Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 mai 2012 6 26 /05 /mai /2012 16:00

 

Concert à l’Eglise de Saint Germain des Près dans le cadre du Festival de Jazz de Saint Germain des Pres

24 mai 2012

dewildedibattista.jpg

Par une nuit de printemps où la lune faisait un fin croissant dans le ciel se rencontraient deux musiciens phares de la scène du jazz européen : Laurent de Wilde au piano et Stefano Di Battista aux saxophones soprano et alto. Le Festival de Jazz de Saint Germain des Près avait la primeur d’une rencontre inédite puisque c’était la première fois que ces deux grands musiciens jouaient ensemble. Une première donc, pourtant si surprenante de maturité. En effet, tout au long du concert, la fluidité des échanges laissait à penser que le duo avait déjà derrière lui plusieurs mois de travail et de scène.

Le concert commença en douceur par une ballade composée par Stefano Di Battista, issue de son album « Woman’s Land », afin probablement d’apprivoiser l’acoustique particulière des ogives romanes. Mais le duo ne tarda pas à s’enflammer dès le deuxième morceau : un arrangement original et fiévreux du très beau « Invitation » de Bronislau Kaper, dont Laurent de Wilde avait déjà donné une version frappante dans son album Spoon-a-Rythm. Une invitation certes, sur laquelle le magnifique chorus du pianiste fit courir un frisson de grâce parmi le public. A la coda, comme sur beaucoup d’autres titres joués, le duo se lança dans une improvisation entremêlée sur laquelle le saxophoniste italien parcourut de longs arpèges et fit bruiter son saxophone alto.

Arriva ensuite une composition de Laurent de Wilde, « Over the Clouds », qui figure sur son dernier album du même nom. Une fois quelques bandes de patafix posées sur les cordes de son instrument, le pianiste transforma son Steinway à queue en balafon du Mali. La culture africaine de Laurent de Wilde se montra omniprésente tant dans sa façon de traiter la mélodie que l’improvisation sur ce morceau. Là encore, la maturité du duo lui permit de restituer l’intensité de la composition, ce, malgré l’absence de la section rythmique du disque. A la dernière reprise du thème, Laurent de Wilde fit apparaître un large sourire à l’attention de son compagnon de scène, lui signifiant certainement par là son ravissement et sa reconnaissance devant la nouvelle version qu’ils venaient de créer ensemble.

Suivit la composition fidèle du pianiste, « Edward K », qui l’accompagne, dit-il, depuis quinze ans, qui se transforme au fil du temps en se simplifiant pour devenir, selon ses termes  « un grand n’importe quoi » mais qui est « tellement tout » lorsqu’il la joue avec des musiciens comme Stefano Di Battista.

 

Sous l’ovation du public sonna enfin l’heure du « Grand Thelonious », celui sur lequel Laurent de Wilde publia un livre remarquable[1], celui dont John Coltrane disait qu’il était « un architecte musical du plus haut niveau »[2]. « Round Midnight », puis « Straight, no Chaser » furent entonnés par les deux musiciens. Deux morceaux parmi les plus connus de Thelonious Monk, que Laurent de Wilde revisita à sa façon, sans tomber dans le piège de l’imitation respectueuse du Maître auquel beaucoup de pianistes succombent, surtout lorsqu’il s’agit de toucher au sublime « Round Midnight », qui a pratiquement atteint de statut de « morceau sacré du Jazz». 

Afin de calmer les esprits Laurent proposa son « Bon Médicament » lequel, précisa t-il, lui « fait du bien ». Une belle balade, posée, apaisée, qui pourrait bercer un enfant. Le concert se clôtura comme il commença : par une composition de Stefano Di Battista, dédiée à sa petite fille et intitulée « Madame Lily Devalier ».

Le public enthousiaste fit sans tarder retentir le rappel et c’est en beauté que cette rencontre s’acheva. Nul doute que cette première communion musicale n’est pas la dernière et l’on attend déjà une nouvelle rencontre de ces deux grands du jazz. Mais pour le moment et comme le dit si bien Stefano Di Battista : Arrivederci !

