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17 octobre 2019 4 17 /10 /octobre /2019 21:38

 

Le jazz a toujours fait partie de la vie de Jean-Pierre Marielle (1932-2019). La biographie signée Stéphane Koechlin, connaisseur du monde de la « note bleue », vient le rappeler à ceux qui n’ont pas eu la chance de rencontrer dans les clubs parisiens cet acteur au port altier et à la voix de bronze. « Il n’y allait pas pour être vu. Il s’asseyait à l’écart à une table puis écoutait », témoigne ainsi René Urtreger, un de ses amis rencontré au service militaire.


Là, dans les clubs et les concerts, Marielle croisa la route d’un autre fan de jazz, Alain Corneau. Le metteur en scène s’en souvint quand il proposa en 1990 à l’acteur de théâtre, le camarade de Conservatoire de Belmondo, Rochefort, Cremer et autres, le rôle de monsieur de Sainte Colombe, le vieux maître de viole dans ‘Tous les matins du monde’. Devant les hésitations de l’interprète inoubliable du vrp en parapluies reconverti en peintre des Galettes de Pont-Aven (1975) à endosser le costume d’un homme grave, Corneau lui lança : « Imaginez que vous jouez Lester Young ». Stéphane Koechlin note : « Il n’en fallait pas davantage pour convaincre Marielle ».  


L’acteur qui pouvait s’enfermer des jours et des nuits pour écouter du jazz, aimait Billie Holiday, Art Pepper et Ornette Coleman et vouait une grande admiration aux musiciens : « nous (les comédiens) sommes des fumistes à côté ».  Leur capacité à improviser le bluffait, lui qui aimait dans son métier d’acteur la possibilité de « permettre à son imaginaire de s’envoler ».  


Fruit d’une longue enquête, s’appuyant sur de nombreux témoignages de proches (Belmondo, Tavernier, Blier), la biographie de Stéphane Koechlin éclaire sous toutes ses facettes la personnalité de Jean-Pierre Marielle, ainsi présenté par le comédien Henri Guybet : « Un acteur surdiplômé : il sait analyser un texte et a l’intelligence de son physique. Il peut tout jouer, Marivaux, Racine, les bellâtres avec une très grande sincérité mais avec un décalage qui nous dévoile le ridicule ».


Jean-Louis Lemarchand.


Stéphane Koechlin, ‘Jean-Pierre MARIELLE, le Lyrique et le Baroque’. 406 pages. Editions du Rocher. Octobre 2019.

 

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15 octobre 2019 2 15 /10 /octobre /2019 18:42

Géraldine Laurent (saxophone alto), Paul Lay (piano), Yoni Zelnik (basse), Donald Kontomanou (batterie).  Studio Ferber, Paris, 18-20 mars 2019. Gazebo / L’autre distribution.

 

 « Géraldine Laurent est poète. Géraldine peut tout ». C’était en 2006, et le propos de Jean-Louis Chautemps. L’hommage d’un collègue qui a marqué l’histoire du jazz illustrait l’opinion des gens de la confrérie des saxophonistes. L’altiste a bien confirmé depuis. La « guerrière », ainsi que la qualifie un autre maître, Aldo Romano, démontre, sur scène et en studio, que son imagination et sa fougue n’ont guère de limites.

 

Le quartet formé avec Paul Lay, Yoni Zelnik et Donald Kontomanou avait marqué les esprits en 2015 dans « At Work ». On ne change pas une équipe qui gagne. Ces quatre-là nous reviennent, toujours sous la houlette du pianiste-producteur Laurent de Wilde.

 

L’album se nomme Cooking, une composition de la saxophoniste qui signe d’ailleurs dix des onze titres présentés (à l’exception du standard de Schwartz et Dietz, You and The Night and The Music). Un morceau qui ouvre le bal et donne le ton, fidèle à la définition donnée par Jean-Paul Levet (Talking’ that talk. Dictionnaire anthologique. Ed.Outre Mesure) à cook dans le langage des musiciens, « casser la baraque ».

Géraldine prend aussi le temps de respirer et de laisser filer son lyrisme nonchalant (Broadwalk, Day Off). Le groupe est à l’unisson : Yori Zelnik, fidèle compagnon dès les premiers albums (Time Out trio. Dreyfus Jazz. 2007), Donald Kontomanou, précis et élastique, Paul Lay, inventif (époustouflant dans Room 44).

