, vous et vos frères ( Thad et Elvin) le choix de devenir musicien ?

 

Vous savez, je suis venu au jazz progressivement. J’ai d’abord fait des études musicales, des études classiques. Mais vous savez on me disait aussi qu’il n’y avait pas d’avenir dans le classique pour des pianistes comme nous. Mais à l’époque j’ai vite joué avec des groupes locaux qui venaient tout droit de Detroit, de Pontiac, de Cleveland et bien sûr de New York. Quand j’étais à New York j’ai entendu Lucky Thompson que je considérais comme l’un des meilleurs sax ténors (avec Don Byas qui était d’ailleurs le héros de Lucky Thompson). A cette époque il jouait avec Wardell Gray. Il m’a dit que Hot Lips Page cherchait un pianiste. C’était en 1944 je crois. Je me suis dit, pourquoi pas et j’ai alors rejoins son groupe. J’avais 26 ans. On a tout de suite fait une grande tournée. J’ai appris tout de suite quelque chose à propos de ces tournées «  never do that again ! » : vous voyagez dans des conditions épouvantables, vous passez d’une ville à l’autre, vos vêtements sont toujours froissés ou sales, vous mangez mal. C’est éprouvant !

 

Vous dites qu’il n’y avait pas d’avenir dans le classique lorsque vous avez démarré vos études musicales. Vous est-il arrivé de le regretter ?

 

Non j’ai dû faire un choix et je suis allé dans le jazz et cette décision je ne l’ai jamais regrettée. J’avais mes héros qui valaient bien ceux du classique : Art Tatum, Fats Waller, Teddy Wilson. C’étaient de bons modèles pour moi. Mais je n’ai jamais essayé de les imiter note pour note. Ce n’est pas une bonne méthode. Parce que, comme je le disais, si vous essayer de copier quelqu’un note pour note vous ne pouvez pas être vous même. Vous ne pouvez pas trouver votre propre identité. Mais il faut nourrir ce que vous êtes et ce que vous allez devenir, en écoutant beaucoup les autres musiciens.

Ma mère, qui est morte maintenant, a toujours soutenu mon choix.Quand elle est morte j’étais jeune mais elle a quand même pu m’entendre jouer . Elle a été surprise elle-même. Mais c’est uniquement parce qu’elle  insistait pour que je travaille et travaille encore quand j’étais gamin. C’est pour cette raison que j’en suis là où je pense ou du moins j’espère en être aujourd’hui.

 

 

Propos recueillis par Jean-Marc Gelin le 5 juillet 2008

 

 

 

 

 

 


Hank Jones né à Vicksburg, Mississipi le 31 juillet 1918

Hank Jones est né d’une famille qui a donné naissance à deux autres célèbres jazzmen, le trompettiste et compositeur Thad Jones et le batteur de John Coltrane Elvin.

Hank Jones débute en 1944 à New York dans l’orchestre de Hot Lips Page puis joue avec les plus grands, Coleman Hawkins, Ella Fitzgerald (de 1947 à 1953)

Après quelques années durant lesquelles il joua avec Artie Shaw, Benny Goodman, Lester Young, Milt Jackson, Cannonball Adderley, et Wes Montgomery, il rejoignit le personnel de CBS. Vers la fin des années 1970 et dans les années 1980, Jones continua à enregister énormément, en tant que soliste, en duo avec d'autres pianistes (incluant John Lewis et Tommy Flanagan), ou encore avec différentes sortes de petites formations, la plus connue étant le Great Jazz Trio avec Ron Carter et Tony Williams.

Hank Jones vivait à New York.

Hank Jones est mort dimanche 16 mai 2010.




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14 mai 2010 5 14 /05 /mai /2010 08:09

                                                                                               

10 ans déjà qu’ils ouvrent la saison des festivals d’été en animant le mythique quartier de Saint Germain des Près. 10 ans que Fred (Charbaut) et Donatienne (Hantin) propagent dans la capitale leur amour du jazz avec la flamme des passionnés. À l’écoute et à l’affût, ces deux-là s’investissent depuis 10 ans dans ce qui est assurément l’une des plus belles réussite festivalières. Avec une générosité grosse comme ça, et une fidélité à toute épreuve Fred et Donatienne ont le jazz gourmand. Pétillants à l’idée des belles rencontres qu’ils suscitent ( on a encore en tête par exemple la belle initiative d’avoir réunit Bojan Z et Petra Magoni autour du Blanc des Beatles), ces deux-là ont aussi à cœur d’être autre chose que de simple programmateurs. Multipliant les lieux du jazz, des plus institutionnels ( académiques presque) au plus populaires ( les Starbucks par exemple), Fred et Donatienne vont à la rencontre des autres (jusqu’à organiser de concerts en milieu pénitentiaire), ouvrent à d’autres horizons du jazz ( jazz et littérature, jazz et Photo) et s’ouvrent aux jeunes talents à qui ils offrent un tremplin. Fred et Donatienne ont le jazz contagieux. Et ce qu’ils nous transmettent, c’est de l’amour du jazz, de la passion et une bonne dose d’amitié. Ouverte à qui veut bien passer la porte.

 


Dona-Fred

                                                                                                 © Jérémy Charbaut

 


 

 

 

Dans quel état d'esprit abordez vous cette 10ème édition  et que représente pour vous ce 10eme anniversaire ?

