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6 octobre 2022 4 06 /10 /octobre /2022 08:53

    Au cœur de l’automne, ‘JAZZ EN TÊTE’ s’est taillé une place de choix chez les fans de la note bleue, contre vents et marées, refusant d’aller musarder sur les terres musicales voisines (et commerciales). Pour sa 35 ème édition (du 18 au 22 octobre), le festival hébergé à Clermont-Ferrand entend bien, confie son fondateur et directeur artistique, Xavier Felgeyrolles, « rester fidèle au jazz canal historique, cette source inépuisable qui a toujours conflué avec « l’air du temps » d’une époque à l’autre ».


    Les DNJ : Quelle est la particularité de Jazz en Tête au milieu des quelque 300 à 400 festivals de jazz de l’hexagone ?
    Xavier Felgeyrolles : Nous avons la chance de ne pas être trop gros et de pouvoir ainsi mettre les petits plats dans les grands, pour le public (5000 spectateurs sur l'ensemble des concerts, workshops, jams, etc.) et pour les artistes. Je dirais que c’est un festival de copains avec de bons musiciens (sourires). Nous sommes une association d'une trentaine de bénévoles au moment du festival, et une poignée de personnes impliquées toute l’année, dont un président d'association et un bureau d'association et, bien sûr, les professionnels, comme ma pomme ou l'expert comptable, ou encore les fidèles directeur technique, graphiste, photographe, etc. 


    Les DNJ : Comment réussit-on à tenir la route financièrement dans la durée ?
    XF : La première année, en 1988, le festival a débuté sans aucune subvention publique : on lançait une balle en l'air en espérant qu'elle tombe du bon côté ! Et nous avons réussi ... avec une sacrée affiche : Herbie Hancock, Ray Brown, Dee Dee Bridgewater, Ellingtomania ... Les aides sont arrivées ensuite très progressivement. Aujourd’hui, pour un budget fluctuant autour de 200.000 euros - sans compter les salles clermontoises mises à disposition, mais où nous apportons toute la technique - les concours officiels (collectivités territoriales et DRAC, direction régionale des affaires culturelles), comptent pour 45 %, le mécénat 15 % et la billetterie pour 40 %. Nous pratiquons une politique tarifaire ajustée : 34 euros pour une soirée de deux concerts, 29 euros pour les tarifs réduits et 10 euros à la dernière minute pour les étudiants. On arrive ainsi à moins de 30 € pour le tarif moyen et … deux concerts.


    Les DNJ : Jazz en Tête a ses habitués parmi les têtes d’affiche, Par exemple cette année, Mino Cinelu se produit pour la troisième fois, Gonzalo Rubalcaba pour la quatrième …
    XF : (coupant) Herbie Hancock est venu trois fois, Gregory Porter, un chanteur que tout le monde s’arrache, a donné à Clermont son premier concert en France, capté alors en 2011 pour Mezzo. Quant à Biréli Lagrène, à l’affiche lors de cette 35 édition, il était déjà là en 1990, et déjà en solo. Je suis dans le milieu du jazz depuis quarante ans, ayant été par concours de circonstances, road manager à l'âge de 20 ans de Dizzy Gillespie, Jay McShann, Milt Jackson, Illinois Jacquet, et de tant d'autres anciens, puis producteur de disques (label Space Time Records depuis 1996, où apparaissent notamment les premiers albums de Lionel Loueke, d'Eric Harland, ou encore le seul album solo piano de Mulgrew Miller). Bref. Au départ, cela crée incontestablement des liens avec les musiciens, après cela les entérine.


