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23 août 2017 3 23 /08 /août /2017 10:52
Lande  La caverne Julien Soro (sax alto),Quentin Ghomari (tp), Ariel Tessier (dms), Alexandre Perrot (cb)

Lande

La caverne

Julien Soro (sax alto),Quentin Ghomari (tp), Ariel Tessier (dms), Alexandre Perrot (cb)

 

Une découverte heureuse, avouons-le, pour éclairer les derniers feux de l’été, ce quartet Lande dans un album nommé La caverne. Des titres plus ou moins mystérieux (Ah! Platon) pour une musique forte, souvent âpre, qui ne revêt pas les atours d’une séduction immédiate. Mais on ne résiste pas longtemps à ces climats tendus et dissonants, rêches, à cette musique intense, articulée autour d’un soubassement rythmique imposant.

Les compositions sont toutes du contrebassiste Alexandre Perrot (qui fait partie comme le batteur Ariel Tessier de l’orchestre Pan-G, du collectif LOO), à l’exception de « Loosy » de Quentin Ghomari, trompettiste de Papanosh qui s’associe à l’autre soufflant, l’altiste Julien Soro, qu’il connaît bien, puisque tous deux officient dans Ping Machine. Toujours des histoires d’affinités sélectives. Les présentations faites, ces musiciens qui échangent dans une logique complice nous offrent un paysage sonore contrasté, moins géologique que géographique : à défaut d’un magma volcanique, une lande battue par les vents qui se termine dans l’océan : un volet plus onirique, une ode maritime en forme de suite à tiroir, plus lyrique, apaisée mais pas moins sombre que les trois premiers thèmes plus emportés.

Le quartet fonctionne par paire, la rythmique remarquable dont la violence, continuellement sous tension, entraîne dans son sillage les stridences des soufflants, laisse passer les vents, rafraîchissantes trouées de sax et de trompette, qui ne manquent ni de délicatesse, ni de force évidemment.

Affrontement? Plutôt une confrontation sans trop de heurt pour un ensemble qui souffle, perce, vrille, gronde. Une musique techniquement au point qui laisse apparaître une énergie constamment canalisée : une création de chaque instant, très travaillée, à la recherche d’un équilibre, souvent instable.

Belle concordance, correspondance avec le travail de plasticienne et performeuse Natalie Jaime Cortez qui illustre la pochette avec cette  Partition, encre pigment sur papier plié, expérience sensible de l’espace à laquelle invite le concept de pli.

Sophie Chambon

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19 août 2017 6 19 /08 /août /2017 16:50

Dominqiue Eade (voix) , Ran Blake (piano), Prudence Steiner (narration surThoreau de Charles Ives)

Boston, 12 août 2015 & 12 janvier 2016

Sunnyside SSC 1484 / Socadisc

 

Difficile (impossible même!) d'écouter ce duo sans se remémorer (et réécouter ! ) celui qui associait Ran Blake à Jeanne Lee. Et cette pulsion mémorielle n'est pas anecdotique : quand les disques du duo d'avant offraient de radicales lectures/relectures des standards d'alors (ceux de Broadway, et ceux du jazz-Monk surtout), ce duo-ci nous offre un panorama de la chanson états-unienne populaire, contestataire, militante, divergente...., assorti de standards 'lunaires' : Moon River, Moonglow, Moonlight in Vermont . Mais ce qui importe ici, par-delà le matériau thématique choisi avec le plus grand soin, c'est le souci de le transformer, le transfigurer, le magnifier, comme en somme le fit de tout temps la tradition du jazz avec ses répertoires de prédilection. Toutes les facettes de la vie américaine s'y révèlent, d'une berceuse issue du film La Nuit du chasseur à sa jumelle quelques plages plus loin, d'une chanson acide de Bob Dylan à un protest song de Johnny Cash sur la vie carcérale, de l'évocation du poète-philosophe Thoreau par le compositeur Charles Ives à celle de la mine par la chanteuse Jean Ritchie.... Bref c'est toute l'Amérique des villes et des campagnes qui traverse ce paysage musical où la chanteuse et le pianiste, en se réappropriant radicalement la matière musicale, dressent un nouveau décor, comme rêvé, dans l'inquiétude de ce qui pourrait, déjà, n'être que la promesse d'un cauchemar. Un blues de Leadbelly y trouve aussi sa place, et en solo deux compositions de Ran Blake, ainsi qu'une improvisation du pianiste sur un canevas harmonique de son ami Gunther Schuller. Le pianiste, tout au long du disque, par cet inimitable mélange de sobriété et d'écarts jouissifs, donne au dialogue une bonne part de sa force d'expression ; et la vocaliste, par la plasticité de son chant, nous entraîne constamment vers des territoires insoupçonnés. C'est en somme plus qu'un voyage dans la musique américaine : une plongée dans le Grand Art musical qui consiste à subvertir le répertoire pour faire œuvre. A découvrir, puis à réécouter, tant il semble y avoir ici de secrets, à découvrir au fil des écoutes successives.

