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2 décembre 2018 7 02 /12 /décembre /2018 22:13

Samuel Blaser Early in The Morning.
Samuel Blaser, trombone, Russ Lossing, piano et orgue, Masa Kamaguchi, basse, Gerry Hemingway, batterie, harmonica, et en invités Oliver Lake, saxophone alto, Wallace Roney, trompette. Enregistré à New York, janvier 2017. OutNote Records-Outhere Music.


Eternel blues. Source permanente d’inspiration pour les jazzmen. Le tromboniste suisse Samuel Blaser vient inscrire son nom dans la liste de ceux qui sans renier les traditions apportent une touche personnelle et originale. Le natif de la Chaux de Fonds passé par New-York et désormais résident à Berlin “hisse toutes les voiles du jazz d’hier et d’aujourd’hui pour faire fructifier cet héritage dans une conception contemporaine de ce répertoire », analyse dans le livret le musicologue Arnaud Merlin. Son traitement du blues mobilise toute sa connaissance de la musique contemporaine (Ligeti, Kurtag) et son inclinaison pour Charles Mingus (avec Early in The Morning, premier titre de l’album) et aussi le Third Stream cher à Jimmy Giuffre. Le trombone se fait sauvage, sombre, profond, majestueux dans un répertoire proposant titres traditionnels et compositions du leader. Sous la direction artistique de Robert Sadin, le groupe s’est plu à méler l’ancien et le moderne. Une formation réunie en studio à New York, où se côtoient des comparses habituels de Blaser (Russ Lossing, Masa Kamaguchi, Gerry Hemingway) et deux invités d’horizons différents (Wallace Roney de facture plutôt classique et Oliver Lake aux confins du free). Un album qui devrait plaire aux amateurs de blues et aux amateurs de musique sans œillères. Chaudement recommandé.
Jean-Louis Lemarchand
 

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25 novembre 2018 7 25 /11 /novembre /2018 19:27

 

 

LEE KONITZ- DAN TEPFER «Decade»

Lee Konitz (saxophone alto, voix), Dan Tepfer (piano)

New York, septembre 2010, juillet 2015 & février 2016

Verve 602567664574 / Universal

 

Dix ans après le premier disque («Duos with Lee», Sunnyside), le saxophoniste et le pianiste se retrouvent sur disque, alors qu'ils se sont souvent produits ensemble sur scène dans l'intervalle (et depuis : encore à New York, à la Jazz Gallery, la veille de l'instant où j'écris ces lignes). Quelques plages aussi en re-recording dans lesquelles Konitz dialogue avec lui-même. Et d'un bout à l'autre l'esprit de l'improvisation, de l'aventure, de l'interaction. Le saxophoniste vétéran et son jeune confrère sont deux virtuoses de cette liberté revendiquée et assumée. C'est comme un voyage onirique : l'espace s'ouvre devant nous, inconnu, et chaque note, chaque accent, dévoilent un nouvel horizon. Ici une Suite improvisée en hommage au victimes du 11 septembre 2001. Ailleurs un incursion dans la technologie, quand le pianiste utilise un piano à interface numérique qui réagit par les algorithmes développé par ses soins. Et pour finir les harmonies de Body And Soul, caressées par Lee Konitz, comme il sait si bien le faire depuis des décennies, ayant de longtemps pris le parti d'entrer directement dans l'impro sans citer le thème.Et Dan Tepfer, familier des libres digressions, est totalement en phase avec ces dérives d'un partenaire qu'il pratique depuis des années. D'un bout à l'autre, leur complicité est fascinante.

 

 

MARK TURNER- ETHAN IVERSON «Temporary Kings»

Mark Turner (saxophone ténor), Ethan Iverson (piano)

Lugano, juin 2017

ECM 2583 / Universal

 

 

Une chronique jumelée de ce disque avec le précédent me paraissait s'imposer : d'abord parce que le disciple de Lennie Tristano que fut Lee Konitz trouve écho chez Mark Turner, qui est une sorte d'héritier de cette famille musicale ; ensuite parce que la plage 4 du disque (Dixie's Dilemma) est une composition de Warne Marsh, partenaire de Lee Konitz auprès de Tristano dès 1949. Ici l'on est dans l'improvisation autour de compositions, signées (hormis le thème déjà cité) par chacun des deux duettistes (6 pour le pianiste et 2 pour le saxophoniste). Et l'univers musical est bien celui auquel je faisais référence à l'instant, et qui mêle extrême liberté, formidable maîtrise, et grande sophistication musicale. On se laisse embarquer dans les sinueuses volutes où s'aventurent les deux improvisateurs au fil de leur dialogue, libres de se surprendre, libres de nous égarer avant de nous recueillir avec bienveillance dans le secret de nos émois d'auditeurs. Ici encore, on se laisse emporter, victimes consentantes d'un égarement qui nous enchante, admiratifs de la connivence qui unit ces deux grands musiciens.

