YVAN ROBILLIARD TRIO
Lifetimes
A Tribute to Tony Williams’ Lifetime
Sortie le 13 Octobre 2023
Robi-Free-Le Triton/L’autre Distribution
Yvan Robilliard piano et claviers, Laurent David basse,
Justin Faulkner batterie.
Yvan Robilliard
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Voilà un projet qui entre dans la série des hommages, consacré au batteur Tony Williams, prodige de cet instrument, dans sa période Lifetime qui débuta en 1969, après avoir quitté Miles dont il révolutionna quand même le second quintet. Une première version éphémère vit le jour en trio avec le guitariste John McLaughlin et l’organiste Larry Young, produisant des albums importants comme Lifetime et Emergency.
Jazz rock, fusion...une musique qui a un demi-siècle aujourd’hui mais qui connaît comme “un retour vers le futur”.
S’agit-il d’un rembobinage, d’un recyclage qu’effectue le pianiste claviériste Yvan Robilliard avec son trio Heartbeat, composé du fidèle bassiste Laurent David et de Justin Faulkner, un batteur hors norme de Philly qui accompagne Brandford Marsalis?
Le résultat est différent de ce que l’on aurait pu imaginer. Visiblement le pianiste ne cherche pas à faire des reprises, se refusant à copier Tony Williams. Il s’en inspire, l’esprit sans la lettre.
C’est la musique mise au point en trio qui seule compte, l’important c’est “faire, jouer avec” et ce n’est pas une vaine formule dans son cas. Ce sont ses dix compositions que l’on entend, mais pleinement vécues par les autres membres d’un trio incomparable, parfaitement équilatéral. Mais il partage avec ce formidable batteur et le non moins remarquable bassiste une prédilection pour les “sons machiniques” qui envoient loin, très loin dans l’espace.
Yvan Robilliard revisite le trio jazz avec un appétit pour cette formule électrique, il s’attable devant trois pianos et choisit le climat dans l’instant, plus joyeux et fonceur avec le Fender, poétique et lyrique avec le piano classique, spatial avec le Mini Moog.
Deux titres pourraient être de bons marqueurs du programme “The Train That Never Stopped” et “Frenzied Paradise” donnant le ton, frénésie assumée, trépidations effrénées, urgence réelle à occuper la scène et l’espace sonore. Ils ne sont que trois mais ça joue fort, vite, sans aucun temps mort dans l’ivresse que procure l’électricité. Mais avec la cohésion parfaite de jouer ensemble comme s’ils n’étaient qu’un. La formule a déjà été trouvée, mais je la reprends à mon compte avec plaisir, ce YR3 se transforme en YR au cube. Ce n’est possible qu’avec l’aide d’une rythmique essentielle qui libère le pianiste. Parfait dans la polyrythmie quel que soit le contexte, en binaire, Justin Faulkner martèle métronomiquement, alors qu'en ternaire, il cherche, élégant dans le cliquetis des baguettes, soutenu par Laurent David, pilier du trio.
Quand on sait que l’album enregistré live au Triton, en cercle rapproché et sans casque, pour une interaction efficace et maximale des trois instrumentistes, a été conçu en suivant les conseils de Daniel Yvinec, l’un des meilleurs D.A qui soient, on n’a plus de doute. Il explique d’ailleurs dans des liner-notes édifiantes la genèse du projet et le choix de se placer sous la bonne étoile de ce dieu de la batterie Tony Williams, passionné de rock, intégrant funk, pop, musique psyché à son jazz libre et inspiré.
Les Lifetimes à l’improvisation maîtrisée du trio définissent une musique jamais flottante ou trop planante qui fonce avec des compos enlevées, une jubilation dans les rythmes, tempérée par des passages soudain délicats et classiques au piano. L’invention mélodique ne passe plus au second plan et reprend tous ses droits. Peut-être pour de trop courts moments. Mais le CD file à toute allure et le plaisir n’en est que décuplé.
Sophie Chambon
NB : Rappelons que le pianiste dans son grand éclectisme a sorti ce printemps Ikiru plays Satie en forme de duo piano-saxophone avec Fabrice Theuillon du collectif Surnatural Orchestra.