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17 janvier 2020 5 17 /01 /janvier /2020 15:34

Aymeric Avice (trompette en Si, trompette piccolo, bugle), Fred Roudet (trompettes en Si♭ & Mi♭, bugle), Simon Girard (trombone), Damien Sabatier (saxophones baryton, alto & sopranino), Gérald Chevillon (saxophones basse, ténor & soprano), Aki Rissanen (piano), Joachim Florent (contrebasse), Antoine Leymarie (batterie)

Pernes-les-Fontaines (Vaucluse), mai 2019

Compagnie Impérial CI/005/1/1 / Inouïe distribution

 

Après Impérial Orphéon, Impérial Pulsar et Impérial Quartet, voici le GRIO, Grand Impérial Orchestra, octette qui sonne comme un big band. Le titre évoque l'autobiographie de Duke Ellington mais c'est surtout à Mingus que l'on pense, à cause de l'incroyable effervescence et de la liberté qui se dégagent de chaque plage. L'ombre des musiques répétitives et des combinaisons rythmiques en cascade plane également sur ce disque singulier et, il faut le dire, très réussi. Le groove et la pulsation sont la matière constante sur laquelle s'envolent les sections comme les solistes. Il y aussi des épisodes apaisés et concertants, des escapades lyriques et des rebonds inattendus. L'une des sources revendiquées est empruntée au peuple Banda Linda d'Afrique Centrale, mais tout se déroule comme une cérémonie de jazz vivant, où structures préétablies et improvisations se combinent et s'épousent en toute liberté. Solistes inspirés tout au long du CD, avec peut-être une mention spéciale au tromboniste Simon Girard dont l'expressivité exacerbée nous rappelle les grands frissons mingusiens. Vivant, vital, indispensable !

Xavier Prévost

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Le GRIO jouera le 18 janvier au théâtre de Viviers (Ardèche), le 19 janvier au Galpon de Tournus (Saône-et-Loire), et le 20 janvier à Paris au Pan Piper

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?11=&v=R7DZW496zAg

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14 janvier 2020 2 14 /01 /janvier /2020 19:14

de gauche à droite : Simon Goubert, Alex Dutilh, Jacques Périn & Arnaud Merlin

 

La primeur du palmarès Jazz, Blues & Soul était réservée cette année à l'émission Open Jazz d'Alex Dutilh, sur France Musique, le 14 janvier à 18h

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Grand Prix Jazz

SIMON GOUBERT «Nous Verrons...» (Ex-Tension Records/Bertus Distribution)

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Prix in Honorem Jazz

ZEV FELDMAN , de Resonance Records, pour son travail de réédition et de publication d'inédits, à l'occasion de la parution de NAT KING COLE «Hittin the ramp, the early years» (Resonance / Bertus Distribution)

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Grand Prix Blues & Soul

LEYLA McCALLA "The Capitalist Blues" (Jazz Village / PIAS)

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Coups de cœur Jazz

PATRICE CARATINI / ALAIN JEAN-MARIE / ROGER RASPAIL «Tropical Jazz Trio» (French Paradox / l'autre distribution)

TERRI LYNE CARRINGTON «Waiting Game» (Motéma / Pias)

THÉO CECCALDI Trio «Django » (Brouhaha / l'autre distribution)

MARC DUCRET «Lady M» ([Illuions] / l'autre distribution)

RÉMI DUMOULIN «Das Rainer Trio» (Neuklang / Pias)

ANDY EMLER-DAVID LIEBMAN «Journey Around the Truth» (Signature Radio France SIG 11116 / Outhere)

SIMON GOUBERT «Nous Verrons...» (Ex-Tension Records / Bertus Distribution)

HUGO LIPPI «Comfort Zone» Gaya Music / l'autre distribution)

LEILA OLIVESI NONET «Suite Andamane» (Attention Fragile / l'autre distribution)

SYLVAIN RIFFLET «Troubadours»Magriff / l'autre distribution)


 

Coups de cœur Blues & Soul

KELLY FINNIGAN «The Tales People Tell» (Colemine / https://www.coleminerecords.com/ )

LARKIN POE«Venom & Faith» (Triki-Woo / http://www.larkinpoe.com/ )

LEYLA McCALLA «The Capitalist Blues» (Jazz Village / PIAS)


 

La cérémonie de remise des Grand Prix de l'Académie se tiendra le jeudi 16 janvier 2020 à 19h au Théâtre Traversière, 75012 Paris

La commission 'Jazz, Blues & Soul' est composée de Xavier Prévost, Arnaud Merlin, Alex Dutilh, Philippe Carles, Jean-Michel Proust, Daniel Yvinec, Réza Ackbaraly, Jacques Périn et Stéphane Koechlin


