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1 novembre 2011 2 01 /11 /novembre /2011 21:55

Cristal records 2011

www.cristalrecords.com

COUDERC_96X96.jpg

On ne peut qu’être intrigué puis séduit à l’écoute de ce formidable instrumentiste-collectionneur qu’est Frédéric COUDERC. Non content de jouer de divers clarinettes, saxophones, flûtes, cor anglais et taragot (instrument en bois d’origine hongroise, proche du soprano et /ou du cor anglais sur « Déjà demain »), il a trouvé le moyen de penser à un nouveau prototype, le coudophone, à savoir un saxophone ténor en ut droit (sur deux titres). Diable d’homme évidemment passionné par Roland Kirk, qui se promène à l’aise dans la Kirkophonie, a su faire sa place dans le Paris Jazz Big Band, qui réunit la fine fleur des musiciens de jazz français, orchestre de Pierre Bertrand et Nicolas Folmer qui choruse sur un titre « Preludio nazarresco ».  Mais Couderc va voir aussi du côté des expérimentations de Vincent ARTAUD(Music from early times) . Quand on est sensible à la beauté et l’alliage des timbres, comment résister à ce délicat « C’est pas grave » (cor anglais et violon) sur lequel Frédéric Couderc a su s’entourer d’une rythmique de rêve,  André Cecarelli  qu’on ne présente plus  et le Vénézuélien Juan Sébastien Gimenez,bassiste et contrebassiste, auteur de la plupart des compositions et des arrangements de ce disque. Le pianiste est Vincent Bourgeyx, Bordelais émigré aux States, familier du Japon, revenu enfin au pays. Sur une de ses compositions « While she sleeps » faussement mélancolique, Frédéric Couderc joue du saxophone mezzo soprano.  La musique de cet album est festive, colorée, chatoyante, rythmée : elle invite réellement au voyage et ce n’est pas une image, par le déploiement de tous ces sons convenablement arrangés. Chaque nouvelle composition assortit des sonorités différentes,  soprano et kayamb du Réunionnais Olivier Ker Ourio sur « La didonade » du pianiste du PJBB Alfio Origlio. C’est bien une histoire de sax et de famille musicale  où la couleur est partout. Comme si Klee, qui mania l’archet avant le pinceau l’avait inspiré. Klee qui transcrivait ses partitions en géomètre aventureux, déroulant la représentation plastique des mesures d’une sonate de Bach, dans des lignes de rêve. D’ailleurs l’une des définitions possibles de la Coudophonie serait « l’art d’appliquer aux sonorités les règles de couleur du peintre ». Et l’on se perd volontiers dans la peinture de la couverture de Philippe Conord qui tangue entre de Kooning et Bram van Velde, ouvrant des fenêtres sur cet univers passionnant des correspondances.

Sophie Chambon

 

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1 novembre 2011 2 01 /11 /novembre /2011 17:37

Label Manivelle – 2011

Etienne Lecomte (Flûte traversière), Laurent Guitton (Tuba), Oriol Roca (Dms), Radek Knop (A. Sx), Jaime Pantaleon (Gt & Electronic)

 vrak.jpg

 

Un projet complètement fou. Une osmose volontairement désorganisée, faite de paradoxes, de faux semblants sonores. Un foutoir incommensurable, au service de la plus intense des créativités. Vrak’Trio est un groupe (dés)articulé autour de trois malicieux artistes, en la personne de Laurent Guitton au tuba, Etienne Lecomte à la flûte traversière et Oriol Roca à la batterie. Ce trio arbitre les débats par son assise rythmique et le lyrisme des mélodies distillées avec sagesse. Dans le rôle du trublion, le guitariste Jaime Pantaleon utilise une palette d’effets électronique aussi bizzaroïdes que dérangeants, Ring Modulator et Distorsion synthétique à l’appui. Cette série de Crossroads, apatride de tout acte d’esthétisme préétabli et politiquement correcte, se veut être une suite de rêveries parfois satirique, parfois faussement naïve. Il s’agit là d’une création Live en 2008 pour le Festival « Musiques au présent » de Narbonne. La présence de Mia Makela à la video témoigne de l’ampleur artistique d’un tel projet. Par ailleurs, le saxophoniste Radek Knop y évolue avec sagesse, sachant allier spontanéité avec audace. Lors de quelques accalmies, la Musique de ce projet dingue s’organise en Groove monstrueusement envahissant, communicatif. Malicieux unissons opposés à de rugissants effluves sonores, les solistes occupent l’espace de façon onirique. Les fréquentes mises en place témoignent d’ailleurs de l’incroyable talent de compositeurs de ces interprètes, notamment Etienne Lecomte. Ce n’est pas sans rappeler l’influence bienfaitrice d’un John Zorn ou d’un Steve Reich, desquels les musiciens de ce disque sont les dignes héritiers. Tristan Loriaut