Xavier Prévost

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24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 17:11

 

Michel Perez (guitare), Manuel Rocheman (piano), Dominique Lemerle (contrebasse), Tony Rabeson (batterie)

Le Pré-Saint-Gervais, décembre 2016

Black & Blue BB 1010-2 / Socadisc

 

Plaisir de retrouver le contrebassiste. Je l'avais écouté sur scène maintes fois : avec l'Ami Chassagnite, avec Barney, et quelques autres, et bien sûr avec Jimmy Gourley. L'une des dernières fois c'était, voici déjà presque deux lustres, lors d'un concert «Jazz sur le vif» que j'avais organisé pour Radio France en hommage à Jimmy fin 2009, presque un an après la mort du guitariste. Un concert qui rassemblait René et Phil Urtreger, André Villéger, et Philippe Combelle avec lequel Dominique Lemerle avait constitué la fidèle rythmique du guitariste. Le retrouver aujourd'hui sur ce disque, avec des musiciens que je respecte et admire, me réjouit. Cet album au répertoire de tradition est crânement intitulé «This Is New», comme la composition de Kurt Weil qui ouvre et clôt le CD. Manière de rappeler que le jazz, de ces thèmes qui constituent son vivier, donne chaque fois des versions nouvelles. De Charlie Parker à Django Reinhardt, de Paul Chambers à Steve Swallow en passant par Scott LaFaro, et de Miles Davis à Jim Hall et Bill Evans pour les compositions de jazzmen (plus une poignée de chansons américaines bien choisies) c'est tout un répertoire qui s'offre à nous dans de nouveaux atours. Michel Perez, Manuel Rocheman et Tony Rabeson rivalisent de musicalité à ses côtés, et le contrebassiste s'épanouit dans ce contexte, en pizzicato sur la plupart des plages, avec un drive remarquable, et parfois à l'archet : il fait chanter Manoir de mes rêves (avec un 'Si' d'une expressivité microtonale assez sauvage dans le deuxième 'A' de la réexposition finale), et aussi My Foolish Heart . La fluide circulation des échanges entre les quatre partenaires dans Comrad Conrad est une merveille. On se régale avec cette conception, détendue et engagée tout à la fois, du groupe de jazz. Recommandable, Ô combien !

Xavier Prévost

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Le groupe jouera le 27 novembre 2018 à Paris au Sunside

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18 novembre 2018 7 18 /11 /novembre /2018 22:38

Allan Harris. The Genius of Eddie Jefferson.


Allan Harris, vocal, Eric Reed, piano, Willie Jones III batterie, George de Lancey, basse, Richie Cole, saxophone alto, Ralph Moore, saxophone tenor. Yamaha Studios, New York.2018. Resilience Music Alliance.
Il n’est pas trop tard pour réhabiliter Eddie Jefferson ! Mettons à profit le centième anniversaire de la naissance (1918) du chanteur entré dans l’histoire du jazz pour avoir, sinon inauguré, du moins généralisé, dès 1939 au sein de l’orchestre de Coleman Hawkins, le style vocalese. Ce traitement consistant à adapter des paroles sur des thèmes instrumentaux fut popularisé par King Pleasure qui devança de quelques mois dans le témoignage discographique le natif de Pittsburgh. Ce (mauvais) coup du sort, qui permet à Jefferson de figurer dans « Petit dictionnaire incomplet des incompris » d’Alain Gerber (Editions Alter Ego), n’a pas empêché le chanteur de marquer les esprits et de gagner la considération de voix émérites du jazz (Jon Hendricks, les Double Six, Manhattan Transfer…). Doté d’une profonde voix de baryton, le chanteur new-yorkais de Harlem Allan Harris se livre à un hommage de belle facture à Eddie Jefferson. Son répertoire inclut des thèmes des années 40-60, Billy’s Bounce (Charlie Parker), Sister Sadie (Horace Silver), Dexter Diggs (Dexter Gordon), So What (Miles Davis). L’esprit de Jefferson est bien présent au sein de ce groupe réuni par Allan Harris (62 ans), à commencer par le saxophoniste alto Richie Cole qui, souligne Alain Gerber, relança la carrière d’Eddie Jefferson dans les années 70 par son énergie communicative. Hélas, Richie n’était pas là pour servir de bouclier à son idole abattu de quatre balles de revolver à la sortie d’un club de Detroit le 9 mai 1979. Le mystère reste entier sur les motifs de ce crime (erreur sur la personne ?). Toujours est-il que le talent d’Eddie Jefferson, virtuose vocal innovateur, mérite amplement l’hommage rendu ici par Allan Harris, avec vivacité et allégresse.
Jean-Louis Lemarchand
Allan Harris est en concert au Duc des Lombards (75001)les 19 et 20 novembre à 19 h 30 et 21 h 30