 

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12 janvier 2020 7 12 /01 /janvier /2020 15:50

Claudia Solal (voix, textes, composition), Benoît Delbecq (piano préparé, composition)

Paris, mars 2018

Rogue Art ROG-0094 / https://roguart.com/product/hopetown/144

 

On entre, en écoutant ce disque, dans un univers de totale singularité. Après une tournée à Chicago dans le cadre de «The Bridge» (http://acrossthebridges.org/), avec 'Antichamber Music' (The Bridge #10), en quartette avec la bassoniste Katie Young et la violoncelliste Tomeka Reid autour des textes de James Joyce, ils ont souhaité prolonger en duo leur collaboration.

Ici les notes, les timbres inédits du piano préparé, les sonorités des textes en anglais, et leur prosodie, constituent une entité musicale et sonore dans laquelle le sens des textes, et le 'sens' de la musique (ses propriétés musicales identifiable.... ou non encore élucidées) constituent un univers poétique et sonore qui nous captive tout en nous entraînant loin de nos bases (références musicales connues, références poétiques perceptibles). Ici on retrouve l'inspiration de la Salomé d'Oscar Wilde, qui avait nourri un thème du groupe Spoonbox de la chanteuse, ailleurs les souvenirs d'anciennes sonorités, de rythmes asymétrique richement exploités par le pianiste. Mais en découvrant le disque de ces artistes dont je n'avais pas écouté sur scène le duo, j'ai l'impression de m'immerger dans une aventure sonore totalement inédite, alors que je les écoute, l'une et l'autre, depuis plus de vingt ans. On navigue en territoire inconnu, même si affleurent çà et là le souvenir des inflexions de la voix afro-américaine, les couleurs vocales et les intervalles extrêmes de la musique contemporaine, les sonorités telluriques de certaines musiques traditionnelles. Ce qui semble dominer surtout, c'est cette extrême liberté qui tend a prévaloir dans la musique improvisée, au sens large, et dans ses parentés avec le jazz. Une absolue singularité. Oui. Mais surtout une incontestable réussite artistique. On se précipite !

Xavier Prévost

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Le duo sera en concert au festival Sons d'hiver le 18 janvier à 20h30, à l'Auditorium Jean-Pierre Miquel de Vincennes, en première partie de Fred Frith

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5 janvier 2020 7 05 /01 /janvier /2020 20:24
STEVEN JEZO-VANNIER FRANK SINATRA Une mythologie américaine

 

STEVEN JEZO-VANNIER

FRANK SINATRA Une mythologie américaine

Le Mot et le Reste

522 pages

Encore un livre sur Frankie, le crooner à la voix de velours? Il semblerait que ce travail de qualité, cette nouvelle biographie soit définitive car elle montre que le personnage a aujourd’hui acquis, avec le recul, la force du mythe.

Le mérite de cet ouvrage d’un spécialiste de musiques rock et de la contreculture, Steven Jeso-Vannier qui a déjà donné douze livres aux éditions marseillaises LE MOT ET LE RESTE est de réunir une biographie précise, très documentée en cinq parties chronologiques qui suivent aussi son évolution musicale, ses débuts, ses premiers succès, sa formidable ascension, ses échecs.

Cinq copieuses sections qui vont de Frankie boy ou la naissance d’un chanteur (1915-1945) à Ol’blue eyes ou la naissance du mythe (1971-1998), sans oublier The Voice ou la naissance d’une star (1944-1952), The Pack Master ou la Renaissance d’une star (1952-1961) et The Chairman of the Board ou la naissance d’un mythe (1961-1971). On le voit, rien qu’à ces titres, le parcours de Sinatra est tout sauf ordinaire: il a quelque chose du phoenix, indestructible, éternel : on peut lire l’introduction, intitulée à juste titre “All or Nothing at All”, titre de son premier succès, qui est devenu aussi sa devise, le fil conducteur de sa vie. Et aussi les dernières pages “Jusqu’au bout” qui attestent que Sinatra a réussi à fabriquer son image, créer un personnage qui épouse l’histoire de l’Amérique au XX ème siècle; il incarne le self made man, figure archétypale de l’American dream. Number one des charts, il pouvait déclencher l’hystérie des bobby soccers, d’où son surnom de "sultan des pâmoisons" mais tourner aussi la tête aux stars; il était l'ami des politiques, proche des Kennedy mais aussi des parrains de la mafia. Il fut encore un ami fidèle (son rat pack) qui s'engagea courageusement dans le combat pour les droits civiques.

