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14 décembre 2022 3 14 /12 /décembre /2022 15:23

Yoann Loustalot (trompette, bugle, effets, composition), Giani Caserotto (guitare, effets, composition), Stefano Lucchini (batterie)

Sarzeau (Morbihan), novembre 2021

Pure Capture / l’autre distribution

Le disque «Slow», en quartette, paru en 2019, affichait un concept, brillamment abouti, d’extrême lenteur. Ici, en dépit du titre, pas de programme explicite. Mais un indiscutable goût de l’ailleurs, une exploration des possibilités esthétiques offertes par les effets, quand ils abandonnent l’efficacité pour le seul projet artistique. De plage en plage, nous voguons sur une vague qui nous entraîne, inexorablement, vers un horizon que l’on croirait infini si l’idée même d’infini ne nous paraissait déjà comme un travestissement de la limite, ou plutôt du but comme limite. La sonorité exceptionnelle, et la formidable expressivité de Yoann Loustalot, à le trompette comme au bugle, sont les instruments de ce voyage sans limite(s). La guitare (et les effets) de Giani Caserotto, et la batterie de Stefano Lucchini, sont les alliés de ce complot dont le but avoué est de produire de la beauté. Enrico Rava ne s’y trompe pas, qui écrit «Ce n'est pas juste un "beau son". Non, c’est le son de l’âme, et il est si profond et authentique que chaque note compte et conte». On ne saurait mieux dire. Enrico est un expert dans ce domaine, et l’on peut succomber sans crainte ni honte au sortilège qui nous accapare.

Xavier Prévost

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Le groupe est en concert le samedi 17 décembre 2022 au 360 Paris Music Factory

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Un avant-ouïr sur Youtube

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8 décembre 2022 4 08 /12 /décembre /2022 10:17

Enregistré le 14 décembre 2018.
Double album GLM Music - SKU EC 607.
Paru le 4 novembre 2022.

    « Le solo ? C’est là où il est au sommet, car il peut faire tout ce qu’il veut ». Le compliment de Stefano Bollani s’adresse à Martial Solal.


    Les illustrations ne manquent pas de ce face à face solitaire avec le clavier dans la carrière du pianiste à jamais entré dans la légende du jazz, que les Etats Unis voulaient quasiment « enlever » dans les années 60 après ses performances au festival de Newport et dans les clubs new-yorkais, mais les deux derniers concerts donnés en Europe et qui resteront comme les ultimes « sorties » en public (à 91 printemps) du « compositeur de l’instant » (Xavier Prévost) méritent une attention toute particulière ... Et pas seulement sentimentale ou nostalgique.

    Nous disposions du concert de la salle Gaveau du 23 janvier 2019 (Coming Yesterday, Live at Salle Gaveau 2019. Challenge/DistrArt Musique) justement récompensé par le Grand Prix de l’Académie du Jazz 2021.

    Surprise, voici un concert de la même époque, enregistré six semaines auparavant en Allemagne (Live in Ottobrunn, GLM Music).

    Les fans devraient être comblés par ce double album (1h34) qui offre un panorama de l’art solalien, où l’humour le dispute toujours à la surprise.


    Le programme retenu s’avère plus large que dans l’album de Gaveau. Figurent ainsi des classiques (Round Midnight, Cherokee ou encore My One and Only Love) qui cohabitent avec des compositions personnelles (Histoire de Blues, Brother Jack ou Köln Duet, Improvisation).  L’amateur pourra également comparer les versions Gaveau et Ottobrunner de quelques pièces maîtresses du répertoire du pianiste : My Funny Valentine, Tea For Two, Happy Birthday, Lover Man, I’ll Remember April ou encore ce Coming Yesterday, mitonné par Martial lui-même. Mais comment choisir entre ces 15 titres ? Cornélien en vérité. Laissons tourner ces deux cd et laissons-nous emporter par cette expression de l’improvisation couplée à la prise de risques ... Vertige assuré !
 


Jean-Louis Lemarchand.

