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4 décembre 2023 1 04 /12 /décembre /2023 10:50

Daunik Lazro (saxophone ténor), Benjamin Duboc (contrebasse), Mathieu Bec (batterie)

Paris, 17-18 novembre 2022

Dark Tree DT 18

http://www.darktree-records.com/en/daunik-lazro-benjamin-duboc-mathieu-bec-%E2%80%93-standards-combustion-%E2%80%93-dt18

 

Une manière de saluer de grands thèmes (Ayler, Lacy, Shorter, Coltrane) dans un CD dont le recto et le verso font explicitement référence à l’esthétique des pochettes Blue Note des année 50-60 (photo, graphisme, mise en page, police des caractères). Le choix de ces standards (qui n’en sont pas tous vraiment : Deadline de Steve Lacy a été enregistré par lui 2 ou 3 fois dans les années 80 ; Love et Vigil de Coltrane n’ont pas inondé sa discographie, et me semblent peu repris). L’essentiel est ailleurs : dans l’évocation amoureuse de thèmes qui ont marqué le trio, qui les fait revivre à sa manière, et les emmène parfois ailleurs : ainsi Nefertiti de Wayne Shorter est très différent de la version historique avec Miles Davis en 1967. Il s’agit bien, comme le titre de l’album l’indique, d’enflammer ces standards d’une nouvel embrasement (voir les reprises de Ghosts de Mothers d’Albert Ayler). Une composition de Daunik Lazro en hommage à Lacy, et deux improvisations collectives, complètent ce bel objet musical, enregistré aux Instants Chavirés : un de sorte de cri d’amour vers le jazz qui nous a fait vibrer, et qui n’a pas cesser d’émouvoir les générations successives de jazz fan.

Xavier Prévost

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28 novembre 2023 2 28 /11 /novembre /2023 08:01
Sait on jamais  Jonathan Orland joue Serge Gainsbourg avec Jean Michel Pilc

Sait on jamais

Jonathan Orland joue Serge Gainsbourg avec Jean Michel Pilc

 

Label Klarthe

www.klarthe.com

Sortie du CD le 17 novembre 2023

Concert au Sunside le 20 décembre 2023

 

 

On retrouve avec plaisir depuis Something Joyful, le saxophoniste Jonathan Orland dans un nouveau projet en duo cette fois, avec un autre pianiste que Stéphane Tsapis ( leur dernier Cd sorti en 2022), puisqu’il s’agit de Jean Michel Pilc, enseignant rencontré à Montreal. C’est que le saxophoniste nous revient après un séjour de quatre ans au Canada et il a choisi de célébrer ce retour avec un répertoire qu’il aime particulièrement, celui de Serge Gainsbourg, un mélodiste de rêve. Une matière riche et inspirante toujours car ce Sait on jamais n’a que peu à voir avec le trio d’André Manoukian ou l’Homme à la tête de chou en Uruguay du tromboniste Daniel Zimmermann pour ne citer que deux des musiques entendues récemment.

Sait on jamais donne le titre à l’album et justifie en un sens la photo de la pochette. Avec ce sixième album depuis l’inaugural Homes en 2012, on remarque que Jonathan Orland aime changer de formation comme pour marquer une étape dans son évolution et sa quête musicienne.

Treize compositions toutes de Gainsbourg furent choisies dans des disques différents qui couvrent une grande partie de la carrière de l’artiste, avec une prédominance des albums des années soixante et soixante-dix. Si on retrouve de tubes comme “Couleur Café”, “la Javanaise”, “Bonnie and Clyde” ou la “Ballade de Melody Nelson”, j’avoue que je ne connaissais ni “Baudelaire” de l’album Serge Gainsbourg n°4, de 1962, ni “Sait on jamais” (où va une femme quand elle vous quitte?) de Confidentiel en 1963. Tous deux aiment la (bonne) chanson française et ce répertoire s’il n’est pas nécessairemnt facile, les autorise à se faire plaisir dans un jeu spontané, immédiat. On s’abandonne volontiers à ce duo instrumental, sans cliché où le swing constant n’est jamais forcé. Le phrasé langoureux et lyrique, assez rond de l’altiste est soutenu par l’énergie rythmique du pianiste, parfait contrepoint.

On appréciera leur art de la reprise intelligent et sensible, la science commune du duo à retravailler ces standards de la grande époque de Gainsbourg : une maîtrise rare en changeant le tempo sur la ligne de basse de “Bonnie and Clyde”, un changement de métrique sur la “Javanaise” dématurer la mélodie chantée à l’époque. 

