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4 mars 2023 6 04 /03 /mars /2023 19:39
PEDRON  RUBALCABA

PEDRON RUBALCABA

LABEL GAZEBO/L’Autre Distribution

Pierrick PEDRON Official Website

 

Vous ne devriez pas rester indifférents au nouvel album de l’altiste Pierrick Pedron en duo avec le pianiste Gonzalo Rubalcaba intitulé sobrement Pedron Rubacalba. Une alliance artistique inattendue mais espérée, voire fantasmée par le saxophoniste qui n’hésite jamais à traverser l’océan pour retrouver ses idoles jazz. 

Aucune composition originale cette fois, mais des standards recherchés avec soin dans l’histoire du jazz par le directeur artistique Daniel Yvinec et arrangés par le grand pianiste bop Laurent Courthaliac, l’une des plumes les plus raffinées actuelles. Autrement dit, une histoire quatre partenaires forment une belle équipe. Huit pièces denses et inventives avec leurs modulations brusques, leurs variations de temps et la même ferveur. Il suffit d’écouter et de voir la vidéo de "Lawns" par exemple pour être subjugué, sous le charme irrésistible de ce thème de Carla Bley, étiré lancoliquement par les deux musiciens qui s’accordent parfaitement.

Enregistré live en seulement deux jours, en juin 2022, au studio Oktaven de New York , ce CD est un album qui réussit le délicat équilibre du duo, sorti sur Gazebo, le label de Laurent de Wilde qui ne peut résister une fois encore à “un vrai disque de jazz”. Travailleur acharné et perfectionniste, Pierrick Pedron n’allait pas s’arrêter après son album de la maturité 50/50. Il se donne toujours toutes les chances pour réussir ses projets aussi divers qu’ambitieux. Réfléchissant à leur faisabilité, il a dû se résoudre cette fois à abandonner (pour le moment), un projet pharaonique qui aurait fait appel à un orchestre symphonique pour un nouveau défi, un duo piano-saxophone qui se révèle aussi opulent qu’une très grande formation.

L’aventure a commencé en studio, face à face, jouant sans casque mais non sans avoir préparé le terrain. Tous les arrangements étaient prêts, avaient été proposés au pianiste, ses suggestions avaient été intégrées. Quelque chose d’unique s’entend à l’énoncé de ces huit compositions réinventées de Jerome Kern (le délicat “The song is you”), Bechet (l'émouvant "Si tu vois ma mère"), Carla Bley (Lawns) sans oublier le moderniste Georges Russell le vif “Ezz-thetic” : un son unique émerge  qui ne trompe pas, car la formation en duo ne permet aucune esquive : on joue comme on est en répondant aux sollicitations de l’autre, dans un échange qui, s’il est réussi comme ici, est quasiment télépathique. En toute intimité et vérité. A nu.

Ils ont tous deux la même énergie créatrice, le talent de donner de l’ampleur à ces confidences, de faire jaillir des couleurs insoupçonnées, des climats plus insolites comme dans le standard de Bechet dont Woody Allen, dès le générique de son Midnight in Paris, se régalait d’illustrer le vibrato si spécifique par ces images-cartes postales. La plainte devient flânerie chaloupée puis chant exacerbé d’un saxophone à vif.

Le duo est en réinvention incessante, dans une mise en place parfaitement maîtrisée qui n’interdit aucune réaction instinctive aux suggestions du partenaire. Une liberté autorisée sous le contrôle de l’autre. Il faut bien connaître les règles et les arrangements pour les tordre à sa guise et à la convenance de l’autre, dans l’instant. Cet élégant dépouillement acoustique en duo fait ressortir l’entente parfaite, l’interaction immédiate.

