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2 octobre 2011 7 02 /10 /octobre /2011 18:40

Damaged by the Sun

 A film by Stephane Sinde

Freedom Now

La Huit   www.lahuit.com

Concert filmé le 14 avril 2010 à la Dynamo de Banlieues Bleues

Anthony Coleman

(La chronique de Sophie Chambon)

Pianiste et claviériste reconnu de la scène Downtown de New York, accompagnateur de John ZORN (Naked City), de Marc Ribot mais aussi de David Krakauer dans son premier Klezmer Madness, Anthony Coleman  est l’une des figures intéressantes à suivre en interview et à capter en concert, puisqu’il prolonge en quelque sorte la grande tradition du piano jazz (noir) américain (de Jelly Roll Morton à Cecil Taylor, sans oublier les fondamentaux Duke Ellington et T.S Monk) et fait le lien avec la musique contemporaine (Morton Feldman) .

En première partie du programme proposé, nous suivons un concert enregistré dans le cadre du festival de Banlieues Bleues, pour La Huit, qui suit, au travers de ses productions, la devise fort  juste « Listen to the film, watch the music ».

Une musique de l’instant, intensément poétique, intermittente, jouée par ce quartet  composé d’Ashley Paul à l’alto, Brad Jones à la contrebasse, et Satoshi Takeishi à la batterie et aux percussions. Beaucoup de gros plans enserrent chacun des instrumentistes, se focalisant sur des détails de leur instrument ou de leurs mains. Des visions brûlées de déserts (on pense au Mojave en Californie avec ses agaves et aloès), des paysages où la couleur des sols et de la végétation apparaît comme  rongée. Le crédit photographique indique pour ces derniers, l’abbaye de Faget dans le Gers. Mirages, oniriques visions de cette musique prenante, entre plaintes, chuchotements et mélopées planantes, entrecoupées d’images surexposées d’une femme – de son ombre qui tourne sur elle même. Les fonds sont comme gommés, neutralisés, ne laissant place qu’au jeu des lignes en mouvement. C’est un vrai phénomène de transe, on l’avait compris, que génère cette musique cristalline et fluide : elle s’empare de la jeune altiste qui chante dans son instrument, les yeux clos. Ces cadrages étranges donnent une vision parcellaire de la musique qui continue sur le générique de fin -que l’on est presque surpris de voir arriver- tant cette musique pourrait se prolonger encore. Vision délavée plus que floue, en continuité avec le titre du programme. On aime bien l’idée que le soleil puisse ne pas être toujours bénéfique, source de lumière et de vie mais aussi capable de tragique. Voilà des préoccupations esthétisantes qui peuvent déconcerter dans leur résultat : il est vrai que se pose à chaque fois, la question de savoir filmer la musique et l’improvisation, comment intercaler images réelles, symboles ou métaphores comme la pellicule kodachrome brûlant dans des flammes finales…

Après cet exercice de style, sans transition, un long bonus nous permet de suivre Anthony Coleman jouant Jelly Roll  Morton et donnant son sentiment sur la musique. Et le jazz revient dans l’allégresse, l’entretien étant  illustré de compositions  « Frog-I-more rag », « Jungle Blues », « King Porter Stomp », «The Crave » joyeusement exécutées : la posture est différente, le swing tout de même, ça ragaillardit son homme. 

L’interview se poursuit passionnante, éclairant le parcours d’un pianiste et sa conception de la musique : il balaie son époque, où dominait plutôt le rock - il aima Jimi Hendrix qu’il alla écouter au Madison Square Garden -mais il avait aussi un amour tout particulier pour Scott Joplin. Intéressé ensuite par toutes les musiques, il se posa vite la question « What comes next ?» et rapidement étudia les pianistes de stride, puis Duke et ainsi de suite, suivant la chronologie du jazz, musique dont on pouvait encore écouter les disques dans les magasins spécialisés.