Une aventure musicale due au hasard d’une rencontre qui va se révéler des plus fécondes, où l’improvisation semble immédiatement naturelle : seulement une heure et demi de répétitions, une demi journée de studio.

C’est encore Jonathan Orland qui en parle le mieux dans ses notes de pochette : la musique de Gainsbourg, par delà les styles musicaux touche à des émotions complexes et souvent contradictoires, passe du sophistiqué au trivial,mêle classicisme et avnt-garde, profondeur et légèreté.

 

 

Sophie Chambon

 

 

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27 novembre 2023 1 27 /11 /novembre /2023 11:40

Jean-Christophe Cholet (piano & direction), Matthieu Michel (bugle), Didier Ithursarry (accordéon), Frédéric Chiffoleau (contrebasse), Sara Chenal & Virginie Turban (violons), Catherine Demonchy (alto), Claire-Lise Demettre (violoncelle)

Paucourt (Loiret), février 2023

Infingo INF 320211 / l’autre distribution

 

Le pianiste et compositeur creuse le sillon, tracé avec constance depuis plus de deux décennies en compagnie du bugliste Matthieu Michel : après «Whispers», en quartette, enregistré en 2014, il y eut «Extended Whispers», en quintette, enregistré en 2018 (chronique ici). Cette fois c’est un quartette augmenté du quatuor à cordes Sine qua non. Ce qui frappe, comme toujours chez ce musicien, c’est la densité et la finesse des harmonisations : le quatuor à cordes paraît n’avoir aucun secret pour lui. Et la confrontation-collaboration-osmose entre le quartette ‘de jazz’ et le quatuor est formidablement féconde. La touche mélancolique est toujours très prégnante, tempérée par les accents rythmique, entre les pizzicati du quatuor et le phrasé du quartette. On entend comme souvent des emportements lyriques qui se métamorphosent dans les interventions solistes. Dans les glissements progressifs de l’harmonie de So British, le mélomane de base que je suis retrouve les sensations éprouvées à l’écoute de Samuel Barber (un Nord-Américain, mais venant d’un état, la Pennsylvanie, encore un peu british), de Silence de Charlie Haden, voire de John Graas (né comme Haden dans l’Iowa, pas vraiment british), corniste qui composa dans les années cinquante un jazz qui me semblait influencé par la musique anglaise des siècles anciens. Comme d’habitude, le chroniqueur cède aux phantasmes de jazzophile transversal, et pas toujours pertinent…. Très beau dialogue au fil des plages entre les solistes de jazz, Jean-Christophe Cholet en tête, et le quatuor ; magnifique expressivité de Matthieu Michel et Didier Ithursarry, et permanence d’une inspiration musicale qui a puisé dans toutes les sources du vingtième siècle. Bref de la très belle musique de jazz… et d’ailleurs, à découvrir d’urgence !

Xavier Prévost


 

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26 novembre 2023 7 26 /11 /novembre /2023 09:15

 

Régis Huby (violon, violon ténor, électronique, composition), Tom Arthurs (trompette), Eivind Aarset (guitare, électronique), Bruno Chevillon (contrebasse, électronique), Michele Rabbia (batterie, percussions, électronique)

Les Lilas, juin et juillet 2023

le triton TRI-22566 / l’autre distribution
 

Ce disque prolonge des projets antérieurs (avec d’autres instrumentations), où les cordes croisaient déjà les sortilèges de l’électronique, toujours sous le sceau d’un lyrisme qui jamais ne se dément. La trompette et le violon se font vocalité et une pulsation, tantôt explicite, tantôt subliminale, parcourt cet univers intérieur qui se donne à voir en même temps qu’il se dissimule. Mystère de l’intériorité, magie de l’implicite. Bouleversante expressivité de tous les instruments. Ici la technologie, discrètement présente dans le traitement du son, est au service de «la musique de musiciens, entièrement faite à la main», comme aimait à le dire naguère l’Ami batteur-chanteur Jacques Mahieux. Tout un monde surgit de cette rencontre musicale, brassant un instant une sorte d’énergie rock dans une pulsation qui réveille le Stravinski d’avant 1914 : en cet instant ce serait presque une espèce d’électro-rock de chambre…. Comme l’expression ultime d’un projet esthétique qui est foncièrement artistique.