 

 

FRED ET DONATIENNE : Plutôt sereinement car le stress des premières années a disparu.

Ce 10è anniversaire nous permet de réaliser que plus de 1000 musiciens ont joué au festival avec une majorité de français. Nous bénéficions d'une équipe extraordinaire de personnes passionnées et de très grandes qualité professionnelles, qui n'en sont plus à leur premier festival non plus ce qui permet à la fois une harmonie dans l'organisation et tout le bénéfice de l'expérience. 10 ans est à la fois une longue période mais un éclair au regard des reconnaissances qui se manifestent plus massivement seulement depuis peu : celles du public, des médias et des partenaires. 10 ans marque aussi l'envie d'imaginer de nouveaux projets, non plus comme des rêves repoussés d'années en années, faute de temps, de moyens ou au regard des priorités, mais plutôt comme de futurs événements fondés sur le socle de l'expérience et des moyens réels : introduire la littérature dans le Festival, créer L'esprit Jazz Café où public et musiciens se retrouveraient après les concerts, un peu à l’instar de ce que nous avons découvert à Montreux il y a quelques années.

 

 

 

Les lieux du festival ont changé : quels sont ceux qui restent, qui
 disparaissent et ceux qui apparaissent ?

 

F&D : Pour info, restent la MCM, L’église St Germain des Prés, L’hôtel Lutetia, Le Show Case

Disparaissent pour l’instant L’amphi de Sciences Pô (à cause des examens), l’amphi de la Sorbonne (frayeur après annulation de l’année dernière)

Nouveaux lieux, l’Institut océanographique, l’Institut Pasteur, le théâtre de l’Odéon, l’hôtel Méridien.

 

Ce festival est un véritable apprentissage philosophique de la vie et les lieux qui changent beaucoup en sont une très bonne illustration. Nous installant souvent le temps d'un soir dans des lieux appartenant aux patrimoines historique, culturel, architectural ou intellectuel du quartier, nous prenons les risques des "one shot", car tous ne sont pas destinés à accueillir des concerts live et parfois une seule date s'avère possible ! Cela apporte des découvertes magnifiques comme l'amphithéâtre Richelieu de La Sorbonne, l'Institut Océanographique, construit en 1910 et alors entouré de parcs, l'auditorium en bois de l'Institut Pasteur, construit grâce aux dons de la Duchesse de Windsor, le bouleversant Théâtre de l'Odéon qui fut en rénovation pendant plusieurs années, les salons des hôtels Méridien et Lutetia et des renouvellements impossibles comme Sciences Po, en période d'examens, ou l'église Saint Sulpice en travaux. Nous passons une période à la fois tendue et passionnante de recherche de nouveaux lieux remarquables dans le cadre de la préparation, qui ouvre des portes inimaginables sur des lieux saisissants, auxquels nous renonçons parfois ; toute l'équipe s'y met et des surprises sont encore à venir...

 


Pas de concert en club, à l'exception de ceux du Tremplin. Pourquoi ? Est ce dans un souci de démocratiser le jazz ou est-ce une contrainte ?

 

F&D : Il ne s'agit pas d'une question simple. D'une part, et à notre plus grand regret, de nombreux clubs ont disparu dans le 6ème comme les regrettés La Villa, Le Bilboquet ou le Montana ou le Franc Pinot dans le 5ème, à savoir des établissements consacrés à l'écoute de concerts de jazz et où l'on peut boire un verre. Par ailleurs, les clubs survivants, ou souvent bars, brasseries et restaurants qui programment de la musique live, comme par exemple le Tennessee, le caveau des Oubliettes, le caveau de la Huchette, le Montana, la Rhumerie ou Chez Papa sont indépendants dans leur programmation musicale et souhaitent le demeurer. Enfin, l'inscription dans le cadre du festival peut susciter des frais supplémentaires pour ces établissements pour la rémunération des groupes, qui ne peuvent pas être pris en charge par le Festival sans contre-partie de billetterie, qui est rarement mise en place dans l'année.

En revanche, il est intéressant de noter que le Café Laurent de l'Aubusson, le bar du Lutetia et le Bar du Bel Ami, les hôtels partenaires du Festival, font une programmation spéciale à cette période où l'on pourra écouter de remarquables musiciens comme Christian Brenner et ses invités, Daniel Rocca et son trio accompagné par des chanteurs (ses), ou encore des pianos solos de Manuel Rocheman ou Nico Morelli.

 

Cette année encore les pianistes sont mis à l’honneur. Parti pris de programmation ?

 

F&D : Outre le fait que nous aimons les pianistes, il y a aussi le hasard (heureux) qui fait que la même année se retrouvent Yaron Herman, Jacky Terrasson, Jean Pierre Como, Murat Öztûrk, Edwin Berg ou Giovanni Mirabassi. En revanche, depuis plusieurs années, nous avons institué la Nuit du piano à l’Eglise St Germain des Prés en invitant des pianistes à se produire en solo. C’est ainsi que Brad Mehldau, Yaron Herman, Martial Solal, Kenny Barron ou Jacky Terrasson ont été programmés. Cette année nous aurons le bonheur d’y écouter Michel Legrand et Bojan Z. Et puis comment imaginer un festival de jazz sans pianistes leaders ?