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15 novembre 2018 4 15 /11 /novembre /2018 20:45

Label Arts et Spectacle 2018no
Aurore Voilqué (vl, chant), Angelo Debarre (guitare solo), Mathieu Chatelain (guitare rythmique), Claudius Dupont contrebasse


On avait laissé Aurore Voilqué avec plusieurs albums dans lesquels elle avait mis un peu en retrait ses talents de violoniste grapellienne pour se lancer dans une carriere de chanteuse, sans je dois l'avouer vraiment parvenir à (me) convaincre.

Mais voilà, alignement des astres, alignement des rencontres, magie de ces standards magnifiés, avec ce nouvel album le pari aux accents manouche est ici totalement réussi. Car il fallait à Aurore à la fois le repertoire à chanter mais aussi l'association à un guitariste de génie, de l'espace pour s'exprimer au violon et enfin retrouver l'âme du jazz manouche qui lui va si bien.
Son association avec Angelo Debarre est absolument bluffante ( l'ecouter sur cette version renversante de I'll never smile again où le guitariste par la voix (la voie ou la soie) de son instrument se fait lui même chanteur. Mais quel magicien de la six cordes ! (comme sur cet incroyable morceau de bravoure virtuose sur Chinatown). A chacun de ses chorus, chaque note porte en elle plus que la musique parce que chacune de ses notes est essentielle.
Et Aurore ? Elle lui emboite le pas sans complexe. Qu'elle soit au violon ou qu'elle chante elle même, tout se passe comme si elle se trouvait libérée, follement libre et heureuse ( my melancholy baby qui inspire tout sauf la melancolie). Lorsque Aurore chante qu'elle aime Paris au mois de mai, on a envie de la suivre dans les rues joyeuses dd la capitale et de regarder sa robe légère voler au vent. Et dans ses chorus là encore, toute l'expression de l'âme.
Entre Angelo Debarre et Aurore Voilqué c'est fusionnel.
Et avec nous ? Pas qu'un peu !
Jouissif.
Jean-Marc Gelin

 

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15 novembre 2018 4 15 /11 /novembre /2018 11:14

 

Samy Thiébault (saxophone ténor, flûte alto, chœurs), Fidel Fourneyron (trombone), Hugo Lippi (guitares, chœurs), Ralph Lavital (guitares), Felipe Cabrera (contrebasse, chœurs), Arnaud Dolmen (batterie, chœurs), Inoa Sotolongo (percussions, chœurs)

Bruxelles,18-20 décembre 2017 & Paris 2 février 2018

Gaya Music GAYA 044 / l'autre distribution

Il existe un version en double disque vinyle avec un titre qui ne figure pas sur le CD

 

Une traversée, à la fois réelle et imaginaire, de la Caraïbe : «Pas à fond de cale. A fond de train parfois. Pourtant, elle commence tout en douceur. Comme pour apprivoiser les vents du large». C'est ainsi que Christiane Taubira évoque ce disque singulier dans le beau texte qui ouvre le livret du CD. Le saxophoniste a entrepris un périple intérieur vers le métissage dont il est issu en explorant la créolisation musicale de façon très personnelle, entre compositions originales et reprises. Les musiques de l'espace caribéen au sens large, de la Floride au Venezuela, s'y trouvent évoquées. Cuba croise les Antilles françaises, Porto Rico fait écho à Trinidad, et une évocation de Tanger rappelle que le saxophoniste, né en Côte d'Ivoire d'un père français et d'une mère marocaine, se sent partie prenante de ce monde créolisé. La musique circule en souplesse dans ces méandres musicaux dont l'unité, sans doute, réside dans une certaine idée de la vie, d'un regard à la fois sensuel et mélancolique sur un monde dont la rudesse n'affecte pas une certaine aspiration à la douceur. Belle brochette de solistes au sein du groupe, ce qui donne une disque très réussi, comme une nouvelle fenêtre ouverte sur l'identité d'un saxophoniste qui avait déjà offert de belles pages dans des registres différents. À découvrir urgemment !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=_o5pbe1UpXM