Expressif et charmeur, le son de Pierrick Pedron l’est toujours, cette fois, il a travaillé des anches plus dures qui rendent le son plus moelleux et rond. L’accompagnement pianistique est tout aussi inventif, décalé, en brefs épanchements qui font mouche à chaque fois, comme dans ce “Dreamsville”d’Henri Mancini. Sur l'éruptif “Ezz-thetic” le piano devient orchestral. Dans cette autre très belle mélodie de Jérôme Kern “The folks who live on the hill”, le  piano se révèle impressionniste sur une pièce atmosphérique triste.

Cet album épatant marque la rencontre réussie de deux solistes généreux, puissants, soucieux de mélodie et de rythme qui nous entraînent dans une musique désirante. Ils ont visiblement pris du plaisir à interpréter ces pièces qui parlent d’attirance et d’abandon, comme dans le final de Billy Strayhorn “Pretty girl”, dédié à celui qui connaissait si bien cette musique, Claude Carrière. Un sans faute.

 

Sophie Chambon

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26 février 2023 7 26 /02 /février /2023 17:18

 

Jean-Christophe Cholet (piano, compositions & improvisations), Quentin Cholet (matières sonores)

Paucourt (Loiret), juillet-août 2021

Boris Darley (traitement du son)

Épineuil (Yonne), juillet 2022

Infingo INF320220 / l’autre distribution

 

Une entreprise très singulière. Ce disque est le second volet d’une trilogie, en cours, de piano solo. Le premier volet, «Amnesia», avait été conçu durant la parenthèse du confinement (chronique de Sophie Chambon sur le site des DNJ en suivant ce lien). Cette fois des improvisations solitaires ont été retravaillées avec des matières sonores de Quentin Cholet, et un traitement électronique de Boris Darley. Il en résulte une sorte de voyage intérieur, mais dialogué, amendé, avec les partenaires choisis. De plage en plage, on passe d’une introspection harmonique soudain nourrie de rythmes obsédants à une libre déambulation dans les douze demi-tons, puis à une solennité de choral du temps passé, et à une mélodie d’accords aux saveurs de standard, avant de plonger dans le dialogues des basses et des aigus, et ainsi de suite. De surprise en surprise, on devient captif de cette quête qui n’est pas la nôtre, et à laquelle, pourtant, nous sommes conviés. Intense, requérant, et nimbé d’une beauté mystérieuse….

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

Concert de sortie à Paris (18ème arrondissement) le 28 février à 20h à L’Accord Parfait, 47 rue Ramey

https://my.weezevent.com/animA-Jean-Christophe-Cholet

http://studiolaccordparfait.com

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21 février 2023 2 21 /02 /février /2023 11:16

Enregistré du 19 au 21 octobre 2018.
Palmetto Records - PM2208CD /L’autre distribution.
Paru le 3 février 2023.
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    Heureuse surprise que cet enregistrement conservé depuis quatre ans, la rencontre en club de deux artistes qui se connaissaient déjà à l’époque depuis cinq ans. Autant dire que le courant passe entre Fred Hersch et esperanza spalding (ndlr : écriture en minuscules à la demande de la musicienne), distingués de longue date par la communauté musicale (5 Grammys pour elle et double lauréat de l’Académie du Jazz, 2001 et 2015, pour lui).


     Ici, portés par l’ambiance du Village Vanguard, Fred Hersch, au piano, et esperanza spalding, au chant (délaissant son instrument de prédilection, la contrebasse) déroulent leur art en toute liberté, avec fluidité et légèreté. Etait-ce dû au fait que l’une et l’autre traversaient une période difficile dans leur vie personnelle ? Toujours est-il qu’ils atteignent une certaine forme de sérénité, donnant même par instants un aspect primesautier à leurs interprétations, comme dans Girl talk (Neal Hefti/Bobby Troup).


    Le répertoire révèle l’éclectisme des duettistes : du Monk (Evidence, et une composition du pianiste Dream of Monk), un des musiciens préférés de Fred Hersch) mais aussi du Parker (Little Suede Shoes), des standards (But Not For Me, des Gershwin, Some Other Time de Cahh-Styne) et une autre composition signée Hersch (A Wish) avec des paroles dues à une chanteuse-culte, princesse de l’intime, Norma Winstone.