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31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 22:43

 

C’est l’un des derniers Mohicans (pas seulement à cause de sa célèbre coupe iroquois dans les années 50 ! ) de l’ « âge d’or » du jazz, au coté de quelques autres colossaux pionniers encore en activité qui, par exemple, ont, comme lui, joué et/ou enregistré avec l’Oiseau : Lee Konitz, Roy Haynes, Toots Thielemans, Paul Bley…. Influencé par Parker et Hawkins, troublé par Coltrane et Ayler, Sonny Rollins sera sollicité en 1981 par les Rolling Stones (“Tattoo You”) et jouera en 2010 Sonnymoon for two (“Road Shows vol.2”) en quartet avec… Ornette Coleman, de six mois son aîné !

 

Rollins1---Rouy.jpg

Le 29 octobre (une quinzaine de jours avant son concert parisien à l’Olympia), le public du Colisée de Roubaix fit un triomphe à Sonny Rollins (81 ans), invité conjointement par les deux festivals Tourcoing Jazz et Jazz en Nord. Avec un quintette de tournée qui assure bien : deux percussionnistes véloces et propulsifs (Kobie Watkins, Sammy Figueroa), un guitariste plutôt routinier (Peter Bernstein) qui enfile les choruses quand il le faut, et, au centre, son bassiste le plus fidèle, au tempo impeccable, Bob Cranshaw (de retour à la contrebasse), qui aura bientôt 80 ans. La générosité de Sonny Rollins est intacte, tout comme demeurent splendides sa volumineuse sonorité et joyeux son lyrisme impétueux.

 

Rollins2---Rouy.jpgCertes, la démarche est moins assurée quand il traverse la scène et l’heure n’est plus aux longues introductions, le ténor n’est plus dressé en direction du zénith mais semble aimanté par la terre, à l’image de Coltrane, en pleine exaltation, à la fin de sa (courte) vie. Rollins incarne encore et toujours un certain jazz de combat et de fraternité, alors qu’il n’a (ô combien) plus rien à prouver. Un répertoire habité de pièces au tempo vif, de calypsos (dont l’indétrônable Don’t Stop The Carnival), de ballades (They Say It’s Wonderful…), il termine par Tenor Madness et conclut, en rappel, avec Isn’t She Lovely de Stevie Wonder. Standing ovation au Colisée de Roubaix.

 

Gérard Rouy

 

 


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31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 22:28

 

clarinet-masters-original-sound-deluxe.jpgCLARINET MASTERS

Original  Sound Deluxe

Cristal records/Harmonia mundi


 