 

Vous l’aurez compris, Cooking s’écoute, se goûte avec délectation.

 

Jean-Louis Lemarchand

 

Concert de lancement le 25 octobre au New Morning, 75010 dans le cadre du festival ‘JAZZ SUR SEINE’.
 

 

@photo AnthonyVoisin.

 

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14 octobre 2019 1 14 /10 /octobre /2019 21:15

Naïve 2019

Stephane Belmondo (bg, tp, accdn), Sylvain Luc (g)

Ce n'est pas le tout de savoir dialoguer. Encore faut il savoir communier et partager.
Le trompettiste Stephane Belmondo et le guitariste Sylvain Luc se connaissent assez et depuis de longues années pour que cela leur soit aussi naturel que de respirer, de converser. Leur première rencontre en duo date de 20 ans déjà avec l'album AMESKERI. Il y a 20 ans ils s'etaient trouvés à 2h du matin au Baiser Salé (le club Parisien de la rue des Lombards) et avaient joué jusqu'à l'aube.

Entre eux cette histoire est une histoire d'amitié et de musique, et cela s'entend. Fusionnel.
Alors, en toute intimité ces deux-là ont une conversation douce. C'est de velours qu'ils se sont habillés. Et c'est un peu comme une danse à laquelle ils se livrent, ensemble ou séparément dans un chassé croisé en mouvement.
A l'exception de 2 titres signés Philippe Sarde et Stevie Wonder, l'ensemble de l'album a été composé par l'un ou l'autre des protagonistes.
L'astmosphere est ici tamisée et le son  capiteux. Ils se font chanteurs et contre-chantent. Avec le tact et la précision des artisans chacun apporte sa patte  avec une infinie délicatesse en soignant le son et en prenant garde à laisser l'espace à l'autre.
Ils y varient les plaisirs entre la mélancolie (Melancholy of Rita), une valse africaine, des espaces electriques et lunaires Milesien (2.0) ou des couleurs argentines (émouvant  Mort d'un pourri où Belmondo quitte le bugle pour l'accordéon, son premier instrument ) ou encore un blues (On the same road).
Cet album signe une nouvelle étape dans ces multiples rencontre entre le trompettiste et le guitariste qui ont tous les deux en commun d'avoir chacun marqué à leur façon l'histoire du jazz hexagonal.
A deguster lentement et à en extraire toute la douceur.
Jean-Marc GELIN

 

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9 octobre 2019 3 09 /10 /octobre /2019 17:03

Yvan Robilliard (piano, piano électrique, synthétiseur), Laurent David (guitare basse, effets), Éric Échampard (batterie)

Meudon, 3-5 juillet 2018

Klarthe Records KRJ 021 / [PIAS]

 

Un voyage dans l'espace interstellaire, tel qu'il nous donne à voir la terre mère et son satellite, 'gros caillou brillant' : c'est le concept. Au-delà du discours d'escorte censé conférer au projet son identité, la musique nous parle. Musique de pianiste bien sûr, mais pleinement musique de trio, avec une indéniable communauté de langage entre Laurent David à la guitare basse et Éric Échampard à la batterie, cohésion au service des tourneries effrénées d'Yvan Robilliard, dont le piano passe la rampe, non dans le souci de briller mais par une sorte d'urgence irrépressible. Dès la première plage on se laisse emporter, et les accalmies lyriques ne sont que des reflets, en creux, du maelström. La petite danse de la plage 2 n'est qu'un prélude au groove qui suit, porteur d'un délicieux parfum fusion seventies. Et très vite ça barde. Les inclusions de documents sonore d'Apollo 11 dressent le décor mais la musique nous a déjà fait décoller. Sons technologiques du piano électrique et du synthé, émulation pressante du tandem basse-batterie, tout nous porte vers un horizon lointain. Mais l'espace distille aussi son lot d'excursions rêveuses. De plage en plage, la musique nous dépayse, ou peut-être nous déterritorialise, en tout cas on marche et on suit le trio dans ses pérégrinations musicales. Beauté du piano, méditatif, de la plage 7, avant une inclusion somme toute anecdotique d'Appolo 11, puis la voix parlée de Coltrane en leitmotiv rythmique autant qu'onirique d'une version très renouvelée de Naïma. Encore un délicieux parfum des années fusion (mais avec une effervescence rare) pour le thème qui donne à l'album son titre, puis un retour méditatif, avant de conclure par un groove très hancockien. Beau voyage en somme, dans l'imaginaire, voyage immobile qui fait pourtant vraiment décoller.