    « Fred prend son dévouement à la musique aussi au sérieux que la vie et la mort, mais une fois que nous jouons c’est juste amusant » commente dans le livret esperanza. « esperanza ? une chanteuse intrépide », répond en écho Fred.


    Avec « Alive at Village Vanguard », Fred Hersch et esperanza spalding nous offrent une nouvelle réussite dans la catégorie duo pianiste-chanteuse, rejoignant ainsi les tandems mixtes de haute volée qui ont marqué l’histoire du jazz, Helen Merrill-Gordon Beck ou Jeanne Lee-Ran Blake. Downbeat leur a consacré la « une » de son édition de janvier. Un choix que nous partageons sans réserve.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

 

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21 février 2023 2 21 /02 /février /2023 10:47

Andy Emler (compositions, piano, direction), Laurent Blondiau (trompette), Guillaume Orti & Philippe Sellam (saxophones altos), Laurent Dehors (saxophone ténor, clarinette basse), François Thuillier (tuba, saxhorn), François Verly (percussions), Éric Échampard (batterie), Claude Tchamitchian (contrebasse), Nguyên Lê (guitare)

Pernes-les-Fontaines, 29-31 août 2021

Label La Buissonne RJAL 997044 / PIAS

 

La veille de l’enregistrement, en août 2021, les spectateurs du festival Jazz Campus en Clunisois avaient eu la primeur de quelques extraits de ce nouveau programme. Et il avait déjà été donné en décembre 2020, pendant le deuxième confinement, pour un concert sans public au Triton, capté en vidéo et accessible sur le site en janvier 2021 (https://vod.letriton.com/les-concerts-en-replay/19122020-20h30.html). Puis repris en juillet 2022 au Festival Radio France Occitanie Montpellier.

J’avais écouté cette musique au Triton puis à Montpellier, mais l’écoute du CD fut pour moi comme un bonheur tout neuf.

L’écriture hardie, exubérante, est toujours là, au service des membres du groupe, choisis autant pour leur singularité que pour leur sens du jeu collectif. Et la présence de Nguyên Lê, en invité sur les deux dernières plages, est plus qu’un clin d’œil aux origines de l’orchestre : le guitariste, tout comme François Verly et Philippe Sellam, était dans le groupe avant même qu’il ne s’appelle MegaOctet.

Mais l’écriture n’est pas qu’exubérante : elle traque la profondeur, l’émotion et la complexité, tout en demeurant toujours au plus près de la sensation immédiate. C’est comme un tour de force, et sans doute un manifeste de ce que l’art (le Grand Art) doit être. La diversité des modes de jeu des solistes se fond dans un acte totalement partagé. Et la composition intègre tous les langages (et ils sont nombreux!) où Andy Emler se plaît à gambader. Mais ce qui tend à prévaloir, c’est la volonté du leader de magnifier le groupe, et ses membres, par son écriture comme par sa direction d’orchestre. Exemplaire en somme, et profondément jouissif !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

Le MegaOctet sera en concert à Paris le 12 mai au Pan Piper. Et le 16 mai, au Centre des Bords de Marne (Le Perreux-sur-Marne) l’orchestre rencontrera le hip-hop avec la compagnie Lady Rocks

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20 février 2023 1 20 /02 /février /2023 18:41
SIMON MOULLIER       ISLA

 

SIMON MOULLIER   ISLA

www.simonmoullier.com

Auto production

Sortie le 17 Février

 

Simon Moullier - Isla (Teaser 1) - YouTube

 

Simon Moullier - Isla (Teaser 2) - YouTube

 