Pour ce 34 ème numéro de la série Original Sound de Luxe, la clarinette est à l’honneur. Et ce n’est que justice, car si le saxophone est associée au jazz dans l’imaginaire collectif, la clarinette fut  historiquement  un des instruments privilégiés des débuts de cette musique. A la Nouvelle Orléans. C’est ainsi que les deux premiers morceaux rendent hommage aux pionniers de l’instrument,  Jimmy Dodds dans « Blue Piano Stomp » et Jimmy Noone dans un éblouissant « I know that you know », en 1928. Et si vous n’avez toujours pas compris  après ça ce qu’est le swing, consultez ! Figure ensuite  Sidney Bechet qui s’illustra surtout au saxophone soprano mais que l’on entend ici dans un émouvant « Blues in thirds » du pianiste Earl Hines.  Rien qu’avec ces trois premiers titres, on goûte la quintessence du jazz et de cet instrument difficile.  On ne sait pas toujours que, dans les sections de saxophones, les instrumentistes devaient être capables de jouer de la clarinette pour rendre certains effets. On en aura des exemples avec des saxophonistes devenus pour la circonstance  clarinettistes d’un soir  comme  Al Cohn,  Zoot Sims, ou encore  Art Pepper.  Et pourtant de grands orchestres à la grande époque  furent conduits par des clarinettistes souvent rivaux, le roi du swing Bennie Goodman que l’on entend dans un éblouissant et véloce « Clarinade » avec des acrobaties dans les aigus et le séduisant Artie Shaw dont le nom en français  a de quoi faire sourire, mais qui rencontra un grand succès auprès de ces dames, on le comprend  aisément avec  ce  « Lady Day » qui rend  galamment hommage  à Billie Holiday qu’il engagea  un temps dans son orchestre au plus fort de la ségrégation raciale. On retrouve avec plaisir  le trop méconnu (aujourd’hui), Hubert Rostaing avec Django et le quintette du Hot Club de France en 1947 dans « I Love You » : il remplace très avantageusement (pour nous) Stéphane Grappelli. Et puis Jimmy Giuffre en trio en 1959, quand il ne jouait pas encore free,  dans ce « Princess » intense, enregistré au plus près, dans le souffle : du jazz de chambre dans sa plus belle expression avec Jim Hall (g) et Red Mitchell (b). Suivent ensuite quelques  perles rares, Lester Young qui ne fit que quelques enregistrements avec l’instrument  en métal (se référer à la collection amie Cabu jazz et au numéro chroniqué dans les DNJ  sous ce thème des curiosités) livre ici un fondant «  I want a little girl » avec Buck Clayton à la trompette, qui vaut bien « These Foolish Things ».Vous l’aurez compris, la liste des instrumentistes géniaux, oubliés ou non est grande et le mérite de cette série est de nous permettre de (re)découvrir ces joyaux qui devraient figurer dans toute discothèque éclairée. Pour les non connaisseurs, comment ne pas venir au jazz en écoutant pareille sélection, justifiée par de vraies notes de pochette ? Les titres s’enchaînent,  peut-on rester insensible  devant Stan Hasselgard,  Buddy de Franco, la clarinette jouée de toutes les façons, de tous les styles possibles ? Pour terminer ce tour de l’instrument  des origines aux années soixante, quoi de plus indiqué qu’Eric Dolphy qui contribua au succès de la clarinette basse ? Il est en quartet avec Jaky Byard (p), Ron Carter  (b), et Ray Bryant (d)  dans « It’s magic » ! On ne saurait mieux dire !

Ce numéro est tout simplement enthousiasmant !

Sophie Chambon

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31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 22:20

Love-songs-Original-Sound-Deluxe.jpgLOVE SONGS

Original Sound Deluxe

CRISTAL RECORDS/ HARMONIA MUNDI


Sélection musicale/Réalisation artistique Claude Carrière et Illustrations originale de Christian Cailleaux.

Dans la pile de disques qui attendent à être chroniqués, quand figurent les albums Original Sound De luxe,  on sait que la chronique sera assortie d’un plaisir sans précédent d’écoute. Témoin la dernière livraison de cette impeccable collection qui propose une brassée de petits chefs d’oeuvre  de l’histoire du jazz tombés dans le domaine public….et souvent dans l’oubli. Pour l’amateur, le plaisir de découvrir dans la suite ainsi compilée avec amour et érudition par Claude Carrière quelques pépites et de chercher quels autres titres, quels interprètes manquent à l‘appel. Mais  tout compte fait, la sélection est  une fois encore parfaite, variant  les interprètes et les styles, choisissant dans le grand « American Songbook »  les meilleurs  compositeurs  comme Cole Porter, Ira& George Gershwin, Irving Berlin, Rodgers & Hart ou Rodgers& Hammerstein,  ou le plus méconnu Victor Young qui fit beaucoup de musiques de films pour la Paramount. Extrêmement séduisant, le thème consacré à l’amour dans tous ses états et  ses formes part  des interrogations sur la nature de ce sentiment (un formidable « What is this thing called love? » par un ensemble  West Coast comprenant Mel  Tormé et l’orchestre de Marty Paich ), détaille la rencontre -des premiers battements de cœur à la déclaration- avec la solaire ELLA dans  « Love you madly » en 1957 avec Ben Webster et Oscar Peterson sur une composition de Duke Ellington, suit les transports amoureux avec le suave et inimitable Nat King Cole dans « Almost like being in love », passe du bonheur sans nuage  aux affres de la séparation (« When your lover has gone » par un émouvant Ray Charles with the Quincy Jones orchestra en 1959), et déclare la rupture sans appel  dans  I’m Thru With Love,  chanté  par Carmen McRae dont l’ interprétation  vaut bien celle de Marylin ! Enfin une curiosité flattera notre chauvinisme,  la version américaine (une fois n’est pas coutume) de  « I wish you love »  c’est à dire « Que reste-t-il de nos amours ? » par Nat King Cole sans la mélancolie de l’original de Charles Trenet. De très grandes interprètes se sont emparés de ces mélodies : quel  frisson troublant dès  l’introduction avec  Billie Holiday, grande amoureuse toujours déçue et meurtrie dans  « The man I love ». Elle est vraiment l’équivalent de notre Piaf nationale. Suit ensuite une galerie d’interprètes formidables aux voix superbes comme  Anita O’ Day, Frank Sinatra, Sarah Vaughan, Peggy Lee… On écoutera avec intérêt même les voix plus « faibles »,  la belle Lena Horne dans « Love » avec  l’orchestre de la MGM en 1944,  celles qui ont quelque chose de particulier, le grain acidulé de Blossom Dearie