Yaël Angel



[1] Laurent de Wilde, « Monk », 1996, Editions Gallimard, Collection l’Arpenteur

[2] Pascal Bussy , « Coltrane », 1999, Collection Librio Musique

 

retrouvez la chronique de Yael : LAURENT DE WILDE : « Over the clouds »

dewilde

 

et L'interview de Stefano Di Battista

stefano dibattista

Partager cet article
Repost0
24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 18:52


marylin-copie-1.jpgParution 23 avril 2012
TANA EDITIONS
456 pages (170x230mm)
Prix : 31 euros

Dans LE PETIT LIVRE A OFFRIR A UN AMATEUR DE JAZZ, du même éditeur TANA, on peut lire :
Le jazz se découvre en tous lieux, à tout âge et de mille manières : par la chanson, en discernant le groove incomparable d’Eddie Louiss dans les chansons de Nougaro ; par la danse et la comédie musicale avec le bondissant Gene Kelly dans  Un Américain à Paris ou Singin in the Rain ; par le cinéma  encore avec le chant si poignant de Marilyn Monroe, à la fin de Certains l’aiment  chaud, susurrant I’m through with love 

Dans le Marilyn  Monroe de A à Z, 200 photos et 200 entrées reconstituent les fragments d’un portrait- puzzle passionnant  de la star. Les références au jazz existent, dans les 30 films qui sont retenus à son actif,  dans les chansons qu’elle interpréta ( I wanna be loved by you, Specialization, Let’s make love, Incurably romantic, My heart belongs to Daddy...)
On apprend aussi au hasard des entrées que sa chanteuse préférée était Ella Fitzgerald (p.166), qu’elle eut une relation très particulière avec Frank Sinatra et les autres membres du « rat pack », qu’elle n’aimait pas chanter en public ...
Avec ce dictionnaire qui se lit comme un roman, ou se feuillette au gré de ses envies, on apprend beaucoup de choses sur le cinéma et l’Amérique : se dessine en filigrane  le portrait d’une époque où  le jazz régnait  de façon absolue ...

NB : Consultez sans hésitation l’index, la bibliographie et la filmographie  très complets.

Sophie Chambon

Partager cet article
Repost0
22 mai 2012 2 22 /05 /mai /2012 19:55

 

legrand.jpg

Mon voisin de corbeille à l’Odéon, un japonais, a passé une bonne soirée. Il était venu pour Monty Alexander. Il a eu droit à un récital de Michel Legrand, suppléant au pied levé le pianiste jamaïcain opéré d’urgence aux Etats-Unis et éloigné de la scène six semaines (ndlr : les nouvelles sont bonnes).  Du Legrand dans le texte, un bon demi-siècle de carrière passé en revue par le compositeur-chanteur-pianiste tout jeune octogénaire.

Tout a commencé par la chanson de ses jeunes années qui fit connaître le fils du chef d’orchestre Raymond Legrand et l’élève de Nadia Boulanger, la Valse des Lilas. C’était le Michel Legrand chanteur qui donna aussi trois titres écrits, sur sa musique, par Jean Dréjac (1921-2003), des découvertes pour la majeure partie du public,  Edith (pour Piaf), Le vieux costume et Rupture.  Après ce moment de nostalgie, teinté de tristesse, retour à la joyeuse épopée des musiques de films, Yentl et l’Eté 42-toutes deux oscarisées- données en compagnie de la harpiste –la grande tradition classique- Catherine Michel (à la ville Mme Legrand) et cela va de soi, les Parapluies de Cherbourg et Les demoiselles de Rochefort.