 

Quels sont les chiffres du festival :

 

Nombre de spectateurs l'an dernier ? 

F&D : Entre 12 000 et 15 000.

 

Nombre de concerts ?  

F&D : Une quarantaine

 

Nombre d'artistes ? 

F&D : Environ 200

 

Nombre de spectateurs attendus pour cette année ?

 

F&D : Le plus possible (rires !) Plus sérieusement, nous avons ouvert la billetterie sur Internet dès février cette année et ainsi qu'une boite mail sur le site pas encore en ligne à cette époque. La bonne surprise a été le démarrage des ventes dès la mise en ligne et les nombreuses demandes en provenance de l'étranger (personnes anglophones) sur la programmation et l'achat de places à distance. A ce jour, nous avons déjà deux concerts complets qui sont une immense satisfaction : Richard Galliano au Théâtre de l'Odéon et la nuit Jazz and Soul avec Ben L'oncle Soul, et en première partie Abyale + DJ Funky JV. Les ventes se passent bien dans l'ensemble avec toujours les tête d'affiches internationales qui attirent en priorité. Tout notre travail consiste à gagner la confiance du public et que le Festival JAZZ à SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS devienne un label de qualité et de découvertes bouleversantes (comme Jacky Terrasson en 2001, Norah Jones, premier concert en France au festival en 2002, Mina Agossi en 2004, Yaron Herman en 2005, Ndidi O. l'an dernier, la regrettée Marva Wright en 2006 accompagnée par l’orgue de Lucky Peterson à l’église St Sulpice ou le retour de Sam Moore en 2004 accompagné par un chœur de gospel dans cette même église, la rencontre de Georgie Fame et de Ben Sidran en 2007, cette même année Laurent de Wilde et son trio qui invite Abd Al Malik, etc…) et que ce public ait aussi l'envie et la curiosité de passer la soirée en compagnie de Portico, de Murat Osturk et Jean-Pierre Como ou de découvrir le réjouissant projet de Diane Tell et Laurent De Wilde sur des textes inédits de Boris Vian écrit sur les plus grands standards de l'histoire du Jazz.

Nous prenons vraiment très à coeur de faire découvrir tous les ans, à travers les premières parties ou soirées plus audacieuses, les artistes de demain ; et sans aucune modestie, nous sommes fiers d'avoir compté tant de musiciens devenus de grands talents aujourd'hui. Il est de notre devoir de penser à ceux qui enchanteront les foules d'ici quelques années dans d'autres festival offrant aussi la possibilité d'accueillir un public très nombreux sur des lieux aux capacités que nous n'avons pas sur le territoire du Festival.

 

Comment se finance le festival ?

 

F&D : Le Festival est un alliage, dont nous tendons à équilibrer les proportions afin de minimiser les risques, entre : les partenaires privés, les mécènes, les partenaires public et la billetterie. Il est très composite et cela nous plaît car, bien que cela représente un travail de titan et de longs mois de préparation impliquant beaucoup de personnes, cela reflète l'idée qu'un grand événement est le fruit de la mise en commun de moyens différents dans leur nature et leur montant. N'est-ce pas là encore un clin d'oeil philosophique à nos vies quotidiennes ? Que certes, nous aimerions idéalement simplifier en un seul et (très) gros chèque, mais nous avons appris a faire la part du rêve et de la réalité. Pour ce qui est du financement, nous gardons les pieds sur Terre, laissant les rêves s'exprimer dans l'artistique et cela fonctionne pour l'instant pas trop mal (sourires).

 

Quels seront selon vous les moments forts ?

 

F&D : Difficile de privilégier tel ou tel événement, car tous nos concerts sont mijotés, choisis et attendus avec impatience.  Mais les rencontres et les créations sont toujours très excitantes comme Yaron Herman en quartet inédit (avec entre autre Michel Portal), Térez Montcalm et son quartet qui accueillera en guest David Linx, Géraldine Laurent et un invité surprise. Il n'est toutefois pas possible de répondre à cette question sans citer Richard Galliano et son quintet à Cordes au Théâtre de l'Odéon. Cette soirée réunit tout ce dont nous rêvons pour chaque concert du festival ; un plateau exceptionnel pour une occasion exceptionnelle : la sortie du nouvel album de Richard Galliano, ce maître et pionnier à la fois qui parle de violon dans sa main droite et de violoncelle dans sa gauche à propos de son instrument (l’accordéon), et d'un lieu exceptionnel qui ne s'ouvre que très, très rarement à la musique. Nous voudrions y rajouter tout un étage pour l'occasion !

Le jazz est une culture qui passe, pour nous, aussi par la photographie qui produit des émotions très fortes. Philippe Lévy Stab a mené un travail, comment le qualifier..., à la fois inouï, patient et remarquable auprès des musiciens de New-York "qui SONT le jazz" pour lui et accroche dans le bar et la brasserie du Lutetia leurs portraits. Il a accompagné ces portraits de photographies des ponts de la ville, pour le symbole qu'ils incarnent : ce lien, ces ponts si présents dans la musique jazz, depuis toujours. Outre l'indéniable force esthétique de ses images, tirages de collection qu'il réalise lui-même, les connaisseurs ne manqueront pas d'entendre ces musiciens jouer et respirer depuis leurs cadres.