Il n’est pas peu fier d’avoir ainsi tout assimilé de cette musique dans l’ordre. Il connait donc la tradition sur le bout des doigts, ce qui peut expliquer entre autre, ses échappées vers le klezmer avec  David Krakauer. Même s’il reconnaît la place prédominante de Monk, Jelly Roll a tous ses suffrages : il en est un fervent collectionneur (partitions, disques, enregistrements divers y compris d’Henry Threadgill et Mary Lou Williams). Une fois encore se pose la question existentielle du jazz, musique d’improvisation ou de composition ? Et aussi celle de la technique. Depuis Monk, la tradition serait de mettre un point d’honneur à ne pas se concentrer sur la technique pour atteindre la vérité. Entre Robert Johnson et  Aaron Copland, Anthony Coleman choisit sans hésiter le bluesman.

Le seul regret de ce bonus est qu’Anthony Coleman ne continue pas l’entretien  en faisant la liaison avec la musique contemporaine et son jeu actuel. Il manque certains chaînons dans la progression et l’évolution de ce musicien passionnant que l’on découvre ici.

Sophie Chambon

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30 septembre 2011 5 30 /09 /septembre /2011 06:56

Un film de Stéphane Sinde

La Huit – Edition  Freedom Now

 Anthony-Coleman.jpg

 

(CHRONIQUE DE JEAN-MARC GELIN)


Un film sur l’un des acteurs majeurs de la scène New-Yorkaise comme l’est le pianiste Antony Coleman, membre de la grande planète zornienne, bouillonnant génie archétypique de l’intellectuel-artiste New-Yorkais, est forcément en soi un document indispensable.

 

Ce document prend une double forme curieusement très contradictoire.

 

La base de ce DVD est en effet un concert donné par le quartet d’Antony Coleman dans le cadre de Banlieues Bleues en avril 2010. Il y était entouré de Ashley Paul ( saxophoniste minimaliste), de Brad Jones à la contrebasse et de Satoshi Takeishi à la batterie. Grand moment d’intensité autour d’une maîtrise admirable du son, de cette économie de notes qui vise à l’émergence de l’essence même du son. Lorsqu’il ne reste plus rien qu’une infime note étirée et même suggérée. Tout y est esquissé dans un remarquable moment de concentration extrême et d’écoute où le fil tenu du son tendu entre les quatre membres de ce quartet avec une infinie précaution n’a jamais semblé si fragile. Très intense expérience.

Malheureusement le film a aussi le défaut de ses avantages. Tout y est systématiquement filmé en gros plan, sans jamais n’avoir aucun plan large qui nous permettrait d’appréhender le quartet dans son ensemble. Du coup on passe sans cesse de gros plans en gros plans, parfois superbes au demeurant (Stéphane Sinde a un art absolu dans sa façon de filmer les mains) mais aussi parfois usants. Viennent s’insérer des images d’une poésie un peu «  bateau » censé illustrer le propos ( Damaged by sunlight) dans une esthétique un peu conventionnelle entre désert brûlé et femme-derviche. On adhère que moyennement.

 

Mais l’essentiel est ailleurs et surtout dans le bonus, absolument passionnant.  Alors que l’on vient d’achever ce concert aux formes ultra dépouillées, paradoxalement c’est dans le bonus qu’Antony Coleman nous dit sa passion pour Jerry Roll Morton, maître du ragtime, aux antipodes donc de ce que nous venons d’entendre. Coleman s’exprime ainsi sur la génèse de cet amour compulsif pour Jerry Roll Morton ( sa façon d’avoir dévoré méthodiquement tout le jazz d’une façon chronologique),  sur la composition (« composer du jazz est pour moi quelque chose de très actuel, ce n’et pas un oxymore »), sur la technique ( très intéressant quand il parle de Monk et de sa dynamique dans les aigus qui contribue à la tension de sa musique). Et c’est somme toute cette longe deuxième partie ( bien plus qu’un simple bonus) qui captive totalement. Partie magnifiquement entrecoupée de superbes interpretations de thèmes de Jerry Roll Morton dont Antony Coleman connaît toutes les partitions.