Et le jazz dans tout cela ? Il n’était jamais bien loin. Michel Legrand manifestait un réel plaisir à reprendre des airs composés pour Miles Davis (la musique du film Dingo), mettant en valeur ses deux accompagnateurs, le bassiste Pierre Boussaguet et le batteur François Laizeau. Pour le fan de jazz, le grand moment de la soirée restera ce medley de piano solo où « Mr. Mike » rendit hommage à ses idoles – à la manière de-Art Tatum, Oscar Peterson, George Shearing, Fats Domino, Duke Ellington, Dave Brubeck et, pour clore l’exercice de style, par quelques notes de Count Basie. Vint l’heure du bis et, détendu comme jamais, Michel Legrand, le mélodiste, offrit au public le thème des Parapluies de Cherbourg dans divers styles. Un coup de chapeau sans façons bien à la manière de l’esprit du Théâtre de l’Odéon en mai 1968 ! Dehors la pluie s’était arrêtée sur St Germain des Prés et notre japonais chantonnait.

       

Michel Legrand avec Pierre Boussaguet (basse), François Laizeau (batterie) et Catherine Michel (harpe). Théâtre de l’Odéon. 21 mai. Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés. 

Le festival propose des concerts jusqu’au 3  juin et notamment Laurent de Wilde, Jacky Terrasson, Kurt Elling, Stefano di Battista… 

Jean –Louis Lemarchand

 

Affiche-2012-Festival-Saint-Germain-des-Pres-200x300.jpg

Partager cet article
Repost0
20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 19:02

 

Nous étions à  Coutances Jeudi pour une journée de jazz.

Journée de jazz sous les Pommiers où, comme il se doit, la pluie nous avait accueilli avec une allégresse un peu trop expansive à notre gôut. Mais bon, on est en Normandie ou on n’y est pas.

Début de la journée avec cette belle formation de Perrine Mansuy et sa formation que l’on retrouve sur Vertigo Songs avec Perrine au piano,

mansuy-best.JPG

Marion Rampal au chant et aux textes, Jean-Luc Difraya qui ne chante pas ici mais insuffle les vibrations à la batterie et Remi Decrouy à la guitare. Moment de charme , de grâce au Magic Miror où l’alliance des textes de l’une et de la musique de l’autre, où la rencontre du jazz et des pop songs nous firent vivre un moment de poésie et de jazz totalement aérien. Public conquis.

 rampal-2.JPG

Petite pause pour aller retrouver en interview Christophe Marguet qui nous parla de la création qu’il s’apprêtait à présenter le soir même puis direction le Théatre pour assister à un grand moment de déjante totale sous la forme d’une battle franco-québecoise. Un quartet de chaque côté s’affrontant sous les auspices et l’arbitrage perspicace et intraitable de deux Monsieur Loyal, Alex Dutilh et Stanley Péan. Un grand moment de délire où les arbitres choisissent des morceaux et des contraintes ( p. ex en demandant à chaque membre du quartet de jouer de l’instrument d’un autre ou encore de ne jouer que d’une seule main). Au final match nul et grand moment de délire avec côté Québecois : Michel Donato (cb), Frank Lozano (ts), Isaiah Ceccarelli (dm) François Bourassa (piano) et côté français : Thomas de Pourquery (as), Benjamin Moussay (p), Arnault Cuisinier (cb),Edward Perraud (dm). Ceux qui ont bien tendu –l’oreille ont quand même pu assister, au delà de ses facéties à hurlmer de rire, à un grand Thomas de Pourquery clôturant à l’alto un Night and Day avec une belle inspiration.

 

 hermeto-pascoal.JPG

Pas très convaincus en revanche par ce qui était annoncé comme l’événement du festival , la venue d’Hermeto Pascoal, le grand gourou Brésilien. Une première partie en effet en demi-teinte où chacun hésitait un peu à jouer. Les harmoniques se chevauchaient, on avait un peu de peine à lire le jeu et surtout l’ensemble était bien mollasson. Mais tout changea lorsque l’immense Hermeto Pascoal ( au passage, époustouflant au mélodica) quittait ses claviers pour venir insuffler le souffle divin à ses musiciens. Il se passait alors quelque chose qui se débridait dans cette musique inclassable entre brésil et jazz fusion, révélant ainsi l’écriture sublime du maître. Hermeto Pascoal était sémillant, pétillant, jouant de l’arrosoir et du verre d’eau, expérimentant sans cesse, jouant avec ses musiciens au double sens du terme et tous semblaient heureux d’être là. Malgré une sortie un peu rapide sans le moindre rappel. On a noté au passage Itiberê Zwarg à la contrebasse totalement surevolté , Pastorius dans l’âme.