 

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4 décembre 2022 7 04 /12 /décembre /2022 17:53

Bruno Ruder (piano solo)

Pernes-les-Fontaines, janvier 2022

Vision Fugitive VF 313025 / l’autre distribution

 

Autant l’affirmer d’entrée de jeu : un très beau disque de piano solo. Et pas d’anomalie dans cette réussite. Bruno Ruder parcourt avec talent, pertinence et profonde musicalité bien des univers du jazz (et de son entour), depuis deux décennies. Du formidable trio ‘Yes Is A Pleasant Country’, qui l’associe encore, quand les circonstances le permettent, à Jeanne Added et Vincent Lê Quang, jusqu’à Magma, en passant par de nombreux concerts, et disques, avec Riccardo Del Fra, ce pianiste m’a toujours impressionné par ses choix musicaux et ses talents d’improvisateur. Dans ce disque, une succession de pièces, que l’on devine improvisées (même si l‘on peut supposer des intentions préalables), et qui pourraient être appelées impromptus, nocturnes, préludes, fantaisies, voire études…. Le très bon piano du studio de La Buissonne sonne magnifiquement, du plus ténu pianississimo jusqu’aux éclats du fortissimo. Le pianiste crée constamment des couleurs et des formes, il croise en chemin la mémoire des musiques qu’il aime et connaît : un cheminement d’une belle intensité, que nous suivons plage après plage.

Comme toujours chez Vision Fugitive, la pochette et les images du livret (ici en forme de leporello) sont signées par Emmanuel Guibert. Un texte très éclairant de Stéphane Ollivier, hélas absent du livret, est accessible en suivant ce lien.

Deux personnes rencontrées récemment m’ont dit : est-ce que c’est du jazz ? Ma réponse fut chaque fois : «C’est un grand disque de piano d’un grand jazzman….». Grand disque !

Xavier Prévost

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30 novembre 2022 3 30 /11 /novembre /2022 17:00

Daniel Zimmerman (trombone, arrangements), Pierre Durand (guitare électrique), Jérôme Regard (contrebasse), Julien Charlet (batterie). Invité : Éric Truffaz (trompette)

Amiens, janvier 2022

Label Bleu / l’autre distribution

 

Très très étonnante (et formidable !) relecture/ déconstruction / recomposition de l’univers musical du Grand Serge. Les thèmes et les climats sont traités amoureusement, mais avec cet esprit libre et légèrement transgressif que requiert le sujet. Les partenaires sont de très haut vol et la moindre de leurs interventions est pertinente, inspirée, et source de création. Éric Truffaz fait trois apparitions tout aussi convaincantes. À ce niveau de réalisation et d’expression musicale, ce disque est une rareté, et une pure merveille. Cela fait longtemps que Daniel Zimmermann nous a appris, et démontré, qu’il est un musicien de premier plan. C’est une confirmation, éclatante.

Xavier Prévost

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Le groupe est en concert le 1er décembre 2022 à Paris au Bal Blomet

Un avant-ouïr sur Youtube

Le Brussels Jazz orchestra publie également un album «Gainsbourg» (Label BJO) avec la chanteuse Camille Bertault

Un avant-ouïr sur Youtube

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23 novembre 2022 3 23 /11 /novembre /2022 16:43
SOMEDAY                    MARC  COPLAND  QUARTET

SOMEDAY Marc Copland Quartet

 

Marc Copland (piano), Robin Verheyen (tenor and soprano saxophones), Drew Gress (bass), Marc Ferber (drums)

 

Label InnerVoiceJazz New York

Welcome » Innervoicejazz

 

En réaction à la pandémie et au repli qui s’en suivit, le pianiste Marc Copland éprouva la nécessité de revenir au monde, à la musique et fit appel à des compagnons de route de longue date pour un nouvel album sorti sur son propre label fondé en 2016, le bien nommé InnerVoiceJazz . Signes distinctifs, l’élégance sobre de la pochette et pour tout texte, un poème de son ami Bill Zavatsky.