Si son Spirit song nous avait semblé prometteur, le Countdown suivant avec un trio particulièrement percutant nous avait comblé avec ces reprises si personnelles de standards. Avec ce nouvel album, nous suivons toujours l’artiste dans son parcours, il renouvelle  une fois encore sa manière, le thème et l’équipage: il s'agit d'une aventure en quartet avec piano et vibraphone, basse et batterie ( loin pourtant de la tradition instaurée par le Modern Jazz Quartet) ne gardant de son précédent album de 2021 que le batteur Jongkuk Kim. Simon Moullier nous embarque avec Isla, son troisième CD en leader, dans le monde de son enfance, une île au coeur de l’Atlantique, au large du Finistère. On est dans le ressac dès le vigoureux “Empress of the Sea” qui ouvre l’album, une valse qui tournoie en hommage à cette mer qui peut s’agiter sans être jamais cruelle.

Vibraphoniste virtuose qui vit à New York, adoubé par les plus grands, il reste fidèle à son imaginaire d’embruns et de vibrationsUne formule colorée, dépaysante qui ne tend plus vers l’Afrique comme dans son premier album Spirit Song où il intégrait le balafon mais dépeint l’insularité. C’est tout un art de la nuance, infiniment précieux, qu'il distille dans des compositions spatiales aux envolées envoûtantes dues à un véritable savoir-faire maillochique.

A la première écoute, les huit titres de la plume du leader à l’exception de deux standards, forment une suite très cohérente, un tableau saisissant qui donne une assez belle idée de son paysage musical imaginaire. Il est habile à tirer partie de sa palette sonore, des timbres et couleurs de sa formation. L’alchimie de cette musique tient au subtil dosage des interventions du contrebassiste discrètement brillant Alexander Claffy comme du pianiste Lex Korten dans un authentique travail de placement et de répartition des rôles. Le vibraphoniste donne souvent l’impression de se muer en un soufflant : on entend alors son chant, plus attentif à la mélodie qu’à la percussion sur “Phoenix eye”. Une nouvelle tendance des vibraphonistes actuels? On est  alors sensible à cette gourmandise qu’il nous offre très vite et qui va droit au coeur, cette version de “You go to my head”, transformée en un boléro enchanteur. Car Simon Moullier a écouté Billie Holiday. Et il cherche bien à tordre les notes avec son instrument pour obtenir une qualité plus vocale dans son phrasé.

D’une qualité atmosphérique certaine, construites sur des impressions parfois fugaces, les compositions sans débauche d’effets, de rythmes ou d’ornements ont une vraie grâce. Ancré dans la tradition jazz, ça groove aussi comme dans cet “Heart” final, plus doux, intime où on se retrouve en territoires heureux.

On reconnaît la manière sensuelle et sensible, enjouée de l’ensemble d'une belle fraîcheur de ton. Au risque de ne pas me renouveller, je persiste à trouver le nouvel opus élégant quand il se coule dans l’univers rêvé du leader. Cet espace sonore du vibra sait étirer, voire suspendre le temps comme dans le titre éponyme.

 

Sophie Chambon

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15 février 2023 3 15 /02 /février /2023 23:03

Pierre de Bethmann (piano), Nelson Veras (guitare), Sylvain Romano (contrebasse)

Pompigan (Gard), 29 juillet 2022

Aléa /Socadisc

 