Ce qui nous vaut d’ailleurs au passage une version absolument splendide de King Porter Stomp à ne manquer sous aucun prétexte.

 

De quoi nous laisser un petit regret, celui de ne pas avoir consacré un reportage entier sur l’oeuvre du pianiste, à l’image de ce que la Huit avait réalisé sur Marc Ribot, l’ami de toujours du pianiste New-Yorkais.

Jean-marc Gelin

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26 septembre 2011 1 26 /09 /septembre /2011 14:48

Such Prod 2011

Sortie le 29 septembre

David El Malek (ts), Alex tassel (fch), Franck Agulhon (dm), Diego Imbert (cb)

diego-imbert.jpg 

C’est avec le quartet pianoless qu’il a créée en 2007 que Diego Imbert publie son deuxième album. Diego Imbert (que l’on connaît pour le rôle important qu’il a longtemps joué aux côtés de Bireli Lagrene ) ou encore aux côtés de Sylvain Beuf (où il joue avec Franck Aghulon) est aussi un amoureux de l’écriture et de la composition. Les atmosphères vaporeuses et presque Shorteriennes sont là pour nous séduire ( November’s rain). Tout y est bien cadré, bien contrôlé dans une écriture très précise qui évite l’écueil du trop d’espace ou du trop dense. Appuyés par une rythmique que l’on sait depuis longtemps exceptionnelle ( l’association Imbert/ Aghulon est remarquable), les deux solistes trouvent de l’espace en questions-réponses, en contrepoints, en contrastes. Ça joue et ça joue à haut niveau. Alex Tassel qui (avouons-le honteusement) ne m’avait jamais bluffé jusqu’à présent prend ici une dimension magnifique, comme si le trompettiste avait enfin trouvé une voix plus personnelle dans l’expression de son jeu. Dans cette nouvelle maturité, il y a  de l’ampleur.

 

Cette belle écriture pourrait aussi bien nous laisser sur notre faim. A vouloir absolument privilégier les harmoniques il se crée des espaces qui parfois se perdent dans leurs développements. C’est vrai dans le cas des Suites qui ouvrent l’album et appellent à une orchestration plus large. Si Fitfth Avenue semble aussi peiner à trouver une construction, il est en revanche prétexte à l’expression d’un groove qui emporte tout. Ce groove irrésistible, torrent sage qui nous embarque et que l’on retrouve dans ce Barajas qui convainc et qui confirme Diego Imbert en véritable socle indéfectible qui affiche ici des épaules larges, des épaules de géant, véritable colonne dorique. Comment alors, lorsque l’on est soliste et que l’on a la chance de jouer avec ces deux pièces maîtresses, ne pas se sentir emportés, portés par le mouvement du groove.

On entend distinctement cette affection de Diego Imberrt pour ce jazz de l’après-bop, ce jazz exigeant nimbé de volutes bleutées qui sentent la moiteur des clubs et les odeurs de Whisky. J’ai Joe Henderson en tête un soir dans un club D’Oakland. Pourquoi pas.

Puis à partir de Next Move et jusqu’à la fin de l’album, la musique prend une autre tournure. Non pas qu’elle perde sa nervure. Non. Elle est juste dans cette lumière tamisée qui nous égare dans ses méandres où il est surtout question du « son » du quartet. Ces méandres qui ont le charme du Quintet de Miles. Sauf qu’ici ils sont 4 qui jouent avec une économie de moyen, en emphase totale, attentifs à créer ensemble ce mouvement sensuel qui dérive lentement. On se laisser porter par l’aire, avec un plaisir suave. La respiration de la musique se ralentit et le torrent sage devient alors source de sérénité et de zénitude.