Encore un numéro réussi de cette collection que nous retrouvons toujours avec le même intêrêt !  For (jazz) music lovers !

Sophie Chambon

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28 octobre 2011 5 28 /10 /octobre /2011 12:06
tamdevilliers.png Double Moon records - 2011
Tam de Villiers (g), David Prez (ts), Bruno Schorp (cb), Karl Jannuska(dr) - David Linx (voc) sur deux pièces.

 

Après Alba Lux en 2008, le quartet de Tam de Villiers réitère l'expérience avec Motion Unfolding. Le quartet a inconstestablement muri sa musique, le guitariste et compositeur met ici à profit tout son apprentissage lors de ses diverses expériences tissées aussi bien dans les clubs les plus petits de Paris, méconnus et souvent éphémères, que de plus grands lieux de jazz de la capitale. Motion Unfolding est "une" suite d'Alba Lux sans aucun doute, parmi d'autres possibles tellement le premier album  avait ouvert de portes à Tam de Villiers. La musique s'est départie des stigmates d'Alba Lux, déjà très prometteur et envoutant, pour se concentrer sur une écriture soignée plutôt rythmique et une execution implacable toujours orientée vers le haut. Les sonorités rock d'Alba Lux se sont très nettement matifiés et Motion Unfolded navigue ouvertement entre progressive rock et jazz pour des discours aériens et des thèmes groovy, retenus ou pas. Le saxophone de David Prez se fond dans les sonorités naturelles ou saturées de la guitare de Tam de Villiers alors que la paire rythmique Bruno Schorp et Karl jannuska produit un tapis rythmique impeccable et propice aux échanges sax et guitare. Un David Linx transcendé se joint au quartet en début et fin d'album sur deux titres cohésifs et compacts et boucle la boucle.
Authentique et reconnaissable entre mille, Tam de Villiers développe son propre univers et va droit sur la voie des meilleurs talents d'un futur qu'on espère le plus proche.
Jérôme Gransac
 
 
Concert de sortie de disque vendredi 28 octobre au Sunset jazz club, paris.
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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 13:34

schorp.pngYes or No production - 2011

 

Bruno schorp (cb), Leonardo Montana (p), Antoine Paganotti (dr), Christophe Panzani (ss, ts), Roland Seilhes (as, fl), Olivier Caron (tb), Ousmane Daedjo (voc), Tam de Villiers (g)

 

Pour son premier album, Bruno Schorp dévoile un horizon artistique qu'on n'aurait pas soupçonné chez ce personnage facétieux. Avec un sextet très en verve, il écrase le poncif du contrebassiste "qui joue la musique des autres". Instrumentiste reconnu, il joue dans de nombreux groupes à Paris, aux styles variés - on pense entre autres au quartet du tromboniste Sébastien Llado, Rictus de Mathieu Rosso, Tam de Villiers qui est présent sur une pièce de ce disque - et se révèle aujourd'hui avec "Eveil", son premier cd qui porte bien son titre.
Emmené par une locomotive rythmique, composée de l'excellent batteur Antoine Paganotti et de l'inventif Leonardo Montana au piano, Bruno Schorp joue le jeu de la musique avec dévouement et grande probité en suggérant les espaces à ses instrumentistes. Avec acuité, il ouvre le champ de son jazz à la modernité, aux couleurs world grâce au chanteur Ousmane Daedjo sur "Guediawaye" et aux accents rock avec le guitariste Tam de Villiers sur le très beau "Rupture". Enfin, son écriture large laisse la part belle aux saxophones soprano, alto et ténor et flutes (Christophe Panzani et Roland Seilhes) et au trombone d'Olivier Caron; les trois musiciens font de beaux libre-échanges dans leurs envolées au gré de métriques variées. Et c'est là que l'arrangeur Schorp se distingue en jouant sur les timbres et les tessitures des instruments à vents sur une large moitié des sept plages du disque. Eveil est un disque qui en dit long sur une musique qu'on imagine à la fois explosive et envoutante sur scène.