Xavier Prévost

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17 août 2017 4 17 /08 /août /2017 19:07

Timuçin Şahin (guitare), Tom Rainey (batterie), Christopher Tordini (contrebasse), Cory Smith (piano)

Brooklyn, 23 juin 2016

Between The Lines BTLCHR 71243 / Socadisc

 

Dès la première écoute de ce disque, et alors que j'ignorais tout de ce guitariste turc devenu new yorkais après des années de formation aux Pays-Bas, j'ai pensé à Marc Ducret. Et pas seulement parce qu'il joue de la guitare fretless (et aussi de la guitare à double manche) comme notre génial compatriote ; ni parce que, comme lui, il a côtoyé Drew Gress, et Tom Rainey. Après investigations diverses sur la toile, j'ai constaté que, dès ses précédents disques, des chroniqueurs d'un peu partout (États-Unis, Pologne, Pays-Bas....) avaient fait le même rapprochement. Cela ne constitue pas en soi la force d'une identité ou d'une singularité, mais rappelle que, dès que l'on s'engage sur le chemin d'une musique exigeante, qui déconstruit et reconstruit en permanence la forme, les rythmes, les phrasés, la variété des timbres et des expressions, et l'horizon sans fin des possibles de l'improvisation, on aborde aux mêmes territoires. La musique de ce groupe est mystérieuse, elle chemine de passerelle en passerelle, mais toujours avec la force d'une évidence qui nous dirait, en un murmure, c'est là le chemin. Il faut le suivre, c'est passionnant ; et ne pas manquer d'y revenir car chaque écoute dévoile de nouvelles perspectives. À découvrir donc, et d'urgence, d'autant que tous les membres du quartette sont au même diapason de liberté, d'inventivité et d'audace.

Xavier Prévost

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16 août 2017 3 16 /08 /août /2017 14:43

Aruán Ortiz (piano solo)

Zurich, 3-4 décembre 2016

Intakt Records CD 290/2017 / Orkhêstra International

 

Dans la fantaisie graphique de son intitulé, l'album porte la marque d'une ambiguïté assumée : cette musique cubaine (en ce que son auteur-interprète est cubain) est aussi cubiste, en cela qu'elle porte la marque de ce mouvement artistique qui, à l'orée du XXème siècle, bouleversa les arts. Dès la première plage, le décor est dressé. L'accentuation rythmique renvoie à ce qui faisait fureur, et déclenchait de furieuses polémiques, en 1913 autour du Sacre du printemps. Dans la minute qui suit, ce premier titre bifurque vers une claudication 'à la Monk' (cubiste s'il en fut !). Et l'on entend dans le déroulement de la musique, plage après plage, ce bouleversement des formes et des perspectives qui signa l'essor plastique du mouvement cubiste. Ici le discontinu règle son compte à la sacro-sainte linéarité de manière jubilatoire. Cubaine, cette musique l'est peut-être dans le lancinement rythmique qui la meut parfois ; mais le rythme est ici savamment dévoyé, pour échapper à trop de conformité. Et la réussite de ce disque pourrait bien résider dans ce qu'il nous donne à sentir, dans l'abrupte rugosité du cheminement musical, la matérialité de la pensée même. C'est une sorte de voyage initiatique en terre d'inouï, une aventure intellectuelle, sensuelle et sonore à vivre et revivre (car le disque ne livre pas tous ses secrets à la première écoute). Magistral !

Xavier Prévost

 

Un court extrait de chaque plage en suivant ce lien :

http://www.intaktrec.ch/player_intakt290.html  

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15 août 2017 2 15 /08 /août /2017 16:36

Deux disques ont paru simultanément au début de l'été, deux trios sous ce label aventureux, deux conceptions distinctes de la liberté musicale, unies par leur différence même. Les musiciens des deux trios ont, entre eux, des connivences antérieures et croisées, mais chacun des deux CD relève d'une démarche distincte.