 

 

Mais le clou de la journée était cette fameuse création de Christophe Marguet avec son sextet «  Constellation ». L’événement devait faire date. Forcément puisque Marguet réunissait, aux côtés de Benjamin Moussay aux claviers et Régis Huby au violon, un trio d’américains menés par Steve Swallow à la basse, Chris Cheek au ténor et Cuong Vu à la trompette. Un création donc, sur le mode électro-acoustique basée sur une écriture absolument sublime. Il aurait fallu avoir la track list mais on a rtenu notamment un morceau évoquant une île de Crète qui nous laissa le théâtre municipal sur une émotion bien palpable. La musique était juste belle et le sextet qui avait fait ses premières répétitions  3 jours avant, fonctionnait à merveille. On remarquait notamment ce tout jeune trompettiste entendu aux côtés de Pat Metheny comme une des valeurs très sures de demain ( cf. la vidéo). Ce concert fut assurément l’un des plus beaux qu’il m’ait été donné de voir depuis pas mal de temps et l’on consolera les absents en leur promettant de revoir cette constellation des astres à Paris lors du prochain festival de la Villette. Il ne faudra les manquer sous aucun prétexte.

 

 

photos-2011-2012-2231.JPG

 

Jean-Marc Gelin le 17/05/2012

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 14:52

 


