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12 février 2024 1 12 /02 /février /2024 10:03

Catherine Delaunay (clarinette), Pierrick Hardy (guitare), Claude Tchamitchian (contrebasse, composition)

Moulins-sur-Ouanne (Yonne)

émouvance emv 1048 / Absilone

 

Une fois encore Claude Tchamitchian explore la mémoire de ses origines, en sollicitant le souvenir de l’antique Naïri, terre des hauts-plateaux arméniens avalée par la voracité destructrice de l’Empire Ottoman. Comme les poètes qui faisaient revivre de ce nom antique un territoire perdu, la contrebassiste-compositeur redonne vie, souffle et chair à ces terres en forme de mémoire. Quatre suites, ou plutôt trois suites, avec un intermède mélancolique. La mélancolie d’ailleurs rôde sur l’ensemble ainsi constitué, sentiment fécond qui redonne vie à tous ces univers, tantôt sur des rythmes alanguis, tantôt dans des formes vives, comme autant de danses rituelles. Instrumentation singulière, illuminée par l’incroyable palette de Catherine Delaunay, qui de sa clarinette va extraire des timbres de clarinette basse avant de caracoler dans toute la tessiture. Contrebasse pulsatoire ou méditative, guitare tissant de arpèges ou insufflant des rythmes obsédants : toutes les composantes d’une sorte de musique de chambre où se croiseraient des mondes habités de traditions multiples et de mémoire. Avec pour écrin un beau texte signé Jean Rochard. Une certaine idée d’un Art total, en quelque sorte. Très belle réussite.

Xavier Prévost

Le trio est en concert le mardi 13 février à Paris au Studio de l’Ermitage

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11 février 2024 7 11 /02 /février /2024 12:44
Pierre-François BLANCHARD et Thomas SAVY     #PUZZLED

Pierre-François BLANCHARD et Thomas SAVY  #PUZZLED

 

Label Les Rivières Souterraines sortie 2 Février

En concert :
Le 16 février - Le Petit Duc - Aix-en-Provence
Le 18 février - Paradis Improvisé 
Le 7 mars - Le Bal Blomet - Paris ( partenariat Jeudis Jazz Magazine) 
Le 11 avril - Le Cri du Port - Marseille ...

 

#puzzled - Site de Pierre-François Blanchard (pierrefrancoisblanchard.com)

 

Pierre-François Blanchard - FEARS (youtube.com)

Pierre-François Blanchard - EPK #puzzled (youtube.com)

 

 

#Puzzled est un album dont on ne se lasse pas, révélant quelque part mystérieuse à chaque nouvelle écoute. Plus qu’intrigué ou perplexe si l’on s’en tient à la traduction du titre, on serait éminemment troublé. Le trio piano-basse-batterie a beau être la forme classique du jazz, il leur suffit d’être deux pour délivrer une musique subtile, sensible, immédiatement accrocheuse. Et de mener le bal. Mais est-ce vraiment du jazz, ce duo chambriste piano-clarinettes qui peut faire songer à un autre alliage impeccable Jimmy Giuffre/Paul Bley? A défaut de swing, le rythme est là, qui vous tourne et retourne, vous remue sur la plupart des titres qui se chanteraient presque et restent en tête.

Pour son premier album, le pianiste Pierre François Blanchard a fait appel à un vieux camarade-ils se connaissent depuis dix ans, le clarinettiste Thomas Savy. La répartition des rôles essentielle et égalitaire ne confine pas le soufflant à une place d’accompagnement du leader. Le duo a un langage commun, maîtrisant  la suspension du tempsUne impression d’étrange familiarité dès que l’on entend cette valse entêtante Pré vert  comme un hommage à Pierre Barouh, le créateur du label Saravah que le pianiste a accompagné. La ritournelle exposée à la clarinette reste gravée dans l'inconscient.  Après plusieurs écoutes, il peut même sembler que le piano s’efface devant les modulations des clarinettes qui viennent dissonner, empêcher la valse de tourner en rond, la mélodie de C’est par où? de trop reluquer du côté de la java avec les pépiements drôlatiques d’une clarinette-oiseau. Un parfait contrepoint qui fait entendre son timbre délicat, lancolique et aigre, vaguement inquiétant sur Foreshadow qui finit comme une comptine. Ou encore une mystérieuse clarinette basse orientalisante qui s’enroule sur Asmara, ou Backtrack.