Le disque est dédié à la mémoire de l’Ami Denis Badault, parti en quelques semaines d’une maladie foudroyante. À quelques jours des séances d’enregistrement, le 27 juillet, au Crématorium de Sète, Régis Huby était là, avec beaucoup d’amis communs dont certains avaient traversé la France, pour un ultime hommage à Denis Badault. Encore une trace de ce monde intérieur, caché sans doute, mais qui, dans la vie comme dans la musique, nous rappelle la force du partage.

Xavier Prévost

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17 novembre 2023 5 17 /11 /novembre /2023 00:13

Samuel Blaser (trombone), Russ Lossing (piano) + Billy Mintz (batterie) en trio pour le CD 2

Hampton (New jersey), 19 mars 2022

Jazzdor Series 19 (double CD) / l’autre distribution

 

Le retour du tandem qui associe le tromboniste suisse et le pianiste américain. C’est le premier CD de ce double album. Ils sont ensuite rejoints par le batteur, partenaire régulier du pianiste (c’est le second CD). L’un comme l’autre disques sont l’exacte convergence de la liberté instrumentale et musicale avec un sens, bien présent, de la forme. Il y a, dans cette musique, une très forte expressivité. Mais elle ne se manifeste pas au détriment de la forme ou des choix mélodiques, rythmiques ou dynamiques, ni du système de référence (tonal ou pas). Une musique qui se dégage de tout enfermement esthétique, et qui pourtant n’oublie pas qu’elle vient d’une foule d’univers musicaux, mêlés, juxtaposés, ou vigoureusement remis en question. Très libre, et très cohérent, au fil des plages, que ce soit en duo ou en trio : une manière exemplaire de jouer la musique d’un instant qui déjà dessine le futur. Un pur régal pour des oreilles attentives.

Xavier Prévost

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Un avant ouïr sur Youtube

Le trio est en concert le samedi 18 novembre à Paris, Maison de la Radio, à 19h, en première partie de l’Umlaut Chamber Orchestra

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11 novembre 2023 6 11 /11 /novembre /2023 17:01

Mikko Innanen (saxophones sopranino, alto & baryton, hautbois), Cédric Piromalli (orgue), Stefan Pasborg (batterie). Invitée : Lori Freedman (voix off)

Sipoo (Finlande), 26 juillet 2022

Cleanfeed Records

https://cleanfeedrecords.bandcamp.com/album/can-you-hear-it

 

Le retour d’un trio qui nous avait déjà offert un opus (chronique ici). Et c’est à nouveau un savoureux mélange de groove à l’ancienne, celui des groupes avec orgues adoubés par le grand succès, mais aussi celui, plus aventureux, de Larry Young ; et puis des audaces sans fracas, avec détour par un folk revu et corrigé façon soul music (une sorte de folklore imaginaire, en somme). Lyrique jusqu’à l’hyper expressivité, comme le faisaient naguère les trios qui associaient l’orgue, le sax et la batterie. Mais il souffle ici un vent de folie transgressive qui déborde le cadre des références passées. Beaucoup de nuances aussi, comme pour nous dire que la musique ne saurait être monochrome. Très belle interactivité des solistes dans l’improvisation : ce disque fait vivre ce qui est habituellement l’effervescence du concert. C’est riche, intense, et subtil. Hautement recommandable !

Xavier Prévost

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Un extrait de concert sur Youtube

INNANEN – PASBORG – PIROMALLI «Can You Hear It ?»

Céric Piromalli est aussi partie prenante dans le nouveau disque de l’ensemble de musique baroque ‘Consonance’, qui pour le disque «Continuo» accueille des jazzmen. À découvrir ci-dessous

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11 novembre 2023 6 11 /11 /novembre /2023 10:52

Enregistré les 21 et 22 février 2023 au Studio de Meudon.

Camille Productions / Socadisc.
Paru le 20 octobre.


     « Pas d’esbroufe ni de virtuosité inutile et personne ne tire la couverture à soi, ce n’est pas le genre de la maison ». Qu’oserait-on ajouter à l’avis de Philippe Vincent (producteur discographique de Barney Wilen, Enrico Pieranunzi..), auteur des notes de pochette accompagnant « TIME TO DREAM », duo d’André Villéger (saxophones) et Alain Jean-Marie (piano) ?

