John Coltrane, saxophone ténor, McCoy Tyner, piano, Jimmy Garrison, basse et Elvin Jones, batterie. Van Gelder Studios. Englewood Cliffs. NJ. 24 juin 1964.
Tout amateur de Coltrane sait que l’année 1964 fut historique dans la carrière du saxophoniste. Celle qui vit l’enregistrement de Crescent le 25 avril (« l’album le plus lyrique et apaisé » de Trane, selon Nicolas Fily, in ‘John Coltrane, The Wise One’. Editions Le Mot et le Reste. 2019) et de Love Supreme, le plus gros succès du saxophoniste (600.000 copies vendues à ce jour) le 9 décembre.
Ayant échappé à la plupart des exégètes, une séance est restée dans les studios de Rudy Van Gelder, celle du 24 juin au cours de laquelle le quartette majeur de Trane enregistra pour la musique d’un film du réalisateur canadien Gilles Groulx, ‘Le Chat dans le Sac’.
55 ans après, Impulse sort l’intégrale (37 minutes) de cette séance dont 10 minutes seulement avaient été utilisées dans ce film visible aujourd’hui sur YouTube. L’intérêt est indéniable même si les thèmes joués figurent parmi les classiques de Coltrane tels Naima (2 prises présentées) ou Village Blues (3 prises) et que l’enregistrement n’atteint pas la qualité habituelle du maître Van Gelder.
Le quartette de Trane était bien à son sommet, après trois années de coopération fructueuse et studieuse.
Une demi-heure de plaisir intense, marqué par la sérénité de l’ex ténor en colère.
DAL SASSO BIG BAND : « The Palmer suite »
Jazz & People 2019
Julien Alour ( tp, fgh), Joël Chausse ( tp, fgh), Quentin Ghomari (tp, fgh), Jerru Edwards (tb), Denis Leloup (tb), Bastine Stil (tuba), Dominique Mandin (as, fl), Sophie Alour (ts, cl, fl), David El-Malek (ts), Thomas Savy (ts, clb), Christophe Dal Sasso (fl, dir), Pierre DeBethmann (p), Manuel Marchès (cb), Karl Jannuska (dms)
Une suite riche que signe-là Christophe Dal Sasso. Un peu ampoulée parfois tant les revirements rythmiques et harmoniques sont nombreux, foisonnants et qui nous perdent de temps en temps, en mal de lignes conductrices. La musique évolue entre classicisme à la Française ( on pense aux frères Belmondo dont Dal Sasso est très proche) et les grandes suites du jazz (Ellington ou Marsalis).
Sauf que la ligne mélodique se perd au milieu des méandres harmoniques. Et le swing peine sur plusieurs titres à trouver sa place. Mais il s’agit d’un all-stars et les solistes sont là, hyper concentrés et font le job peut être impressionnés par l'environnement majestueux de Château Palmer, le célèbre domaine viticole du Bordelais qui s'est fait une tradition de marier le jazz et le vin depuis quelques années.
Le travail est néanmoins remarquable. Un vrai travail d'assemblage pareil à celui des vignerons amoureux de leur art. Et il y a ce temps de « jazzification » qui ne se donne pas à ceux qui boivent leur vin d'une traite mais à ceux qui prennent le temps d'en savourer les couleurs, les arômes et des goûts. Et c'est lorsqu'il évoque le Plus Grand des Domaines que Dal Sasso met des bulles dans son vin et le transforme (sacrilège chez Palmer).....en champagne pétillant.
Avec Dal Sasso pas de jazz linéaire et prévisible. Il fait de l'assemblage et y mêle pas mal de références du jazz orchestral : Duke, Thad Jones voire même Schiffrin parfois. Velouté souvent, tanique parfois il se déguste comme le vin. A ceux qui savent découvrir qu'après l'attaque c'est une explosion de saveurs et d'arômes pour qui prend le temps, non pas de boire mais de déguster. Les saveurs se juxtaposent en contrepoints et la jambe est souvent longue lorsque les lignes s'etirent (Une transition douloureuse). Il y a quelques notes épicées portées par des solistes au sommet comme ce morceau de bravoure à la clarinette basse ( Thomas Savy) sur La saga des feres Pereire.
Et le tout relevé par quelques épices et un drumming incroyable et haut en couleurs de Karl Jannuska.