    Les DNJ : La 35 ème édition marque donc le grand retour des musiciens américains absents d’Europe pendant la crise sanitaire du Covid …
    XF : Assurément avec notamment une des toutes nouvelles étoiles du jazz vocal, Samara Joy. Mais nous aurons également sur scène le pianiste brésilien Eduardo Farias que l’on a découvert en France auprès d’un de nos jazzmen français préférés ici, le saxophoniste Baptiste Herbin ou encore un trompettiste américain, Jim Rotondi … qui a choisi de s’installer à Clermont-Ferrand après s'y être produit au sein du Mingus Dynasty et y avoir rencontré une clermontoise. Et enfin, après une année où nous avions avancé l’heure des concerts pour respecter le couvre-feu (en 2020), pour la deuxième année consécutive c'est aussi le grand retour des « jam sessions » qui se prolongent jusqu’au bout de la nuit. Non décidément, à Clermont Ferrand le jazz « canal historique » n’a pas fini de vibrer.

 

Propos recueillis par Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Nathalie Raffet et Michel Vasset
 
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Jazz en tête. 18-22 octobre. Clermont-Ferrand (63). Maison de la Culture. Début des concerts à 20 h.  www.jazzentete.com

 

18 octobre : JET All Stars 2022 avec Steve Nelson (vibraphone), Kenny Davis (contrebasse) & Billy Kilson (batterie); Gonzalo Rubalcaba & Aymée Nuviola.

 
19 octobre : Jim Rotondi Quintet   avec Jim Rotondi (trompette et bugle), Jon Boutellier (saxophone ténor), Danny Grissett (piano), Darryl Hall ( contrebasse), Jason Brown (batterie) ; Mark Guiliana Jazz Quartet avec Jason Rigby (saxophones), Jason Lindner (Piano), Jasper Høiby (Contrebasse), Mark Guiliana (batterie).


20 octobre : Mino Cinelu (percussions)-Tony Tixier (piano, claviers) duo avec  Raynald Colom ;  Samara Joy ( voix), Isaiah J. Thompson (piano), Matthias Allamane (contrebasse),  Malte Arndal (batterie).


21 octobre : Bireli Lagrène (guitare) ; Eduardo Farias Brazilian Trio Eduardo Farias (piano); Hermeto Coridor (contrebasse); Antonio Carlos Harlando (batterie).


22 octobre : Gabriel Fernandez "Mundo Trio" avec Gabriel Fernandez (saxophones ), Jean-Marie Frédéric (guitare ), Jean-Luc Di Fraya  (batterie & percussions ) ; "The Mountain Four" All Stars  avec Lionel Loueke (guitare, voix), Walter Smith III  (saxophone ténor), Joe Sanders ( contrebasse), Eric Harland ( batterie).

 

 

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3 octobre 2022 1 03 /10 /octobre /2022 16:02

SEBASTIEN FARGE : « Origines »Laborie Jazz 2022

Sébastien Farge (acc, arr, compos), Amaury Faye (p), Gautier Laurent (cb), Francis Arnaud (dms) + Karen Jeauffreau (vl), Pauline Hauswirth, Marin Reimann, Jacques Gandard, Matilda Daiu, Julien Gaben (alto), Florence Hennequin (cello)

 

Posons les choses, tout d’abord : Sebastien Farge est avant tout un accordéoniste exceptionnel, reconnu par l’ensemble de la profession et auréolé en 2015 du grand prix du disque « Gus Viseur ». L’accordéoniste a cet art de nous toucher par la légèreté aérienne de son jeu et son sens aérien de l’improvisation. 

Mais avec Sebastien Farge c’est surtout de souffle dont nous voudrions parler ici.

Car avec cet album (« origines ») c’est bien de souffle dont il s’agit. Du souffle d’une écriture grandiose. Du souffle du vent des émotions qu’elle procure. Du souffle des tempêtes maitrisées et des tendres baisers.  Il y a du volume, de l’ampleur dans cet album qui s’expriment avec une grande et belle générosité du dire, du jouer, de mettre en mouvement. Pas d’effets ostentatoires dans cette musique mais, encore une fois du souffle. Parfois c’est une tendre mélancolie qui puise dans les classique (Bach avec Concerto indigo) ou qui s’inspire de mélodies simples auxquelles il apporte une forte densité émotionnelle (Boîte à musique). Toujours, la musique de Sébastien Farge s’interdit toute linéarité simpliste et ouvre des portes, sans cesse ( Insomnies).  C’est un peu chez l’accordéoniste comme si l’on se trouvait dans une pièce inconnue et que l’on ouvrait des tiroirs tout aussi inconnus pour y découvrir des secrets enfermés. Et cette pièce devient alors une chambre, une chambre des rêves, des merveilles et des enchantements.