     Ces deux-là sont de la même classe, et pas seulement par l’état-civil, natifs de la même année 1945, celle de la Libération. Allégés par les ans de ces tentations d’effets, les deux musiciens se donnent, s’abandonnent au temps du rêve, pour reprendre le titre de l’album. Loin de toute précipitation, ils prennent leur temps et on ne se plaindra pas que leur producteur (Michel Stochitch) ait choisi de leur accorder 78 minutes, frôlant la limite technique du CD.


      De quoi apprécier une sélection de compositions du grand répertoire (Ellington, Strayhorn, Fischer, Young, Rodgers, Van Heusen, Rowles avec l’insubmersible ‘The Peacock’s), mais aussi une (re)découverte signée d’un pianiste réputé des années 50-60,  Raymond Fol ‘Aquarius Mood’, et de quatre titres dus à André Villéger, dont un brévissime ‘Blues du Caméléon’ d’une petite minute ... Tout simplement un (grand) moment de grâce et de rêve salutaires.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Zoé Forget.
 

 

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10 novembre 2023 5 10 /11 /novembre /2023 16:06
ZODIAC SUITE MARY LOU WILLIAMS  UMLAUT CHAMBER ORCHESTRA

ZODIAC SUITE          MARY LOU WILLIAMS

UMLAUT CHAMBER ORCHESTRA

Direction Pierre Antoine Badaroux

 

Label Umlaut Records/ L’Autre Distribution

www.umlautrecords.com

www.umlaut-bigband.com

 

Umlaut Chamber Orchestra :

Pierre-Antoine Badaroux : direction Agathe Peyrat : chant Chloé Tallet : flûte Guillaume Retail : hautbois Geoffroy Gesser : clarinette, clarinette basse, saxophone ténor Pierre Fatus : basson Brice Pichard : trompette Harmonie Moreau : cor Michaël Ballue : trombone Stéphanie Padel, Florian Perret, Emilie Sauzeau, Raphaël Coqblin, Clémentine Bousquet, Clara Jaszczyszyn, Lucie Pierrard : violon Elsa Seger, Valentine Garilli : violon alto Myrtille Hetzel, Pablo Tognan : violoncelle Matthieu Naulleau : piano Sébastien Beliah : contrebasse Antonin Gerbal : batterie.

 

 

Sortie du CD le 10 novembre

Concert le 18 novembre au Studio 104 de la Maison de la Radio.

 

 

Rembobinage :

La pianiste Mary Lou Williams est l’une de ces instrumentistes pionnières qui contribua au développement du jazz et ouvrit la voie aux musiciennes d’aujourd’hui. Dans cette longue marche, les tentatives de réévaluation de ces jazz women ne sont pas si nombreuses.

L’Umlaut Big Band avec Mary’s Ideas (2021) dressait le portrait de cette femme exceptionnelle qui a traversé l’histoire du jazz, évoluant avec cette musique sur près de cinq décennies, reprenant ses compositions, les réécrivant dans un ressassement étonnant, “a work in eternal process and progress”. Si son oeuvre enregistrée est plus que fragmentée, elle a obstinément gardé toutes les traces possibles de son travail, document rare sur l’histoire du jazz dont elle s'estimait partie prenante. Ses archives personnelles léguées à l’Institute of Jazz Studies de Newark (New Jersey) furent la source du travail époustouflant de collecte et de reconstitution de deux saxophonistes Benjamin Dousteyssier et Pierre Antoine Badaroux, également directeur artistique de l’Umlaut Big Band créé en 2011.

 

 

Pierre Antoine Badaroux s’attaque aujourd'hui à un autre morceau de bravoure, la Zodiac Suite, réunissant 22 musiciens dont 7 violons, 2 altos, 2 violoncelles et une chanteuse sur le dernier mouvement “Pisces”. Certains faisaient déjà partie du CD précédent comme Geoffroy Gesser (clarinettes et sax ténor) ainsi que la section rythmique Matthieu Naulleau (piano), Sébastien Beliah ( contrebasse) et Antonin Gerbal (drums).

La Zodiac Suite pour orchestre de chambre développe douze portraits selon leur signe zodiacal d’artistes du Cafe Society à Greenwich Village créé par Barney Josephson où Mary Lou Williams travailla quotidiennement après avoir quitté l'orchestre très formateur d’Andy Kirk en 1942. C’est encore Barney Josephson qui loua la salle du Town Hall le 30 décembre 1945 et finança l’orchestre de 18 musiciens dont la plupart venaient du classique, section rythmique exceptée.