« The Palmer Suite » raconte l’histoire de ce domaine Bordelais et fait de cet album un grand cru dans l’oeuvre de Dal Sasso.
Jean-Marc Gelin
L'été c'est bien ! Il y a des albums que l'on reçoit durant l'année et que l'on met de côté en se disant qu'on les écoutera quand on aura le temps. Et l'été on a le temps.
C'est comme ça que j'ai découvert une petite pépite à laquelle je n'avais pas vraiment prêté attention : l'album de la pianiste Ramona Horvath en duo avec le contrebassite Nicolas Rageau.
Et finalement cet album, ben voyez-vous il ne m'a pas quitté de toutes les vacances !
Je le connais par coeur. J'en connais toutes les modulations et tous les renversements d'accord. Totalement sous le charme.
Ramona Horvath est une pianiste roumaine sortie du conservatoire de Bucarest il y a quelques années et qui, depuis 2010 a fait de Paris sa terre d’élection. Ramona n'est certes pas une révolutionnaire du jazz et son coeur penche du côté des classiques : Duke Ellington et Billy Strayhorn, Bill Evans, peut être aussi Chet Baker et tous les standards de Broadway. Je jurerai même qu'elle a dû écouter un jour le remarquable et ignoré Phineas Newborn.
Nicolas Rageau, on le connait mieux. Vieux briscard de la scène jazz nourri aux mêmes influences avec une petite touche de NHOP ( enfin, je crois), il fut un moment un pilier du Smalls, le petit club mythique de New-York.
Tous les deux se sont trouvés. Remarquablement trouvés.
Leur album on l'a dit ne révolutionne rien. Mais Dieu que c'est bon !
Avec une rare élégance, un phrasé aérien et léger, un sens de la réinvention des thèmes (avec fidélité toutefois), et un placement rythmique d'enfer, Ramona Horvath respire le jazz. Il faut l'entendre caresser le swing au fond du temps sur le Sucrier Velours (Duke), le faire légèrement rebondir sur la pulse profonde de Nicolas sur Drop me off in Harlem (Duke toujours dont Ella livra une bien belle version). Prenez cette version enjouée de Pennies From Heaven lancée sur une fausse piste avec l'intro de But not for me et sur laquelle Ramona fait preuve de la légèreté du swing. Ou encore ce beau thème de Bill Evans, My Romance réharmonisé à sa façon sans jamais trahir.
Ramona et Nicolas s'écoutent, s'attendent, se devancent avec une parfaire osmose.
Il faut écouter leur communion sur Esmeralda et cette musicalité de Ni comas Rageau qui fait chanter sa contrebasse.
Au final cet album est un pur moment de plaisir de bout en bout.
On vous l'a dit, il respire le jazz !
Barney Wilen (saxophone ténor et soprano), Olivier Hutman (piano), Gilles Naturel (basse) et Peter Gritz (batterie), Live at the Keystone Korner, Tokyo, 11 février 1991). Elemental Music Records / Distrijazz. Sortie le 6 septembre 2019 ; 2 CD et version Vinyle.
Barney Wilen (1937-1996) était une star au Japon. « Je me souviens des fans faisant la queue pour lui demander de signer des autographes sur ses disques originaux et écouter nos concerts avec un respect presque religieux », témoigne Olivier Hutman, pianiste dans le livret accompagnant le coffret de 2 CD consacré à un concert inédit du saxophoniste à Tokyo en 1991.
Sur scène, l’ex-jazzman prodige, prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz à 21 ans, délivrait une leçon de lyrisme avec un sens de la mélodie rare, révélant son affiliation à Lester Young et cette nonchalance élégante qui le caractérisait. Le répertoire témoignait d’une grande diversité, avec des standards américains (signés Rollins, Coltrane…), des compositions de Charles Trenet (L’âme des poètes, Que reste-t-il de nos amours ?), ou encore le tube, Besame Mucho, distillé en 12 minutes 22 secondes.
Les puristes trouveront peut-être à redire sur la qualité technique de l’album, l’enregistrement ayant été réalisé à partir de la table de mixage du club sur lequel Barney avait branché un mini-enregistreur Sony DAT tout juste acquis dans un magasin de Tokyo. Le bonheur de retrouver, grâce à son fils Patrick, un inédit de cet artiste total et sans concession, véritable héros du jazz qu’était Barney Wilen l’emporte allègrement sur ces (minimes) désagréments.