Xavier Prévost

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Le trio est en concert le jeudi 10 octobre 2019 à Paris, Studio de l'Ermitage

 

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5 octobre 2019 6 05 /10 /octobre /2019 12:36
PABLO CUECO  POUR LA ROUTE

 

PABLO CUECO

POUR LA ROUTE

Photographies de Milomir KOVACEVIC

Dessins Rocco

Editions Qupé

Première édition 2018

www.qupe.eu

 

https://www.qupe.eu/livres/pour-la-route/

Un petit livre que l’on déguste avec gourmandise ou qui se lit d’un trait, c'est selon, racontant l’histoire d’un quartier parisien, le 3ème, par la découverte de ses bistrots, de leurs propriétaires et clients. Une bistro-fiction au sens littéral plus qu’une auto-fiction, même si ce genre est à la mode, puisque l’auteur reconnaît ne pas avoir son permis de conduire...

Dans l’histoire de ce qui constitue une exception française, le bar, le bistrot, le troquet, le rade, on distingue le “classique”, la longue série des Brèves de comptoir de J.M Gourio qui relevait tout un ensemble de citations poétiques, absurdes, drôles, voire philosophiques, entendues au comptoir.

Le musicien Pablo Cueco qui pratique jazz, contemporain et musique traditionnelle au zarb, est aussi compositeur, écrivain de fictions, scénarios, dessinateur. Un artiste complet qui sait aussi prendre le temps et observer sa ville, mieux, son quartier. C’est lui qui parle, écrit et nous fait partager ses observations sur son 3ème, circonscrit au périmètre du quartier des Enfants-Rouges. Et il sait se livrer à une étude quasi exhaustive de tous les débits de boisson car il faut noter que, si on parle de nourriture (pas vraiment de gastronomie) dans ce petit livre savoureux, il est surtout question de liquides de diverses couleurs, tirés de plantes ou non, que l’on absorbe , souvent sans modération, à tout moment du jour et de la nuit, certains bars faisant la jonction, lieux mystérieux de la rencontre entre “ceux qui finissaient” et “ceux qui commençaient."  

Pablo Cueco connaît son quartier sur le bout de ces rues, trottoirs, bars qui paraissent fort nombreux : il doit y travailler aussi, donner ses rendez vous car il passe beaucoup de temps à observer les habitués, à décrire les comportements. D'où un ensemble de petits textes incisifs et très drôles, alternant avec quatorze "petits portraits" croqués sur le vif, reflétant une sociologie de comptoir, la radiographie d’un certain Paris actuel et en ce sens, le livre est aussi politique. Sans oublier les photos de comptoir, clichés d’atmosphère souvent poétiques de Milomir Kovacevic et les dessins, graphiques de circonstance de Rocco.

Pour la Route est à sa façon un guide touristique original pour découvrir un des cents villages parisiens. Ne manque qu'un plan justement avec l’emplacement de ces lieux à voir, à boire, la liste impressionnante des remerciements  étant en effet, adressés à tous les bistrots du quartier “sans qui le livre n’aurait pas pu boire le jour.” 

Soulignons enfin la découverte d’une jeune maison d’édition Qupé, dédiée aux Beaux-arts en général, et à l’écriture.

Sophie Chambon

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3 octobre 2019 4 03 /10 /octobre /2019 18:18

Annie Ebrel, Stella Vander, Pierre-Michel Sivadier, Mike Ladd (voix), Sophia Domancich (piano), Hélène Labarrière (contrebasse), Michel Edelin (flûtes), Vincent Lê Quang (saxophones), Emmanuel Bex (orgue), Simon Goubert (batterie, claviers)

Malakoff, 4-8 & 13 juin 2018

Seventh Ex-tension Records EX 16 / Berthus

 