Le pianiste revint en quartet pour une rencontre créative et mémorable dans un studio du Queens, au début de l’année 2022, d’où sortiront cinq compositions dont deux standards. Marc Copland ne rechigne pas à revenir aux fondamentaux- il sait d’où il vient : il s’est décidé pour un swingant monkien “Let’s cool one” qui n’était pas prévu au départ mais qui apparut possible dans l’humeur groovy du moment et pour le final de l’album, ce “Nardis” que s’attribua Miles en profitant quelque peu de Bill Evans. Pendant la séance surgit une irrépressible envie de jouer et de composer à quatre, la forme de la musique à venir : alors, pendant une heure, sans prendre aucune pause, ils se lancèrent comme ils l’auraient fait en club en un set. Le résultat fut à la hauteur : trois nouvelles compositions et non des moindres furent retenues, “Nardis”, une ballade de Robin Verheyen, “Dukish” qui annonce la couleur, en hommage à Ellington et “Someday my prince will come” qui inspire le titre de l’album Someday, allusif au standard inoxydable Someday My Prince Will Come. La composition de Frank Churchill et Larry Morey est liée à l’enfance et au cinéma, à la chanson de Blanche-Neige et les Sept Nains,  le Disney de 1937 que tous les jazzmen ont repris, Dave Brubeck en premier en 1957, Donald Byrd, Miles avec son sextet où Bill Evans se l’appropria tellement bien qu’il est irrémédiablement associé à ce thème.

Dès les premières notes de “Someday my prince will come” qui ouvre donc l’album, on ressent une intense réciprocité d’écoute, et on devine le propos finement structuré d’un quartet dont l’autorité est à toute épreuve. Il est vrai que des musiciens chevronnés comme le pianiste et le contrebassiste Drew Gress n’ont plus grand-chose à prouver. Ils continuent néanmoins à travailler, explorer les limites de cette musique, faisant entendre ce chant intérieur qui les anime, tendant vers l’esprit même de cette musique, à travers des signes qui ne répondent à aucune nostalgie. Dans le quartet se crée ainsi une combinatoire où chacun suit sa voie tout en retrouvant les autres à chaque occasion, une entente assez idéale dans le partage.

Avec le saxophoniste Robin Verheyen, Marc Copland expose le thème et on sent qu’ils n’ont pas eu à réfléchir longtemps pour s’ajuster, dans une grande fluidité. Marc Copland, quand il écoute le ténor d’origine belge, n’a pas oublié qu’il fut saxophoniste avant de se mettre au piano. Tous deux s’entendent pour développer de nouvelles idées d’harmonie et de mélodie.  Ils réussissent alors ce tour de force de s’inscrire dans l’ histoire du jazz tout en favorisant de nouvelles percées, réinventant les formes d’une musique qui n’oublie jamais le sens de la liberté. Avec la finesse de touches impressionnistes, on savoure cette retenue qui rejoint un art consommé de l’implicite. Rien de mieux qu’une ballade pour apprécier le travail de ces virtuoses, leurs justes couleurs et groove aérien. Mais on ne saurait rester sur cette douceur ineffable quand on écoute “Round she goes” ou “Spinning things” qui nous cueillent à revers, la vitalité irrépressible, le rebond réjouissant de Mark Ferber, la verve narrative de Robin Verheyen rompant alors l’ensorcellement possible de ces tourneries car ils font circuler autrement la poésie du moment. Stimulant!

Sophie Chambon

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18 novembre 2022 5 18 /11 /novembre /2022 10:36

Rémi Gaudillat & Fred Roulet (trompettes), Loïc Bachevillier (trombone), Laurent Vichard (clarinette basse)

Invitée : Sophia Domancich (piano)

Renaison (Loire), 14-15 octobre 2021

Label Z-Production (Inouïe Distribution)

https://www.possibles-quartet.com/no-work-songs.html

 

Une œuvre très singulière, née comme beaucoup d’autres de la sombre période de la pandémie, de ses confinements et de son absence de concerts in vivo, si peu compensée par la musique jouée pour des diffusions (filmées ou pas) sur les ondes et sur la toile. Objet musical d’autant plus singulier que, publié en vinyle et en support numérique, il s’associe à des textes de Patrick Dubost, conçus pour être lus à l’écoute de chaque séquence musicale, et à des dessins d’Olivier Fischer qui figurent sur la pochette du disque, et que l’on voit naître en musique sur le vidéo ci-dessous

Art transversal ? Art total ? En tout cas belle conception collective d’un objet artistique non identifié, dont la singularité fait la valeur.

La musique procède à certains égards d‘une fibre mélancolique issue des circonstances de sa genèse. Très belle écriture (et interprétation) des ensembles (cuivres/clarinette), entre consonance et tensions, velours et friction. Solistes inspirés et investis dans le collectif, et renfort de la présence en invitée, sur une suite qui occupe toute la face ‘A’ du vinyle, de Sophia Domancich au piano, laquelle avec son talent de prendre les chemins de traverse, apporte une touche supplémentaire d’aventure. On a aussi des instants de jazz pulsé qui réveille chez l’amateur le souvenir de Mingus. Bref liberté, beauté et inspiration : que demander de plus ? Des concerts évidemment, afin que cette musique très vivante renaisse en public.