Voici deux ans, c'est en trio, avec le disque «30YearsFrom» que le contrebassiste attirait notre attention. Le trio est devenu quartette, avec l'arrivée de Basile Naudet au saxophone. Il faut dire que ce jeune musicien avait parfois remplacé Antone Berjeaut au sein du trio. Le discours d'escorte (la littéraure promotionnelle si vous préférez, ce que l'on diffuse pour accompagner la sortie du CD) invoque Charlie Haden. Ce qui n'est pas illégitime. Mais à l'écoute, c'est plus souvent à un autre contrebassiste que je pense, Henri Texier, pour cette manière de composer des mélodies qui respirent le parfum des musiques populaires d'Europe tout en se nourrissant des fondamentaux du jazz. Musique ouverte, chantante et chaleureuse, mais qui se veut aussi passerelle vers de belles échappées libertaires. Pulsation véhémente, exposés élaborés qui pourtant paraissent d'une évidente simplicité, qualité des solistes, beau sens du collectif : un beau moment de (vraie) musique. On succombe, et on se régale.
Xavier Prévost
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Le quartette jouera le 5 septembre à Paris au Studio de l'Ermitage dans le cadre de 'Jazz à la Villette', le 25 octobre à Juna-les-Pins dans pour Jammin'Juan, et le 7 décembre à La Fraternelle de Saint-Claude, dans le Jura.
Le disque est dédié à la mémoire du batteur Éric Groleau. Théo Girard participera le 17 septembre à Paris, Atelier du Plateau, à une soirée d'hommage à ce musicien.
Enregistrement au studio Midi Live (95) les 2 et 3 juin 2018. Compositions et arrangements de Christophe Dal Sasso. Julien Alour, Joël Chausse, Quentin Ghomari (trompette, bugle), Jerry Edwards, Denis Leloup (trombone), Bastien Stil (tuba), Dominique Mandin, Sophie Alour, David El-Malek, Thomas Savy (saxophones, clarinettes, flûte), Christophe Dal Sasso (flûtes, direction), Pierre de Bethmann (piano), Manuel Marchès (basse), Karl Jannuska (batterie).
L’engagement (et engouement) de Château Palmer, grand cru du Médoc, pour le jazz n’est pas un secret. Chaque année, depuis 2010, l’appellation Margaux invite des jazzmen pour célébrer son dernier millésime : la liste laisse rêveur, Jacky Terrasson, Michel Portal, Yaron Herman, Emile Parisien, Daniel Humair, Archie Shepp. Le directeur général du domaine, Thomas Duroux a décidé de commander une œuvre à Christophe Dal Sasso pour célébrer les deux cents ans de la propriété rachetée en 1814 par un major général anglais, Charles Palmer à Marie de Gascq**.
Christophe Dal Sasso avait à respecter une feuille de route, relève Vincent Bessières, patron du label Jazz & People dans un livret détaillé : retracer dans une suite pour big band « la longévité du domaine » en évoquant quelques-uns des chapitres les plus marquants de son histoire. Présentées sous une forme chronologique, les onze compositions traitent des riches heures et des déboires d’un vignoble qui traversa la crise du phylloxera et du mildiou, changea plusieurs fois de mains, adopta la culture en biodynamie.
Mouvements d’ensemble et solos alternent dans une suite riche en couleurs qui témoigne de l’imagination du compositeur et de la qualité de chacun des interprètes. Une œuvre (majestueuse) à déguster sans modération. Formidable.
Jean-Louis Lemarchand
*Christophe Dal Sasso, ‘DAL SASSO BIG BAND, THE PALMER SUITE’. Sortie le 30 août 2019. Jazz & People/PIAS – JPCD819006.
**Xavier Prévost, contributeur régulier des DNJ, conseille à nos lecteurs de se référer à la thèse de doctorat d'état du professeur René Pijassou (Le Médoc, un grand vignoble de qualité, Taillandier 1980) et spécialement les pages 515-516 du tome I sur les classements de 1741 et 1775 (avant le fameux classement de 1855) quand le domaine appartenait au Sieur de Gascq.