Jean-Marc Gelin

 

extrait du précedent album

 

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19 septembre 2011 1 19 /09 /septembre /2011 07:47

Le Chant du Monde 2011

Gilad Hekselman (g), Mark Turner (ts), Joe Martin (cb), Marcus Gilmore (dm)

 giladhekselman.jpg Le 3ème album du guitariste israélien basé à New York est, à la différence des 2 précédents, entièrement basé sur ses propres compositions. Pour l’occasion, le jeune guitariste est allé chercher ses camarades de jeu avec lesquels il se produit régulièrement sur les scènes de New York, un quartet de haute volée avec Mark Turner au ténor, Joe Martin à la contrebasse et Marcus Gilmore à la batterie.

Ceux qui ne connaissaient pas Gilad Hekselman vont alors découvrir la fraîcheur de ce guitariste qui affiche ici ses dévotions obligatoires (pour tout jeune gratteur qui se respecte) pour les volutes Métheniennes et Rosenwinkeliennes. On pourra certes faire une moue médusée sur les compostions un peu stéréotypées et un peu fumeuses, qui laissent place au jeu de l’ impros sans toutefois proposer de réels développements.  On pourra regretter ainsi la longueur d’un morceau comme One more song qui tourne un peu en rond si ce n’était le swing d’une valse jazz inspirée. Mais comment être insensible à la grâce et à la fraîcheur qui se dégage de cet album. Car avec ce quartet-là c’est véritablement, la rencontre des subtils. Il faut entendre le jeu de Gilad, jeu fait d’aisance stylistique, de phrasé souple et surtout d’un vrai feeeling sur des motifs harmoniques pourtant complexes. On pense ( ou plutôt JE pense à Tal Farlow). Gilad varie les genres et les effets. Sur Flower il se montre d’inspiration plus proche de Frisell dans des nuances bleutés alors qu’il évoque plus loin l’agilité d’Octopuss. Toujours effleure au fil de ses compositions, la sensibilité du guitariste. Juste belle.

Feeling. C’est bien de cela dont il s’agit dans le jeu de Mark Turner qui éclate littéralement . Du très très grand Mark Turner. A chacune de ses interventions, le ténor survole son sujet. Totalement aérien. Ses envolées sur Understanding font montre d’une grâce infinie. L’élégance de Mark Turner dans toutes ses formes. Qu’il s’agisse d’un blues un peu sale ou d’une valse, la classe de Mark Turner est immense et il faut entendre sur One More song  ce contrôle du son tout en nuances ou sur Understanding qui est juste un modèle de chorus, modèle de sensibilité, de grâce (Géantissime), Mark Turner enfin comme libéré de quelque chose, Mark Turner qui ne tergiverse plus, Mark Turner réellement Mark Turner.

Si l’on rajoute derrière ces superbes solistes une rythmique qui tient la boutique avec un Joe Martin infaillible à la pulse néanmoins un peu lourde avec un Marcus Gilmore ( Steve Coleman, Vijay Iyer) au jeu de baguettes au contraire très léger, et vous avez un quartet qui tourne vraiment bien.

Pas un album grandiose certes (passera vite à la trappe d’un oubli peut être immérité), mais en revanche une trace très sympa de ce guitariste bourré de talent qui devrait faire la gloire des clubs de Big Apple et qui pour l’occasion s’est associé à du très grand Mark Turner. Rien que pour ces deux raisons, cela vaut assurement le détour

Jean-Marc Gelin

 

SORTIE LE 29 SEPTEMBRE 2011

En concert au Duc des Lombards le 21 novembre 2011

 

 

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14 septembre 2011 3 14 /09 /septembre /2011 10:35

Laborie Jazz 2011

Perrine Mansuy (p), Marion Rampal (vc), Jean-Luc Difraya (perc), Remy Decrouy (g)

perrinemansuy.jpg

 

C’est une invitation au voyage poétique fait de moments d’émotions fortes, de drôleries, de danses et de ritournelles. C’est parfois une féerie crépusculaire. C’est du jazz et de la pop tout à la fois qui rappellent Jarrett souvent par le piano ( wandering dream), qui fait parois penser à Joni Mitchell par la voix et qui sonnent même comme Ralph Towner dont il est ici repris un thème ( Beneath an evening sky). C’est même parfois du cabaret-tango sulfureux (Tango juice). C’est, figurez vous, drôle aussi avec ce clin d’œil décalé à Monk ( Listen to Monk en fait Ryhtm a Ning)