Le jardin secret de Simon Goubert, que l'on a écouté de longtemps à la batterie dans les contextes les plus divers, mais aussi parfois au piano, et même au vibraphone dans un groupe de Joëlle Léandre. Celui qu'on adorait en trio avec Michel Graillier et Alby Cullaz, ou avec Sophia Domancich et Jean-Jacques Avenel, en duo avec Sophia, ou encore à la tête de ses propres groupes, nous révèle avec ce disque sa passion pour la voix (les voix) : voix de théâtre, de chant médiéval, classique, baroque ou traditionnel, voix du slam, et bien sûr du jazz (Billie Holiday....), de la soul music.... Il déploie ici son rêve, qui de phantasme est devenu réalité, avec la voix bretonne d'Annie Ebrel (sur des textes de Pierre-Jakez Hélias), la voix américaine (et les textes) de Mike Ladd, voix poétique de Pierre-Michel Sivadier, voix d'évasion onirique de Stella Vander, le tout mis en espace sonore par les complices instrumentaux de longue date, ou de plus fraîche connivence. Et Simon tel qu'en lui même, dans la finesse percussive comme dans l'explosion dionysiaque, et aussi aux claviers qu'il chérit et sait dompter. Pour ces voix d'élection il a composé des musiques, sur lesquelles ensuite ses partenaires ont écrit ou choisi des textes. Nous verrons, dit-t-il.... Eh bien c'est tout vu : un disque totalement singulier et absolument réussi, une œuvre d'artiste qui se livre à nous dans toute l'étendue de ses multiples talents.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=1UOVoQxGXvc

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1 octobre 2019 2 01 /10 /octobre /2019 16:16

 

WALLACE RONEY «Blue Dawn – Blue Nights»

Wallace Roney (trompette), Emilio Modeste (saxophones ténor & soprano), Oscar Williams II (piano), Paul Cuffari (contrebasse), Kojo Odu Roney (batterie),

invités : Lenny White (batterie), Quintin Zoto (guitare)

Englewood Cliffs (New Jersey), septembre & décembre 2018

HighNote Records HCD 7318 / Socadisc

 

Si j'en crois le Chicago Jazz Magazine, c'est le 22ème disque en leader du trompettiste. Il a été enregistré, comme une bonne part des précédents, au studio de Rudy Van Gelder. Il vient nous rappeler que Wallace Roney est bien autre chose que l'épigone de Miles que nous inflige notre mémoire, notamment la vidéo de ce tragique concert de Montreux à l'été 1991, à quelques semaines de la mort de Miles qui avait accepté de faire, sous la direction de Quincy Jones, ce qu'il avait toujours refusé : jouer la musique de son passé, en l'occurrence les magnifiques séances avec Gil Evans. Le regard de détresse de Wallace Roney, doublure de Miles, et jouant au côté les de son génial aîné les notes que celui-ci peinait à émettre, paraissait nous dire 'pourquoi ai-je accepté de participer à cette mascarade', ce regard m'a ému jusqu'au larmes (larmes de honte et de rage) quand j'ai vu ces images sur un programme nocturne d'une télévision française.

Wallace Roney donc, par et pour lui-même, entouré de jeunes musiciens (dont son neveu, un batteur âgé de 15 ans, le fils du saxophoniste Antoine Roney), avec aussi sur trois plages le concours en invité d'un déjà vétéran, le batteur Lenny White. Répertoire composite : un standard du groupe Toto (Don't Stop Me Now, que jouait aussi Miles), une compo de Lenny White, un thème de Dave Liebman (New Breed), et des contributions du pianiste et du saxophoniste du quintette ; le leader leur a laissé la main et n'a pas apporté ses compositions. Mais il a inscrit au programme Why Should There Be Stars, un thème qu'il avait joué, en accompagnateur (avec aussi Geri Allen) dans une disque de la chanteuse Mary Stallings voici près de 15 ans (et qu'il me paraît jouer ici en pensant à The Peacocks, le chef-d'œuvre de Jimmy Rowles). La musique est profondément vivante, un peu à l'ancienne, en ce sens que l'on semble avoir privilégié l'esprit du live plus que la production sophistiquée. Tous ont voix de soliste, et le chorus du leader s'efface parfois dans les brumes du mixage (New Breed). Je ne sais pas pourquoi, mais en l'écoutant je pense parfois à Art Farmer et à Booker Little. Bref c'est un (très) bel et bon disque de jazz.