Un recueil de mélodies simples en apparence que vous retenez immédiatement, un carnet-répertoire accessible. Une réussite totale qui comporte dix  pièces chantantes qui traversent les mélodies françaises du début du XX ème siècle, des petits bibelots sonores en écho à Debussy (Tempêtes), Fauré, Poulenc.  Mais le parcours du pianiste l'a   aussi rapproché de chanteuses bien actuelles comme Marion Rampal dans leur album Le Silence, ou le conte musical L’île aux chants mêlés.

On décèle chez ce musicien timide un goût des recherches harmoniques, un sens de la nuance,  un retour à une certaine intériorité : avec un passé déjà riche qui maîtrise les codes du classique autant que du jazz, de la chanson, il pourrait écrire de la musique de film ou des ciné concerts, ce que confirme la vision du clip de Fears. Un toucher complexe rond et doux mais aussi percussif en diable.

Ajoutons des notes de pochette précises et poétiques qui conviennent à l’état d’âme du compositeur, à une certaine exaltation qui tient à l’époque troublée du confinement où il s’attaqua à la composition de ce premier opus. Espérons qu’il y en aura beaucoup d’autres…

 

Sophie Chambon

 

 

 

 

 

 

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7 février 2024 3 07 /02 /février /2024 09:29
Malo Mazurié      Taking the Plunge

Taking the plunge Malo Mazurié

Label Encore Music/Distribution Socadisc

 

Malo Mazurié (trompette, cornet, arrangement), Noé Huchard (piano), Raphaël Dever (contrebasse) David Grebil (batterie)

 

Malo Mazurié | Jazz & Swing Trumpet | HOME | France (malomazurie.com)

 

Le hasard fait bien les choses puisque sortent en même temps Reload du Vintage Orchestra et Taking the Plunge, premier album en leader de Malo Mazurié, l’un des trompettistes de ce grand format. Il existe donc une génération de jeunes musiciens, on pense à l’Umlaut Big Band qui fait resurgir ce que l’on attend toujours mais n’entendait plus guère.

 

Le pianiste Noé Huchard, le contrebassiste Raphaël Dever et le batteur David Grebil entourent Malo Mazurié avec élégance en injectant dans ce jazz de tradition une vision résolument actuelle.

Le trompettiste est un musicien passionné qui a commencé à jouer sur scène à dix ans et depuis la liste de ses contributions en sideman est impressionnante. Il connaît tout le répertoire des années vingt et trente qu’il reprend avec une ferveur patrimoniale sans vouloir être pour autant étiquetté traditionnaliste. S’il a bûché ses classiques Louis Armstrong, Bix Beiderbecke évidemment, Rex Stewart et autre Bunny Berigan, au conservatoire il a aussi appris le be bop et le reste….Et avec son quartet il se lance dans cette expérience d’un voyage musical puisant à travers les styles et les émotions ressenties depuis sa découverte du cornet à piston à l’âge de sept ans. Il sait avec son groupe être fidèle au jazz des débuts dont il choisit avec soin des originaux tout en les revivifiant par petites touches. Loin de déformer les mélodies initiales que l’on prend plaisir à reconnaître, le quartet les retouche avec sensibilité. Une recréation et un son d’ensemble collectifs, un geste musical d’une belle intensité.

 

Ainsi dès le titre original, le ragtime “The Pearls” de Jelly Roll Morton est accommodé à la manière latine, tout en ruptures, avec l’aide précieuse de Noé Huchard qui va chercher des accords chez McCoy Tiner. Le quartet s’attaque ensuite à la première suite de Duke Ellington “Creole Rhapsody” avec une rythmique inspirée de la Nouvelle Orleans. S’il reprend “Some day You’ll Be Sorry” de Louis Armstrong, il le restitue chaloupé et moelleux avec de beaux aigus brillants.