 

 

 

 

Quelques habitués reviennent régulièrement ( Yaron , Terrasson) : pourquoi ?

 

F& D : Yaron a donné l'un de ses premiers concerts au festival en 2005 et nous étions si fans qu’il est revenu plusieurs fois passant de la première partie à la tête d’affiche. Comme il le dit lui-même « Le festival et moi, nous grandissons ensemble » . Il est bon parfois de laisser s'exprimer nos coups de coeur et d'accompagner sur le long terme des artistes comme Yaron, dont la personnalité séduit autant que le jeu.

Concernant Jacky Terrasson, Joël Leroy qui a créé ce festival avec nous, était un ami des parents de Jacky et l’a donc connu petit et vu évoluer musicalement. Il avait très tôt détecté le futur grand pianiste en lui. En 2001, pour la première édition, Jacky était naturellement invité à jouer. Malheureusement, Joël est décédé quelques jours avant le festival et Jacky, très affecté, nous a demandé ce que nous pourrions faire ensemble car il n’était pas imaginable que l’aventure s’arrête là. En sa mémoire, Jacky a décidé de venir chaque année avec un nouveau projet, comme cette année avec son nouveau trio. Il a été notamment le premier à inaugurer de nouvelles salles, comme l’institut Océanographique cette année.

 

 

Comment choisissez vous les musiciens ?

F&D : En priorité parce que nous aimons leur musique. Nous avons la chance de recevoir une bonne partie des nouveautés des maisons de disques

et d’assister à pas mal de concerts. Nous sommes toujours très heureux de pouvoir découvrir des nouvelles formations et imaginer, en discutant avec les musiciens, des rencontres musicales qui ne sont pas forcément évidentes tout de suite . C’est ainsi, par exemple, qu’en 2008 nous avons imaginé de faire se rencontrer Bojan Z et la chanteuse Petra Magoni pour un hommage au « Double Blanc » des Beatles qui avait 40 ans, ou l’idée folle de mettre sur une même scène Jan Garbarek, Jacky Terrasson, Manu Katché et Rémi Vignolo. La connaissance personnelle avec certains musiciens et le remarquable travail d'accompagnement des agents et managers permet l'échange sur des idées, la meilleure connaissance des choses et l'alchimie se fait ainsi. C'est ainsi que 15 jours de programmation sont le fruit de plus de 25 ans d'écoute et de rencontres. Les propositions sont évidemment toujours les bienvenues et, en particulier, celles provenant des personnes jeunes de notre équipe qui ont des oreilles nouvelles. Il est important de les solliciter.

 

 

Dans le cadre du tremplin jeunes talents, comment sélectionnez vous
 les candidats ?

 

F&D : Chaque formation candidate qui aura répondu aux critères de sélection (pas d’album commercialisé, jouer des compos) est retenue. Ensuite après écoute, neuf groupes se retrouvent candidats. L'information est diffusée auprès des clubs de jazz, des studios et des conservatoires.

Le jury composé de professionnels de la musique (Sacem, compositeur, musicien, journaliste…) constatent avec nous la qualité croissante des musiciens tant artistiquement que techniquement. Ceci donne envie de dire que la relève est assurée.

Les groupes vainqueurs des éditions précédentes (Anne Pacéo trio, S Mos 5tet,  Inama, …) sont suivis et programmés dans le cadre du festival l’année suivante.

 

Votre rêve le plus cher pour ce festival ?

 

F&D : Que le public et les musiciens prennent du plaisir, comme nous, que l’équilibre financier nous permette de pérenniser ce festival ; que Saint-Germain-des-Prés redevienne synonyme de rendez-vous jazz incontournable au moins une fois par an dans le monde entier ; que Paris, dont Miles Davis disait qu'elle est la capitale de la musique (!) soit fière de compter un rendez-vous annuel musical où têtes d'affiches et nouveaux talents se côtoient ; que les médias donnent envie au public d'éteindre la télévision pour retrouver le plaisir de déambuler le soir après un concert-plaisir dans l'un des quartiers les plus agréables de la capitale ; que la musique nourrisse le public en profondeur et qu'aucun d'entre nous ne puisse plus jamais s'en passer, car les musiciens sont des funambules sur un fil d'argent qui ont choisi de délivrer leur empreinte émotionnelle au monde et qu'il est indispensable de ne pas passer à côté de ce partage.

 

et pour ceux à venir ?

 

F & D :  Que nous ayons la chance de travailler avec une équipe aussi sublime le plus longtemps possible car cela a des conséquences indéniables sur le rendu final du Festival. Et que nos partenaires, tous, soient toujours aussi heureux de contribuer à laisser nos rêves s'exprimer, car la réserve en est pleine.

 

 

 

 

 

 

  esprit-jazz-2010.jpg

Propos recueillis le 11 mai 2010 par Régine Coqueran et jean-Marc Gelin

 

 

Le site du festival 

Et la programmation....

 

Premier rendez vous sur la parvis de l'Eglise de Saint Germain à la découverte de les chanteuses de jazz, dimanche 16 mai. Accès libre et gratuit.