Animé d’une ambition démesurée, ce fils d’immigrants italiens d’Hoboken connut des débuts difficiles: jeune marié avec Nancy, il remue ciel et terre pour trouver des engagements, contacte Glenn Miller en quête d’un vocaliste, et finit par se faire remarquer par le trompettiste Harry James.La légende est née et Frankie ne s’arrêtera plus: il a trouvé sa place au firmament des stars. Celui qui travaille devant sa glace, soigne son look jusqu’au ridicule et tente de retrouver avec sa voix le souffle du trombone de Tommy Dorsey, son second employeur, s’est toujours considéré comme le plus grand vocaliste de tous les temps, même si Bing Crosby était l’idole de sa jeunesse. D’une exigence extrême tout au long de sa carrière, il parvint à signer chez Capitol, s’entourant des meilleurs arrangeurs: Alex Stordahl, Billy May, Nelson Riddle; il crée son propre label (Reprise), exigeant les meilleurs musiciens. Alors qu’il ne lisait pas la musique, il parvenait à diriger ses orchestres et à en imposer aux professionnels. Insatiable et épuisant, hystérique et violent, il ne connaîtra qu’une seule éclipse dans sa carrière, mais le cinéma le sortira de cette crise. Il remporte un Oscar pour sa formidable interprétation du deuxième classe Maggio dans l’émouvant From Here to Eternity («Tant qu’il y aura des hommes») de Fred Zinnemann en 1953. Entre 1959 et 1963, Frankie est le roi d’Hollywood, le maître du monde.

Sinatra est à part, il a fait de la chanson en Amérique une forme d’art. Si sa longue vie fut un roman, ce livre exhaustif mais jamais ennuyeux se lit aussi comme un roman. Le récit suit de nombreuses pistes, de multiples voix qui dessinent le portrait d’une personnalité hors norme, complexe, parfois peu attachante. “Fan de Gatsby le Magnifique, il était toutes les facettes de l’Amérique dans ses combats comme dans ses excès.” L’auteur s’est attaché avec brio à évoquer autant la musique que le personnage : on peut lire ces pages d’un trait ou s’attarder sur un chapitre particulier qui renvoie toujours (l’une des marques de fabrique de la maison d’édition) à des albums précis, des enregistrements, des concerts, l’origine de certaines chansons. Il y en a tellement, environ 2000, créations ou reprises qu’il a su s’approprier “I’ve got you under my skin”, “Black magic”, “Fly me to the moon”, “Come fly with me”,“Smile”, “My way”, "It was a very good year", “One for my baby”, "In the wee small hours"...

L’auteur, fasciné par son formidable sujet, a réussi son coup: Sinatra demeurera dans nos mémoires pour sa voix au phrasé exceptionnel, sa perception très claire du sens, son intelligence du métier. Maître de sa voix et de l’orchestre, il savait gérer l’intensité, faire monter la pression. Son plus grand talent peut être réside dans l’émotion qu’il suscitait, car il a mis sa voix au service de paroles qu'il n'avait pas écrites mais qu'il vivait complètement. Et dans lesquelles son public se reconnaissait totalement. 

NB: soulignons encore la mise en page soignée, une bibliographie et discographie précises.

Sophie Chambon

 

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5 janvier 2020 7 05 /01 /janvier /2020 18:52

Céline Bonacina (saxophones baryton & soprano, kayamb, voix), Chris Jennings (contrebasse, saz), Jean-Luc Di Fraya (batterie, percussions, voix). Invité sur 6 plages : Pierre Durand (guitare)

Rochefort-sur-Mer, mai 2019

Cristal Records CR 289 / Sony Music

 

Quatre ans après «Crystal Rain», la saxophoniste enregistre dans une configuration différente : trio, et quartette avec guitare. Le répertoire se répartit entre Céline Bonacina et Chris Jennings, en parfaite cohérence. En ouverture une composition de la musicienne, qui dit son attachement à l'île de La Réunion, où elle a séjourné longuement, et enseigné au Conservatoire de Saint-Denis. Puis un thème du contrebassiste, composé en Bretagne, dénote aussi un souvenir d'ailleurs. Au fil des plages l'esprit du groupe, et de celle qui le dirige, s'affirme constamment, entre l'attachement au jazz et l'envie d'aller chercher, par les effets de chœur des voix, et par les rythmes, d'autres horizons. Mais on n'est pas ici dans un recours aux musiques du monde comme un succédané fédérateur. Le lyrisme, le sentiment de liberté, et l'intégrité formelle composent une succession de paysages qui demeurent habités par le beau souci de dire, d'exprimer, de (ra)conter. Quand la guitare de Pierre Durand fait son entrée, à la cinquième plage, c'est une autre porte encore qui s'ouvre, sur un autre espace. Et l'on se laisse ainsi embarquer, sans que jamais la densité musicale ne flanche. Il y aura aussi vers la fin deux compositions de Chris Jennings, l'une pour évoquer Joachim Kühn, au trio duquel il a participé, et l'autre en hommage à Ornette Coleman (Kühn n'est pas si loin) et à son partenaire de «Friends and Neighbors», Charlie Haden. Et en guise de conclusion, une mélodie qui respire encore les rythmes d'ailleurs, et fait entendre le luth d'un orient proche  : beau parcours musical, qui confirme une fois encore la pertinence artistique de la saxophoniste.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=xHQCQdseRLE