PeifferB Improvision COUVHORS SERIE N°7 583830-0
Universal
 
Jazzcypher



La précieuse collection « Jazz In Paris » propose un double Cd finement intitulé Improvision qui couvre une grande partie des enregistrements américains du pianiste français Bernard Peiffer, émigré aux Usa en 1955 et qui n’y fit pourtant pas la carrière escomptée. Musicien incomparable, génial même, il avait pourtant connu le succès en France, raflant chaque fois le titre convoité de «meilleur pianiste de l’année», qu’il joue seul ou avec le trompettiste Roger Guérin, le ténor Bobby Jaspar, le contrebassiste Pierre Michelot. Ajoutons qu’il fit ses classes en accompagnant Django Reinhardt, Hubert Rostaing mais aussi Rex Stewart, Don Byas, Bill Coleman, James Moody
Mais trop en avance sur son temps, il sentait qu’il lui fallait tracer sa voie et il voulait introduire de nouvelles formes dans le jazz. Non reconnu dans son pays, il décida d’aller jouer sa musique ailleurs, sur la terre d’élection du jazz, les Etats-Unis.
Il y signa une discographie « anémique » chez Emarcy Bernie’s Tune (1956) Modern Jazz For People Who Like Original Music chez Laurie (1959) que l’on découvre grâce à cette réédition inespérée, qui offre aussi le cadeau de prises uniques et inédites (Live at the Cherry Hill Inn, en 1959 et Live from Glassboro State University en 1976, l’année même de sa disparition).
Tout l’intérêt de ce Hors série est de nous faire découvrir en solo, et dans quelques autres formations, essentiellement des trios, des enregistrements privés que son fils (Stefan Peiffer) a confiés à Universal. C’est la révélation d’un très grand musicien qui n’était jamais tant lui même qu’en « live ».
S’il obtint la nationalité américaine et demeura dans ce pays d’accueil jusqu’à sa mort, sa carrière fut vite mise entre parenthèse. C’est là que réside le mystère Peiffer. Adoubé par quelques uns des plus grands critiques de son temps, comme Leonard Feather, Barry Ulanov, sa musique libre, sans concession a du faire peur : lui qui affirma très tôt son désir d’imposer un troisième courant entre jazz et musique classique, fut peu à peu lâché par les maisons de disque et se tourna vers l’enseignement à Philadelphie où il s’était installé. Il fit là encore forte impression (Uri Caine s’en souvient), encourageant ses étudiants à découvrir leur propre langage.
Découvrez donc la musique de Bernard Peiffer (prononcez « pay fair ») qui commence par le feu d’artifice du « Lover, Come Back To Me » enregistré en mai 1956 aux USA en trio avec Oscar Pettiford à la contrebasse et Joe Puma à la guitare. Suit l’intégralité de la séance, en quartet avec Chuck Andrus à la contrebasse et Ed Thigpen à la batterie. Ses propres compositions sont tout simplement stupéfiantes comme ce « Black Moon » atonal ou cette « Lullaby of the leaves » qui nous fait d’abord penser dans son introduction de « Yesterdays » qu’il reprendra de façon si originale, au piano électrique, en 1972 avec Al Stauffer (b) et Jimmy Paxson (dms) dans un club du New Jersey : comme Bill Evans, il n’a pas peur de se frotter aux standards qu’il investit totalement, au point qu’on mette parfois du temps à les reconnaître... Volubile et chantante, la manière de Bernard Peiffer étonne, détone et émerveille.
Peiffer rend aussi hommage dès qu’il le peut, au cantor de Leipzig dont il possédait parfaitement la musique et l’art de la fugue. C’est ainsi que le classique « Lullaby of Birdland » du pianiste George Shearing débute par une introduction on ne peut plus inspirée de Bach, sans que Peiffer ait jamais rencontré le succès du trio de Jacques Loussier dans Play Bach.
Pris d’une fougue joyeuse, l’énergique « Rondo » qui initie l’album Modern Jazz for People Who like Original Music, emprunte dans son introduction la forme classique, puis vire à une sarabande pleine de swing. Ce titre, qui sera repris autrement dans un de ses derniers titres en « live » montre l’évolution constante et le degré prodigieux d’improvisation, dans un rendu plus désarticulé, à la façon de Bill Evans (que Peiffer admirait évidemment) dans les thèmes repris avec ses deux trios de référence, à vingt ans d’intervalle. Bernard Peiffer choisira d’ailleurs une composition de Bill Evans « One for Helen », preuve de son attachement indéfectible à cet autre pianiste dont il pouvait se sentir proche.
Un des atouts essentiels de Bernard Peiffer, qui fait souvent défaut à ses pairs, est l’extraordinaire variété de styles, d’humeurs : le rondo de 1959 est suivi de « Poem For A Lonely Child », chant funèbre dédié à sa propre fille. Un requiem qui rapproche Peiffer de Lennie Tristano cette fois, élargissant le champ de ses influences et de ses premiers maîtres, à savoir Art Tatum ou Errol Garner. Suivent un très nerveux « Tired Blues » qui contredirait le titre tant il est habilement construit ; quant à son « Lafayette nous voici », c’est un malicieux retour à l’envoyeur, très martial d’allure, comme un régiment en marche.
Son « Strip tease » est délirant , débordant d’un feu intérieur, d’une tension qui jamais ne retombe. Dans « Perfect Storm » interprété pour la radio en 1972, il libère une impétuosité, inspirée de toute sa culture de virtuose classique.

Le talentueux Alain Tercinet, dans ses notes de pochette toujours impeccables, nous livre les éléments forts de la carrière étrangement chaotique de ce pianiste singulier. Son fils Stefan nous laisse entendre avec pudeur ce qui a pu induire cette forme de « ratage » dans une carrière, qui ne manqua jamais de panache, dans ses entêtements mêmes .
Capable d’emportements, si ce n’est de colères, on pense parfois à un Frank Rosolino dans la fougue exacerbée, la vitesse d’exécution vertigineuse, l’exaltation fièvreuse. Bernard Peiffer était un musicien intraitable dans son engagement et son projet musical, fragile psychologiquement, profondément secret, vulnérable donc. Convaincu de son talent, ce « géant oublié » incroyable virtuose, fervent et tendre, sut, comme nul autre peut-être, fusionner classique et jazz. Sans se disperser cependant, il n’a fait que creuser son sillon, mettant à jour dans son programme tout ce qui a pu fertiliser les musiques aimées. Une puissance, une émotion qui font la place belle à un incroyable swing, principe vital, état supérieur, impossible à fixer mais puissant et irréfutable de ce retournement du pas humain en danse que le jazz produit…tremplin d’une jubilation…(Jacques Réda)
Un double album à prix serré absolument indispensable et qui sera une révélation pour beaucoup d’amateurs de jazz et de piano…



