Cristal records 2011
On ne peut qu’être intrigué puis séduit à l’écoute de ce formidable instrumentiste-collectionneur qu’est Frédéric COUDERC. Non content de jouer de divers clarinettes, saxophones, flûtes, cor anglais et taragot (instrument en bois d’origine hongroise, proche du soprano et /ou du cor anglais sur « Déjà demain »), il a trouvé le moyen de penser à un nouveau prototype, le coudophone, à savoir un saxophone ténor en ut droit (sur deux titres). Diable d’homme évidemment passionné par Roland Kirk, qui se promène à l’aise dans la Kirkophonie, a su faire sa place dans le Paris Jazz Big Band, qui réunit la fine fleur des musiciens de jazz français, orchestre de Pierre Bertrand et Nicolas Folmer qui choruse sur un titre « Preludio nazarresco ». Mais Couderc va voir aussi du côté des expérimentations de Vincent ARTAUD(Music from early times) . Quand on est sensible à la beauté et l’alliage des timbres, comment résister à ce délicat « C’est pas grave » (cor anglais et violon) sur lequel Frédéric Couderc a su s’entourer d’une rythmique de rêve, André Cecarelli qu’on ne présente plus et le Vénézuélien Juan Sébastien Gimenez,bassiste et contrebassiste, auteur de la plupart des compositions et des arrangements de ce disque. Le pianiste est Vincent Bourgeyx, Bordelais émigré aux States, familier du Japon, revenu enfin au pays. Sur une de ses compositions « While she sleeps » faussement mélancolique, Frédéric Couderc joue du saxophone mezzo soprano. La musique de cet album est festive, colorée, chatoyante, rythmée : elle invite réellement au voyage et ce n’est pas une image, par le déploiement de tous ces sons convenablement arrangés. Chaque nouvelle composition assortit des sonorités différentes, soprano et kayamb du Réunionnais Olivier Ker Ourio sur « La didonade » du pianiste du PJBB Alfio Origlio. C’est bien une histoire de sax et de famille musicale où la couleur est partout. Comme si Klee, qui mania l’archet avant le pinceau l’avait inspiré. Klee qui transcrivait ses partitions en géomètre aventureux, déroulant la représentation plastique des mesures d’une sonate de Bach, dans des lignes de rêve. D’ailleurs l’une des définitions possibles de la Coudophonie serait « l’art d’appliquer aux sonorités les règles de couleur du peintre ». Et l’on se perd volontiers dans la peinture de la couverture de Philippe Conord qui tangue entre de Kooning et Bram van Velde, ouvrant des fenêtres sur cet univers passionnant des correspondances.
Sophie Chambon