JeanPaul Ricard & Jean Buzelin
GIRLS VOCAL GIRL GROUPS
JAZZ POP DOO-WOP SOUL (1931-1962)
Frémeaux& Associés
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Editions, Galerie, Librairie Sonore et Vignobles Frémeaux & Associés (fremeaux.com)
Le label Frémeaux&Associés nous fait découvrir une fois encore des enregistrements rares mais pas nécessairement obscurs, tout à fait dignes d’intérêt. Un coffret de 3 CDs sur un thème inédit et très original...
Nous avions salué comme ils le méritaient les précédents coffrets, toujours de 3 CDS chez Frémeaux & Associés qui redonnaient enfin aux femmes dans le jazz un rôle plus conséquent, une plus juste place. JP Ricard et Jean Buzelin, à l’origine de ces formidables compilations, rassemblaient les pianistes ( 1936-1961) sans oublier les autres instrumentistes (1924-1962) et les Girls Bands (1934-1954), en laissant de côté les chanteuses. Ils partaient du principe que pour le grand public les femmes dans le jazz sont avant tout chanteuses : sexy, elles s’exposent sur le devant de la scène, en pleine lumière, et n’ont jamais eu ce problème de visibilité rencontré par les instrumentistes.
Les chanteuses n’ont pas été dédaignées pour autant par les créateurs de ces coffrets. Encore un autre travail colossal de nos deux experts en jazz et blues qui continuent leur entreprise en orientant leurs recherches cette fois vers une catégorie complètement ignorée aujourd’hui, sous estimée (?). Ils s’intéressent cette fois aux Girls Vocal Groups qui se sont souvent constitués dans le groupe familial, utilisant ainsi les diverses tessitures avec la prédominance d’une “lead singer”. Si ça commence avec des chanteuses blanches dans les années vingt, les Boswell Sisters de la Nouvelle Orleans, accompagnées par les frères Dorsey, connurent un très grand succès au début des années trente avec des reprises sensationnelles de “ Everybody loves my baby”, “Mood Indigo”ou “Alexander’s Ragtime band” sur les disques Brunswick, les Andrews Sisters nous sont encore familières avec les chansons de la période de la guerre “Bei mir bist du schön” ou “Rum and Coca-Cola”sur Decca. Comment ne pas citer les Chordettes dès 1946 qui jusqu’à leur séparation en 1965 enchantèrent le public ( “Mr Sandman” en 1954)?
Mais pour beaucoup de groupes, il était nécessaire d’opérer une réévaluation de ces chanteuses dont le nom nous est souvent inconnu. Très vite les groupes sont constitués par des chanteuses noires avec leur style fait de blues et jazz hot…On peut citer sur le Cd1 les Dandridge Sisters qui passèrent au Cotton Club au sein de l’orchestre de Jimmy Lunceford, Dorothy s’illustrera plus tard dans la "Carmen Jones" de Preminger. Une curiosité à souligner, les Peters Sisters eurent une belle carrière en France et passèrent aux Folies Bergères…) “Comme tu me plais” de Paul Misraki.
Le gospel laisse sa marque avec une chanteuse au premier plan soutenue par le choeur. Les Cookies sont repérées par Ray Charles qui les rebaptisa Raelettes (“What kind of man are you”?1957)
C’est à une véritable explosion du phénomène de groupes vocaux au féminin, y compris dans le style très particulier doo-wop, lancé pourtant par des groupes de garçons, que l’on assiste durant les sixties, avec de grands producteurs qui ont le sens du marché et savent manager des groupes de très jeunes et jolies chanteuses qui envahissent la variété et deviennent la coqueluche des teenagers. Les Shirelles ouvriront la voie aux groupes célèbres qui vont se succéder: le génial Berry Gordy qui fabrique les talents et le Tamla Motown sound encourage au début les Marvelettes “Please Mr Postman” en 1961, Martha and The Vandellas “I’ll have to let him go” en 1962 mais il favorisera surtout les Supremes qui figurent en couverture du coffret ( Vous aurez reconnu sa protégée, Diana Ross qui finira par remplacer en lead singer Florence Ballard ), chanteuses qu’il rendra suffisamment lisses pour le marché pop. (“Buttered popcorn”, “Let me go the right way” en 1961).
Quarante six groupes, un livret de 20 pages avec les renseignements discographiques complets des différentes séances, 26 titres pour le premier Cd, et 28 pour chacun des deux autres.
Jean-Paul Ricard, ardent défenseur des femmes dans le jazz, ne pouvait laisser passer l’occasion de ressortir quelques belles pépites et avec son copain Jean Buzelin, ils étudient cette fois l’art du jeu et des harmonies vocales dans tous les champs de la musique populaire américaine du XXème siècle. A eux deux, ils couvrent toute l’écriture jazz, pop, soul, country music (Staple Singers en 1959 “Downward road”) respectant la législation du domaine public, c’est à dire de 1931 à 1962.
Nos deux auteurs ont puisé cette fois encore dans leur vaste collection de LPs, se sont répartis les styles et après sélection des titres les plus représentatifs de chacun des groupes choisis, ils ont validé après restauration et mastering le nouveau coffret, d’où une très belle qualité de son pour une écoute optimale.
Guidé par l’expertise de tels connaisseurs, on ne peut que se laisser bercer par ces musiques "vintage", ces oldies but goldies et rendre hommage à ce travail de mémoire précis, précieux et indispensable pour l’histoire de la musique.
Sophie Chambon