Le groupe est en concert le 15 novembre 2018 à Paris au Café de la Danse

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12 novembre 2018 1 12 /11 /novembre /2018 15:50

 

Jean-Marc Foltz (clarinettes), Philippe Mouratoglou (guitares), Henri-Charles Caget (percussions, waterphone, psalterion), Ramon Lopez (batterie, tabla)

Pernes-les-Fontaines, date non précisée

Vision Fugitive VF 313016 / l'autre distribution

 

Nowaten, c'est un chamane amérindien, dont le nom signifie 'celui qui écoute'. Jean-Marc Foltz l'a découvert dans le documentaire Gardiens de la Terre, et ce personnage lui a inspiré cette musique, et ce disque. Une musique recueillie, qui prend le temps de capter notre attention et de la conduire vers une véritable écoute. On pourrait dire du label Vision Fugitive qu'il repose sur l'intensité, la densité, l'expressivité, le tout au service exclusif d'une certaine idée de la beauté. Et cette nouvelle référence illustre une fois encore ce parti pris. Après une entrée en matière de souffle et de vent, la musique s'installe, cristalline, presque diaphane. Et c'est cette retenue qui nous saisit. Dans le texte du cd, le clarinettiste écrit ceci : «Entrons en musique comme on se laisse glisser dans un tableau. D'un premier souffle naît l'étincelle qui transmute l'arc guerrier en instrument à cordes. Un geste confère aux percussions le pouvoir d'invoquer les éléments. Vertige».

On ne saurait mieux décrire cette musique qui, comme un éloge de la lenteur, plonge au plus profond de nos sensations, là où réside le véritable émoi. Bref c'est très beau. Une beauté surlignée par la qualité de la production, et le soin apporté à l'objet phonographique : en couverture la reproduction d'un portrait sur bois de Nowaten réalisé par Emmanuel Guibert, et livret reproduisant près d'une vingtaine de toiles de Ramon Lopez, car le batteur est aussi un peintre. À découvrir, et à savourer !

Xavier Prévost

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Jean-Marc Foltz jouera en duo avec Philippe Mouratoglou le répertoire du disque « Legends of the Fall » (2017) le 14 novembre 2018 au festival D'Jazz de Nevers

Un avant-ouïr de «Nowaten» sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=NHPItGicBb8

 

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10 novembre 2018 6 10 /11 /novembre /2018 22:18

 

Cécile Cappozzo (piano), Patrice Grente (contrebasse), Étienne Ziemniak (batterie)

invité sur une plage : Jean-Luc Cappozzo (trompette)

Abbéville-la-Rivière (Essonne), mai 2018

Ayler Records AYLCD-153 / www.ayler.com

 