Jérôme Gransac

 

Sortie de disque : BRUNO SCHORP COLORS SEXTET AU SUNSIDE (Paris) le 27 octobre 2011 à 21h00

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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 12:47

Portraet_eines_Anachronisten_vignette_1482.pngSortie septembre 2011
Petit label 030
www.petitlabel.com


Chic, voilà encore un groupe qui fait partie du label associatif Petit label, me suis-je dit, en ouvrant l’enveloppe de Das KAFF, sous titré « Porträt eines Anachronisten ». Enregistré en studio, dans une salle de spectacle de St Germain d’Ectot au cœur du Calvados ( « das Kaff » signifie le « bled »?) voilà un trio classiquement et (merveilleusement)  jazz (saxophones-contrebasse- batterie) qui revisite quelques fondamentaux de cette musique, avec la simple et lumineuse évidence d’une alternance réussie de thèmes et solos. Point d’expérimentations radicales, juste des poussées régulières de free qui ne provoquent aucune démangeaison, car le trio fait parler la mélodie, souvent entêtante, lancée par un saxophone songeur ou rageur, toujours convaincant, que soutient une rythmique attentive, dans une confiance partagée et instinctive. On s’abandonne vite à ce groupe étranger : mais qui sont-ils ? Il y a donc le saxophoniste Ralf Altrieth, originaire de Forêt Noire qui compose quatre des dix titres de l’album, le batteur Mike Surguy qui en écrit trois et le contrebassiste Nicolas Talbot. Deux invités Samuel Belhomme à la trompette et Emmanuel Piquery au Fender rhodes complètent l’ensemble sur quelques titres. Un équilibre collectif avec de l’énergie, bien sûr, mais aussi des nuances, une approche ouverte de la musique…du free au rock, des standards revisités tout différemment avec un art consommé des ruptures, sans oublier le fil de la mélodie.  Rien de révolutionnaire, mais pourquoi  faudrait-il absolument faire neuf ? La partition est suffisamment équilibrée pour faire entendre pleinement chacun des musiciens seul et en interaction. Vous voulez des ballades ? La reprise de « First Song [for Ruth] de Charlie Haden fait dresser l’oreille où que vous soyez dans votre appartement. Mais le duo trompette-saxophone dans « A Lullaby For Two » n’est pas mal non plus.  Il y a aussi des morceaux plus énervés, ébouriffés comme la reprise du blues déjanté de Led Zep, « Misty Mountain Hop », dans l’esprit de ce titre d’anthologie, la translation s‘opèrant à merveille. Le fluide passe, et le trio arrive à transposer l’alliage inouï de blues irisé de violentes et mystiques envolées. Voilà un disque étonnamment abouti pour un jeune groupe avec  un bel espace de jeu, un son enregistré au plus près, un travail des textures sonores autant que des motifs mélodiques. Das Kaff  résonne déjà  avec plénitude. Dix titres qui s’étirent comme s’ils n’en faisaient qu’un, des mélodies qui s’enchaînent et filent plus vite qu’on ne s’y attendrait. Le final est à l’image du disque, aussi envoûtant que sophistiqué, intense et pourtant sobre ! Plus que prometteur, cette musique du bled, passe sans message. Rien à craindre, même de là-bas, on vous entend, les gars ! Le jazz est là, plus que jamais magnifiquement présent, totalement actualisé.
Sophie Chambon

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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 08:03