Mais il y a plus que cela encore. Il y a cette mise en mouvement d’un ensemble orchestral qui fonctionne à merveille. Son entente avec le pianiste Amaury Faye y apporte un jeu de contraste lumineux. Les cordes sont là parfois pour donner à cette musique, qui n’est jamais symphonique, un nouvel espace vibrant. Et les pièces de l’engrenage mettent le musique en mouvement. Harmonieusement.

On suit cet album en tentant de ne pas chavirer. La charge émotionnelle y est forte. Mais n’est-ce pas ce qui fait la grandeur de la musique ?

Jean-Marc Gelin

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1 octobre 2022 6 01 /10 /octobre /2022 15:54

Columbia -Legacy /Sony Music

 

Dans sa séries des inédits ou des enregistrements pirates en voie de réappropriation, Sony explore le fonds de Columbia, qui détenait les droits de Miles Davis jusqu’à son exil chez Warner Bros en 1986 avec l’album «Tutu». Trois CD, également compilés en 2 vinyles, pour plonger dans les inédits des disques «Star People»,  «Decoy» et «You’re Under Arrest» (1982-85) ; et aussi un concert du festival de Montréal, en juillet 1983, sur le troisième CD.

Quelques pépites : Santana, un titre assez torride ; mais aussi Celestial Blues, en errance déstructurée, avec l’intervention de J.J. Johnson, que l’on retrouve sur Minor Ninths, où Miles au piano électrique dialogue avec cet historique tromboniste, son partenaire des fifties. Sans oublier le concert à Montréal du CD 3, qui pétille des étincelles prodiguées par John Scofield. Hautement recommandable donc, aux intégralistes, mais pas que….

Xavier Prévost

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détails des séances sur le site de Sony Music

https://www.sonymusic.ca/press_release/columbia-records-legacy-recordings-set-to-release-miles-davis-thats-what-happened-1982-1985-the-bootleg-series-vol-7-on-friday-september-16

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Un avant-ouïr sur Youtube

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28 septembre 2022 3 28 /09 /septembre /2022 10:47

Michael WOLLNY : «  Ghost »

ACT 2022

Michael Wollny (p),Tim Lefebvre (cb), Eric Schaeffer (dms)

Michael Wollny est une sorte de magicien. Un créateur d'atmosphères. D'atmosphères étranges et oniriques.Et spectrales (comme l’indique le titre de l’album). Car Michael Wollny dessine son propre univers musical. Et il est aussi fascinant qu’envoûtant.

Les fantômes qui hantent son identité de pianiste viennent ici inspirer ses improvisation qui s’appuient sur sa formidable rythmique habituelle.

Que ce soit sur le clavier simplemement acoustique ou juste embrumés des effets électroniques, il crée son propre cadre, totalement hypnotique. Ce qui lui permet de réinventer des standards comme I love you Porgy rarement entendu sous cette lumière étrange ou comme In a sentimental mood. Ce sont les fantômes du passé recréés.

Mais il y a aussi parmi les fantômes qui hantent le pianiste ceux, bien présents d’une certaine pop claire-obscure comme Radiohead (Hauntology composé par Wollny pas loin de l’esprit de Thom Yorke) ou comme le groupe de rock canadien Timber Timbre dont Wollny reprend le célèbre Beat drum slowly. L’acmé de l’album est d’ailleurs atteint sur un morceau de Nick Cave, Hand of god dont la relecture est à la fois brillante et tripale.