C’est aussi la rencontre de quatre musiciens

C’est le piano de Perrine Mansuy qui signe là de superbes compositions axées sur la mélodie, le chant, la narration, l’histoire presque cinématographique. C’est cette façon de se balader sur le clavier, de le chalouper délicatement, de donner cette impression de danse, de faire danser les doigts sur le clavier apprivoisé, de danser autour des mélodies, de danser-voleter sur des tourneries qui emportent tout.

C’est la voix  pour ma part totalement découverte ( révélation !) de Marion Rampal, qui à la manière d’une Jeanne Added ouvre de ces nouveaux horizons dont on rêve dans le jazz vocal. C’est cette voix si personnelle qui, sur tous les registres fait vivre toutes les émotions avec un naturel désarmant. C’est la pureté et la douceur du timbre. C’est cette intimité de la voix et de l’accompagnement de Perrine Mansuy.

C’est Jean-Luc Di Fraya qui ici ne chante pas mais fait vibrer la musique avec une incroyable finesse aux percussions. C’est la pulse délicate et soyeuse qui éclaire la musique.

C’est Remy Decrouy dont la guitare donne à l’inverse cette couleur parfois un peu sombre du rock ténébreux ( Beneath an evening sky) et dont les samples sont maniés dans une recherche sonore qui flirte avec le sens du délicieux détail.

 

C’est cela, exactement, cette rencontre des quatre qui se sont chacun trouvé sur le terrain de cette musique au charme irrésistible.

 

C’est un moment de rires et de larmes, de passions fortes et douces.

 

C’est un pur moment de grâce et cela m’a ému.

Jean-Marc Gelin

 

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12 septembre 2011 1 12 /09 /septembre /2011 19:29

Sunnyside Records 2011

Adam cruz (dm), Steve Cardenas (g), Edward Simon (p) ; Chris Potter (ts), Miguel Zenon (as), Steve Wilson (ss), Ben Street (cb)

adam-cruz-milestone1.jpg

 

Étonnant microcosme New-Yorkais qui n’en finit pas de voir émerger en son sein des jeunes talents du jazz  que nous découvrons de ce côté-ci de l’Atlantique avec un certain retard.

Adam Cruz n’est pourtant pas un nouveau venu. Après 20 ans de carrière, le batteur a tourné avec les plus grands qu’il s’agisse de Chick Corea, de Patricia Barber,de Tom Harrell ou de Danilo Perez ou Daniel Sanchez. C’est sous le label Sunnyside que le batteur signe aujourd’hui son premier album en leader, autour de ses propres compositions et avec un casting de luxe.

Dans une mouvance post-Shorterienne en un poil plus funky, « Milestone » offre une image assez fidèle de ce jazz raffiné qui se joue aujourd’hui dans les clubs de big apple. Et le moins que l’on puisse dire c’est que « ça joue » ! Et à très haute altitude. Une rythmique ultra efficace et raffinée donne une sorte d’écrin plutôt classe à des solistes, tous remarquables. Au premier rang desquels, fidèles parmi les fidèles Steve Cardenas (à la guitare) et Edward Simon (au piano), peut être moins en lumière que les soufflants contribent à ancrer ce sextet dans un vraie cohérence de groupe.

Un groove sous-jacent et délicat, jamais lourd mais omniprésent comme une véritable rampe de lancement qu’Adam Cruz, avec Ben Street à la contrebasse offrent à leurs camarades.