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Le groupe sera en concert le 17 janvier 2020 au Théâtre de Sartrouville (Yvelines). Au programme le même soir, André Villéger & Philippe Milanta, Benjamin Dousteyssier & Bruno Ruder.

 

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5 janvier 2020 7 05 /01 /janvier /2020 14:49

Paul Jost (chant, harmonica et guitare), Jim Ridl (claviers), Dean Johnson (basse), Tim Horner (batterie) et en invité Joe Locke (vibraphone). 'Simple Life'. Jammin’colors / L’autre distribution. Novembre 2019.

 

C’est une des découvertes due à la période de rangement habituelle de discothèque lors de la trêve des confiseurs : « Simple Life », disque du chanteur américain de Philadelphie, Paul Jost.  L’artiste était venu le présenter fin novembre au club parisien le Sunside. Une prestation rare dans l’hexagone pour cet artiste régulièrement à l’affiche des clubs new-yorkais (55 Bar, Smoke, Dizzy’s…) quand il n’effectue pas une tournée pour le Département d’Etat (une quinzaine de jours en avril prochain au Pakistan et au Liban).

 

 

 S’il est loin d’être « un perdreau de l’année », comptant de multiples collaborations comme chanteur mais aussi instrumentiste (guitare, harmonica, batterie…) auprès notamment de Billy Eckstine, Ron Carter ou encore Bucky Pizzarelli, Paul Jost n’a entamé qu’en 2014 une carrière de soliste (Breaking Through). Le répertoire retenu dans son tout dernier album illustre l’éclectisme du vocaliste, apte à séduire l’auditoire des clubs : des classiques appartenant aussi bien à la sphère du jazz à proprement parler ('Caravan', de Duke Ellington et Juan Tizol, 'Folks Who Live on the Hill', de Kern et Hammerstein...) qu’au monde de la pop ('Blackbird' et 'With a Little Help from My Friends' de Lennon/MacCartney…) et quelques compositions personnelles ('Bela Tristeza', 'Livin’in the Wrong Time').

 

 

La surprise vient de l’interprétation. Paul Jost se place indubitablement dans la droite ligne des chanteurs qui savent raconter une histoire et –surtout- expriment un swing infernal et dans un autre temps une joliesse sensible. Ainsi peut-on évoquer à son écoute Jon Hendricks, Mark Murphy ou de ce côté-ci de l’Atlantique, David Lynx ou André Minvielle.
Le scat trouve avec Paul Jost un de ses porte-paroles actuels les plus talentueux. La virtuosité est au rendez-vous et toujours payante surtout quand il peut compter (Blackbird) sur la fougue lumineuse du vibraphoniste Joe Locke, autre (re)découverte de cet album chaleureusement recommandé pour entamer la décennie avec allégresse.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

* Paul Jost, 'Simple Life'. Novembre 2019. Jammin’colors / L’autre distribution.

 

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2 janvier 2020 4 02 /01 /janvier /2020 11:32
@Jean-Batiste Millot

 

Franck Amsallem vient de publier un superbe album  ( Gotham Goodbye paru en 2019 chez Jazz & people). Une nouvelle occasion d’entendre un des pianistes et compositeur majeur de la scène hexagonale. Avec le jazz chevillé au corps et une conception sans concession du jazz, Franck Amsallem s’est confié aux DNJ sur le regard qu’il porte sur cette musique et sur sa façon de la vivre. Parce que pour Franck Amsallem, le jazz c’est sa vie. C’est la vie !

 


Les DNJ : Tu es un des plus grands pianistes de jazz français. Ton Cv parle pour toi. Tu as vécu à New-York et joué avec les plus grands (Gerry Mulligan, Maria Schneider, Charles Lloyd, Joshua Redman, Roy Hargrove etc…. excusez du peu) et pourtant on te connaît peu ici, en France. Pourquoi ?