Xavier Prévost

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Le quintette sera en tournée cet automne : à Limoges le 15 novembre, à Saint-Malo le 16, et à Paris (Sunside) les 22 & 23

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Un extrait sur Soundcloud

https://soundcloud.com/highnote-savant-records/bookendz-from-blue-dawn-blue-nights

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1 octobre 2019 2 01 /10 /octobre /2019 15:31
LES QUATRE VENTS  Perrine Mansuy, Christophe Leloil , Pierre Fenichel, Fred Pasqua

LES QUATRE VENTS

Perrine Mansuy(p), Christophe Leloil (tp et bugle), Pierre Fenichel (cb), Fred Pasqua( dms).

Label Laborie LJ56/ Socadisc

Sortie le 27 septembre.

 

Cinquante septième disque de Laborie, label découvreur de talents d’ Emile Parisien à Yaron Herman, de Paul Lay à Anne Paceo, Les quatre vents est sorti la semaine dernière, pendant le festival de l’ERMIJAZZ, au Studio de l’Ermitage (Paris 20 ème). Perrine Mansuy a déjà deux CDs à son actif avec le label limougeot, Vertigo Songs en 2011 et Rainbow Shell en 2015. Elle apparaît donc logiquement comme le fil conducteur de ce nouvel album.

Mais Les Quatre vents est aussi un collectif sudiste, créé en 2017, qui travaille avec la structure marseillaise Arts & Musiques. Normal, puisque les musiciens qui le constituent, s’ils ne sont pas tous marseillais d’origine, habitent à présent dans la cité phocéenne, et dans le même quartier, qui plus est. Le vent dont il est question pourrait-il être ce bon vieux mistral qui libère le ciel des nuages et autorise ce bleu si pur? Ou comme dans le titre du contrebassiste Pierre Fenichel, “Libeccio”, ce vent chaud, venu du sud, de Corse. Toujours la Méditerranée. Mais il n’est pas question sous les cieux de cette “mare nostrum” d’exalter le tragique mais la libre circulation du souffle (en l’occurrence, celui de Christophe Leloil, à la trompette) et des échanges animés entre ces quatre voix complices et complémentaires. Pas de leader en effet, leurs 9 compositions, de durée sensiblement égale, ont une cohérence qui puise dans une énergie  commune inspirée des éléments, l’eau, l’air, mais aussi le feu, selon leurs humeurs et tonalités.

Parti sur un tempo rapide, Christophe Leloil caracole en tête sur “Time eats up alive”, pune composition de la pianiste qui souligne la frénésie,  l’agitation inutile de notre temps...Le rythme s’adoucit avec “Kin hin”, délicieuse ballade aux cordes enveloppantes de Pierre Fenichel, arrimée par un chorus de sa contrebasse subtile, à la deuxième partie de ce qui constitue une petite suite “Prima Luce”.

Les énergies libérées se déploient dans plusieurs directions dans une musique généreusement expansionniste qui donne à chacun espace et liberté. Un jazz toujours vif avec les interventions agiles, brillantes de Christophe Leloil, qui stratosphérise volontiers de ses aigus clairs, tranchants, puissants. Même s’il est capable de pianissimos voluptueux, le trompettiste normand, Marseillais de coeur à présent, prend des chorus volontiers solaires, soutenu par le drive rebondissant, continu de Fred Pasqua qui doit décidément aimer les trompettistes puisqu’il joue aussi beaucoup avec Yoann Loustalot. C’est le seul des quatre à ne pas avoir donné (encore) de compositions au groupe mais il a su trouver sa place et se couler dans l’esprit de ces camarades de jeu.

La musique se crée dans l’instant sous leurs doigts experts: une sérénité teintée de mélancolie dans les variations de Perrine Mansuy, parfois encline à la contemplation comme dans les miroitements de sa “First Light on Muskoka”, qui traduit ses impressions d’un soleil levant sur un lac canadien. La pianiste fait entendre une voix de plus en plus affirmée, lyrique sans oublier d’être aussi percussive.

Voilà une musique de grande fluidité mélodique, se révélant pleine d’élan et d’allant jusqu’au final, une "chanson" de la pianiste “West of the Moon”(clin d’oeil au “East of the Sun, West of the Moon?”).

Une aventure collective réussie à qui l’on prédit un bel avenir, avec Laborie, “au sud du nord”, en quelque sorte…

 

Sophie Chambon

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30 septembre 2019 1 30 /09 /septembre /2019 11:49

 

Jacky Terrasson (piano, clavier, chant), Thomas Bramerie, Géraud Portal, Sylvain Romano (basse), Ali Jackson, Gregory Hutchinson, Lukmil Perez (batterie). Recall Studio, Pompignan, 12-19 juin 2019. Blue Note-Universal.