Un concert dans une petite salle bavaroise, région où le pianiste a désormais des attaches. Un savant mélange de thèmes anciens et de compositions inédites, le tout enchaîné avec la fluidité qui lui est coutumière. On pense immanquablement aux solos d'avant, ceux du temps où il s'appelait Dollar Brand (notamment «African Piano», 1969, Japo/Ecm). Les accents sont moins vifs, le tempo plus apaisé, mais l'atmosphère persiste : dérive harmonique, glissement d'une tonalité à une autre, d'un climat méditatif à une tournerie obsessionnelle. Bref c'est une sorte de 'bilan prospectif', une manière de parcourir le passé à la lumière de l'instant, tout en gardant l'œil ouvert sur les temps à venir. Une belle leçon de sagesse, et un beau moment de musique.
Un solo exemplaire, en cela qu'il rend compte globalement de l'identité musicale de Franco D'Andrea. On sait le pianiste italien attaché aux composantes fondamentales de la musique de jazz (prépondérance de la syncope, swing, rôle de l'improvisation....), et on le connaît aussi comme prospecteur passionné des avant-gardes musicales, des connexions avec les musiques africaines, etc.... Et ce double disque en solo, enregistré au cours d'une seule journée à l'auditorium du Parco Della Musica, et sous titré «Morning Suite» (CD 1) et «Afternoon Suite» (CD 2), restitue de la façon la plus fluide, d'une plage à l'autre (ou à l'intérieur d'une même plage) ce double tropisme. On y chemine, de plage en plage, entre des standards canoniques (Tiger Rag, Livery Stable Blues, Saint Louis Blues....) et des improvisations-compositions issues de la pensée du pianiste dans le bonheur de l'instant. C'est libre et brillant (ou brillant et libre, au choix), et en écoutant cette formidable liberté à l'œuvre dans une parfaite maîtrise de l'instrument, je pense à Martial Solal. Et ce n'est pas un hasard : je garde un souvenir intense d'un concert du Festival de Jazz de Paris qui rassemblait au Théâtre de la Ville, en octobre 1983, trois pianistes (Martial, Franco, et le britannique John Taylor) et trois pianos. Et Martial a aussi joué en duo avec le pianiste italien en d'autres circonstances. Je suis frappé par la liberté insolente de Franco D'Andrea, par sa pertinence musicale de chaque instant, son goût réjouissant de la pirouette et sa faculté de retomber toujours sur la note et le temps qui conviennent. Le pianiste nous a offert ces dernières années un certain nombre de disques (quelques occurrences sur le site des DNJ : http://lesdnj.over-blog.com/2015/11/franco-d-andrea-three-concerts-live-at-the-auditorium-parco-della-musica.html , http://lesdnj.over-blog.com/2016/06/franco-d-andrea-elecrtric-tree-trio-music-vol-i.html ….), et il se maintient constamment à un niveau d'invention, de liberté et de jubilation pianistique qui force l'admiration. Alors oui, sans réserves, VIVE FRANCO D'ANDREA !
On se souvient peut-être du millésime 2017, publié juste avant l'été 2018, et alors chroniqué dans nos colonnes ( http://lesdnj.over-blog.com/2018/06/jazz-et-vin.en-italie-du-nord-est.html ). La fin du printemps 2019 nous a offert une nouvelle fournée de ces concerts, toujours captés dans des domaines viticoles du Nord-Est de l'Italie. Il fallut au chroniqueur attendre le paisible repos aoûtien (on préfèrerait écrire augustinien, mais cela pourrait prêter à confusion....) pour approfondir la première écoute rapide de juin et déguster, comme il se doit.
'WINERY SERIES' Cam Jazz/ Pias, 6 CD
Tous ces disques ont été enregistré en concert dans des domaines viticoles de Vénétie-Frioul-Julienne, entre le 4 et le 9 juin 2018. L'aventure commence le 4 juin au Domaine Livio Felluga de Brazzano di Cormòns. Les protagonistes sont le pianiste Huw Warren et le saxophoniste Mark Lockheart, un duo britannique pour une musique très ouverte, lyrique à souhait, plutôt mélancolique, avec parfois des emballements qui fleurent bon le jazz cursif et les échappées tristaniennes.
Le lendemain, au Domaine Tonutti de Tavagnacco, c'est un duo transalpin : Gabriele Mirabassi à la clarinette, et Enrico Zanisi au piano, qui mêlent allègrement Robert Schumann, Scarlatti, et Cole Porter, avec un petit tour du côté de Besame Mucho. Dans Schumann on s'évade parfois vers l'impro, et au fil des plages liberté et expressivité sont souvent de mise. Un beau duo, un rien corseté parfois, mais sans dommage pour notre plaisir.