Franck Amsallem : «  En fait tu sais, je ne suis probablement pas très doué pour le lobbying. Je ne dois pas savoir vraiment y faire. Je vois toutes ces soirées de cérémonies autour du jazz mais j’y suis rarement invité. J’aime bien les clubs, mais parfois quand je vois que cela m’est même difficile de remplir totalement le Sunside même après toutes les chroniques spectaculaires de mon dernier cd, cela me désole un peu... C’est un peu comme se heurter à un mur du silence et je dois donc avoir bien des progrès à faire en auto-promotion ! »

Les DNJ : « Et à New-York où tu as longtemps vécu ? »

FA : «  Tu sais il ne faut pas rêver non plus. Même si c’est le pays du jazz, tout le monde rame là-bas pour avoir de vraies dates et se faire connaître. »


Les DNJ : « Mais il n’y a pas que NYC. Aujourd’hui vous, les artistes vous avez tous les réseaux sociaux pour vous faire connaître dans le monde entier »

FA : «  Pour cela il faudrait avoir des relais médiatiques consistants. Et j’avoue que, même si j’ai eu droit à de très belles chronique (dans Jazzmagazine pour mon dernier album  « Gotham Goodbye »), les relais médiatiques, je n’en ai certainement pas assez. »

Les DNJ : «  tu en es amer ? »

FA : «  Pas du tout ! Tu sais, je gagne ma vie très correctement, et j’aime vivre en Europe plus qu’aux USA. Quand on est dans le middle age, bien souvent les medias vous oublient ou vous ignorent. Il y a 30 ans je voyais cela déjà aux Etats-Unis: Richie Beirach, ou Steve Kuhn sont des immenses musiciens qui, dès passés la 50aine ont été un peu oubliés. D’autres sont nettement plus accrocheurs  (les frères Moutin par exemple) ou alors mon pote Stephane Belmondo. Mais lui, c’est très différent car il incarne la trompette jazz en France !


Les DNJ : Tu as une carrière qui est très marquée par le jazz américain et ton album sonne très « américain ». Ton coeur est où ?

FA : « Oui c’est un album qui sonne américain. On ne peut pas renier ce que l’on est, même si aux US on m’a toujours considéré comme ayant un style européen. Certes l’album s’appelle «  Gotham Goodbye » mais en fait il s’agit d’un titre écrit il y a une 10aine d’années lorsque j’ai dû vendre mon appartement de New-York. Quant aux racines américaines de ma musique, la musique parle d’elle-même. On peut toujours essayer de calculer quelque chose mais le fond des choses, c’est que j’aime le jazz qui swing, qui est inventif mélodiquement, et qui est harmoniquement dérivé de la chanson et du jazz des années 50. Je trouve que ce ne sont pas les mêmes repères que le jazz qui se fait bien souvent en France, et qui a le vent en poupe.

Les DNJ : « parle nous du casting de l’album »

FA : « C’est franchement le casting idéal ! J’ai rarement joué avec des musiciens de cette trempe là. Irving (Acao) a ses propres racines cubaines et donc une différente façon de penser. Avec Irving on se connaît, et on joue deux ou trois fois par an ensemble depuis des années, en prenant toujours autant de plaisir. Le bassiste (Viktor Nyberg) est très jeune. J’avais pas mal joué avec lui dans des petits clubs, et je me considère un peu comme son mentor. Quand au batteur (Gautier Garrigue), c’est un jeune batteur mais il est déjà impressionnant. Mais surtout je crois qu’un leader doit savoir faire sonner un groupe. Je crois qu’un répertoire doit faire briller les musiciens qui se donnent la peine de bien le jouer. Ce répertoire doit faire sonner le groupe et aussi réciproquement. Et au final, je crois aussi que cela n’arrive pas si fréquemment ».


Les DNJ : «  tu as une rythmique de haute volée effectivement. Par exemple sur un morceau comme From Two to Five, compliqué à jouer ? »

FA : « C’est effectivement un morceau difficile si les gens n’en ont pas l’habitude. Pour l’écrire ce n’était pas si compliqué, mais il faut y mettre beaucoup de tension pour bien le jouer sans faillir. En fait il faut écrire des morceaux où il n’y a pas de faiblesses. J’avais écrit ce morceau il y quelques années mais il était resté dans la pile des morceaux à améliorer. Dans la pile il y en avait une 40 aine. Je suis retombé dessus un peu dubitatif. Mais j’ai finalement trouvé comment l’équilibrer et comment sortir du A-A-B-A classique : toutes les jonctions devaient être retravaillées. »

Les DNJ : «  Tu écris beaucoup  ?»
 