Sophie Chambon


La collection Hors série inaugurée en juin 2003 avec un premier volume consacré à Sacha Distel « Jazz Guitarist » présente des portraits d’artiste qui, par leur créativité, leur singularité et leur talent ont eu une importance significative sur le développement du jazz en France. Suivent ainsi le Hors série n°8 consacré à Rhoda Scott « Paris New York » et le n°9 sur Ivan Jullien « Complete Riviera Recordings », le n°10 Boulou Ferré « Complete Barclay Recordings », le 11 Dominique Cravic/Didier Roussin/ Francis Varis « Cordes et lames ».

Partager cet article
Repost0
19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 11:39

 

Jacques Schwarz-Bart (ts), Batiste Trotignon (p), Thomas Bramerie (cb), Hans van Oosterhout (dm)

Azetec Musique 2012

 Jacques_Schwarz-Bart_Quartet.jpg

 

C’est dans quelques jours qu’il donnera, dans le cadre du Festival de St germain des Près à Paris, un concert à l’Institut Océanographique avec son quartet. C’est surtout l’occasion pour nous de revenir sur le dernier album de celui que l’on considère comme l’un des plus grands saxophonistes ténor de sa génération. Je sais c’est un peu (trop) superlatif mais ceux qui écouterons « The Art of Dreaming » ne s’y tromperons pas et connaîtrons le même choc avec Jacques Schwarz-Bart que celui qu’ils ont pu connaître avant avec Joshua Redman.

Tournant le dos ( provisoirement on l’espère) à la musique Gwo-Ka pour livrer un album plus classiquement ancré dans une tradition américaine, le saxophoniste s’affirme ici et avant tout par un SON d’une incroyable densité. Où l’épaisseur du trait se mêle à la légèreté d’un discours fluide et rythmiquement impressionnant. On y entend tous les registres du ténor tant dans l’expression coltranienne ( It’s Pain, Voir ), que celle qui viendrait de Joe Henderson, de Michael Brecker ou de Wayne Shorter ( Lullaby from Atlantis inspiré de l’album presque éponyme). JSB impressionne tout au long de l’album avec un phrasé palpable, massif, transcendé par ce qu’il dit avec cette forme de nécessité vitale de dire et de dire juste. Impressionnant dans cette façon de se promener du grave au suraigu avec toujours la même précision et surtout la même force de l’intention. Il y a plus que de la musique. Celle-ci est, on l’a dit transcendante, revient sur des rythmiques ensoleillées, flirte avec un jazz plus funky, libre quelques mélodies émouvantes ( Now).

Quelque chose passe entre les membres du quartet. Fusion des 4. Inspiration partagée. La musique habite le studio et transporte un flux existentiel de l’un à l’autre. Batiste Trotignon saisit les espaces pour jouer en contraste avec une rare intelligence, maître du tempo et garant de l’harmonie. Lorsque l’un est dans le grave l’autre joue en haut et lorsque l’un avance tout en démarche déliée l’autre joue stacato, et tout cela dans une fusion irrésistible.

J’écoute l’album en boucle depuis plusieurs jours. Il m’embarque.

J’écoute un Thomas Bramerie littéralement époustouflant comme je ne l’avais encore jamais entendu auparavant. Lui aussi porté par l’enjeu dans une sorte de gravité. Et que dire du drive de Hans van Oosterhout, le batteur Néérlandais vibrant et porteur d’une pulse au groove terrible.

J’écoute et réécoute. J’enrage de ne pas être musicien moi-même. J’enrage de ne pas avoir été dans le studio. Je sais que l’on tient a là quelque chose de rare.