Le trompettiste puise enfin dans le répertoire de l’un de ses héros, Bix dont il relevait les solos avec acharnement avec un vieux cornet des années vingt. Tout de suite, on est en territoire connu et la nostalgie fait retour, bien que Malo Mazurié nous entraîne dans une émotion en quelque sorte actuelle. Car il faut une sacrée audace pour s’attaquer au mythique “Singin the Blues” de janvier 1927 dont le solo de Bix et celui deTram ( le saxophoniste Frank Trumbauer) sont d’une modernité confondante. Ou ce “Davenport Blues” de janvier 1925, la première composition de Bix à être enregistrée. On entendra encore alors que Bix n’est pas loin d’exhaler son dernier souffle, non pas “In a mist” mais un autre solo de piano “Candlelights” de janvier 1930, repris en trio sans batterie, celle-ci sachant s’effacer  quand il le faut. Avec un phrasé impeccable, une articulation précise et fluide, gardant la concision du propos initial, c’est un passage réussi pour le jeune trompettiste, joué avec élan et fraîcheur sur un tempo plus rapide, avec un son feutré et dark, sans se départir de la mélancolie de l’original. Le plus jeune (encore) Noé Huchard se tire avec élégance et une délicatesse exquise de ce thème poignant.

Dans un montage qui souligne une grande cohérence, l’album intègre huit compositions originales inspirées des grands comme “Canary Wharf Blues” qui évoque “Limehouse Blues”, la ballade. The House Of Sisterhood" où l’on reste en bonne compagnie, celle de l’alter ego du Duke, Billy Strayhorn. “The Plunge” inspirée du “Wild Man Blues”d’Armstrong est repris avec la sourdine “Plunge” dont le trompettiste n’abuse pas mais qui modifie à point nommé le son.

En quinze titres, une heure d’écoute, on se laisse entraîner par un album plus que prometteur... enchanteur. A se repasser sans modération.

 

Sophie Chambon

 

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27 janvier 2024 6 27 /01 /janvier /2024 12:15

Philippe Soirat (batterie),
David Prez (saxophone ténor),
Vincent Bourgeyx (piano),
Yoni Zelnik (contrebasse).


Gaya Music Production/L’autre distribution.
Disponible le 2 février.
Concert prévu le 19 mars au STUDIO de L’ERMITAGE (75020).

 

     Jamais deux sans trois ! C’est un plaisir de retrouver la formation animée par Philippe Soirat pour un troisième album. Les quatre compères ont entamé leur parcours discographique en 2015 (You Know I Care), suivi en 2019 d’un disque consacré à des standards (Lines & Spaces).

 

     Leur complicité éclate dès les premières notes. Nous sommes ici dans l’univers du hard bop et des années Coltrane (pour simplifier). Les titres ont pour auteurs Coltrane (Moment’s Notice, Mr Day), Miles Davis (Side Car), Wayne Shorter (Angola), Sam Rivers (Cyclic Episode), Andrew Hill (Pumpkin) et de ce côté-ci de l’Atlantique, Gilles Naturel, bassiste souvent associé au « maître de maison » (Psaume 22) et Philippe Soirat lui-même dans quatre solos interludes enlevés et toniques (On the Spot).

 

      Le néophyte pourra entamer l’écoute par ces prestations de batterie (de 30 secondes à 2 minutes) qui donnent la juste mesure (et la mesure juste) d’un interprète majeur de la jazzosphère, actif depuis trois décennies, débutant auprès de Barney Wilen, épanoui auprès d’Alain Jean-Marie, Jacques Vidal, Ramona Horvath entre autres formations actuelles.
     L’habitué des clubs parisiens retrouvera ici le leader qui impulse sans jamais imposer et laisse de l’espace à ses trois camarades de lutte, personnalités touchantes portant haut l’étendard du jazz.

 

     On l’aura compris, 'On the Spot' figure parmi nos coups de cœur de 2024.

 


Jean-Louis Lemarchand.
   