FA : « Non pas beaucoup car j’essaie de ne pas me répéter. Je ne veux pas que ce soit un exercice sans lendemain, alors je m’autocensure. Si les 4eres mesure ne sont pas bonnes je laisse tomber et je passe à autre chose. Depuis un an je n’ai pas écrit grand-chose d’ailleurs, et je vais donc attendre de voir maintenant comment le disque est ressenti, et ce que je peux apprendre de sa réception. »


Les DNJ : «  tu as choisi le format du quartet »

FA : «  Oui. Je l’avais abandonné ces dernières années, comme on m’avait souvent reproché de jouer dans ce format où les saxophonistes prennent quelquefois trop de place. Au départ pourtant je suis  saxophoniste. Jusqu’à l’âge de 20 ans je n’écoutais que du sax ! Je jouais des deux instruments mais le hasard au fond c’est que je joue du piano jazz parce que personne ne m’a fait suer à apprendre à jouer du Beethoven dans un conservatoire. Au départ je jouais donc du piano jazz en autodidacte. En fait quand je suis allé au conservatoire je suis entré dans la section sax classique pour jouer un répertoire que maintenant j’exècre totalement. A 19 ans, de bien mauvaise humeur, j‘ai arrêté le sax classique pour me concentrer sur le piano jazz mais paradoxalement en commençant l’apprentissage du piano classique car je pensais que cela aller me manquer. Et du coup j’ai totalement arrêté l’instrument le jour où j’ai passé mon diplôme de saxophone classique en 1981. Je n’ai jamais regretté d’ailleurs, considérant m’être fourvoyé dans une démarche pseudo-académique. C’est la vie. »

Les DNJ : «  Quels sont les pianistes qui t’ont influencé (moi j’entends Sonny Clark et Mc Coy Tyner) ?

FA : «  Tu ne te trompes pas trop. J’ai évidemment beaucoup écouté les pianistes des années 50 et 60. Mais il y a certains pianistes comme Hank Jones et Ahmad Jones qui continuent de m’influencer à ce jour. J’ai même un peu contribué indirectement aux derniers enregistrements de Hank Jones en réunissant Darryl Hall et Dennis Mackrel… car Darryl et Dennis se sont rencontrés en jouant avec moi, avant de migrer chez Hank. »

Les DNJ : « Dans ton jeu il y a toute l’histoire du jazz, pourtant on te sens très fidèle à l’acoustique : pas d’électrique ? Pas de fender ou d’orgue ? »

FA : « Je le reconnais, et c’est dommage d’ailleurs. Disons que le piano c’est tout un monde… L’orgue, je n’en ai jamais acheté. Mais effectivement j’adore cet instrument, cela vient de mon côté saxophoniste. Chaque fois que j’en joue c’est la fête. Le fender aussi mais c’est un peu une antiquité, il est difficile d’en trouver de bien réglés, et les autres pianos électriques, c’est pas top. »


Les DNJ : « Jamais tenté par le big band ? »

FA : «  J’ai une formation d’arrangeur/compositeur et j’ai étudié cet idiome en profondeur pendant des années. Mais en France c’est juste ingérable. Le Paris Jazz Big Band a bien essayé et c’était formidable mais trop compliqué. Un big band c’est un métier, une vie à part entière pour trouver des subventions pour jouer seulement quelques concerts par an. Sur ce plan là, on a des années, voire des décennies de retard, à la différence de certains pays comme la Belgique, l’Allemagne, ou la Hollande qui ont réussi à faire jouer professionnellement et pérenniser de grandes formations. C’est fort dommage.»

 

Les DNJ : «  Tu a beaucoup joué et enregistré avec le saxophoniste Tim Ries, pourquoi ne pas l’avoir choisi ? »

FA : « J’ai continué à jouer avec lui quand je suis allé aux US. Mais aujourd’hui il joue avec les Rolling Stones et tu imagines bien que cela lui prend beaucoup de temps. J’ai rejoué avec lui le mois dernier au Mezzrow à NY. Il est resté ce qu’il a toujours été, un musicien pour musiciens, un immense saxophoniste ».


Les DNJ : « Avec qui rêverais tu de jouer aujourd’hui ? »

FA : «  Si les maisons de disques successives m’avaient soutenu un peu, j’aurais aimé enregistrer avec Elvin Jones. Aujourd’hui parmi les musiciens vivants j’aimerais jouer avec Brian Blade ou Patitucci (NDR : la rythmique de Wayne Shorter) . Et puis il y a aussi Greg Hutchinson que je connais depuis des années… on a quelquefois joué ensemble. Je pense qu’il fera partie d’un de mes projets à venir. »


Les DNJ : «  qu’écoutes tu en ce moment ? »

FA : « En ce moment j’écoute des pianistes classiques en me disant que c’est vraiment difficile de jouer comme eux !!!!!! Mais je me dis aussi que s’il y a nettement moins de bons pianistes de jazz que de classique, c’est qu’il doit y avoir une raison et que cela veut dire quelque chose. Quand aux pianistes d’aujourd’hui ? Je ne veux pas y répondre. C’est délicat. Mais bon, quand j’écoute les autres pianistes je me dis toujours: qu’est ce que je pourrais prendre ou emprunter, qu’est-ce que je pourrais en tirer, que pourrais-je adapter, quelles leçons de leur jeu ?