Jean-Marc Gelin  

 

 

 

Partager cet article
Repost0
15 mai 2012 2 15 /05 /mai /2012 11:17

 

Jeremy Pelt (tp), JD Allen (ts), Danny Grissett (p), Dwayne Burno (cb), Gerald Cleaver (dm)

High Note 2012

pelt.jpg

 

N’allez pas chercher chez ces américains-là l’envie de révolutionner le jazz. Pas de jazz épaissi au rock lourd ou matiné de pop sulfureuse et planante, pas d’électricité dans l’air. Car ce quartet-là se situe clairement dans une autre lignée qu’ils perpétuent : celle du quintet de Miles. Entendez par là celui avec Wayne Shorter. C’est cette inspiration-là qu’ils font revivre, avec les même réminiscences. Même configuration, même sens de l’harmonie, même esprit du blues modal. Il y a alors des évanescences flottantes et des espaces étirés. C’est dans une sorte de lenteur fluctuante, de mouvance ralentie qu’il se joue de l’espace musical.

Au ténor, JD Allen que l’on suit depuis quelque temps aux DNJ (cf. http://www.lesdnj.com/article-jd-allen-un-tenor-a-decouvrir-d-urgence-90209448.html) s’inscrit dans le son Shorterien avec cette totale maîtrise du tempo qui, lorsqu’il est ralentit à l’extrême de l‘extrême devient finalement le plus indomptable. Il faut entendre la suavité de l’expression de ce ténor de 39 ans qui roule sa bosse dans les clubs de la grosse pomme, sur des titres comme second Love où sur le titre eponyme où il possède le velours, la soie et l’encens.

Jeremy Pelt de 3 ans son benjamin, lui répond parfaitement. Celui qui dès sa sortie de Berklee a tourné avec rien moins que Jimmy Heath, Frank Wess, Vincent Herring, Ralph Peterson, Cedar Walton connaît ses classiques, a toutes les clefs de ce jazz gravé dans le regsitre des trompettistes de grande classe. Pas de mordant énervé et pas de rondeurs cuivrées mais le son juste de celui qui (inspiré de Miles), maîtrise les silences entre les notes.

On se laisse totalement prendre par ce quartet et par cet entre-deux où les couleurs modales nous plongent dans une sorte d’état second. C'est avec cette formation que Jeremy Pelt depuis pas mal de temps. Et force est de constater que circule entre eux l'âme de cette musique.
Soulful.
Soul.
Une sorte de bleu. Mais ça, ca nous rappelle quelque chose……
Jean-Marc Gelin

 

Partager cet article
Repost0
15 mai 2012 2 15 /05 /mai /2012 07:25

 

 

 

A l'occasion de la sortie du film de Walter Selles le 23 mai....

A découvrir au Musée des Lettres et du Manuscrit, 222 boulevard Saint Germain à Paris

l'exposition :

" SUR LA ROUTE, l'épopée, de l'écrit à l'écran"

 

photos-2011-2012 1047

 

musee-des-lettres.jpg

 

 

Partager cet article
Repost0
14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 22:06

Le Petit Label 2012

François Verly ( p, fdr, perc, tablas), Pierre-Olvier Govin (as, ts, clb), Denis Leloup (tb), Antoine Banville (dm), Marc Bertaux (cb)

 

verlyfleur-de-l-eau.jpg

 

C’est une belle surprise que de rentrer dans l’écriture dynamique de François Verly. Sur le papier on pensait (à tort) que l’on allait entendre le percussionniste poursuivre sous son nom, le travail qu’il fait depuis des années avec Andy Emler. On craignait la réciprocité des influences. Mais loin du jazz matiné de rock aux teintes Zappiennes, on découvre chez François Verly sa propre conception de la musique plus ancrée dans un jazz plus pur, moins dilué. Un jazz qui embrasserait autant Mingus que Thad Jones, Ellington autant que Joe Zawinul. Sa musique est en grande partie basée sur le mouvement. La musique animée. Sa musique est riche  et foisonnante et ses ressors innombrables. Équilibre subtil entre les cuivres et les bases polyrythmiques avec un trop rare et Ô combien précieux Pierre-Olivier Govin étincelant. Verly embarque son monde dans une sorte d’envolée irrésistible. L’orchestration magnifique de Verly parvient ainsi à faire sonner le combo comme un octet par la démultiplication des harmonies qui se chevauchent et des rythmes qui se croisent. Tout le monde parle en même temps et contre chante comme au banquet. Festif, c’est bien le mot ! Les tableaux sont expressifs et l’on entre parfois comme dans des polars un peu mystérieux aux sous-entendu musicaux passionnants ( Clou de Girofle).. Vivante la musique de François Verly s’anime sous la pulse d’un  groove omniprésent. Elle circule entre les protagonistes dans une sorte de dynamique des fluides.