 

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25 janvier 2024 4 25 /01 /janvier /2024 22:48

Tim Berne (saxophone alto), Marc Ducret (guitares), Devin Hoff (guitare basse), Ches Smith (batterie, électronique), David Torn (guitare & effets)

New Haven (Connecticut), 5-6 septembre 2022

Intakt CD 415 / Orkhêtra International

 

Une rencontre radicale entre 5 artistes qui ont des complicités croisées depuis pas mal de temps, et souvent à proximité de Tim Berne. Dans son texte du livret, Brandon Ross les désigne comme ‘cinq des voix les plus éminentes de la scène New Yorkaise de jazz’. Assurément certains d’entre eux ne revendiquent pas le jazz comme marqueur identitaire, mais c’est bien de cette musique, au sens le plus large, qu’il s’agit. Car leurs improvisations, par leur densité et leur interactivité, relèvent bien de l’idée que beaucoup - dont votre serviteur – se font de cet idiome. Folles explorations sonores, paroxystiques ou retenues, lancinement mélodique du saxophone, frénésie des boucles de guitare de David Torn, traits virulents de Marc Ducret, pulsation entêtée, et jamais corsetée, de la batterie, grondement souterrain de la basse qui tient le fil et semble le pousser chaque fois plus loin. Avec aussi des moments d’accalmie qui sont autant de respirations comme de tremplins à une nouvelle effervescence : une très jouissive expérience d’écoute, et de décollage vertical.

Xavier Prévost

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21 janvier 2024 7 21 /01 /janvier /2024 17:40
FABIEN MARY Never Let Me Go

FABIEN MARY Never Let Me Go

For musicians only

Label Caramba records /Distribution Universal

 

 

Fabien Mary – trompettiste / compositeur / arrangeur

 

 

Point de “révélation” avec le nouvelles sorties du trompettiste Fabien Mary en ce début d’année, plutôt des retrouvailles avec un musicien  inspiré qui trace son sillon, continuant obstinément sa route…

Une formation en quartet qui fait resurgir ce que l' on attend toujours mais n’entend plus guère , sous les auspices du véritable For musicians only enregistré en 1956 par la dream team de Dizzy Gillespie, Sonny Stitt et Stan Getz, entourés d’une rythmique aux petits oignons: John Lewis, Herb Ellis, Ray Brown et Stan Levey.

Dans la présente production discographique- pléthorique, pourquoi ne pas s’accorder un retour de temps à autre vers des choses connues et aimées ? D’ailleurs si la recherche d’une musique enfuie anime certains d’entre nous, il ne semble pas que ce soit la nostalgie qui motive le trompettiste Fabien Mary. C’est simplement le goût d’une musique et d’une esthétique jugées à l’écart des modes et donc peu «actuelles». Le trompettiste écrit en référence à un jazz qui le conduit sur le versant bop et hard bop, ainsi que West Coast.

Une technique brillante qui donne à ses partitions- il est arrangeur , compositeur, leader et sideman, fraîcheur et élégance. Sans jamais verser dans la brillance des suraigus et la seule virtuosité, sur certains thèmes, il entre sans éclat, avec une sonorité légèrement voilée sur ces standards l’émouvant “Never let me go” de Nat King Cole. Ou “I’ve never been in love before” que maîtrisait Chet Baker. Un son plein, une articulation ciselée, un phrasé mélodique rapide et sûr, une tenue énergique. On ne sera donc pas surpris qu’il ait choisi de reprendre ensuite non des tubes mais des thèmes racés de connaisseurs, “Ceora de Lee Morgan, “I'm Glad There Is You de Jimmy Dorsey ou le poignant “Invitation de B. Kaper qu’il revitalise sur un tempo nettement plus vif avec son pianiste-inconnu jusque là, mais à suivre  de près. Gael Rakotondrabe vient d'ailleurs d'enregistrer dans la même collection un premier album en trio Shadow. 

Pas sûr que l’on puisse encore les appeler standards ces reprises singulières... C’est un répertoire joué pour le plaisir et cela s’entend. C’est ainsi d’ailleurs que naquit sur le label Caramba la collection For Musicians Only, un soir de la fin 2023 dans un club parisien pour enregistrer ce concert et le diffuser à un public plus large. “Avec Gael Rakotondrabe à la batterie, Laurent Vernerey a la contrebasse, Stéphane Chandelier à la batterie, trois des musiciens français qui font de l'accompagnement un art majeur”. Pour mieux entendre Fabien.” dit le dossier de presse. Pas faux!