Dans les power trios qui marquent l’histoire du jazz récent, celui de Michael Wollny trouve une place de choix aux côtés du regretté E.S.T et de Bad Plus. Le pianiste fait ainsi partie de cette génération soucieuse du jazz et soucieuse de sa modernité aussi. Wollny, comme eux, réinvente une autre forme de jazz qui passe par d'autres émotions, joue sur la corde sensible des subtiles dissonances harmoniques qui font mouche et surtout sur un art absolu de la mise sous tension.

Il y a là une forme moderne du romantisme. Un romantisme du XXIème siècle.

Jean-marc Gelin

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25 septembre 2022 7 25 /09 /septembre /2022 23:19

 

Une escale, avant que l’Amie Sophie Chambon ne prenne la relève, de ce festival placé cette année sous le signe des Voyageurs de l’imaginaire. Cet intitulé n’a rien de de conjoncturel ou d’opportuniste : il se propose de nous faire découvrir des musiques qui, toutes, ont en commun de nous entraîner quelque part (une époque, un lieu, un univers (culturel, musical, littéraire….)

 

Au Conservatoire Pierre Barbizet, où les festival est accueilli pour la seconde année (après 8 ans au Théâtre des Bernardines), ce sont chaque soir deux concerts d’une forte intensité.

 

Le jeudi 22 septembre, la soirée commence avec Claude Tchamitchian, programmateur et initiateur du festival avec sa compagnie Émouvance. Le trio Naïri prévu est devenu un duo, car la veille le guitariste Pierrick Hardy a été immobilisé par un problème de santé très soudain. C’est donc avec la clarinettiste Catherine Delaunay que le contrebassiste donne ce programme construit autour de la mémoire de l’ancienne Arménie (pays d’origine de Claude Tchamitchian), un pays que l’on appelait dans la haute antiquité Naïri. Les mythes et les espaces sont évoqués par le duo avec une subtilité musicale, et une expressivité, qui sont comme un récit, dont nous sommes captifs.

 

Puis c’est la rencontre du Quatuor à cordes Béla et Marc Ducret autour de la Suite Lyrique d’Alban Berg. Sous le titre «Suite lyrique électrique», Le guitariste parle, guitare en main, de cette œuvre musical très singulière, conçue comme un message d’amour crypté à destination d’une femme mariée. Le quatuor enchaîne en jouant cette pièce en six mouvements, à la fin de laquelle le guitariste poursuit sans transition, d’abord seul, puis conviant tout ou partie du quatuor a jouer avec lui la musique qu’il a composée pour prolonger le mystère de cette œuvre, ses codes et ses méandres. Et Marc Ducret a conclu en lisant l’une des lettres écrites par Alban Berg à son amour interdit, Hanna Fuchs. Grand moment de musique en miroir, sorte de cérémonie transculturelle d’une formidable intensité.

Xavier Prévost

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25 septembre 2022 7 25 /09 /septembre /2022 15:10
EMOUVANTES 2022, le festival des musiques d’aujourd’hui
EMOUVANTES 2022, le festival des musiques d’aujourd’hui

EMOUVANTES 2022, le festival des musiques d’aujourd’hui


 

Retour aux Emouvantes, le festival du contrebassiste Claude Tchamitchian et de Françoise Bastiannelli comme chaque année fin septembre pour deux soirées, en ce qui me concerne, mais vous pourrez lire pour avoir une idée complète autant que précise Xavier Prévost avec lequel nous faisons un raccord et un passage de relais amical, depuis sa venue à présent régulière à ce festival marseillais si singulier qui a changé plusieurs fois de lieux. Du Cabaret aléatoire (il portait bien son nom) dans l’ancienne usine Seita de la Belle de Mai devenue une friche industrielle réussie, avant de trouver “son site”, la chapelle baroque des Bernardines jouxtant le grand lycée marseillais des classes prépas, le lycée Thiers. Mais avec la pandémie, les Emouvantes sont accueillies depuis 2021 au Conservatoire de Région Pierre Barbizet, hébergé par son directeur, le saxophoniste Raphael Imbert.