Après un premier disque en duo avec son trompettiste de père en 2015 («Soul Eyes», Fou Records), la jeune pianiste récidive, cette fois en trio. Enregistré à la Maison en bois, le lieu du pianiste-violoncelliste-compositeur & improvisateur Gaël Mevel, le disque révèle une conception très interactive de cette nomenclature. Comme chez Paul Bley à la grande époque des années 60, on part sur des accents marqués, des intervalles distendus, des esquives permanentes de la tonalité, et l'on s'engouffre dans le jeu collectif avec passion, passion féconde car elle convoque en permanence l'urgence d'une aspiration esthétique. Il ne s'agit pas ici de beauté tranquille, de ciel serein ou de digression paisible ; on est dans l'urgence absolue, ça barde, et pourtant chacun est à l'écoute, le fil du collectif ne se rompt jamais. On a le sentiment, à l'écoute, qu'en amont de cette musique créée collectivement par la pianiste, le bassiste et le batteur, beaucoup de musique a été partagée, et aussi sans doute des paroles, de réflexions, sur ce que c'est de jouer ainsi, dans l'improvisation menée jusqu'à la transe. À l'intérieur du CD, hormis les sobres informations d'usage, un texte de Federico Garcia Lorca sur le duende. Il faut dire que l'autre passion (et pratique) artistique de Cécile Cappozzo, c'est la danse flamenca. La musique du trio circule entre l'effervescence maximale et des moments mesurés, où le drive du jazz reprend temporairement ses droits avant un nouveau paroxysme, à la recherche d'un nouvel état de grâce forcément intranquille. Une fausse accalmie verra surgir des harmonies très tendues, comme un chemin dont les balises seraient autant d'occasions de s'égarer, avant une prochaine cavalcade. Tout cela est d'un inconfort réjouissant, manifeste pour une musique profondément vivante. Et la plage conclusive accueille Jean-Luc Cappozzo. Le trio, devenu quartette, repart bille en tête, avant de laisser redescendre la pression vers une coda apaisée : un geste familier dans l'improvisation, une manière de résoudre la liberté dans l'espace d'un apaisement un brin mélancolique. Bref c'est un beau disque de musique improvisée, avec ce qu'il faut d'incertitude et d'aboutissement mêlés.

Xavier Prévost

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Le trio jouera le lundi 12 novembre 2018 à 19h30 à Paris au Théâtre de l'Alliance Française, 101 boulevard Raspail (75006), pour l'émission 'À l'Improviste' d'Anne Montaron. En première partie le trompettiste Timothée Quost, en solo. Entré libre, réservation obligatoire sur le site de l'émission https://www.maisondelaradio.fr/evenement/emission-en-public/limproviste-26

Diffusion du trio le jeudi 27 décembre 2018 à 23h sur France Musique

Le trio de Cécile Cappozzo jouera également à Tours, au Petit Faucheux, le 4 décembre

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10 novembre 2018 6 10 /11 /novembre /2018 15:52

 

Marc Copland (piano solo)

Pernes-les-Fontaines, 13-14 avril 2018

[Illusions] ILL 313009 / http://www.illusionsmusic.fr/gary.html

 

Philippe Ghielmetti poursuit son parcours passionné avec le piano, et les pianistes qui magnifient l'usage de l'instrument. Un parcours fidèle entrepris sous son précédent label, Sketch, avec un autre solo de Marc Copland, et aussi un duo en compagnie de Gary Peacock. Car c'est bien de ce Gary là qu'il s'agit : tous les thèmes du disque sont de sa plume, à l'exception d'un thème d'Annette Peacock intitulé.... Gary. Peacock compositeur méritait bien un tel hommage, si l'on veut bien se souvenir de ces plages gravées par le contrebassiste avec Jan Garbarek, Paul Bley, Ralph Towner, Masabumi Kikuchi, Keith Jarrett .... ou avec Marc Copland. Le piano est magnifique : profondeur des graves, richesse des harmoniques, clarté sans clinquant, bref le résultat du travail d'un artisan d'art nommé Alain Massonneau, qui entretient, règle, harmonise et accorde l'instrument du studio de La Buissonne. Le tout capté avec une passion de sorcier (de sourcier, comme celui qui devine, avec son pendule ou sa baguette de coudrier, la présence de l'eau sous terre ?) par l'ingénieur du son, Gérard de Haro. Les harmonies sont denses, les couleurs presque indécodables, l'atmosphère est recueillie jusqu'à l'ascèse. Ma mémoire d'amateur fait ressurgir des émotions éprouvées au tout début des années 70 avec le disque «Open To Love» de Paul Bley : pas d''ostentation, rien que de la musique. Bref c'est magnifique, tout simplement....

Xavier Prévost

Marc Copland jouera à Paris, au Sunside, le dimanche 11 novembre, en duo avec Dave Liebman : deux concerts, à 18h30 et à 20h30

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9 novembre 2018 5 09 /11 /novembre /2018 22:13

 

Cinq duos enregistrés au fil de trois années, et la confirmation que Joëlle Léandre possède, au degré le plus élevé, la faculté d'improviser dans cette configuration, dans la mesure évidemment où les rencontres sont à la mesure de l'enjeu musical. Aucune crainte de ce côté au fil de ces disques, car tou(te)s les partenaires sont de très haut vol.