Retour du pianiste en trio, mais selon des modalités nouvelles : exit la batterie de Tony Rabeson, mais la contrebasse de Sylvain Roman demeure, et le guitariste Nelson Veras entre dans la danse. Et au côté de quelques standards un thème plus surprenant : le deuxième mouvement de la 7ème Symphonie de Beethoven (sur lequel Philippe Labro posa naguère un texte un peu ridicule pour Johnny Hallyday, lequel était parfaitement raccord….), en le trio fait de cette musique une merveille de liberté. On trouve aussi une musique de film de Michel Magne, des compositions de René Urtreger, Lee Konitz, Dave Holland et John Taylor…. Le disque ouvre par une relecture très subtile (et très neuve) de Love For Sale. Le ton est donné, on est dans l’orfèvrerie, le Grand Art. Ce n’est sans doute pas un hasard si le thème choisi pour la seconde plage est Thingin’ de Lee Konitz, une des nombreuses escapades du saxophoniste autour de All The Things You Are. Et là encore l’art de trouver des voies nouvelles sur un sentier rebattu s’épanouit. Je ne vais pas détailler chaque plage, mais je dois avouer que, jusqu’au terme de l’album, je suis resté sur un petit nuage, un bonheur offert à l’amateur de découvrir de nouveaux trésors, de nouvelles sensations. La magie du guitariste n’y est pas pour peu, mais le pianiste qui a suscité cette rencontre, et son répertoire, en cultivant l’ancienne connivence avec le bassiste, est bien le porteur de cette re-création, qui est beaucoup plus que récréative, de thème qui nous étaient connus, voire familiers. On se précipite sur ce bel objet sonore de Jazz, au sens le plus noble !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=38R6RKOGiJo

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Le trio est en concert à Paris au Sunside les 17 & 18 février 2023

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14 février 2023 2 14 /02 /février /2023 16:47
Thomas Naïm     On The Far Side

Thomas Naïm    On The Far Side

 

Label Rootless Blues/ Metis records

L’autre Distribution

Lincoln Circus - YouTube

 

CONCERT LE 14 FEVRIER AU ZEBRE DE BELLEVILLE

 

On The Far Side du guitariste Thomas Naïm est un album captivant dès la première écoute et le plaisir ne diminue pas à la réécoute. Autrement dit, il ne déçoit pas.

Dès l’introduction “Endless Memories”, l’atmosphère est posée : on évolue dans un polar urbain années 70 avec le doux ronflement de l’orgue Hammond et le drive souple de la rythmique sur un thème qui s'insinue et s’accroche. “Slow Blues”creuse cette même piste, sans embardée de guitar hero, Thomas Naïm suivant plutôt les traces d'un Bill Frisell qui en est pourtant un! 

Ainsi se met en place avec un sens mélodique certain, une suite de 9 compositions toutes de la plume du leader, d’une grande fluidité dans une véritable circularité de morceaux, sombres mais enlevés. 

Musique d’un film rêvé,Thomas Naïm a dû rêver son disque et il est parvenu à le réaliser sur son propre label Rootless Blues, en choisissant avec soin ses complices de jeu, sous le regard extérieur d’un directeur artistique, Daniel Yvinec, conseiller avisé dès le début du projet. Une vraie formation s’est créée à partir du trio avec lequel Thomas Naïm a élaboré 5 albums en dix ans, une histoire de fidélité avec Raphaël Chassin à la batterie et aux percussions et Marcello Giuliano à la basse électrique et contrebasse. Le guitariste a osé prendre un autre instrument harmonique et c'est le pianiste Marc Benham qui intervient avec bonheur à l’orgue. Quant au saxophoniste ténor, il s’agit de Laurent Bardainne qui, sur 3 titres dont “Kite” et “Lincoln Circus” s’ajuste parfaitement à l’esthétique du projet, une bande-son qui accompagne un itinéraire étrange, une escapade On the far side qui évoque l’Amérique profonde, les grands espaces de l’ouest. La guitare recrée les images du genre ou plutôt les contourne tout en restant dans la même perspective, horizontale.

Thomas Naïm laisse en effet beaucoup d’espace à ce trio dépouillé; et si l’orgue n’en rajoute pas, il crée un "mood" avec des notes tenues et une couleur bienvenue, le sax affolant cette musique, surtout quand il se mêle aux secousses, saccades de guitares. Jusqu’aux larges accords du “Gypsy” final, composition déjà enregistrée qui ne dépare pas l’ensemble quand elle est rajoutée en superposant des guitares, avec des effets de “re re”.

 Ouvert à toutes les influences, le guitariste écrit un jazz teinté de rock aussi réfléchi que sensible. Sans sombrer dans l’imitation, même s’il a beaucoup écouté ses modèles autant dans le jazz (Grant Green, Wes Montgomery, Kenny Burrell...) que le rock (Jimmy Page, Jeff Beck...) et bien évidemment Jimi Hendrix qui lui a d’ailleurs inspiré son album précédent The Sounds of Jimi.