 

 

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13 mai 2010 4 13 /05 /mai /2010 08:00

2CD Naïve – 2010

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Depuis qu’il fut repéré dans les années 90, ce bugliste, breton d’origine, a toujours su animer d’une passion extraordinaire l’expression d’un phrasé raffiné, en concert comme en studio. Alex Tassel se présente aujourd’hui avec un nouvel album, « Heads or Tails ». Ce double-cd est conçu en deux parties distinctes, l’une acoustique et l’autre électrique. Cette dernière rappellera peut être à certains l’audacieuse participation de Tassel aux groupes de Stéphane Huchard, ou bien encore Laurent De Wilde. Justement, Laurent De Wilde, qui nous offre par sa présence sur ce disque une conception toujours plus visionnaire de la Musique, au même titre que les frivoles envolées lyriques de la contrebasse de Diego Imbert. Chaque morceau  étant le fruit du travail de composition du leader, il se développe aussi dès les premières secondes une ambiance feutrée et propice à l’écoute. Osons le dire, un petit côté « easy listening ». Un héritage, pour sûr, habite aussi ce projet acoustique. Cette inspiration que Coltrane insuffle aux musiciens de toutes époques et de tous continents ne cessera jamais d’exister. En témoigne aussi cette troublante ressemblance avec les thèmes du quintet de Miles que l’on peut retrouver dans « Next City » et « Miles Around ». Un album, jusque là, très ouvert, avec toujours en exergue chez Alex Tassel cette façon inimitable de se balader entre l’intérieur et l’extérieur des harmonies. Et puis surtout, ce double-album revendique une incomparable présentation de toutes les possibilités d’instrumentation d’un quintet, du Jazz à l’Electro-Jazz, avec la présence de la crème de la crème du saxophone ténor français : Olivier Témime, Rick Margitza, Guillaume Naturel et Jacques Schwarz-Bart. De compositions en compositions, ces saxophones se suivent mais ne se ressemblent… presque pas. Chaque personnalité, aussi différente soit-elle, vient se greffer l’une après l’autre au son rutilant d’une rythmique solide. A noter aussi, la non-négligeable présence de Christian Brun, ce musicien que le dictionnaire du Jazz assume fièrement comme un des plus fervents représentant de la guitare Jazz en France. Surprise aussi de découvrir un Julien Charlet batteur de Jazz (nous l’avions presque oublié !) après le groove monstrueux dont il était dépositaire chez les Slaves d’Olivier Témime. Délicieusement conquis par le premier des deux disques (plutôt acoustique), le second se révèle d’autant plus redoutable de plaisir par son côté électrique. Passé au Rhodes et à la basse électrique comme on passe à l’Ouest, on ne mégotera pas quand même sur le goût douteux de certaines sonorités de synthétiseurs au son lyophilisé. Autre surprise, c’est au tour de Daniel Romeo de nous faire partager ses lignes de basses magiques et cette passion pour la basse électrique Funk, que l’on peut d’ailleurs ressentir dès les premières mesures du thème de « Mystery ». Décidément, que de révélations. Mais comment s’arrêter à ces détails sans qualifier la prise de son, étant à elle seule un argument primordial de la qualité de ces magnifiques compositions. Tout simplement magistrale, à tous les niveaux, cette ballade musicale nous fait passer à travers des effluves de Jazz modal, de Funk, de Musique Latine, de Soul. Il faudrait citer Herbie Hancock et les Headhunters, pour le clavinet. Georges Benson bien sûr, pour la verve du Blues. Joe Henderson ou Miles Davis, sans aucun doute pour l’esprit provocateur et politiquement incorrect. Mais l’imitation n’est pas à l’origine de la réussite de ce double-album. Un réel souci de l’originalité s’entend, effaçant au passage tout soupçon de contrefaçons. Comment définir aussi le plaisir communicatif que les musiciens expriment, en témoigne la fin du titre « ATD ». C’est à la moitié du second disque, sur « Miles Around », que l’on peut y déguster une sorte d’oxymore sonore, faite de coups de pieds rageurs et d’élucubrations, traitée par un génialissime delay et une wah faussement incontrôlée. Et toujours cette basse fantomatique ronronnant dans un coin. Dans l’ensemble, nous regretterons sans doute l’absence de nouvelles têtes. Sans dénigrer une seule seconde l’immense talent des artistes de ce nouvel album d’Alex Tassel, un David Prez ou un Romain Pilon aurait, eux aussi, très bien pu faire l’affaire ! Rendons nous à une de ces évidences qui font la beauté du geste, le risque du mélange vaut la peine d’être pris. Restons-en sur une note positive en affirmant une nouvelle fois la qualité de ce nouvel opus d’Alex Tassel, transportant notre écoute à travers la passionnante histoire d’un Jazz résolument hors norme. Tristan Loriaut

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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 21:55

 

1 CD Plus Loin/ Harmonia Mundi

 