Chis Potter toujours au sommet y apporte ici un son plus inhabituel, plus sauvage. Une sorte de « wild tone » dès l’ouverture de l’album où il déchaîne une foudre coltranienne  presque trash ( Secret life). Miguel Zenon, autre soufflant à l’alto fait lui aussi parler sa verve et le fow irrépressiblement Parkerien aux accents latins (Emjé). Plus rare à entendre dans notre pays, Steve Wilson quant à lui culmine et y apparaît selon moi comme l’un des héros de cette session (Outer reaches). Et derrière ce fameux groove surgissent parfois des moments très épurés qui surgissent parfois dans l’album ( Resonnance ou Crepuscular), moments de flottement des harmonies dans une sorte d’entre-deux captivant.

Si l’on peut regretter que parfois, certaines des compositions d’Adam Cruz tournent un peu en rond et doivent leur salut à la grande musicalité de ses interprètes ( comme si elles ne se suffisaient pas toujours à elle mêmes, ex Ce Bird of Paradise un peu mollasson),  il n’en reste pas mois qu’Adam Cruz nous offre le témoignage de ce qui se fait de vraiment bien dans le jazz aujourd’hui lorsqu’un groupe cohérent et solide s’attache à une esthétique assumée et offre un beau terrain de jeux à des solistes inspirés.

Jean-Marc Gelin

 

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10 septembre 2011 6 10 /09 /septembre /2011 21:32

 

C'etait ce samedi après-midi.

Le plaisir de recevoir sur le plateau de jazzbox, Reggie Washington, l'immense bassiste de Cassandra Wilson, de Brandford Marsalis que l'on retrouve notamment dans le dernier album de Malcom Braff à paraître.

A retrouver sur le site de jazzbox sur Aligre Fm 93.1

 

Reggie Washington sera au New Morning le 20 septembre avec son trio : Jeff Lee Johnson à la guitar et Gene Lake à la batterie.

A ne pas louper

 

photos-2011-2012-0306.JPG

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8 septembre 2011 4 08 /09 /septembre /2011 21:31

Body And Soul Documentaire franco-italo-allemand

Sortie Août 2011 (1h42)

Michel-Petrucciani-Film-de-Michael-Radford.03.jpg

 

 

Il est difficile de ne pas céder à l’émotion devant le documentaire de Michael Radford

consacré à Michel Petrucciani, qui mourut en 1999, le 6 janvier, à l’âge de 36 ans, après un parcours hors norme. On comprend que le film ait été présenté en avant-première à Cannes cette année, car la vie de Michel Petrucciani vaut bien un roman. Et méritait d’être filmée en tous les cas.

Cette biographie est illustrée d’archives rares, d’extraits de concerts tournés au plus près, d’interviews de la « caravane » de fidèles, le premier cercle des intimes, ses compagnes, les producteurs Jean-Jacques Pussiau, Francis Dreyfus, le cinéaste Frank Cassenti (dont on se souvient du  beau portrait sur Arte, Lettre à Michel Petrucciani, en 1983), le journaliste  Pierre Henri Ardonceau…(1) Beaucoup de musiciens témoignent comme Aldo Romano, qui avait le privilège de le porter sur la scène, comme un enfant. Car Petrucciani se déplaçait difficilement avec des béquilles et confiait ce soin à ses proches, y compris ses femmes.

Atteint d’une maladie très rare des os qui l’empêchait de grandir, Petrucciani eut très vite conscience que ses jours étaient comptés. Il n’eut alors de cesse d’accomplir ses rêves, de vivre furieusement, sans compter, et de se consacrer à la musique ! Il ne se souciait pas vraiment de l’avenir, mais il n’aimait pas perdre son temps ni rester immobile. Seule la musique pouvait le faire tenir tranquille, au piano.

Né dans une famille de musiciens, dès la petite enfance, il est encouragé, poussé par un père plutôt sévère qui tenait un magasin de musique, à Montélimar. « Petru » écoute inlassablement les disques pour apprendre les mélodies et efface systématiquement toutes les cassettes de cours par correspondance pour enregistrer de la musique. Immensément doué pour tout ce qui l’intéressait, il apprit parfaitement l’anglais en six mois, slang compris.