Le voyage à travers cet album réserve quelques surprises, on se laisse embarquer volontiers avec ces ballades bluesy, au climat onirique et crépusculaire. Un “Little dreamer” très orchestré nous enveloppe dans un cocon doux, vaporeux par petites touches de la basse. “The walk” qui suit débute au piano, mélodie flottante où de petits fragments éveillent en échos images cinématographiques et souvenirs d’autres trips. Ces petites formes, ces fredons qui restent en mémoire comme dans "Kite"- suspensions, ritournelles plus que ressassements, ces esquisses ont une force envoûtante, énigmatique.On verrait bien des voix se poser sur ces musiques, comme dans cette complainte “No Way Home” tant les compositions de Thomas Naïm s’apparentent à des chansons. Un compliment pour celui qui a accompagné si souvent de grandes chanteuses.

Sophie Chambon

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12 février 2023 7 12 /02 /février /2023 21:25

Keith Tippett (piano, cithare, boîtes à musique, percussions) entre 1979 & 1996, Julie Tippett (voix, cithare, boîtes à musique, percussions), juin & septembre 2022

DISCUS 143CD / https://discusmusic.bandcamp.com/

 

Un peu de révisions pour commencer : le pianiste Keith Tippett était une figure majeure du jazz britannique contemporain dès la fin des années 60, et son orchestre pléthorique ‘Centipede’ (50 instrumentistes = 100 pieds !) fut un événement considérable des années 70 (et parallèlement il jouait aussi avec King Crimson….) ; Julie Tippett avait été auparavant Julie Driscoll, qui connut un très grand succès au côté de l’organiste Brian Auger en chantant Save Me. Keith et Julie se sont marié en 1970 et n’ont plus cessé de faire ensemble de très belles musiques dans un large éventail qui va du rock progressif à la musique improvisée en passant par le jazz contemporain. John et Julie avaient enregistré en 1987 «Couple in Spirit», et ils avaient le projet ces dernières années d’enregistrer un duo. Mais Keith est mort en juin 2020. Et Julie décida, en accord avec Martin Archer, saxophoniste mais aussi producteur du label Discus, de poser en 2022 sa voix (démultipliée parfois par la magie du studio), ses mots (et aussi une impro vocale sans texte) sur des enregistrement de piano réalisés par Keith entre 1979 et 1996.

Il en résulte un condensé de beautés audacieuses, d’aventures musicales sans frontières, et aussi une escapade vers un standard français, Les Moulins de mon cœur, mélodie de Michel Legrand (ici avec des improvisations de Keith Tippett) sur laquelle Julie chante les paroles anglo-américaines (The Windmills of Your Mind) signées Alan & Marilyn Bergman. L’ensemble est un bonheur d’écoute sans œillères, à découvrir d’urgence.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur le site du label

https://discusmusic.bandcamp.com/album/sound-on-stone-143cd-2023

 

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9 février 2023 4 09 /02 /février /2023 10:58

 

Jean-Marie Machado (piano, compositions, arrangements), Karine Sérafin (voix), Cécile Grenier & Cécile Grassi (violons altos), Guillaume Martigné (violoncelle), Élodie Pasquier (clarinette & clarinette basse), Jean-Charles Richard (saxophones baryton & soprano), Stéphane Guillaume (flûtes), François Thuiller (tuba), Didier Ithursarry (accordéon), Ze Luis Nascimento (percussions)

Pernes-les-Fontaines 7-9 septembre 2022

Label La Buissonne RJAL 397045 / PIAS


 