Ajmi series 2011

Sylvia VERSINI-CAMPINCHI (compos, adaptations, arrangements, direction, piano, claviers); Emil SPANYI (p, kyb), Joe QUITZKE (dm), Éric SURMENIAN (cb, b), David LEWIS (tp, fch), Daniel ZIMMERMANN (tb), Lionel SEGUI (tuba), Hugues MAYOT (saxophone ténor, clarinette), Ganesh GEYMEIER (saxophones soprano, ténor) - Invité : François JEANNEAU  (flûte, saxophone soprano)

 versini-mary-lou.jpg “With Mary Lou with my heart ». Le titre n'est pas une figure de style. Car c'est en effet  d'une vraie histoire d'amour qu'il s'agit. Sylvia Versini a depuis longtemps déclaré sa flamme pour la pianiste et compositrice d'Atlanta. Au point d'en avoir fait l'axe de sa candidature à l'ONJ il y a quelques années. Au point aussi que Jean-Paul Ricard en faisait celui de ses liners notes lorsque notre compositrice publia "Broken Heart" sur le même label en 2006. Au point aussi que Sylvia s'en alla traverser l'Atlantique il y a quelques temps pour mener un travail de recherche poussé sur les terres de la compositrice américaine, à la recherche de pépites, d’inédits et surtout du coeur de l'âme de Mary Lou Williams.

On aurait pu alors craindre que Sylvia Versini qui a tant donné pour ce projet, n'en perde un peu de distance. Et c'est tout justement tout le contraire qu'elle nous propose. La démonstration apportée par Sylvia Versini sur la formidable modernité de la pianiste, est ici éclatante. Il y a bien sûr la modernité d’hier, lorsque celle-ci apportait ses compositions à Duke Ellington. Mais ce que démontre par la lecture très personnelle de Sylvia, ses arrangements, sa compréhension du texte et du contexte c’est aussi la modernité d’aujourd’hui.

Il faut reprendre l'original de Walkin ans Swingin, fameux thème Ellingtonien composé par Mary Lou Williams pour voir comment Sylvia Versini se l'approprie, laissant la place aux soufflants ( seul comme dans cette introduction) ou portés par la dynamique de ce formidable tentet. Un autre chemin du swing. Jamais de paraphrase chez Sylvia Versini ( ou alors juste un clin d'œil comme sur New Musical Express), mais toujours une relecture à l'aune de sa propre modernité.

Mais c'est surtout lorsqu'elle s'aventure sur les terres de « The Zodiac Suite », album génial de Mary Lou Williams (1945) qu'il faut écouter et dont il faut reconnaître qu'il avait alors 10 longueurs d'avance à l’époque, que Sylvia Versini y trouve la matière d'un contexte harmonique aussi complexe qu'évolutif ( Taurusou Capricorne)

Sylvia Versini, évitant comme on l'a dit, toute paraphrase intègre aussi, comme de belles incises des morceaux de sa propre composition qu'elle dédie à MLW.

La musique de Sylvia Versini est vivante. Elle embrase tout le jazz dans un même mouvement où certains reconnaîtrons ses dévotions au Duke, à Mingus ou même , ce que j’ai cru déceler, à Weather report pour donner dans le plus contemporain. Les thèmes évoluent, jamais linéaires, créent des mouvements, des césures, partent sur une intention pour revenir ensuite à l’idée première. Le sens du swing, cette essence du jazz, n’est jamais étranger à la compositrice comme dans ce Clifford, thème de Versini au groove presque funky.  Musique vivante !

Un peu comme si elle avait pu conquérir tous ses musiciens dans cet ambitieux projet, ceux-ci font littéralement corps avec lui. Ça joue terrible. On ne se lasse pas des trouvailles du jeu d'Emil Spanyi qui trouve en Sylvia Versini aux claviers, une compagne de jeu et de jeux. On y découvre quelques jeunes talents comme cette belle clarinette de Hugues Mayot ou encore la trompette de David Lewis ou encore le ténor de Ganesh Geymeier.