 

Une séquence rétro pour commencer : le premier concert de Jacky Terrasson qui me revient en mémoire eut lieu en 1996 au New Morning pour les 15 ans du club fondé par Eglal Farhi, disparue ces derniers jours. Le pianiste y jouait aux côtés d’un maestro de la basse, Ray Brown.  Peu après le lauréat du prix Thelonious Monk  surprit le milieu du jazz par une version toute pacifique de La Marseillaise qui aurait du plaire à Jacques Chirac, fan de musiques militaires et de Frank Sinatra.

 

L’actualité du pianiste franco-américain, c’est la sortie de son quinzième album en leader, intitulé simplement 53, pour rappeler son âge (il les fêtera le 27 novembre prochain). Comment marquer les esprits après trois décennies sur scène ? Jacky Terrasson  est revenu à la formule classique du trio (« celle où je me sens le plus libre ») tout en proposant uniquement ses propres compositions, si ce n’est une évocation brève (moins de 90 secondes) du Requiem de Mozart (Lacrimosa).


Pour mettre tous les atouts de son côté, le pianiste a retenu trois rythmiques différentes. Au gouvernail, Jacky Terrasson mène son équipage avec une main ferme, véloce, et un lyrisme séduisant.  Un hommage de belle manière à quelques maîtres (Ahmad Jamal dans le titre d’ouverture, ‘The Call’, Keith Jarrett dans ‘Kiss Jannett for Me’),  des accents bop, funky, pop :  en seize titres bien concentrés, le pianiste transmet à chaque note une jubilation de haut vol.  La classe !

 

Jean-Louis Lemarchand

 

En concert : le 4 octobre à La Rochelle, le 30 novembre au festival Jazz au fil de l’Oise, le 7 décembre à Bordeaux et le 12 décembre au New Morning (Paris).

 

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29 septembre 2019 7 29 /09 /septembre /2019 20:22

Jacques Chirac, Miles Davis et Frank Sinatra


S’il avait une certaine idée de la France, comme le général de Gaulle, Jacques Chirac, décédé le 25 septembre à 86 ans à Paris, n’avait jamais caché son affection pour les Etats-Unis. Le Président de la République (1995-2007) aimait à rappeler comment il avait découvert le pays de George Washington en 1953, en tant qu’étudiant à Harvard mais aussi dans différents emplois saisonniers, garçon dans un restaurant Howard Johnson à  Cambridge (Massachusets), cariste à St Louis ou encore journaliste au New Orleans Times-Picayune.  
Nul doute qu’au cours de cette année passée aux Etats-Unis le futur homme d’Etat aura découvert les musiques diverses, élément majeur de la culture américaine. Passionné des cultures du monde, et notamment des Arts Premiers auquel il consacra un musée quai Branly, amateur de poésie chinoise, Jacques Chirac eut l’occasion de témoigner de son penchant pour les musiques improvisées.  
En 1989, alors Maire de Paris, il avait organisé une réception à l’Hôtel de Ville en l’honneur de Frank Sinatra qui effectuait une tournée avec Dean Martin et Sammy Davis Junior et lui avait remis la plaque du bimillénaire de la ville de Paris. Ce jour-là, Jacques Chirac, se souvient un journaliste présent, Jean-Baptiste Tuzet, futur fondateur de Crooner radio, s’était lancé dans un discours en anglais extrêmement chaleureux et drôle avec des jeux de mots relatifs à de grands succès interprétés par l’artiste tels que «  Strangers in the Night », auxquels Frank Sinatra avait répondu par « April in Paris ».  
Cette même année, le futur chef de l’Etat avait remis la grande médaille de Vermeil de la ville de Paris à Miles Davis, nouveau témoignage du respect que portaient l’ami des américains et la ville-lumière  au prince de la trompette.
Longtemps, Jacques Chirac aura laissé croire que ses seuls centres d’intérêt personnels étaient les romans policiers, les westerns et la musique militaire. Ainsi, avait-il confié en souriant à un proche, « j’ai eu la paix pendant vingt ans sur la question de mes goûts culturels ». La vérité était tout autre.
Jean-Louis Lemarchand

 

 

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