Cela fait plus de 6 ans maintenant que le pianiste-compositeur-improvisateur s’est lancé dans cette aventure de Danzas, ensemble qui allie l’instrumentation du jazz à celle de la musique de chambre. Dès les premières années de sa carrière, avec le disque «Vibracordes» il avait abordé les chemins de traverse, se jouant régulièrement des étiquetages pour n’en faire qu’à sa tête, ou plutôt à son désir de musique. Pour ce nouvel enregistrement il prolonge une aventure créée voici 3 ans avec un spectacle musique et danse autour de L’Amour sorcier (El Amor brujo en espagnol) de Manuel de Falla. Reprenant la partition du compositeur espagnol pour un ballet, il l’agrémente de séquences composées par ses soins, orchestre pour son ensemble les thèmes originaux, et ménage des espaces d’improvisation pour ses partenaires et lui-même. Il suit la dramaturgie de l’œuvre, et cette nouvelle séquence préfigure une version opératique envisagée pour un proche avenir. Les couleurs musicales mêlent hardiment la fibre hispanique originelle, les influences des musiques ‘savantes’ du vingtième siècle, jazz compris, si l’on veut bien reconnaître que le jazz est, à son meilleur, tout aussi savant. L’enregistrement s’est fait en grande complicité avec l’ingénieur du son Gérard de Haro (et sur son label) au studio de La Buissonne, un lieu où décidément s’écrivent encore et toujours de belles pages du jazz au sens large, avec des artistes des deux rives de l’Atlantique, et d’ailleurs. Très belle musique, à découvrir hors de tout préjugé de style, d’idiome ou d’esthétique : cette musique n’a pas de frontières, ou plutôt elle les enjambe allègrement !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=3riPxn2LtDs&t=3s

https://www.youtube.com/watch?v=Gjcw4LQImBc&t=3s

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En concert le 9 février à Paris, Café de la Danse

réservation

https://www.cafedeladanse.com/event/cantos-brujos/

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En version chorégraphique le 21 février à Bron, et en version de concert le 9 mai au Perreux-sur-Marne

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7 février 2023 2 07 /02 /février /2023 13:21
ADJUSTING          ARNAUD DOLMEN
ADJUSTING          ARNAUD DOLMEN

Adjusting

 

Arnaud Dolmen (batterie)

Léonardo Montana (piano)

Samuel F’hima ( contrebasse)

Francesco Geminiani ,Ricardo Isquierdo et Adrien Sanchez (saxophone ténor)

Guests: Vincent Peirani (accordéon), Moonlight Benjamin, Naïssam Jalal( flûte traversière)

 

 

Actuellement en tournée en quartet, à Aix et Vitrolles le weekend dernier, avec son dernier CD, nous avons eu envie de revenir sur cet album Adjusting du batteur Arnaud Dolmen.

 

 

A écouter le dernier album du batteur guadeloupéen Arnaud Dolmen, Adjusting, sorti au début de 2022 sur le label Gaya Music on comprend pourquoi il fut nommé Révélation de l’année aux Victoires du Jazz 2022 et considéré comme l’un des 3 meilleurs batteurs de jazz en France, cette même année par Jazzmagazine.

Arnaud Dolmen a l'ambition de rafraîchir la musique de son île, la Guadeloupe, en mettant en valeur les vibrations du cru, les rythmes et rituels africains. Et il se donne les moyens de cette ambition. Non seulement il dispose d’un quartet solide qui donne généreusement une musique libre, axée sur le chant et la danse, mais il ose des combinaisons instrumentales originales avec des guests triés sur le volet, sans oublier d’étoffer son orchestration en doublant certaines parties de saxophones. 

Il essaie de surprendre, de trouver une nouvelle voie pour approfondir ce traditionnalisme progressif sans frontières dans “Graj ou Toumblak” par exemple, deux rythmes spécifiques à deux et quatre temps, juxtaposés.