Artiste complet s’il en est, Verly fait vivre sa musique aux claviers autant qu’aux percus. Musicien d’exception, sorte de gentihomme aux savoirs musicaux universel, il démontre son brio, celui qui en son temps avait bluffé François Jeanneau ou Andy Emler. Car il fait partie de cette tribu-là, Verly. De celle qui de l’ONJ au Megaoctet parviennent à représenter cet art de la synthèse.

Et s’il manque peut-être parfois une pointe d’audace, l’exercice reste brillant, et les solistes y jouent à très haut niveau.

Publié sur le Petit Label, dont la ligne éditoriale est toujours de grande qualité, cet album est à découvrir d’urgence.

Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0
12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 11:15

 

Nico Gori & Fred Hersch : «  Da Vinci »

Bee Jazz 2012

 

 nico-gori-frsd-hersch.jpg

Bruno Angelini & Giovani Falzone

If Songs- Vol 2

Abalone 2012-05-12

 angelini-falzone.jpg

 

 

3 italiens et un Américain pour deux duos d’exception. Dans les deux cas, le même exercice où se révèle, lorsque les talents sont réunis et grands, la même belle complicité avec ce que cela suppose d’exigence de l’écoute mutuelle, de sens de l’harmonie et de l’anticipation du geste de l’autre. Car il n’y a pas d’écrit qui tienne ici. Chaque acteur de ce 1+1 se laisse aller à l’improvisation errante entraînant l’autre dans son sillage.

Qu’il s’agisse de Nico Gori à la clarinette ou de Giovani Falzone à la trompette, les deux acteurs sont ici lyriques avec cette faconde qui donne vie, qui anime, qui fait vibrer la musique et celui qui l’écoute.

Quant aux deux pianistes, là aussi exceptionnels, l’attention parallèle à ces deux albums révèle une conception radicalement différente de l’accompagnement, l’affirmation de deux présences distinctes. Fred Hersch lui s’inscrit toujours dans le prolongement du clarinettiste, dans la même intention, prolongeant dans son accompagnement ou ses impros celles de Nico Gori. A l’inverse, Bruno Angelini s’efface plus, joue parfois en clair obscur, en attente ou en résonance harmonique et rythmiques dont il drape les propos du trompettiste.

Dans les deux cas, c’est la même envie de faire que ces duos soient autre chose que la rencontre de deux musiciens. Faire que la musique sonne «  riche » et ample avec le même souci de la poésie, de la poétique. Celle de Angelini et Falzone est plus intellectuelle, allant chercher parfois dans des incursions free. C’est une vraie réflexion avec ce que cela suppose d’intériorité ( Revolutions) et même de drôlerie comme ces comédies à l’italienne ( Il fanfarone)

Celle De Nico Gori et Fred Hersh est plus traditionnelle et s’inscrit dans une tradition jazzistique plus classique où l’avant scène est occupée par la mise en évidence des lignes mélodiques. Il y a de vrais moments de romantisme comme sur ce 2-5 ou de belles effusions de tendresse comme sur Doce de Coco où Gori a des accents qui évoquent Bechet. La marque des très grands clarinettistes, à l’instar d’un Eddie Daniels : lignes droites et courbes, puissance et clarté du son, placement rythmique exceptionnel. Rajoutez à cela la nonchalance élégante d’un Fred Hersch soyeux et gracile et surtout sa précision rythmique diabolique qui en font aujourd’hui l’un des plus grands pianiste de notre époque.

 

Ces deux albums sont de purs moments de grâce. Ils font partie de cet art exigeant si particulier au jazz, celui des duos. Cet exercice fait de partage et de respect d’où émerge la plus belle musique qui soit.

Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0