Sylvia Versini, on le notait déjà sur Broken Heart, a cette façon de faire sonner son tentet comme un véritable big band. Le souffle qu’elle donne à cette musique est ample. C'est à la fois beau et émouvant, ça swing beaucoup et ça nous ramène finalement à une sorte de vérité du jazz.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 22:58

PASCAL  ANQUETIL

Tana Editions, 224 pages, 45 euros
En librairie le 29 septembre 2011

Jazz_anquetil-290x290.jpg

Ce livre est un objet de plaisir, de ravissement au sens premier du terme. Et on est bien content que ce soit Pascal Anquetil, le Monsieur Irma du Jazz en France qui se soit attelé à ce chantier titanesque. A dire vrai, ils ne sont pas nombreux dans l’hexagone à pouvoir rédiger leur « favorite things » in jazz, à se prêter à ces « exercices d’admiration ».  La nostalgie joue à fond en feuilletant la galerie de portraits de musiciens de jazz. C’est une musique de joie et de danse, de résistance et de révolte, un art majeur qui avec le cinéma a bouleversé et incendié tout le XXème siècle, écrit Pascal Anquetil dans une brillante préface-manifeste qui resitue « les horizons du jazz et ses arpenteurs ».

Le pari de ce livre est de donner à voir et à lire, en un découpage judicieux de huit catégories, soixante-dix figures emblématiques de cette musique : suivant le cahier des charges, Pascal Anquetil s’est livré à une sélection rigoureusement personnelle déclinée en « génies décisifs», « maîtres chanteurs», «bâtisseurs de mondes», «virtuoses du bonheur», «anges déçus du lyrisme», «maîtres célibataires», «chefs de file», «musiciens intimes». Il  évite ainsi l’écueil chronologique souvent fastidieux, bouscule genres et époques, styles et instrumentistes. Ce qui permet des voisinages savoureux, des dérapages spatio-temporels. Exactement comme dans ces nouveaux temples des musiques actuelles où rôdent des jeunes gens affamés non plus seulement de savoir mais de plaisir. Curieusement, cette musique, éclatée en petites chapelles, en retrouverait presque une unité, redevenant le JAZZ. Et au diable les étiquettes  …qui ne demandent d’ailleurs qu’à être enlevées.

 On peut faire confiance à Pascal Anquetil, professionnel éclairé et authentique amateur, dont la vie suit le roman du jazz, pour nous conduire dans les arcanes de cette musique. Il est né suffisamment tôt pour entendre les grandes légendes du jazz, appréhender les tournants décisifs de l’histoire de cette musique sans rester à la remorque, l’oeil fixé sur le rétroviseur. C’est qu’il connaît la musique et aime les musiciens. Le journaliste Philippe Méziat, l’un de ses correspondants en région, souligne avec justesse que «Pascal Anquetil est un des rares professionnels à servir cette musique et les musiciens qui la font, plutôt que de s’en servir ».

Donc ce  livre tombe  bien : ce n’est pas un cours magistral sur le  jazz et encore moins  un abrégé « Le jazz pour les nuls » mais a « labour of love », une  série de portraits croqués avec talent, racontant une histoire personnelle du jazz, dans une écriture plus littéraire que journalistique où l’émotion le dispute à l’érudition. Il a le chic de choisir l’angle d’approche pertinent pour que cette évocation lumineuse et précise aille au delà de la musique. Pascal Anquetil arrive à restituer le parcours de chaque musicien, en introduisant souvenirs personnels et truculentes anecdotes avec son talent impayable de conteur. Et ses confidences sur les entours de cette musique éclairent singulièrement le travail des musiciens. Il a l’envie de faire partager non seulement ce qui a traversé son horizon musical du moment mais ce qui est demeuré gravé dans sa mémoire. Ses textes sont le lieu d’ouvertures, de passages, d’admirations, d’euphories. Quant à la composition de ce livre d’éclats, il tient à un rien qui est tout, le temps. Temps de la musique, de l’écriture, temps suspendu, temps ana-chronique. Il faut considérer cette architecture textuelle et visuelle comme le lieu de la cristallisation, du « mémorable ». Rien de rigide, de docte, de figé mais plutôt le reflet d’une sensibilité bienveillante, qui n’empêche pas une fréquentation assidue et studieuse des musiciens. Les figures de papier glacé (les photos noir et blanc, en pleine page sont somptueuses) s’animent sous nos yeux, redeviennent des personnages de chair et de sang, avec une réelle épaisseur. Faire vivre et respirer le jazz, créer de petits infinis, qui donnent envie-c’est le plus important-d’entendre cette musique, de replonger dans sa propre discographie, d’aller chercher et de compléter certains manques.  Comme dans une série, un feuilleton qui vous tient en haleine, on se prend alors à penser que l’auteur pourrait continuer sa liste, l’actualiser et écrire une suite. C’est du moins tout le plaisir que l’on nous souhaite…

Sophie Chambon

 

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