Il décide de partir très vite à l’ouest pour vivre le rêve américain, et c’est à Big Sur en Californie qu’il rencontre sa première femme Linda, descendante d’un chef Peau rouge (selon ses dires) et surtout le saxophoniste Charles Lloyd avec lequel il jouera longtemps. Il mène grande vie : limousines, avions, hôtels cinq étoiles, circuit des grandes salles et festivals, heureux de cette flamboyance qui durera une dizaine d’années, entre Californie et Côte Est. Car il choisit de s’installer à New York, ville mythique aux innombrables clubs de jazz comme le Village Vanguard : il y fait des rencontres décisives, respire le même air que ses idoles, Freddie Hubbard, Chick Corea, Herbie Hancock, Wayne Shorter…   A 22 ans, en 1983, il entre dans la légende, car il est le premier Français à signer sur le prestigieux label Blue Note.  Quelle est sa place exacte dans l’histoire du jazz ? Le film ne le dit pas. Mais Francis Dreyfus lui donna ce précieux conseil : « Trouve ta propre histoire et tiens là…ne fais pas du Bill Evans. Car si Petrucciani possédait toute la tradition du jazz, il était sous l’emprise de Bill Evans.

Assez tardivement, le film révèle quelques traits forts de sa musique : une main droite étonnamment forte, la capacité de créer des lignes mélodiques fascinantes et de les tenir, une technique forcément inimitable de par la nature même de son handicap. Il apparaît surtout qu’il jouait follement, exagérément, en puissance, se fracturant en permanence bras, coude, clavicule, doigt, mais il continuait, semblant ignorer la douleur…  

La dernière partie de sa vie coïncide avec son retour en Europe, il est alors une  super star, mais il a vieilli de façon accélérée, usé par trop d’excès, et les attaques de sa maladie sont impitoyablement rapprochées. Epuisé par le rythme effréné de concerts -plus de 220 par an- il laisse venir la mort, qu’il appelle de par sa vitalité même.

Il dévorait la vie et tout ce qui s’offrait à lui, sans chercher à savoir si c’était bien ou mal. Amant généreux, il attirait les femmes et il collectionna les aventures, mais se maria plusieurs fois ; iI adorait le changement, capable de quitter  immédiatement la compagne du moment. Il  y en eut une cependant avec qui il voulut faire un enfant qui malheureusement est atteint de l’ostéogénèse imparfaite. Alexandre intervient d’ailleurs dans le film -nul besoin de le présenter- il est la copie conforme de son père. L’instinct de vie, la pulsion irrésistible qui poussait Michel Petrucciani à se déclarer heureux malgré tout, pas moins « normal » que les autres, l’ont-il incité à parier ainsi sur la vie ? C’est un douloureux héritage qu’il aura laissé à son fils, conscient qu’il n’a pas beaucoup le choix, sur la crête étroite entre bizarrerie et exception.

Au fur et à mesure que le film déroule sa progression impeccable, on ressent toute l’ambiguïté, la fascination de l’artiste envers la mort : il a vécu dans la recherche effrénée de la jouissance, s’autorisant tous les excès, précipitant ainsi sa fin. Car Michel Petrucciani, ange difforme, ne pouvait être qu’une figure tragique. Et à ce titre, il aura alimenté le mythe, la liste tragique des figures musicales hallucinées qui se brûlèrent les ailes. Il a travaillé aussi consciencieusement, passionnément son instrument qu’il a contribué méthodiquement à sa propre fin : « Toute vie est bien entendu un processus de démolition » écrivait en 1936 Francis Scott Fitzgerald, qui connaissait le sujet, dans son recueil de nouvelles « La fêlure ».

Sophie Chambon

 

( 1) Il est dommage que ne soient pas cités un seul nom des témoins filmés ou interviewés.