Faute de répétitions suffisantes, le concert ne fut cepedant pas un succès mais la Zodiac Suite est devenue légendaire, saluée comme un exemple précoce du mouvement Third-Stream, reprise plusieurs fois de Geri Allen à Dave Douglas...

Mary Lou Williams soulignait en 1975 l’importance de cette musique dans son oeuvre: “En tant que compositrice et musicienne, j’ai travaillé toute ma vie pour développer une musique à la fois inventive et originale. C’est avec la Zodiac Suite que j’ai pu commencer à mener vraiment à bien cette ambition.”

 

Ce sont des pièces particulièrement intéressantes, de forme libre dans lesquelles le rôle de Mary Lou est central, le piano faisant toutes les transitions. Mais jusqu’ à aujourd’hui, il était imposssible d’entendre la Suite dans sa version initiale. Merci donc à l'Umlaut Chamber Orchestra et à son chef, fin limier, musicologue et arrangeur qui a recomposé ce puzzle compliqué après écoute de tous les enregistrements possibles, déchiffrage des divers manuscrits, souvent aide-mémoires où chaque nouvelle interprétation donnait lieu à d’autres formes souvent improvisées au piano comme l' impromptu  “Capricorn” ou  comme  la dernière pièce composée en direct à la radio “Pisces”, sans structure définie, en l’honneur de Josephson.

Les choix de Pierre Antoine Badaroux (tempi, instrumentation, orchestration) soulignent l’hétérogénéité, le caractère protéiforme unique et terriblement audacieux, l'originalité d’une artiste afro-américaine autodidacte. Tous les mouvements de la suite n’ont en effet aucun lien formel entre eux, et pourtant à écouter ces douze petites pièces qui ne doivent pas atteindre 40mn*, on a une impression de fluidité et de cohérence, emporté par un souffle et un rythme continus. Mary Lou fut sans doute influencée par la Suite Black Brown and Beige de Duke Ellington jouée à Carnegie Hall en 1943 d’autant que cette artiste singulière “post moderne” en un sens avait été repérée par le Duke qui lui commandait des pièces qu’il paya rarement et enregistra tout aussi peu, alors qu’il la considérait comme “en avance sur son époque”. “Taurus” sous-titrée “A study in the Blues” est le signe à la fois de Mary Lou et du Duke. Pour traduire ce caractère obstiné, la musique commence et finit par le même thème.

On ne peut s’empêcher de penser aux comédies musicales avec “Virgo”aux fluidités harmoniques et rythmiques, une pièce qui danse et swingue littéralement aux accents de la clarinette et de la trompette en hommage à Leonard Feather grand critique et producteur de jazz…

On peut vraiment parler de jazz de chambre et de la légèreté des vents dans “Aquarius” en hommage à Franklin D. Roosevelt, série de variations sans section rythmique.

Avec l’Umlaut Chamber, cette musique du passé ne contredit pas une musique de création sophistiquée, évolutive et actualisée. L’orchestre rend merveilleusement les audaces sonores. Ces musiciens formidables font ainsi réparation à Mary Lou qui, au paradis des musiciens, dans la section jazz, doit écouter rassérénée ce bel orchestre français.

 

“Sagittarius” fait par exemple 01 :33 , “Aries” le portrait de Billie Holiday et Ben Webster 02:26, “Leo” inspiré par le tromboniste Vic Dickenson composé de nombreuses ruptures et divers styles tient en seulement 02:35, “Virgo” est l'une des plus longues pièces avec “Cancer” un peu plus de 4mn...

 

 

Sophie Chambon

 

TRACKLIST

1. Introduction (00:28)

2. I. Aries. (02:26)

3. II. Taurus (02:48)

4. III.Gemini (03:29)

5. IV. Cancer (04:37)

6. V. Leo (02:35)

7. VI. Virgo. (04:31)

8. VII. Libra (03:20)

9. VIII. Scorpio (03:37)

10. IX. Sagittarius (01:33)

11. X. Capricorn (03:18)

12. XI. Aquarius (03:25)

13. XII. Pisces (03:01)

 

 

 

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10 novembre 2023 5 10 /11 /novembre /2023 16:06
FABIEN MARY  Never Let Me Go

FABIEN MARY  Never Let Me Go

For Musicians Only Label Caramba records

Distribution / Universal

 

Fabien Mary – trompettiste / compositeur / arrangeur

Point de “révélation” avec le nouvelles sorties qui concernent le trompettiste Fabien Mary en ce début d’année, plutôt des retrouvaillesce musicien chevronné et inspiré qui trace son sillon, continuant obstinément sa route…

Une formation en quartet qui fait resurgir ce que on attend toujours mais n’entend plus guère. Sous les auspices du véritable For musicians only enregistré en 1956 par la dream team de Dizzy Gillespie, Sonny Stitt et Stan Getz, entourés d’une rythmique aux petits oignons: John Lewis, Herb Ellis, Ray Brown et Stan Levey.