ALEXANDRA GRIMAL/BENJAMIN DUBOC/VALENTIN CECCALDI

«Bambú»

Alexandra Grimal (saxophones ténor & soprano, voix), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Benjamin Duboc (contrebasse, voix)

Malakoff, 24-26 mai 2015

Ayler Records AYLCD – 152 / www.ayler.com

Un avant-ouïr

http://www.ayler.com/grimal-duboc-ceccaldi-bambu.html

 

Autour d'Alexandra Grimal, qui improvise aux saxophones, chante et lit très librement des fragments de textes du plasticien italien Giuseppe Penone (Respirer l'ombre, Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, 2009), la contrebasse de Benjamin Duboc et le violoncelle de Valentin Ceccaldi tissent des voix concertantes, dans la tension vive de l'instant. Les échappées solitaires, quand elles surviennent, ne sont qu'un moment d'une histoire collective, d'un geste commun, sorte de mains tendues vers une beauté qui se dérobe à peine avant d'advenir. La prise de son, très soignée, révèle la texture de chaque timbre avec une sorte d'immédiateté charnelle, totalement en phase avec le propos du trio, qui est aussi celui de l'artiste cité en référence, dans son rapport sensuel avec les œuvres de la nature, qui deviennent ainsi œuvres de l'art. Cette expérience musicale et sonore est en tout point fascinante : il suffit de s'y plonger sans réserve.

 

DAUNIK LAZRO/JEAN-LUC CAPPOZZO/DIDIER LASSERRE

«Garden(s)»

Daunik Lazro (saxophones ténor & baryton), Jean-Luc Cappozzo (trompette & bugle), Didier Lasserre (batterie)

Luzillé, 17-19 juin 2016

Ayler Records AYLCD – 150 / www.ayler.com

Un avant-ouïr

http://www.ayler.com/lazro-cappozzo-lasserre-gardens.html

 

Le trio rassemblé autour de Daunik Lazro procède d'une démarche radicalement autre, mais pas moins radicale. Trois improvisations collectives sont encadrées de compositions appartenant à l'histoire du jazz. Elles sont signées Duke Ellington (l'inoxydable Spohisticated Lady, et le plus secret Hop Head, de 1927, dans une version très très libre....), John Coltrane (Lonnie's Lament) et Albert Ayler (Angels). En deuxième plage se glisse un beau thème de Jean-Luc Cappozzo, déjà portée au disque : Joy Spirit. L'esprit de liberté tend à prévaloir, à l'extrême, qu'il y ait un support thématique ou que l'on évolue en terrain non balisé. La palette est large, du lyrisme le plus retenu à cette expressivité tonitruante dont le free jazz a ouvert la voie. Les nuances sont infinies (Ah les cymbales de Didier Lasserre !), et chaque instrument fait chanter tous les ressorts de sa dynamique la plus large. Au total, plus de confidences que de cris, mais toujours dans l'expressivité la plus intense. Et cette primauté de l'expression fait tout le prix de ce disque, comme du premier cité.

Xavier Prévost

 

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12 août 2017 6 12 /08 /août /2017 18:01

Absilone/Socadisc.

Crestiano Toucas, composition, accordéon, voix, Prabhu Edouard, percussions, tabla, voix, Amrat Hussain, percussions, tabla, voix, Thierry Vaillot, guitare.

 


Instrument mondial, s’il en est, l’accordéon se plaît dans tous les registres. Sous les doigts de  Crestiano Vasco, il est résolument planétaire. Pratiquant le Victoria, cher à Richard Galliano, il eut l’honneur de plaire au maître du New Tango. Tout comme le niçois, l’instrumentiste occitan d’origine portugaise conçoit son expression sans s’imposer de frontières. Il n’empêche : son penchant l’oriente vers l’univers latin. Dans son dernier album, il ouvre son spectre, « sur les traces de Vasco de Gama ». La petite formation prend des accents ibériques avec le guitariste Thierry Vaillot et indiens avec les percussionnistes et joueurs de tabla Amrat Hussain et Prabhu Edouard . L’ensemble mariant parties instrumentales et vocales sans se départir d’une pulsation rythmique permanente. C’est un périple qui nous mène sur tous les continents, avec un plaisir de jouer communicatif.    

Jean-Louis Lemarchand

Toucas Trio (Toucas-Vaillot-Hussain) sera en concert le 23 août à La Garde Adhémar (26)pour le festival  Parfum de Jazz (parfumdejazz.com) avec en première partie le trio de Ludovic Beier.