Xavier Prévost

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Le groupe est en concert au Périscope de Lyon le 18 novembre, avec en invitée Sophia Domancich. Il sera de retour sur scène le 13 janvier 2023 au Théâtre Pêle-mêle de Villefranche-sur-Saône

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17 novembre 2022 4 17 /11 /novembre /2022 01:08

    Leïla Olivesi (piano, composition), Baptiste Herbin (saxophone alto et flûte), Adrien Sanchez (saxophone ténor), Jean-Charles Richard (saxophone baryton et soprano), Quentin Ghomari (trompette et bugle), Manu Codjia (guitare), Yoni Zelnik (contrebasse) et Donald Kontomanou (batterie).
Invités : Chloë Cailleton (voix), Géraldine Laurent (saxophone alto).


Juin 2022. Studio Sextan La Fonderie, Malakoff.
Attention Fragile/L’autre distribution.
Disponible le 18 novembre.

    Les talents de compositrice de Leïla Olivesi ne sont plus à prouver. Après Utopia (2015), la Suite Andamane (2019) distinguée par l’Académie Charles Cros vint confirmer l’opinion des observateurs attentifs de la scène parisienne sur la pianiste franco-mauritanienne : nous avions affaire à une « architecte musicienne » pour reprendre l’expression d’un expert (Vincent Bessières).

 

    C’est à nouveau avec un grand ensemble que Leïla Olivesi nous propose aujourd’hui « ASTRAL ». Si l’on fait abstraction d’une œuvre de Mary Lou Williams, grande inspiratrice de la pianiste (Scorpio), nous sommes en présence de compositions personnelles et originales. « Un jazz acoustique contemporain de très haut niveau », apprécie dans le livret le pianiste américain Geoffrey Keezer. Dérogeant au classique thème-improvisations, le grand ensemble nous prend par la main pour découvrir des contrées surprenantes, chacun des interprètes apportant son écot à ces œuvres collectives séduisantes. Réussir à marier modernité et classicisme, c’est le pari relevé haut la main par Leïla Olivesi.


    Nous garderons pour la fin, en guise de couronnement, l’hommage rendu à Claude Carrière, auquel la liait une passion pour le Duke : une ‘’Missing CC Suite’’ en deux parties (Portrait, Missing CC) qui donne à entendre mouvements d’ensemble et solos de saxophones (Jean-Charles Richard, Baptiste Herbin), trompette (Quentin Ghomari) et de la pianiste-compositrice elle-même invitant à la rêverie sans oublier le swing. Un régal vivement conseillé !

 

    Jean-Louis Lemarchand.

 

    En concert le 1er février 2023 au Bal Blomet (75015) ; Leïla Olivesi participe au festival Pianorama aux Bouffes du Nord (Paris) le 20 novembre.

 

    ©photo Jade Brunet

 

 

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16 novembre 2022 3 16 /11 /novembre /2022 15:54

 

 

Cécile Cappozzo (piano, composition), Guillaume Bellanger (saxophone ténor), Jean-Luc Cappozzo (trompette), Patrice Grente (contrebasse), Étienne Ziemniak (batterie)

Meslay-du-Maine (Mayenne), 13 janvier 2022

Ayler Records AYLCD-179 / Orkhêstra / http://www.ayler.com/cecile-cappozzo-quintet-hymne-dautomne.html

 

Mélancolie de saison, doublée d’escapades libres et fougueuses : cet hymne d’automne est en tout point conforme à l’idée que l’on peut se faire d’une musique ouverte, hardie, et cependant soucieuse de la forme, fût-elle une forme ouverte. De belles compositions, des partenaires assurément investis dans l’urgence collective du programme, et un goût manifeste de franchir le seuil du probable pour ouvrir un terrain d’aventure. Un thème s’intitule Carla, et c’est à Paul que je pense parfois, dans ces lignes qui bifurquent dès qu’un intervalle prévisible montre le bout de son nez. Mélodies sinueuses et tendues, dans les règles de l’art, qui se diffusent ou se résolvent (ou pas) dans des improvisations mesurées, et soudain la liberté explose et nous saute aux oreilles. Intense et jouissif pour l’amateur de jazz aventureux, ‘à l’ancienne’, que je n’ai pas cessé d’être. Dans l’art, la musique, et le jazz en particulier, l’inattendu du devenir est toujours lié, d’une manière ou d’une autre, au passé, proche ou lointain, et au présent immédiat. Comme au bon vieux temps, le piano n’est pas idéalement accordé. Mais ce n’est pas grave, et n’a en rien altéré mon plaisir….