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On l’attendait au tournant ce deuxième opus du Jus de Bosce de Médéric Collignon autour de la musique de Miles Davis. Presque trois ans et demi après avoir revisité « Porgy & Bess », Médéric et ses acolytes retrouvent la musique de Miles dix ans après Porgy, esquivant intelligemment les chefs d’œuvres tels que « Kind of Blue » ou les fabuleux albums du quintette de 1965-1967 afin de retrouver Miles au moment de la fameuse révolution électrique (et franchement électrisante) qui mêlait jazz, free, rock, funk et même la musique indienne et qui le consacrait super star avec un « Bitches Brew » vendu à 400 000 exemplaires et un concert mythique à l’ile de Wight en août 1970 devant 600 000 personnes. Médéric s’attaque donc à Miles dans sa période la plus folle, la plus énergique et la plus bouillonnante, la plus « black power » aussi, avec le funk moite et obsédant de « On the Corner ». Médo n’a peur de rien car il va puiser son inspiration dans l’intégralité de cette période, de « Mademoiselle Mabry » (1968) à « Interlude » (tiré de « Agharta » en 1975), en passant par les inévitables thèmes tirés d’« In a Silent Way » et de « Bitches Brew » (1969). Il ose aussi nous faire redécouvrir des titres plus rares comme « Billy Preston » (tiré des sessions de « On the Corner », mais figurant dans l’album « Get Up With It », ou « Early Minor » (un thème de Zawinul de 1969) et « Nem Um Talvez » (un morceau signé par Hermeto Pascoal figurant dans « Live Evil »).

Le concept du groupe « Jus de Bosce » (qui est un jeu de mots d’après « Juke Box ») est de reprendre des musiques incontournables et éternelles et de les faire siennes. C’est un groupe qui ne compose pas, mais qui arrange et dérange les morceaux comme un sculpteur qui ferait des variations sur des figures connues, en malaxant différemment la pâte, en la triturant pour aboutir à autre chose. Médéric ne va donc pas s’amuser à « copier »  Miles, il ne joue pas du tout comme lui, il va « Collignoner » comme il a toujours su le faire, c'est-à-dire qu’il va jouer les morceaux de cette période avec son propre style, sa folie contagieuse, son âme écorchée-vive et surtout avec sa fabuleuse énergie, poussant son cornet de poche dans des terrains encore inexplorés avec toute une gamme de sons, du plus pur au plus saturé, n’hésitant pas à pousser ses vocalises les plus audacieuses, que ce soit sur « SHHH Peaceful » ou sur le très bluesy « Mademoiselle Mabry » où il dialogue avec amour avec son cornet. Il va aussi arranger cette musique avec beaucoup d’audace, avec un réel souci d’architecte sonore (quel extraordinaire travail de mixage !) comme par exemple la présence sur quelques titres de quatre cors qui vont donner une touche orchestrale à l’ensemble. Et puis de l’énergie, il en a à revendre Médéric et il sait très bien la transmettre aux musiciens de son quartette, un groupe incroyablement soudé, cohérent et alchimique, l’équivalent d’un groupe de rock de premier plan comme Led Zeppelin (ce n’est donc pas un hasard si l’album des termine sur « Kashmir », d’autant plus que le disque de Led Zep est sorti en février 1975, ce qui correspond exactement à la date des derniers concerts de Miles au Japon, avant qu’il n’arrête complètement la musique pendant six ans). Un groupe au bouillonnement rythmique imperturbable, une éruption volcanique sauvage et colorée et un Frank Woeste qui sort du lot en effectuant un travail considérable au Fender Rhodes, malaxant et triturant les sonorités comme peu de pianistes savent le faire. Vous l’aurez bien sûr compris, il s’agit d’un disque incontournable et dores et déjà l’un des plus marquants de l’année 2010 et puis allez absolument voir ce groupe sur scène afin de recevoir une grande giclée de lyrisme et de sauvagerie.

 

Lionel Eskenazi

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10 mai 2010 1 10 /05 /mai /2010 06:59

 

enregistré en mars 2007 au studio de Keith Jarrett.

ECM 2010-05-10

 

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Une histoire simple. Ils ne se fréquentaient plus 1977. Des « non amis » de trente ans. Quittés un peu fâchés, même, le leader du « quartet américain » ne supportant plus les comportement « addictifs » du bassiste qu’il avait embauché dans son trio dix ans plus tôt. Mais voilà, finalement, Keith n’est pas le sublime interprète de So Tender pour rien… Lorsque Charlie le contacte pour savoir s’il accepterait de recevoir l’équipe de tournage de « Rambling Boy », le portrait documentaire que Reto Caduff réalise sur lui pour la BBC, il accepte. C’est au tout début du mois de mars 2007. Autant le pianiste ne veut pas d’une situation où il aurait à parler en jouant, autant il accepte d’improviser deux ou trois standards en duo avec le contrebassiste dans sa grange transformée en studio. Huit jours plus tard, encore ébloui par l’évidence des retrouvailles avec un Charlie désormais « clean », Jarrett l’appelle et lui propose de revenir passer quelques jours dans sa maison du New Jersey pour mettre en boite quelques standards de plus. Juste pour le plaisir, sans intention de publication. Pour garder trace de la chaleur retrouvée. Ils passent trois journées à parler, jouer, trainer, échanger. Ils glissent de la salle à manger au studio et retour… Et se retrouvent convaincus d’avoir mis en boîte des moments de musique rare.