 

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10 août 2017 4 10 /08 /août /2017 18:08

Charles Lloyd (saxophone ténor, flûte alto), Jason Moran (piano), Reuben Rogers (contrabasse), Eric Harland (batterie)

Montreux, 30 juin 2016 & Santa Fé, 29 juillet 2016

Blue Note 006 02557 649888 5 / Universal

 

Ce 'Nouveau Quartette' est en fait le même que celui du disque «Rabo de Nube» publié en 2008 par ECM. Mais cela n'enlève rien à la qualité de la musique ici proposée ; bien au contraire. On est manifestement en présence d'un groupe en parfaite osmose, rôdé par une décennie d'échanges. Capté en concert, à Montreux (la première plage, Dream Weaver, un souvenir de 1966, avec Keith Jarrett, Cecil McBee et JackDeJohnette) et à Santa Fé (Nouveau Mexique) pour les six autres plages, ce disque est une sorte de travelling thématique sur le répertoire de Charles Lloyd, de Passin Thru, gravé en 1963 au sein du quintette de Chico Hamilton, et How Can I Tell You (sur son premier album en leader, «Discovery», en 1964), jusqu'à la pièce conclusive, toute récente. On aura sans doute le droit de préférer sa magnifique sonorité voilée, au sax ténor, à ses timbre et phrasé mal assurés à la flûte, mais assurément ce disque est un grand témoignage de l'art singulier de ce musicien, ici magnifiquement entouré, comme naguère dans le groupe de 1966-69 avec Jarrett et consorts. Jouage intense, solistes de haut vol (et Jason Moran culmine !) : c'est un sacré bon disque qui rend justice à Charles Lloyd, dont quelques épisodes phonographiques précédents avaient été assez décevants.

Xavier Prévost

 

Un extrait du CD : le thème-titre sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=ADoQgN_4Llo

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7 août 2017 1 07 /08 /août /2017 15:49

Giovanni Falzone (trompette, électronique), Filippo Vignato (trombone), Fausto Beccalossi (accordéon, voix), Giulio Corini (contrebasse), Alessandro Rossi (batterie)

Cavalicco (Province d'Udine, Italie), 2-3 février 2017

Cam Jazz CAMJ 7915-2 (Harmonia Mundi)

 

Le trompettiste Giovanni Falzone est assez peu connu dans notre pays, si l'on excepte ses concerts avec le pianiste Bruno Angelini, ou sa participation aux groupes de Francesco Bearzatti, maintes fois programmés dans les festivals et concerts de l'Hexagone. Le voici de retour, avec son propre groupe, et une brochette de partenaires que, pour la plupart, nous découvrons. L'argument, le prétexte ou le concept du disque (c'est au choix, et finalement cela pourrait être de peu d'importance....) c'est l'équilibre cosmique qui assure la stabilité des planètes en mouvement dans un univers que l'on devine infini. En fait, on peut n'y voir que métaphore de cet équilibre périlleux, et jouissif, qui associe cinq musiciens-interprètes-improvisateurs dans un répertoire où se mêlent la mélancolie de l'attraction lunaire, la virulence calorique du soleil, les rotations obstinées de la terre-mère et l'appel infini des étoiles au firmament. Le tromboniste est passé par le Conservatoire de Paris (CNSMDP) et son département de jazz, ce qui a valu à quelques amateurs parisiens de faire sa connaissance. L'accordéoniste est presque un vétéran, qui a joué en duo avec Al Di Meola ; le contrebassiste a travaillé avec Stefano Battaglia et Enrico Rava ; quant au batteur, il évolue entre le jazz classique et le jazz contemporain, et faisait déjà partie de groupes précédemment rassemblés par Giovanni Falzone, avec lequel il a aussi joué en duo. D'entrée de jeu, la musique nous invite à ces phénomènes d'attraction mutuelle tellement prisés du jazz, et qui font que les instruments se répondent, s'affrontent et se liguent dans un ballet permanent dont le souple balancement est la langue commune. Le rougeoiement énigmatique de la planète Mars sera ensuite prétexte à un festival de dissonances mystérieuses, ouvrant une mélodie posée sur des harmonies escarpées. Chaque thème, sous prétexte d'une nouvelle image, ou d'un nouvel imaginaire, nous embarque vers d'autres planètes, mais l'essentiel est ailleurs : dans une très belle expressivité de chacun des instrumentiste, avec un indiscutable sens du jeu collectif, le tout gouverné par une sorte d'effervescence qui culmine dans les improvisations de l'accordéoniste quand il double à la voix le phrasé de ses lignes instrumentales. De plage en plage une vraie réussite se dévoile, dans la diversité des approches comme dans la richesse des développements improvisés. Hautement recommandable donc, et comme tous les bons disques à écouter plusieurs fois, pour en extraire la substantifique moelle.