Xavier Prévost

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12 novembre 2022 6 12 /11 /novembre /2022 07:41
Philip CATHERINE  Paulo MORELLO  Sven FALLER        POURQUOI

Philip CATHERINE  Paulo MORELLO  Sven FALLER

POURQUOI

 

Label ENJA Yellow bird / l’Autre Distribution

 

Pourquoi - YouTube

 

Philip Catherine résiste à l’épreuve du temps.

Des musiciens doués en harmonie mutuelle qui ont plaisir à se retrouver, il sait ce que cela veut dire. Ainsi de ce nouveau trio avec le guitariste Paulo Morello et le bassiste Sven Faller constitué en 2017, avec un premier album Manoir de mes rêves (Enja). Avec des héritages musicaux différents, les affinités et complémentarités se sont révélées à chaque fois qu’ils ont joué ensemble d’où cette envie de se retrouver régulièrement et à quatre-vingts ans, le guitariste sort, toujours sur le label ENJA un album enregistré en studio intitulé justement Pourquoi. Non une question mais l’affirmation d’une évidence! Compatibilité de jeux, compréhension mutuelle et créativité. Une entente instinctive...

Chaque titre dessine une histoire et un petit univers en soi depuis l’hypnotique “Pourquoi” inaugural où les guitaristes semblent respirer ensemble, comme s’ils se connaissaient par coeur. Un rêve éveillé dans lequel on évolue dès une introduction vaporeuse, mais le propos reste structuré autour de ce halo soyeux. Comme si les musiciens nous murmuraient à l’oreille, réconfortants. .Va t-on vers un éloge de la lenteur, de la douceur? Le sentiment d’intimité n’en est que plus partagé.

Mais déjà les trois complices s’amusent avec esprit et ça valse plus gaillardement avec le titre suivant, impulsant envie et couleur dans “Robert’s waltz”. Et il y aura plusieurs occasions de glisser sur le rythme éternel de la valse dans les onze titres de l’album dont 6 du guitariste, 2 de Paulo Morello, et une reprise “Inutil Paisagem” de Carlos Jobim qui se marie parfaitement avec le climat de l’ensemble.

Fluide et aventureux, avec une inspiration qui vagabonde volontiers, reposant sur une maîtrise technique à tout épreuve, Philip Catherine est un compositeur doté d’un sens mélodique à toute épreuve. Avec ce trio, il insuffle tout du long finesse et imagination créative. Philip Catherine continue à explorer et tisser des liens entre les époques traversées depuis sa passion pour Django, avec le tendre “Méline” où se juxtaposent aussi divers styles de jeu, un sens rythmique dans l’agencement des compositions, des percussions des accords. Aucune battle de guitaristes, mais au contraire une écoute attentive et une interaction réussie. Comment se répartissent ils les rôles? Philip Catherine s’affirme plus volontiers avec l’électrique : lyrique mais pudique, sensible, le guitariste joue comme il est, sans se prendre pour un guitar hero. Il joue à la note égrenée, dans des envolées mélodiques très contrôlées, d’une imaginative rigueur. Plus rythmique est Paolo Morello, proche de la bossa “Chateau Plagne”. Il suffit d’une contrebasse dans“To Martine” ou “Ozone” pour créer un contrepoint délicat et assurer la base rythmique sur laquelle s’envolent les deux guitaristes. Point de batterie dans ce trio d’où cette douceur extrême, cette légèreté qui n’a rien à voir avec un rythme qui s’amenuiserait. Le courant passe, il suffit de se laisser entraîner, soutenus sans effort apparent, puisque l’on entre dans un fantasme de l’instrument avec ces guitaristes pluriels. Une fois dans ce sillon, on ne demande qu’à y rester douillet et quiet à écouter les subtilités du jeu.