Les DNJ : «  et parmi les musiciens de la scène actuelle ? »

FA : « Concernant la scène actuelle, ce qui m’intéresse vraiment le plus c’est… ce que moi je joue, là, dans l’instant présent. Point barre. C’est cette sensation physique que l’on éprouve lorsque l’on joue sur scène. C’est comme une drogue, comme une drogue dure d’ailleurs. On sait que dans la salle les gens ont un certain lien avec la musique, ils l’ont écouté, ou peut-être aussi un peu joué. Nous, sur scène, on réussit à les faire rêver, à aller en profondeur, à aller plus loin qu’eux. C’est enivrant. »


Propos recueillis par Jean-marc Gelin

 

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2 janvier 2020 4 02 /01 /janvier /2020 10:28
HERMIA-MOHY-GERTSMANS        THE LOVE SONGS

 lHERMIA-MOHY-GERTSMANS

THE LOVE SONGS

Back to the heart of jazz

Jazzavatars/L'autre Distribution

http://www.manuel-hermia.com

Manu Hermia (tenor and alto sax ), Pascal Mohy (piano), Sam Gerstmans (cb)

 

Voilà un album qui est arrivé à point sur le label JAZZAVATARS,  en cette fin décembre mouvementée et pour le moins compliquée. Avec ce trio bien établi outre-quiévrain, il n’est pas question de grève des sentiments, peut-être de quelques désordres de l’aorte, puisqu’ils reprennent quelques-unes des chansons d’amour du répertoire de Broadway, des standards intéressants à revisiter, plutôt que les plus rebattus… Le sous-titre est parfaitement explicite : " back to the heart of jazz".  Le choix demeure immense cependant et en choisir sept était une gajeure. Le saxophoniste Manu Hermia glisse une de ses compositions, délicatement, “I aime you”, en antépénultième position, qui ne dépare pas la cohérence de l'album. La mélodie évidemment figure dans les critères de choix, et elle se détache précisément, comme l’ envoûtant “Soul Eyes” inaugural du grand Mal Waldron, qui nous plonge immédiatement dans une atmosphère de film noir.

En 2012, sur Emouvance, Laurent Dehors et Matthew Bourne se lançaient aussi dans un programme de “Chansons d’amour” mais les compositions étaient de leur cru, hormis “La vie en rose”. Et leur échange les poussait à vivre sur le fil, plutôt radicalement. Ici, rien de tel, peu de tension, le trio sans batterie, (sax, piano, contrebasse) est en phase, jamais dans l’emphase, célébrant la douceur mélancolique du sentiment amoureux comme dans cette délicieuse ballade “The nearness of you”. On est en effet au plus près des musiciens comme dans un club de jazz quand on sent les vibrations, la musique en train de se faire. Toujours sobre, se calant avec bonheur dans ce registre intimiste, le saxophoniste garde une sonorité mate, sans trop de vibrato à l’alto et au ténor, dans un registre qui ne prétend pas à une modernité extrême, mais s’inscrit dans la tradition d’un jazz intense, royal à dire vrai. Tous trois (Pascal Mohy au piano et Sam Gerstmans à la batterie) arrivent à affiner le dosage de leur musique singulière, en suspens, fragile architecture minimaliste. Ils bâtissent une suite en équilibre dans une apparente simplicité. De grandes qualités qui jouent en faveur d’un album plutôt convainquant, authentique déclaration d’amour pour cette musique, à laquelle on ne peut rester insensible. C’est le coeur qui parle explicitement : on se laisse entraîner, comme en amour, le coeur bat plus vite et c’est bien...

 

 

 

Sophie Chambon

 

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1 janvier 2020 3 01 /01 /janvier /2020 18:24

Stéphane Payen (saxophone alto, composition), Olivier Laisney (trompette), Bo Van Der Werf (saxophone baryton), Nelson Veras (guitare), Guillaume Ruelland (guitare basse), Vincent Sauve & Thibault Perriard (batteries)

Villetaneuse, décembre 2018

Onze Heures Onze ONZ 036/ http://www.onzeheuresonze.com/

 