C'est ensuite le tour d'un duo plus inattendu, qui rassemble la pianiste Rita Marcotulli et le batteur-vocaliste mexicain (désormais romain) Isreal Varela. Ça chante et virevolte, avec parfois un parfum de musique expérimentale, et souvent un lyrisme presque torride. Très vivant, plein d'un charme profondément musical, c'est une invitation à l'échappée belle.
Le 7juin, au Domaine Gravner d'Oslavia, on entre de plain-pied dans le champ expérimental avec le Trio Ixi, et une improvisation en deux parties que nous rappelle (s'il en était besoin....) que parfois la musique improvisée est d 'une densité qui rivalise sérieusement avec la musique-savante-écrite-et-contemporaine. Il faut dire que Régis Huby (violon), Guillaume Roy (alto) et Atsushi Sakaï (violoncelle) sont trois orfèvres de l'impro, nourris par une complicité active exercée au sein du Quatuor Ixi. Comme un bouquet de beautés fugaces dont on se rend compte, minute après minute, qu'elles forment une œuvre cohérente.
Le 8 juin 2018, dans un chais de Rosazzo-Manzano, le violoncelliste (et vocaliste) Hank Roberts dialogue avec le tromboniste Filippo Vignato. Conversation vivante, pleine de rebondissements, où la variété des modes de jeu (et d'expression) nous entraîne en pleine exploration de l'imaginaire (le nôtre, le leur). Encore une belle expérience de musique vivante.
Et enfin le 9 juin, c'est un groupe franco-italien ou plutôt italo-français, qui rassemble Francesco Bearzatti (au saxophone ténor et peut-être, furtivement, à la sanza), Benjamin Moussay (piano électrique), et Robert Gatto (batterie). C'est une sorte d'hommage au grand Coltrane, auquel on emprunte l'esprit de mélodies en forme d'hymnes religieux, pour une incandescence jamais démentie. Il y a aussi une variation très vive sur les harmonies de Giant Steps. Seule la dernière plage (Dear Lord/One Love ) évoque directement le répertoire coltranien, mais le souffle de l'esprit de 'Dear John' est constamment présent.
Belle conclusion pour un voyage dans les vignobles italiens, voyage qui respire la spiritualité autant que la convivialité.
Dave Liebman (saxophones ténor & soprano, flûte), Richie Beirach (piano)
Zerkall (Allemagne), décembre 2016, août 2017
Jazzline N 77067 / Socadisc
Un double voyage des deux inséparables musiciens (50 ans d'amitié musicale !). Voyage dans l'espace avec un retour vers l'Allemagne où étaient leurs amis Walter Quintus et Ernst Bucher, auxquels chacun d'eux dédie une composition. Voyage dans le temps de l'histoire musicale (et de l'espace intercontinental....) avec une pérégrination très libre dans des œuvres marquantes, du siècle de Bach à celui de Bartók en passant par l'évocation de Mozart, Beethoven, Khatchatourian, Fauré, Scriabine, Mompou et Schönberg. Le premier CD prend prétexte d'œuvres qui ont en commun lyrisme, recueillement et densité pour cheminer librement dans l'improvisation : mouvement lent d'un concerto de Mozart, sonate de Beethoven, préludes de Bach ou de Scriabine, œuvres orchestrales de Fauré ou Schönberg.... Leur fréquentation ancienne et amoureuse de ces répertoires donne à Liebman comme à Beirach un sentiment de familiarité qui leur permet de partir à la dérive, comme ils le feraient sur un bon vieux standard. Mais c'est plus que cela : l'imagination des improvisateurs se nourrit des richesses de chaque pièce, relevant ici un détail qui sera source d'un nouvel émoi, et là une ouverture qui permettra quelque audace. Dans mon exemplaire dématérialisé, en fichiers numériques, Mompou désigne Fauré... et réciproquement. Mais ce n'est pas bien grave, le plaisir est sauf.
Le second CD se promène dans les six quatuors de Bartók, cueillant ici un fragment, là un ligne instrumentale, pour en faire la matière d'une création nouvelle. L'exercice est de haut vol car les deux compères sont coutumiers des cimes, et chaque note improvisée comme chaque réharmonisation est à la hauteur de l'enjeu. Jouissif !