Xavier Prévost

 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=RJmk29_WgME

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31 juillet 2017 1 31 /07 /juillet /2017 18:20

Louis Sclavis (clarinette, clarinette basse), Sarah Murcia (contrebasse), Christophe Lavergne (batterie), Sylvain Rifflet (saxophone ténor, clarinette)

Gütersloh (Allemagne), 2 février 2017

Intuition INTCHR 71323 / Socadisc

 

Onzième volume de la collection 'European Jazz Legends' qui associe le Théâtre de Gütersloh, le magazine allemand Jazz Thing et la radio publique de Cologne, la WDR. Cette fois, après Henri Texier, Michel Portal et Daniel Humair c'est, parmi les représentants de la scène hexagonale, au tour de Louis Sclavis d'être honoré en qualité de légende européenne du jazz. Distinction plus que méritée, et qui nous vaut le plaisir de découvrir, lors d'un concert dans ce théâtre de Rhénanie du Nord-Westphalie, un nouveau groupe, variante d'un quartette entendu l'an dernier au Triton, et où à la place de Sylvain Rifflet on pouvait écouter Benjamin Moussay. Outre le plaisir d'y entendre les compositions de Louis Sclavis, on peut y découvrir d'étonnants mélanges de timbres, antagonistes ou au contraire complémentaires. Tour à tour la clarinette basse et le saxophone ténor se complètent ou s'opposent, et les deux clarinettes se confondent ou s'affrontent. Louis Sclavis laisse aussi largement place à Sylvain Rifflet pour exprimer son lyrisme singulier, où se mêlent lignes escarpées et profondeur de l'expression. Sclavis est magistral, mais sans lourdeur ni emphase, et le tandem rythmique Sarah Murcia-Christophe Lavergne fait montre d'une qualité extrême. Bref on ne peut ignorer cette nouvelle page, et ces nouvelles plages, de Sclavis, avec en bonus un bref entretien en anglais pour la WDR.

 

À signaler : la présence de Louis Sclavis comme invité, en compagnie du trompettise Michel Marre, dans le nouveau disque du trio 'LPT 3', qui associe le batteur Christophe Lavergne, le tromboniste Jean-Louis Pommier et le tubiste François Thuillier (LPT 3 «Vents Divers», Yolk Music / l'autre distribution).

.

Xavier Prévost

 

LPT3 'Vents Divers' sur YouTube 

https://www.youtube.com/watch?v=RL_MVNw-Hdg

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31 juillet 2017 1 31 /07 /juillet /2017 18:07

Ambrose Akinmusire (trompette), Sam Harris (piano), Harish Raghavan (contrebasse), Justin Brown (batterie)

New York, Village Vanguard, janvier 2017

Blue Note 002681402 / Universal

 

Un double CD qui rassemble le meilleur de quatre soirées dans le célèbre club de la 7ème Avenue, sanctuaire indiscutable de bien des sommets de cette musique depuis 60 ans, et plus. Le trompettiste nous avait habitué depuis son apparition dans le paysage jazzistique à une position constante de singularité, d'irréductibilité.... Et l'on s'épuiserait en vain à la circonscrire à quelque influence ou filiation. Il ne sort pas de nulle part, bien évidemment, et il est venu à nous, progressivement, avec dans son bagage le passé d'une musique déjà plus que centenaire. Qu'il évolue sur des canevas raisonnablement abstrait ou sur des thématiques aussi chantantes qu'un standard de derrières les fagots, le trompettiste nous subjugue par la force de son expression, liée à une intelligence musicale sans faille. C'est, penserez vous à juste raison, le propre du jazz que de mêler le feeling le plus intense à la densité musicale la plus exigeante. Mais cette règle de conduite, presque une règle de vie, se trouve ici magnifiée par l'étendue spectrale du propos. Nous avons là l'un de ces disques qui nous donnent la tentation, pour une heure et plus, de quitter le monde, de nous abstraire, de nous abymer dans les profondeurs de la perception intime et sensuelle d'une musique qui respire aussi l'urgence d'une pensée en mouvement. Les partenaires du trompettiste sont plus que des sidemen : ils partagent son aventure, et quand la voie singulière s'ouvre devant eux pour un solo, ils s'y plongent comme en des abysses où le chant des sirènes les appelle, presque sans retour. Et toujours, dans l'accompagnement, leur discours révèle une présence avérée, dans la tension comme dans la détente. Bref ce disque pourrait bien être un chef d'œuvre. Qu'on se le dise !

Xavier Prévost

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