La suite de l'aventure du Workshop : après le quartette enregistré en 2014 et publié en 2015 («Conversations With The Drum», Onze Heures Onze ONZ 010, chroniqué ici  ), voici un octette, qui déploie en plus large instrumentation cette passion des couleurs, du rythme et du son qui sont le terrain de jeu favori de Stéphane Payen et de ses complices. Les sources d'inspiration sont multiples : mélodies sinueuses nimbées de rythmes obsédants, souvenir d'Ornette (Coleman), ombres tutélaires du jazz libre et des sources africaines, dissonances comme il s'en trouvait déjà chez Mingus à la fin des années 50, tension féconde entre les deux batteries.... Les membres du groupe font preuve en permanence d'une inventive liberté, et une sorte de souffle collectif plane sur cette cérémonie propulsée par un groove aussi libre que prégnant. À citer au fil des plages, le lyrisme très libre de Bo Van Der Werf ; l'inventivité permanente de Stéphane Payen dans les appuis rythmiques périlleux qui toujours font sens, et musique ; l'imagination intarissable de Nelson Veras, qui constamment nous emmène ailleurs, sans qu'il soit possible de s'égarer, car la base demeure à l'horizon ; la hardiesse exploratoire d'Olivier Laisney, qui nous écarte de l'attendu, mais se garde bien de nous perdre ; le tout porté par une rythmique dont le rôle est prépondérant, dans ce labyrinthe où l'on aimerait se perdre. Il en résulte une sensation de vitalité autant que de vivacité. Les lignes improvisées se croisent dans un flot pulsatoire irrépressible. Bref, c'est de la vraie belle musique VIVANTE, où l'élaboration souvent sophistiquée jamais n'étouffe une sorte d'élan vital. À déguster sans la moindre modération !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Vimeo

https://vimeo.com/365499481

et sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=itQLRNhuRs0

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Le groupe jouera le 8 janvier 2020 à Paris, au Studio de l'Ermitage, dans une configuration légèrement différente : Stéphane Payen, saxophone alto ; Olivier Laisney, trompette ; Sylvain Debaisieux, saxophone ténor ; Bo Van Der Werf, saxophone baryton ; Tam De Villiers, guitare ; Jim Hart, vibraphone ; Guillaume Ruelland guitare basse & Vincent Sauve, batterie.

Au même programme le nouveau groupe de Sarah Murcia "Eyeballing", avec Benoït Delbecq, Olivier Py & François Thuillier    

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28 décembre 2019 6 28 /12 /décembre /2019 17:17

Pierre Christpophe (piano), Joel Frahm (saxophone ténor), Joe Martin (contrebasse)

New York, 22 août 2018

Camille Productions MS062109CD / Socadisc

https://www.lesallumesdujazz.com/produit-live-at-smalls,2858.html

 

Retour à New York du pianiste Pierre Christophe, qui avait longtemps séjourné dans cette ville où il fut, notamment, l'élève de Jaki Byard, dont il reprend dans ce disque 3 compositions, évoquant aussi, au fil des plages, un goût probablement issu de cette formation pour les traits pianistiques vifs et brillants. On est dans ce petit club de Greenwich Village, un endroit majeur de la vie jazzistique new-yorkaise, en dépit de la relative exiguïté du lieu. Deux blues (en do, l'un de Byard, Just Rollin' Along, l'autre d'Ellington, Flirtibird), des compositions de Pierre Christophe (dont African Beauty, belle valse qui évoque tout à la fois l'univers de Langston Hughes et l'esprit de In Your Own Sweet Way de Dave Brubeck). D'ailleurs il y a en fin d'album une composition de Brubeck, beaucoup moins connue, Softly , William, Softly (album «Time In», 1965). Pierre Christophe l'expose au piano avec une verve rhapsodique digne de son Maître Jaki Byard, et garnérise légèrement dans le solo final car c'est son péché mignon, et nous serions les derniers à le lui reprocher. Le choix d'un groupe sans batterie, et celui de partenaires de haut vol (qui ont en commun d'avoir enregistré avec Brad Mehldau), permet une totale réussite : beau disque de jazz, avec de l'espace pour le piano, sans toutefois que le leader ne tire à lui la couverture. Ce disque, paru à l'automne, a connu quelques échos, mais on aurait aimé qu'il fût plus entendu, écouté et apprécié. Alors vous savez ce qui vous reste à faire : précipitez-vous pour le découvrir.

Xavier Prévost

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African Beauty, un extrait du concert au Smalls sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=Ytrx3DAyvz0

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Pierre Christophe jouera en janvier son Hommage à Erroll Garner, en quartette avec Sébastien Girardot, contrebasse, Stan Laferrière, batterie et Laurent Bataille, percussions :

au Jazz Club de Courbevoie le 20 janvier

à Paris le 21 janvier au Duc des Lombards

au Jazz Club de Palaiseau le 31 janvier

et au Festival de Saint Saturnin (Charente) le 17 janvier

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