 

JOËLLE LÉANDRE-MARC DUCRET «Chez Hélène»

Marc Ducret (guitare électrique), Joëlle Léandre (contrebasse)

Paris, 13 mars 2108

Ayler Records AYLCD-154 / http://www.ayler.com/joelle-leandre-marc-ducret-chez-helene.html

 

La rencontre avec Marc Ducret était très attendue, car la contrebassiste et lui sont deux 'monstres sacrés' de l'improvisation. Elle comme lui paraissent sans limite(s), qu'il s'agisse de maîtriser l'instrument comme s'il était le prolongement du corps, ou d'imaginer un chemin musical qui associe le corps et la pensée, en fait indissociables, dans un même geste. Cela s'est passé en public au 19 Paul Fort, numéro 19 de la rue du même nom (Paris 14ième), domicile d'Hélène Aziza, mais aussi galerie, lieu de concerts et de rencontres d'artistes de toutes disciplines. Un endroit qui manifestement donne sens à l'expression 'magie du lieu', si l'on en juge par les témoignages des artistes, comme du public venu à leur rencontre. La liberté de création semble ici chez elle, et ce disque en témoigne éloquemment. La contrebassiste et le guitariste commencent à tour de rôle chacune des quatre séquences improvisées. Joëlle Léandre ouvre la première plage d'un bruissement d'harmoniques aiguës qui bientôt dans leur sillage entraîneront un dialogue ouvert avec la guitare, cordes étouffées d'abord, puis en résonance, avant qu'une cavalcade cursive n'entraîne les deux comparses dans une spirale de vertiges successifs, lesquels vont se résoudre, comme dans toute improvisation aboutie, en une sorte de conclusion naturellement organique, parce que le son et sa dynamique ont toujours un ultime rendez vous avec le silence. Pour la séquence suivante c'est la guitare qui ouvre l'espace de l'improvisation par des notes tenues dont l'attaque est d'abord esquivée, matériau diaphane bientôt rejoint, et presque contredit, par une contrebasse qui affirme la densité de la matière sonore. Et le dialogue continue. Sans chercher à décrire l'indescriptible, ou à narrer l'irracontable, on peut simplement dire que le duo, jusque dans d'âpres débats, est fécond, très fécond, car les deux protagonistes se parlent, et nous parlent : il suffit de s'abandonner à l'écoute pour que la magie opère.... Un poème d'Edgar Poe, Stances à Hélène, traduit par Mallarmé, constitue le seul commentaire du livret de ce cd, et résume peut-être l'absolue singularité de ce lieu, comme de la musique qui s'y joue, s'y crée, et s'en échappe, par l'heureux artifice de cette bienvenue reproduction mécanique qui fit naguère méditer Walter Benjamin, et qui pour moi, l'écoutant à l'instant, restitue sans faillir l'aura de cette musique et de son art.

JOËLLE LÉANDRE-ELISABETH HARNIK «Tender Music»

Joëlle Léandre (contrebasse, voix), Elisabeth Harnik (piano, piano préparé)

Graz, Autriche, 16 avril 2016

Trost Records TR 172 / https://www.trost.at/artist-joelle-leandre-elisabeth-harnik.html

 

Dans le duo, publié avant l'été, avec la pianiste autrichienne Elisabeth Harnik, il ne semble pas y avoir de protocole qui indiquerait une initiative alternée pour les premières notes. Mais l'on est bien dès l'abord dans le vif du sujet : communiquer, 'faire musique ensemble', en suivant tout à la fois l'imaginaire individuel et le partage des sons, des perceptions, des émotions et des pensées. Le langage musical d'Elisabeth Harnik est parfois proche de la musique française du début du vingtième siècle, parfois furtivement 'école viennoise seconde manière', et plus généralement relié à toute cette musique du siècle passé que l'on continue par commodité d'appeler contemporaine. Mais cette compositrice est aussi une improvisatrice qui s'est confrontée à une foule d'actrices et d'acteurs de cet univers, de Taylor Ho-Bynum à Michael Zerang en passant par Ken Vandermark, qui signe le livret du cd. Joëlle Léandre possède aussi cette double culture qui englobe le jazz, au sens très extensif, et la musique écrite du siècle écoulé. Il en résulte un échange très fécond, action / réaction / imagination / proposition / contestation / résolution (ou pas....). Parfois des bruissements mystérieux ( plage 5) nous font sortir de nos réflexes d'écoute, et de nos codes de référence. L'auditeur que je suis est perpétuellement aux aguets : que va-t-il se passer ? Ah oui, elles vont de ce côté. Et quand je reviens à la même plage, je suis encore surpris car, si elles arrivent au même point, écouté/entendu à la première audition, les musiciennes paraissent avoir pris un chemin différent. Magie encore de l'enregistrement public où l'on a l'impression, en dépit de la médiation technologique, d'avoir vraiment assisté à l'événement in vivo.