 


 

Jour 2 : vendredi 23 Septembre

 

 

Transatlantic Roots, le trio de Bruno Angelini, Eric Echampard et Fabrice Martinez, 19h00, salle Audoli.


 

Dans la salle Audoli, il fait une chaleur étouffante qui ne décourage pas le public très nombreux. Le son est parfaitement réglé grâce à Mattéo Fontaine, ingénieur son de La Buissonne.

Le pianiste marseillais Bruno Angelini déroule la spirale de ses souvenirs et raconte avec une douceur argumentée sa fascination souvent mêlée de colère pour ce grand pays qu’est l’Amérique. Il revient à ses premiers émois musicaux, les LP  In a silent way de Miles, le Mingus Ah Hum! et You must believe in spring de Bill Evans.

Les figures iconiques de cinéastes, écrivains, militants engagés pour la liberté, le respect des droits civiques et plus récemment l’écologie. (“A butterfly can save a tree”) se passent le relais dans le montage du concert, mosaïque d’une Amérique digne d’admiration. Pris entre ces deux cultures, l'écritue de Bruno Anelini, inscrite dans la tradition écrite occidentale, puise dans l’improvisation et le jazz, sur un piano augmenté d’ effets électroniques et de claviers additionnels.

Il a formé un trio lyrique de tisseurs de sons, en parfaite entente avec ses deux complices. Le pianiste cherche à formuler sa mélancolie, dans des compositions en clair obscur, aidé par le son étouffé, étranglé de Fabrice Martinez à la trompette ou au bugle, et le drumming, précis, attentif et toujours stimulant d’Eric Echampard.

 Un exemple parfait dans cet hommage est ce Mal’s Flowers” pour Mal Waldron, ce maître du silence (“All alone, “Left Alone” ) qui a connu des duos d’accord parfait, de Billie Holiday à Jeanne Lee. Bruno Angelini retrouve alors ces motifs obsédants, réitérations, insistances qui colorent sombrement l’accompagnement. On n’en finirait pas de s’extasier sur les raffinements de la palette de Fabien Martinez qui avouera avec humour en coulisses après concert qu’il na pas trop démérité”. Et comment! S’il ne nous rappelle personne en particulier -c’est ce qui le rend précieux, impressionnante est son imagination, son aisance, lavoix humaine” de sa trompette qui pleure, crie, gémit, soupire.

Pianiste et trompettiste se partagent le jaillissement mélodique, le discours de l’un soutenant, voire prolongeant le propos de l’autre, s’autorisant des écarts, des fulgurances, surtout quand il s’agit de la violence de la ségrégation auquel répond alors le déluge de la batterie dansRosa and the thorns” pour Rosa Parks. On retrouve alors la force de frappe d’Echampard, pilonnant le terrain et réveillant dans nos mémoires les terribles images de lances à incendie et des chiens policiers envoyés contre les manifestants luttant pour les Droits civiques. Sensations physiques, de rage plus ou moins rentrée, dans un espace d’improvisation modale avec cet autre thème, “Peaceful warrior”, Sitting Bull le Sioux, le génocide des “natives”, du peuple amérindien, que montre le cinéma des seventies. Ainsi ce sont les ambiances, les couleurs de ces scènes que se représente Angelini dans son film imaginaire, son cinéma intérieur où il bat la campagne, les espaces de la wilderness américaine que ne renierait pas Michael Cimino.


 

Puzzle, création du quintet d’Hélène Labarrière, 21h00.

 

Hélène et ses hommes.