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7 septembre 2011 3 07 /09 /septembre /2011 19:02

PING MACHINE : « Des trucs pareils »

Neuklang 2011

 PingMachine_desTrucs_w.jpg

 On retrouve ici, sous la direction de Fred Maurin, cette formidable mécanique bien huilée qu’est Ping Machine, big band flamboyant dont nous nous sommes fait déjà l’écho à plusieurs reprises dans ces colonnes (cf. notre précédente chronique de Random Issues) . Deux ans après Random Issues, Maurin montre et démontre à nouveau l’éventail de son savoir faire et surtout le foisonnement de ses idées orchestrales.

En développant ici les climats un peu sombres et glauques de polar ( c’est en tout cas ce que cela me suggère) et surtout en écrivant des mini suites ( Des Trucs pareils, Dissonances cognitives), le jeune guitariste chef d’orchestre fait entendre une musique forte et pleine de surprises, jamais linéaire, évoluant entre la densité de la masse orchestrale et le dépouillement extrême ( qui peut aller jusqu’à une partie où le sax joue purement et simplement seul).

Lire la suite : PING MACHINE : « Des trucs pareils »

 

Retrouvez ici l'interview de Fred Maurin

 

ping machine

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5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 19:33

Cristal records 2011

Michel El Malem (ts, ss), Marc Copland (p), Michael Felberbaum (g),Marc Burronfosse (cb),  luc Isenmann (dm)

 michel-el-malem.jpg


Il y a dans ce deuxième album du saxophoniste Michel El Malem ( le précédent avait été publié sur le label Fresh Sound New talent) une aventure beaucoup plus collective que dans le premier. Autant dans le précèdent album il s'agissait de la rencontre avec un musicien qui exprimait quelque chose de très personnel, comme une présentation de lui-même au public, autant dans cet album là il s'agit d'une rencontre musicale avec un groupe de haut niveau et surtout une rencontre avec un pianiste exceptionnel, Marc Copland dont on aurait juré son univers très éloigné de celui du saxophoniste.

Et pourtant c'est sur le chemin de thèmes aux harmonies chaleureuses qu'ils se rencontrent avec une certaine évidence.  Il y a, dans cet univers maîtrisé l'alliance de la douceur du groove et d'un jazz modal sous contrôle. Et ça tourne formidablement bien notamment parce que chaque membre du groupe y affirme une réelle personnalité musicale forte, tout en parvenant à se fondre dans  l'ensemble.

Les compositions sont superbes. Elles sont parfois un peu mélancoliques, mais toujours sans pathos juste avec l'effusion de sentiments forts. Une sorte de touchante tendresse que les résonances du clavier de Marc Copland mettent en valeur avec une certaine profondeur. Chaque intervention du pianiste y est magnifique, faisant sonner le medium grave de son clavier ou en allant chercher des renversements harmoniques et des accords d'une infinie richesse ( à entendre sur Reflets). Michel El Malem continue lui de s'affirmer dans cette lignée des saxophonistes dans une lignée très Breckerienne. Saxophoniste puissant et formidable improvisateur qui parvient à éviter tous les effets débordants pour au contraire maîtriser son lyrisme avec une force d'évocation saisissante. Il y a dans son jeu la force de Brecker (on l'a dit) mais aussi la fluidité d'un Shorter. Et un son magnifique ciselé dans le roc.

Michael Felberbaum est quant à lui une sorte de caméléon imprimant par la diversité de son jeu autant de couleurs différentes, allant chercher les oppositions à la couleur centrale pour mieux la faire ressortir par contraste (la fenêtre).

Et puis cette rythmique, ici parfaite dans l'intelligence de ce qu'elle doit jouer. Une rythmique affirmée et dont la présence est d'une grande cohésion. Marc Burronfosse, ici immense, confirme ce que nous écrivons depuis longtemps : il s'agit bien d'un de nos plus grands contrebassistes, essentiel et indispensable. Son association avec Luc Issenmann est lumineuse et contribue largement à la réussite de cet album.

 

Parenthèse apaisée, cet album magnifique est empreint d'une grande sérénité. Il fait partie de ces albums dont on peut espérer qu'il bénéficie d'une large distribution. Il le mérite grandement

Jean-marc Gelin

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