Un quartet vibrant et sophistiqué à la fluidité et  musicalité parfaitement maîtrisées. Ils jouent tous avec une belle conviction et rendent ce Never let me go formidablement accessible.

 

Sophie Chambon

 

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14 janvier 2024 7 14 /01 /janvier /2024 21:57

Benoît Delbecq (piano), Étienne Renard (contrebasse), Guilhem Flouzat (batterie)

Meudon, 5 juin 2022

dStream n° 108 / l’autre distribution

Une entreprise très singulière, fondée sur le désir de viser sans cesse le point de rupture d’équilibre. Cette fièvre multiple, c’est celle qui tend à prévaloir quand les musiciens, de manière collective, tentent le pas au-delà, l’abandon, la transgression, le défi. Et s’ils naviguent à vue, c’est toujours en connivence, à l’écoute de chaque autre. Sous un abord de trio tranquille, soudain l’un ou l’autre met le grain de sable qui devient graine féconde. On navigue avec eux, dans ce paysage d’incertitude qui n’est pas de l’indécision, mais le vif désir d’aller ailleurs, plus loin, en contournant les codes, en défiant l’équilibre ou le convenu, par petites touches ou par de hardies fractures. J’ai retrouvé là le plaisir que j’avais éprouvé au concert, en janvier 2023 au Sunside, une sorte de familiarité traversée d’écarts, d’étonnements, d’évasions furtives. Subtil, foisonnant : jouissif !

Xavier Prévost

 

Le trio est en concert à Paris au Sunside le mardi 16 janvier

 

Un avant-ouïr sur Vimeo

https://vimeo.com/878286750

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27 décembre 2023 3 27 /12 /décembre /2023 15:09
Csaba PALOTAÏ Steve ARGÜELLES Simon DRAPPIER    SUNAKO

CSABA PALOTAÏ STEVE ARGÜELLES SIMON DRAPPIER   

Sunako

 

Label BMC www.bmcrecords.hu

 

 

BMC Live | Csaba Palotaï | Simon Drappier | Steve Argüelles: THE TRAIL (youtube.com)

 

Après le poétique Cabane Perchée en 2021, le guitariste hongrois Csaba Palotaï et le batteur britannique Steve Argüelles continuent en trio cette fois, avec le Français Simon Drappier autre guitariste qui joue un modèle baryton, polyinstrumentiste qui pratique aussi l’arpeggione (guitare violoncelle) et la contrebasse.

Enregistré sur le très actif label de Budapest BMC, sans casque, ensemble, en condition de totale improvisation. Lâcher prise? On laisse tourner les bandes et comme le suggère Wladimir Anselme dans des notes de pochette plutôt inspirées, ici point d’ego, ni de power trio. Ce n’est pas le Crossroads de Cream pour vous donner une (contre)idée, mais techniquement c’est aussi très fort et plutôt cohérent en dépit d'influences diverses.

 

Dix compositions aux titres mystérieux forment donc Sunako. Kesako? Du japonais, un prénom féminin qui signifie “l’enfant des sables” , on partirait alors sur une musique des espaces désertiques, nomadiques du Niger, du Sahara avec “Aïr”. Sans être nécessairement aride ces mélopées induisent une transe douce, accentuée par des boucles et autres effets électroniques (synthé omnichord, vocoder sur le dernier titre chanté “Ricerca”). Le périple ne fait que commencer, la boussole s’affole pour une errance guidée par ces thèmes répétitifs en diable que sont “Buckboard”, “Arsenal”. On s’agite avec le tempo rapide de “Phosphore II” avant de replonger dans les brumes électr(oni)ques d’Henriette” qui peuvent faire songer en plus continu et langui à certains effets et effluves de Neil Young dans Dead Man. “Dark side” peut d’ailleurs être une autre traduction de Sunako. “Dalva” marmonné par Steve Argüelles est-il conçu en souvenir de Jim Harrison, des musiques tribales de l’ouest américain, des galops au ralenti dans la prairie perdue? Après le chariot (buckboard), la piste “Trail” qui sera peut être la dernière. Les guitares recréent certaines images du genre ou plutôt les contournent en restant dans une même perspective, horizontale cette fois. Le trio au maintien hiératique nous fait voyager immobile dans la musique d’un film rêvé inspiré par ce Sahara quelque peu revisité et ces western blues qui peuvent charmer ou lasser. A moins que l’on ne se laisse envelopper par ces guitares psychédéliques qui n’ont pas la furia de certains groupes rock et rock prog des années 70 mais ramènent pourtant irrésistiblement en arrière.