C’est une idée magnifique que de rendre hommage à ces pionnières,  ces guerrières qui payèrent le prix fort pour “vivre leur vie”, Louise Michel, Thérèse Clerc, Jeanne Avril, Angela Davis et Emma Goldman. Pas question d’un Girl power comme dans l’octet exclusivement féminin de Rhoda Scott, entouré de sept brillantes et jeunes musiciennes de la scène jazz hexagonale. La contrebassiste Hélène Labarrière fait partie depuis longtemps de notre paysage affectif, combattant pied à pied, corde à corde pour gagner une liberté qu’elle a acquise auprès de certains hommes, les musiciens qui l’entourent, la supportent au sens anglais évidemment. Se forme ainsi un puzzle autour de cinq thèmes dédiés à ces dames, arrangés par cinq musiciens qui comptent, compagnons de route, dans l’ordre Marc Ducret, François Corneloup, Jacky Molard, Sylvain Kassap et Dominique Pifarély. Avec ce bagage musical classieux, le quintet fait entendre un chant joyeux qui explose d’une énergie communicative de jazz et rock. Des montées d’adrénaline avec des crescendos magnifiquement amenés, ou au contraire des descentes qui finissent dans le souffle.

Sur scène, à l’arrière, Hélène Labarrière danse littéralement avec sa basse , exaltée par les couleurs percutantes de Simon Goubert. En front line, les soufflants aux doux unissons, la clarinettiste Catherine Delaunay et le saxophoniste ténor également clarinettiste Robin Fincker subjuguent, capables aussi de douces violences . Stéphane Bartelt que je ne connaissais pas, apporte avec sa guitare électrique l’alliage indispensable, le son qui fait aussi la différence.

Comment s’approprier collectivement à partir d’une partition arrangée un programme et en faire un ensemble cohérent? Avec rigueur et excentricité, dans une manière unique qui rime avec urgence. Hautement recommandé à tous les programmateurs!


 

 Jour 3  : samedi 24 septembre 


Une soirée où jazz et littérature sont à l’honneur.

Love of Life le trio de Vincent Courtois, Robin Fincker et Daniel Erdmann, 19h00

 

J'étais à la création de ce programme à l’Ajmi d’Avignon en novembre 2018 et j’ai eu la possibilité de le revoir à Nevers, l’an dernier, alors intitulé Oakland, avec les voix de Pierre Baud et de John Greaves. Ce soir, on revient à la version en trio, Love of Life (sorti sur Vision Fugtive) qui s’insère dans une continuité idéale avec le travail de la formation : composer une nouvelle B.O, celle d’un film imaginaire, reflet de la vie de Jack London, singulière, émouvante en bien des aspects. Celui qui “a mené sa vie comme le galop furieux de quarante chevaux de front» avait cette sauvagerie en lui. Michel Le Bris l' avait bien compris en retraduisant par “L’appel de la violence” l’inepte L’appel de la forêt en reconsidérant l’ adjectif “wild”. Le projet rend compte de la part sauvage en nous, « êtres sombres dans le mystère de la fureur". Nos trois complices ont réussi à faire remonter le matériau exceptionnel de l’écrivain au cours de leurs improvisations et dans leur écriture, en tirant parti du registre troublant des timbres du milieu. Avec des thèmes traversés, retournés, qui se déversent comme une lave en fusion, on s’abandonne à leur nouvelle histoire, avec des pièces qui deviennent vite des tourneries. Ils savent se placer sur scène, les deux soufflants debout, élégants et stylés, entourant le violoncelliste assis, qui se tourne alternativement vers chacun. Résultat d’ un long compagnonnage à présent, le trio a un son propre, conjuguant lignes sophistiquées et rythmes carrés, dépouillement et violence, le registre profond et grave unifiant le tout, ouvrant des passages entre les genres, d’un jazz chambriste à une musique pop, voire folk ( gigue irlandaise) dans une tension tourmentée. Les notes remplacent les mots. De son violoncelle, Vincent Courtois peut tirer tous les effets, en jouer comme d'une guitare, du classique à l’archet au blues et s’emporter à grands traits rageurs. Chacun a écrit, inspiré par certaines nouvelles de London, Le Loup des mers pour Robin Fincker par exemple. Ou cet autobiographique Martin Eden dont le trio avec finesse adapte le premier et le dernier chapitre, le suicide par noyade. Il n’est pas nécessaire de bien connaître Jack London pour apprécier le travail du trio mais cela aide. Avec une subjectivité assumée, c’est leur London qui apparaît à l’oeil et l’oreille. Ils donnent ainsi une double version de la nouvelle très connue “To build a fire”, décidant de deux fins, sauvant ou non le malheureux trappeur parti seul avec son chien dans le froid du Yukon. Modulant jusqu’à la note finale, on s’enfonce avec lui dans le grave d’un engourdissement mortel ou on reprend vie par la chaleur du feu retrouvée. Mention particulière enfin avec cette pépite (quand il s’agit de London!), du standard de Billie Holiday «Am I blue?»(Colombia records, 1941 avec Roy Eldridge), reprise au piano par Hoagy Carmichael chantant avec Lauren Bacall dans To Have and Have Not (le Port de l’angoisse ) d’Hawks. La partie est gagnée-elle l’aurait été de toute façon mais leur manière de revoir ce standard est diablement émouvante.