Ce qui est tout de suite remarquable dans le jeu du batteur, c’est ce mélange détonant de puissance et de douceur sans avoir recours aux frappes sur tambours ka- toujours spectaculaires. Si le gwo ka est le blues des Antillais, une musique dont il a appris les fondements avec Georges Troupé, le père de Sonny, le Ka n’est qu’un instrument! L’enchevêtrement des rythmes est calculé, recherchant l’union de mélopées africaines et d’un jazz vif, aux audaces harmoniques. Un déséquilibre voulu parfois, celui de la danse, qui épouse les imprévus, qu’il sait utiliser, en amateur de ce processus de créolisation qu' étudia Edouard Glissant. Une batterie mélodique qui inverse les rôles avec la rythmique, en miroir, jouant avec les contrepoints saxophone/piano. Affirmant les potentialités harmoniques de son instrument, Arnaud Dolmen donne-t-il une  couleur nouvelle, imprime-t-il une autre façon de jouer de son instrument en s’adaptant à ce qui arrive, à l’inattendu, restant interconnecté dans ce monde bruyant et complexe? L’une des belles mélodies est d’ailleurs “Cavernet”, “un jazz des cavernes”, référence à l’allégorie de Platon mais aussi à cette plongée inexorable dans le web.

ADJUSTING? Un titre qui résume le projet. Poésie et souffle pour faire face à l’imprévu et en jouer! Arnaud Dolmen fait le point dans une suite de 12 compositions, narrant de petites histoires, dédiées par exemple aux enfants (“Ti Moun Gaya”), car il se pose beaucoup de questions, ce fils d’immigré, né à Bar le Duc qui ne renie pas ses origines créoles, réglant son pas dans le pas de ses ainés. Le dernier titre “Les Oublié.e.s” avec Adrien Sanchez au saxophone, rend hommage à toutes ces figures disparues dont deux saxophonistes des années cinquante, injustement méconnus, Emilien Antile et Robert Mavounzy. Arnaud Dolmen pratique alors le bouladjel, percussions corporelles et vocalises lors des véillées funèbres. Il n’oublie pas ses racines, ses repères et dans “Hey Cousin”, il rend hommage à l’île voisine, la Martinique . C’est une mazurka créole ( inspirée de la danse polonaise d’origine et de rythmes de danse bèlè de l’île), jazzifiée avec un doux saxophone souffleur.

Quand survient la lumineuse et pourtant mélancolique ballade “Ka Sa Té Ké Bay” ( littéralement "Qu’est ce que cela aurait donné?", sous-entendant si j’étais resté en Guadeloupe?) le jeu épuré du groupe explore ces questionnements en musique. Comme dans ce “Gap” évocateur qui démarre le Cd, ce décalage qui fait qu’en une ou deux heures d’avion, le paysage et la vie changent radicalement! Une composition qui finit en crescendo comme la transe haïtienne. L’un des titres de l’album est d'ailleurs chanté par une prêtresse vaudoue, Moonlight Benjamin. Sorcier des rythmes, le batteur songeait il aux esprits frappeurs des cérémonies rituelles? La répétition incantatoire, étonnamment calibrée donne une force éruptive à cette musique à laquelle participent pleinement les saxophonistes ténor ( qui ne passent jamais en force), le pianiste très percussif et le contrebassiste gardien du tempo.Tous partagent une certaine sobriété dans leur jouage, loin des effets de toute sorte, souvent pratiqués aujourd’hui.

Mention particulière aux invités qui ornent et rehaussent le titre dans lesquels ils apparaissent. Ainsi de l’accordéoniste Vincent Peirani dans "SQN" ( Sine Qua Non) où biguine et jazz s’entrelacent amoureusement et de la magnifique flûtiste franco syrienne Naïssam Jalal qui prend la place des saxophonistes dans “Résonance”.

Adjusting est un auto-portrait en creux dont la musique, très accessible, plus subtile qu’il n’y paraît, intègre magnifiquement le jazz si souvent réputé cérébral. Arnaud Dolmen y requalifie le concept d’adaptation perpétuelle, propos de l’improvisation.

 

Sophie Chambon

 

 

 

 

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