Finalement le courant passe, suffit d’être en phase.

 

Sophie Chambon

Csaba PALOTAÏ Steve ARGÜELLES Simon DRAPPIER    SUNAKO
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9 décembre 2023 6 09 /12 /décembre /2023 17:31

 

Miguel Zenon (saxophone alto)

Dan Tepfer (piano)

New York, 19-20 juin 2018

Main Door Music

https://dantepfer.bandcamp.com/album/internal-melodies


 

Un duo enregistré voici 5 ans, et qui paraît enfin ! Car cette musique est d’une qualité et d’une créativité qui rendait urgente sa parution. En l’écoutant, je ne peux m’empêcher de penser à Lee Konitz, dont Dan Tepfer fut le partenaire privilégié durant une dizaine d’années, et que Miguel Zenon reconnaît pour une influence majeure. Il faut dire aussi que Dan et Miguel jouent en duo depuis près de dix ans. Et dans leur manière d’improviser, je retrouve cette liberté qui existait chez Konitz : on entre dans la phrase comme par une porte vers l’inconnu, et pourtant tout s’édifie dans la cohérence, la clarté, mais aussi le vertige. Des compositions de l’un et de l’autre, et aussi deux thèmes (des improvisations ?) en commun, voisinent avec l’une des Études pour piano de Ligeti (Fanfares), et l’indispensable hommage à Lennie Tristano (et à Konitz) : 317 East 32nd Street. D’un bout à l’autre du disque, un formidable moment de connivence, d’intelligence musicale et joie de jouer : jouissif pour qui écoute !

Xavier Prévost

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5 décembre 2023 2 05 /12 /décembre /2023 10:26

Giles Coronado (guitare, composition), Olivier Laisney (trompette), Christophe Lavergne (batterie)

Invitées : Sarah Murcia (synthétiseur), Élodie Pasquier (clarinette)

Moulin-sur-Ouanne (Yonne), février 2023

Onze Heure Onze ONZ 051 / Socadisc

https://gillescoronado.bandcamp.com/album/la-main-2?fbclid=IwAR1YWKxUenNK9JukgXxQOtPGeNbHXOM7lInp8gX4-XGDz18kpII1prL9X0k


 

Ce disque est comme un manifeste de singularité : par son instrumentation de base (trio guitare-trompette-batterie) ; par l’accueil d’invitées qui partagent ce même tropisme d’identité artistique singulière ; par la référence à toutes les expressions qui incluent la main, de la main ferme à la main tendue en passant par ‘ma main dans ta gueule’…. Et parce que les cinq doigts du quintette n’empêchent pas d’envisager les trois ou quatre doigts du trio ou quartette. Libre donc, inclassable aussi : on ne s’en étonnera pas. Tous les artistes de ce disque sont des électrons libres, habités par l’exigence musicale, le refus des facilités des courants dominants, tout en prônant et pratiquant une musique dont les portes d’accès, ouvertes aux perceptions les plus immédiates, offrent aussi des trésors de finesse, et de complexités en cascade qui se révèlent à chaque écoute. Cela fait maintenant plusieurs décennies que j’écoute Gilles Coronado, dans ses propres groupes ou en sideman, et chaque fois je me dis : voilà un talent essentiel, foncièrement original, d’une grande richesse sur le plan du répertoire, de l’improvisation, comme de l’instrument. Mélancolique ou incisif, abstrait ou immédiat, selon les instants, ce disque confirme, une fois encore, l’immense plaisir à écouter et redécouvrir chaque fois une nouvelle facette d’un Art que l’on croyait familier.

Xavier Prévost

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Le groupe est en concert le mercredi 6 décembre à Paris, au Studio de l’Ermitage, en co-plateau avec le groupe Abhra de Julien Pontvianne

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Des avant-ouïr sur Youtube

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