Dans la présente production discographique- pléthorique-, pourquoi ne pas s’accorder un retour de temps à autre vers des choses connues et aimées ? D’ailleurs, si la recherche d’une musique enfuie anime certains d’entre nous, il ne semble pas que ce soit la nostalgie qui motive le trompettiste Fabien Mary. C’est simplement le goût d’une musique et d’une esthétique jugées à l’écart des modes et donc peu «actuelles». Le trompettiste écrit en référence à un jazz qui le conduit sur le versant bop et hard bop, ainsi que West Coast.

Une technique brillante qui donne à ses partitions- il est arrangeur , compositeur, leader et sideman, fraîcheur et élégance. Sans jamais verser dans la brillance des suraigus et la seule virtuosité, sur certains thèmes, il entre sans éclat, avec une sonorité légèrement voilée sur ces standards l’émouvant “Never let me go” de Nat King Cole. Ou “I’ve never been in love before” que maîtrisait Chet Baker. Un son plein, une articulation ciselée, un phrasé mélodique rapide et sûr, une tenue énergique. On ne sera donc pas surpris qu’il ait choisi de reprendre ensuite non des tubes mais des thèmes racés de connaisseurs, “Ceora de Lee Morgan, “I'm Glad There Is You de Jimmy Dorsey ou le poignant “Invitation de B. Kaper qu’il revitalise avec son pianiste inconnu jusque là mais à suivre soigneusement sur un tempo beaucoup plus vif. Pas sûr que l’on puisse encore les appeler standards ces reprises singulières... C’est un répertoire joué pour le plaisir et cela s’entend, sobrement et c’est ainsi d’ailleurs que naquit sur le label Caramba la collection For Musicians Only, un soir de la fin 2023 dans un club parisien pour enregistrer ce concert et le diffuser à un public plus large. “Avec Gael Rakotondrabe à la batterie, Laurent Vernerey a la contrebasse, Stéphane Chandelier à la batterie, trois des musiciens français qui font de l'accompagnement un art majeur”. Pour mieux entendre Fabien.” dit le dossier de presse. Pas faux! Aucun étalage mais une fluidité et une musicalité parfaitement maîtrisées. Ils jouent tous avec une belle conviction et nous rendent ce Never let me go formidablement accessible. Un quartet vibrant et sophistiqué.

Sophie Chambon

 

 

 

 

 

 

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8 novembre 2023 3 08 /11 /novembre /2023 16:02

 

Mark Turner (saxophone ténor), Jason Palmer (trompette), Joe Martin (contrebasse), Jonathan Pinson (batterie)

New York, juin 2022

Giant Step Arts GSA 010

https://markturnerjazz.bandcamp.com/album/live-at-the-village-vanguard

 

Quelques semaines après la publication par ECM au printemps 2022 d’un enregistrement de studio réalisé en 2019 («Return from the Stars», chronique ici), Mark Turner était avec la même équipe pour un série de plusieurs soirées au Village Vanguard de New York. Huit thèmes du disque récemment paru y furent joués, avec aussi de plus anciennes compositions, et une toute nouvelle. Des versions plus longues, plus détendues dans les exposés parfois complexes, et encore plus libres dans les improvisations. L’amateur que je suis est une fois encore impressionné par le niveau musical du répertoire et de sa mise en œuvre, et par la liberté qui s’affirme dans le développement d’une musique aussi fluide qu’ambitieuse. Pur régal donc pour moi, et pour vous je l’espère si vous choisissez de tendre l’oreille à l’Art de ce saxophoniste et de son groupe. La dernière plage, Lennie Groove, reprise d’un thème que le saxophoniste avait composé, et enregistré, voici plus de 25 ans, dit assez le chemin parcouru par celui qui, de très brillant espoir, est devenu un Grand Maître.

Xavier Prévost

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Mark Turner joue également sur le récent disque de la pianiste Miki Yamanaka

 

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