 

Une maturation simple. Trois ans de cave. Le temps d’échanger des suggestions sur ce qui est à garder et à rejeter. Le temps de trouver le bon assemblage, tant l’ordre des morceaux n’est pas évident, presque uniquement des ballades. C’est le pianiste qui finira par avoir une intuition à partir de l’accord inaugural de For All We Know.  Et suggérera d’enchaîner par Where Can I Go Without You, parce qu’il y entend l’un des solos les plus définitifs de sa longue carrière. Puis ce seront les deux pièces les plus courtes, puis les plus longues… Sans tenir le moindre compte des us et coutumes. Juste la conviction d’une nécessité. Charlie se rend à l’évidence, bon sang, mais c’est bien sûr. Il leur aura fallu près de trois ans pour décanter.

 

Une musique simple. La plus difficile, évidemment. Elle colle à la mélodie, se joue d’harmonies mouvantes comme les blés sous la brise de juin. La pulsation ? Juste un sens du « time » effrontément partagé par les deux hommes. Charlie ancre l’histoire dans la chair de la terre, Keith joue le cerf-volant maître des airs. Ça coule comme de l’eau de roche et le feu est intérieur. Une heure plus loin, c’est simple comme le bonheur.

 

Il y a peu d’albums de cette envergure dans une vie d’homme.  Alex Dutilh

 

 

Retrouvez la série consacrée par Alex Dutilh à Keith Jarrett sur Open Jazz 

et surtout la Nuit Spéciale consacrée Samedi 8 mai

 

 

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10 mai 2010 1 10 /05 /mai /2010 06:49

LOUIS & FRANçOIS MOUTIN  
BD JAZZ
2 Cd + 1 BD
2004


Voilà assurément un numéro très particulier dans la collection BD JAZZ de Bruno Théol,  une curiosité au sens anglo-saxon du terme, du « jamais vu » dans la série  qui a retenu notre attention. Pour la première fois, des musiciens jeunes et en activité sont les héros de ce numéro. La Bd est en effet entièrement consacrée au duo et à la musique des frères Moutin (François, le contrebassiste et Louis, le batteur) .
C’est François qui a conçu et réalisé le scénario, dessinant leur histoire depuis les années d’enfance, l’initiation au jazz à Paris par leurs parents jusqu’à leurs premiers albums et à leur envol américain.

Le numéro date en effet de 2004 et l’on sait depuis que les jumeaux ont continué leur carrière internationale, en sidemen  auprès de pianistes comme Jean Michel Pilc, Manuel Rocheman, Jean Marie Machado, Martial Solal, Antoine Hervé, et aujourd’hui Tigran Hamasyan ….
Ils ont aussi créé leur propre formation, le Moutin Reunion quartet (dernier disque  « Soul dances » sorti  en mars 2010 chez Plus loin music ).

Un numéro hors norme  à l’image de ce duo de musiciens improbables qui avait commencé à faire de très sérieuses études d’ingénieur (avec Jean Michel Pilc, autre transfuge devenu pianiste de jazz à New York ).


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Sophie Chambon

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9 mai 2010 7 09 /05 /mai /2010 07:43

 

Label indépendant - 2010

 

dad.jpgAspirateurs en La bémol majeur, le disque débute subrepticement par le souffle continu d’un appareil ménager au cœur tendre. Dad débarque sur terre, c’est le signal. Courte mise en bouche et peut être vindicativement  voulue pour notre surprise, ce « Dadadadadad » laisse place à une toute autre sorte de souffle, celui d’Adrien Daoud. L’équilibriste pluri-instrumentiste fantasmagorique du sax ténor développe au cours du disque une naïveté d’improvisation et une simplicité de phrasé plutôt géniale. Cette position politiquement incorrecte rendra certainement jaloux bien des saxophonistes en quête de cette singularité. Paraît-il même que Mark Turner fut envié pour plus que ça. En réponse à cela, et en contrepoids aussi, une paire d’inséparables, soudés par friction, en la personne de Thibaut Brandalise à la batterie et Maxime Daoud à la basse. Leurs rôles n’ont d’ailleurs aucune limite car il ne s’agit pas de Jazz ici. Pourquoi enfermer dans un style ne serait-ce qu’une infime partie de ce projet musical audacieux, tenu par de jeunes artistes dotés d’une créativité hors-normes. Et puis tout ceci ne serait pas incroyable sans la précocité de cette sagesse qui transpire à chaque mesure composée. Aussi, chaque artiste se relaye au chant, en anglais et au service d’un message fortement introspectif. Les paroles sont par ailleurs écrites par Gabriel Gorman, dernier rempart contre la conformité dans un groupe explosif et rare. Il y a manifestement à coups sûrs une très forte filiation avec certains délires psychotiques de Frank Zappa, notamment dans « Buffalo Hide ». Etant presque tenté de comparer les enchainements à un étonnant « road movie », remarquons au passage ces anges, qui passent l’un après l’autre, parfois sur quelques pistes ne dépassant pas la trentaine de secondes, et où le protagoniste se retrouve à chaque fois seul, comme pour revendiquer son mot à dire. Maxime Daoud, l’homme aux lignes de basse ronronnantes, fourni la preuve que nous sommes bel et bien dans un songe par la créativité d’un jeu malicieusement précis. Cédons sans retenue à l’envie d’y retrouver un esprit british dans la conception des rythmes et des ambiances. Pourquoi pas ? Le côté Pop anglaise n’est pas désagréable, bien au contraire. Le responsable de ce regain formidable d’énergie n’est autre que Thibaut Brandalise, fin batteur animé par cet honorable reflexe de mettre en valeur ceux qui l’entoure. Parfois apaisants, tantôt digressifs, ces dialogues instrumentaux n’ont aucune limite, évoluant au travers de plusieurs combinaisons. Et puis comment oublier la présence de Sébastien Llado, ce drôle d’oiseau au cœur pur offrant toujours par le biais de ses conques et de ses coquillages une vision du monde tellement différente. Parler du trombone de Sébastien, c’est comme inventer un nouveau mot, et donc forcément une aventure. Parler de Dad est comme évoquer la folie qui sommeille en chacun, et donc forcément un voyage rocambolesque, à vivre et à revivre…