Sophie Chambon

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11 novembre 2022 5 11 /11 /novembre /2022 08:45
EXUDE   FRANCESCA HAN    RALPH ALESSI

FRANCESCA HAN    RALPH ALESSI

EXUDE

 

www.hanji.fr

www.francescahan.com

 

Sortie le 6 octobre

Francesca Han / Ralph Alessi 'Exude' teaser - YouTube

 

C’est à JP Ricard que je dois la découverte de ce trompettiste exceptionnel et plutôt rare en France. Il l’avait programmé à Jazz in Arles il y a quelques années, déjà en duo dans un intrigant Only Many, avec ce pianiste remarquable Fred Hersch qu’il rêvait d’inviter.

Pour la parution de ce duo Exude, en compagnie cette fois de la pianiste Francesca Han, Ralph Alessi n’est passé pour l’instant qu’à l’AJMI Avignonnais (dont Julien Tamisier assume la direction artistique à présent avec un goût très sûr) puis aux Caves de l’Abbaye de Beaune. On ne les verra pas dans un des grands festivals d’automne mais c’est dans une atmosphère feutrée que l’on apprécie le mieux l’échange de deux musiciens en accord, formés au classique et au jazz. Jamais dans une brillance forcée, ils sont moins soucieux d’envolées électrisantes que de jeux sur les timbres et couleurs, exprimant la plénitude de leur art.

Le Californien mise sur une complicité de longue date à présent avec la pianiste coréenne Francesca Han qui, après s’être frottée à diverses cultures autres que la sienne, s’est installée dans le sud de la France.

L’enregistrement a eu lieu à la Buissonne et cela s’entend immédiatement : ce duo raffiné et subtil pratique un jazz de chambre qu’affectionne particulièrement Gérard de Haro, mettant en valeur la qualité du son et du silence. Plutôt enclins à des confidences mélancoliques, ils se livrent tous deux à une sorte de récital, tout un art de pièces vives, libres, délicatement impressionnistes.

Voilà un trompettiste qui saisit par une fragilité apparente vite démentie, une fausse douceur injectant puissance et expression dans le moindre de ses traits et une sûreté d’exécution quel que soit le registre, avec des aigus qui ne passent jamais en force, virevoltant sur l' équilibre. Un chant qui se projette avec quelque vigueur, demande attention mais captive très vite, enveloppe dans une claire gravité comme ce délicat “Chrysantemum”.

Brillant contradicteur titrait un article de Jazz Times qui notait les oxymores des titres d’albums et de morceaux parfois, comme ce “Humdrum”, en rien monotone, et soulignait la ferme résolution du trompettiste à déjouer les attentes, avec un certain plaisir à subvertir les formes, comme dans ces formes d’études pour piano et trompette. Toujours sous tension sans que cela n’entraîne crispations et rigidité. Les thèmes, concis, servent de points de départ à des extrapolations aérées sans être éthérées, sophistiquées et rigoureuses. Les Américains parlent de jazz progressiste post moderne pour qualifier cette musique difficile, exigeante que le duo nous délivre sans faillir. Parce que leur univers très poétique s’appuie sur des connaissances techniques, harmoniques et rythmiques, ils créent des moments de grâce. Si le jazz leur colle à la peau, ils en font une musique vivante, plus «savante» aujourd’hui, une exploration très personnelle, une écriture dense qui prend des libertés avec, par exemple le traditionnel très connu en Corée “Arirang” que chante Youn Sun Nah de façon plus classique. Car, de toute façon, c’est la manière de jouer qui fait le jazzman, plus que le répertoire. Ils ne reprennent pas de standards en effet, sauf pour le final  avec ce ”Pannonica”, plutôt fidèle, moins heurté, sans chercher à se distancier ou à déconstruire la mélodie de Monk.

Attardons nous enfin sur la conception très étudiée de l’album, du titre sobre, le seul mot “exude”, à l’image de la musique pour évoquer ce qui perle, est secrété.  Une notion distillée jusqu' à la pochette, bleue… “quand tout au long s’écoule une sorte de bleu” comme l’écrit joliment JP Ricard dans les liner notes . Une pochette bleue intense que strient finement les entailles de Lucio Fontana. La classe!

 

Sophie Chambon

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