Le jazz a toujours fait partie de la vie de Jean-Pierre Marielle (1932-2019). La biographie signée Stéphane Koechlin, connaisseur du monde de la « note bleue », vient le rappeler à ceux qui n’ont pas eu la chance de rencontrer dans les clubs parisiens cet acteur au port altier et à la voix de bronze. « Il n’y allait pas pour être vu. Il s’asseyait à l’écart à une table puis écoutait », témoigne ainsi René Urtreger, un de ses amis rencontré au service militaire.
Là, dans les clubs et les concerts, Marielle croisa la route d’un autre fan de jazz, Alain Corneau. Le metteur en scène s’en souvint quand il proposa en 1990 à l’acteur de théâtre, le camarade de Conservatoire de Belmondo, Rochefort, Cremer et autres, le rôle de monsieur de Sainte Colombe, le vieux maître de viole dans ‘Tous les matins du monde’. Devant les hésitations de l’interprète inoubliable du vrp en parapluies reconverti en peintre des Galettes de Pont-Aven (1975) à endosser le costume d’un homme grave, Corneau lui lança : « Imaginez que vous jouez Lester Young ». Stéphane Koechlin note : « Il n’en fallait pas davantage pour convaincre Marielle ».
L’acteur qui pouvait s’enfermer des jours et des nuits pour écouter du jazz, aimait Billie Holiday, Art Pepper et Ornette Coleman et vouait une grande admiration aux musiciens : « nous (les comédiens) sommes des fumistes à côté ». Leur capacité à improviser le bluffait, lui qui aimait dans son métier d’acteur la possibilité de « permettre à son imaginaire de s’envoler ».
Fruit d’une longue enquête, s’appuyant sur de nombreux témoignages de proches (Belmondo, Tavernier, Blier), la biographie de Stéphane Koechlin éclaire sous toutes ses facettes la personnalité de Jean-Pierre Marielle, ainsi présenté par le comédien Henri Guybet : « Un acteur surdiplômé : il sait analyser un texte et a l’intelligence de son physique. Il peut tout jouer, Marivaux, Racine, les bellâtres avec une très grande sincérité mais avec un décalage qui nous dévoile le ridicule ».
Jean-Louis Lemarchand.
Stéphane Koechlin, ‘Jean-Pierre MARIELLE, le Lyrique et le Baroque’. 406 pages. Editions du Rocher. Octobre 2019.