Tristan Loriaut

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8 mai 2010 6 08 /05 /mai /2010 20:00

 

Laura LITTARDI / Alain JEAN-MARIE au 9JAZZ CLUB (Paris)
Concert du 29.04.2010


C'est un beau, un grand duo qui vient de se constituer entre la chanteuse Laura Littardi et le pianiste Alain Jean-Marie au 9Jazz Club (prochaines dates : 13 juin ; 7juillet ; 8 septembre 2010, etc.), l'un des très rares lieux à continuer à promouvoir la formule de la « résidence » comprise comme véritable laboratoire de musique (et d'écoute amoureuse de la musique, dans ses révélations chaque fois imprévues, on n'y insistera jamais assez).


Partons du site, cristal improbable de l'émotion. Entre Ménilmontant et Oberkampf, en plein Est parisien, loin de la dégoulination sur-urbaine des Halles mais avec la même électricité qu'on leur connut jadis, s'est créé et se développe un club de jazz , un vrai : pas branché sur les circuits internationaux ni servilement sur les sorties de disques des labels, mais bien sur une une échelle de goûts qui lui est propre et, surtout, sur une offrande dont les musiciens connaissent la juste valeur : le temps de la maturation des projets, de la complicité devenue télépathie. Sous l'impulsion de Cathie Fichelle, ex-Petit Opportun, ex-7Lézards, ce sont ainsi Nelson Veras et Gilda Boclé, Rick Margitza et Peter Giron, Deborah Tanguy et Laura Littardi et désormais Laura Littardi et Alain Jean-Marie qui viennent exposer chaque quinzaine, chaque mois, l'état renouvelé de leurs études et de leurs échanges. Il faudra bien, un jour ou l'autre, rendre grâce, comme il se doit, à celles et ceux qui continuent de croire et d'ouvrir leurs portes à ce type d'aventure.

 

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Stéphane Carini.



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8 mai 2010 6 08 /05 /mai /2010 06:04

 

Du jazz dans la capitale albanaise? Avec une population de huit cent mille habitants, Tirana est le cœur de vie du pays ainsi qu'une capitale très vivante de nuit comme de jours, à l'image de villes comme Barcelone ou Istanbul. Le quartier "Le Blloku", à dix minutes de la place principale Skanderbeg qui ne brille pas vraiment par son architecture était autrefois réservée aux apparatchiks du partie communiste soviétique. Aujourd’hui, les fêtard se le sont appropriés et Le Blloku fourmille de lieux de vie très animés: bars, discothèques, restaurants et … le Rei Jazz Club ( St. Abdyl Frasheri, Vesa Center. Tel: +355 4 2278887) au Vesa Center – centre commercial à l'albanaise qui réunit seulement quelques magasins – qui organise tous les ans le « Vesa Jazz Festival ». Ce club, ouvert en décembre 2008, a déjà accueilli Hal Singer, Freddy Cole, Jamie Davis, Larry Franco. Le lieu est superbe et moderne, tout en noir et blanc, avec une très belle scène et des tables espacées entre elles pour recevoir le public. Volutes de fumées – on fume encore dans les lieux publics en Albanie – alcools forts et deux concerts, le week end, attendent un public probablement rare. Le lieu ne programme pas de concerts en semaine – sauf exception – et ce n’est donc pas étonnant de voir le lieu totalement vide. En revanche, le club propose des soirées latin-jazz et danses qui semblent attirer le tout Tirana.

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Le groupe de Einar Nelku (voc, elg) 

Sur le boulevard Deshmoret e Kombit, l'hôtel Rogner Europapark (Tel. +355 (4) 2235035 · info@tirana.rogner.com) propose du jazz tous les jeudis soirs, le plus souvent un trio. Ce jeudi 29 avril, ce ne sera pas un trio mais un quintet et pas du tout du jazz, mais plutôt un bon gros groupe de blues et chansons rock avec comme chanteur Einar Nelku, à l'accent albano-texan, et un assez bon guitariste de blues en la personne de Sokol Shehu, un peu la star de Tirana du moment côté guitare. On peut dire que le groupe attire les « local businessmen » (je vous laisse deviner la signification cachée) comme on les appelle sur place, accompagnés de leurs voitures et lunettes noires.

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Le guitariste Sokol Shehu

Enfin, le Jazz clubs Take Five est le deuxième lieu destiné au jazz avec une programation plus régulière que le Rei. Malheureusement, le manque de temps et de chance ne nous ont pas permis d’y jeter une oreille … personne n’a sur nous indiquer la rue Themistokli Gjërmenji... arrgh!

 

Jérôme Gransac

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