JOËLLE LÉANDRE-BERNARD SANTACRUZ-GASPAR CLAUS-THÉO CECCALDI «Strings Garden»

 

«Trees» : Joëlle Léandre (contrebasse, voix), Bernard Santacruz (contrebasse)

Paris, 9 avril 2016

«Leaves» : Joëlle Léandre (contrebasse, voix), Gaspar Claus (violoncelle)

Les Lilas, 1er juillet 2016

«Flowers» : Joëlle Léandre (contrebasse), Théo Ceccaldi (violon, alto)

Varsovie, 15 octobre 2017

Fundacja Słuchaj ! FSR 10 2018 / https://sluchaj.bandcamp.com/album/joelle-leandre-strings-garden-3cd-boxset

 

Avec ces trois duos, captés au fil de deux années, les rencontres se révèlent encore sous un jour différent. Avec Bernard Santacruz, enfant du jazz toujours aux aguets d'un possible ailleurs, le centre de gravité du dialogue est plus proche de la musique afro-américaine, dans ses formes les plus modernes. Mais Joëlle Léandre est proche aussi de ce langage qu'elle connaît, qu'elle aime, et qu'elle aborde d'une manière très personnelle. Il en résulte un échange profond, où le timbre grave est forcément privilégié, par la coprésence de deux contrebasses. La contrebassiste privilégie naturellement l'archet, tandis que son partenaire affirme le pizzicato. La conjugaison des deux se révèle fructueuse. Ici planent les ombres de Mingus, Charlie Haden, voire de Barre Phillips. Puis sur un son traité de la contrebasse de Bernard Santacruz, Joëlle Léandre laisse sa voix s'envoler dans un tourbillon de derviche : c'est fascinant. Et l'on repartira ensuite vers une pulsation de jazz. Le public de cet enregistrement d'appartement (captation 'sur le vif', une fois encore) réagit en fin de disque : c'est à nouveau de la musique vraiment vivante.

 

Dans le jardin des cordes que suggère le titre du triple cd, après les arbres, voici les feuilles, et le dialogue de Joëlle Léandre avec le violoncelliste Gaspar Claus. Le partenaire de ce duo est, comme Joëlle Léandre, un 'saute-frontières'. Sa pratique musicale traverse tous les univers, de chanson à la musique contemporaine. L'échange est intense et parcourt tous les horizons, sans jamais perdre une once de densité. On est plus souvent ici du côté de la consonance, traitée avec naturel, comme la base d'un langage commun, mais ça dérape aussi, sans entraves. C'est lyrique, parfois mutin, parfois joyeux, toujours dans la concentration sur l'instant musical, comme il sied à toute improvisation.

 

Ce n'est pas la première rencontre phonographique de la contrebassiste avec le violoniste Théo Ceccaldi (voir chronique sur ce site en cliquant sur ce lien http://lesdnj.over-blog.com/2017/04/joelle-leandre-transcontinentale-et-medaillee.html ). Comme dans la précédente («Elastic» 2015), le lyrisme est intense, presque mordant, la mélancolie palpable. Mais l'on s'égaille aussi dans un ailleurs d'aventure, un abandon des codes esthétiques, là où l'audace et la fantaisie des deux partenaires trouvent également leur lieu d'expression. Leur écoute et leur réactivité font mouche à chaque instant, instillant une intense musicalité dans les écarts les plus surprenants. Un instant, on jurerait que la contrebasse, à l'archet, se fait pure vocalité. On est happé par ce qui se passe, comme chaque fois qu'un instant de musique improvisée atteint son idéal. C'est d'ailleurs la grande leçon de ces cinq rencontres en trois publications : quand les partenaires sont à la hauteur de l'enjeu, la beauté se dévoile.

Xavier Prévost

 

Joëlle Léandre jouera au sein du 'TIGER TRIO' (avec Myra Melford et Nicole Mitchell) le 12 novembre 2018 à Paris, au 19 Paul Fort (où a été enregistré le cd avec Marc Ducret), puis le 13 novembre à Strasbourg (festival Jazzdor).


 

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