Taking the plunge Malo Mazurié
Label Encore Music/Distribution Socadisc
Malo Mazurié (trompette, cornet, arrangement), Noé Huchard (piano), Raphaël Dever (contrebasse) David Grebil (batterie)
Malo Mazurié | Jazz & Swing Trumpet | HOME | France (malomazurie.com)
Le hasard fait bien les choses puisque sortent en même temps Reload du Vintage Orchestra et Taking the Plunge, premier album en leader de Malo Mazurié, l’un des trompettistes de ce grand format. Il existe donc une génération de jeunes musiciens, on pense à l’Umlaut Big Band qui fait resurgir ce que l’on attend toujours mais n’entendait plus guère.
Le pianiste Noé Huchard, le contrebassiste Raphaël Dever et le batteur David Grebil entourent Malo Mazurié avec élégance en injectant dans ce jazz de tradition une vision résolument actuelle.
Le trompettiste est un musicien passionné qui a commencé à jouer sur scène à dix ans et depuis la liste de ses contributions en sideman est impressionnante. Il connaît tout le répertoire des années vingt et trente qu’il reprend avec une ferveur patrimoniale sans vouloir être pour autant étiquetté traditionnaliste. S’il a bûché ses classiques Louis Armstrong, Bix Beiderbecke évidemment, Rex Stewart et autre Bunny Berigan, au conservatoire il a aussi appris le be bop et le reste….Et avec son quartet il se lance dans cette expérience d’un voyage musical puisant à travers les styles et les émotions ressenties depuis sa découverte du cornet à piston à l’âge de sept ans. Il sait avec son groupe être fidèle au jazz des débuts dont il choisit avec soin des originaux tout en les revivifiant par petites touches. Loin de déformer les mélodies initiales que l’on prend plaisir à reconnaître, le quartet les retouche avec sensibilité. Une recréation et un son d’ensemble collectifs, un geste musical d’une belle intensité.
Ainsi dès le titre original, le ragtime “The Pearls” de Jelly Roll Morton est accommodé à la manière latine, tout en ruptures, avec l’aide précieuse de Noé Huchard qui va chercher des accords chez McCoy Tiner. Le quartet s’attaque ensuite à la première suite de Duke Ellington “Creole Rhapsody” avec une rythmique inspirée de la Nouvelle Orleans. S’il reprend “Some day You’ll Be Sorry” de Louis Armstrong, il le restitue chaloupé et moelleux avec de beaux aigus brillants.
Le trompettiste puise enfin dans le répertoire de l’un de ses héros, Bix dont il relevait les solos avec acharnement avec un vieux cornet des années vingt. Tout de suite, on est en territoire connu et la nostalgie fait retour, bien que Malo Mazurié nous entraîne dans une émotion en quelque sorte actuelle. Car il faut une sacrée audace pour s’attaquer au mythique “Singin the Blues” de janvier 1927 dont le solo de Bix et celui deTram ( le saxophoniste Frank Trumbauer) sont d’une modernité confondante. Ou ce “Davenport Blues” de janvier 1925, la première composition de Bix à être enregistrée. On entendra encore alors que Bix n’est pas loin d’exhaler son dernier souffle, non pas “In a mist” mais un autre solo de piano “Candlelights” de janvier 1930, repris en trio sans batterie, celle-ci sachant s’effacer quand il le faut. Avec un phrasé impeccable, une articulation précise et fluide, gardant la concision du propos initial, c’est un passage réussi pour le jeune trompettiste, joué avec élan et fraîcheur sur un tempo plus rapide, avec un son feutré et dark, sans se départir de la mélancolie de l’original. Le plus jeune (encore) Noé Huchard se tire avec élégance et une délicatesse exquise de ce thème poignant.
Dans un montage qui souligne une grande cohérence, l’album intègre huit compositions originales inspirées des grands comme “Canary Wharf Blues” qui évoque “Limehouse Blues”, la ballade. “The House Of Sisterhood" où l’on reste en bonne compagnie, celle de l’alter ego du Duke, Billy Strayhorn. “The Plunge” inspirée du “Wild Man Blues”d’Armstrong est repris avec la sourdine “Plunge” dont le trompettiste n’abuse pas mais qui modifie à point nommé le son.
En quinze titres, une heure d’écoute, on se laisse entraîner par un album plus que prometteur... enchanteur. A se repasser sans modération.
Sophie Chambon