 

Baldwin en transit Stephane Payen septet, 21h00

On continue la soirée avec une autre colère, celle de James Baldwin. J’ai encore en tête le souvenir du documentaire de l’Haïtien Raoul Peck, en 2016 I am not your negro dont le titre original était Black Lives Matter du nom du mouvement militant afro américain contre la violence et le racisme systémique envers les Noirs. On sait le chemin parcouru depuis par ces mots devenus slogan! Le cinéaste nous fait revivre les années sanglantes de lutte pour les droits civiques avec les assassinats de Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King dans les années 60.

 Impatiente de découvrir le projet de ce Baldwin en transit, avec les mots plein de rage de l’écrivain. Le saxophoniste Stéphane Payen s’est attaché à le suivre dans son exil en Europe, en France, dans ses voyages divers dont un à Istanbul. Ecrivain afro-américain, Bamdwin parle de ses expériences d’homme noir aux Etats Unis mais aussi en exil, d’une non reconnaissance qu’il peut rencontrer partout “Call me Jimmy”. C’est un exemple réussi d’adaptation en musique de ces Baldwin’s Echoes, tirés de divers écrits entre les annés cinquante et soixante The fire next time, Just above my head et Giovanni’s room, annoncés en spoken word par trois voix militantes, celles de Jamika Ajalon, Tamara Singh et Mike Ladd.

La musique qui accompagne cette colère d’un homme seul et singulier est élargie aux revendications d’autres voix noires en lutte, le résultat d’une alliance originale de timbres choisis, flûtes de Sylvaine Hélary, violon de Dominique Pifarély, guitare de Marc Ducret, saxophone de Stéphane Payen, auteur de ces échanges, en résonance avec le slam balancé, projeté, répété jusqu’à l’étourdissement, chuchoté. Ce que c’est que d’être noir et homme…Le violon mène le bal de cet accompagnement chambriste subtil,  d’une sobriété ébouriffante face à la force radicale des mots proférés. Violence exacerbée par la colère d'un ciel marseillais déchaîné, traversé d’éclairs, annonçant un déluge, ponctuation finale du festival.


Sophie Chambon

 

EMOUVANTES 2022, le festival des musiques d’aujourd’hui
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24 septembre 2022 6 24 /09 /septembre /2022 08:22

Studio Sextan (Malakoff) février-mars 2022.

Peewee !/Socadisc. Sortie le 30 septembre.

   

    Dans les temps anciens, le solo de batterie divisait les spectateurs des concerts de jazz, les néophytes s’émerveillaient devant la virtuosité et le spectaculaire tandis que les puristes (les plus radicaux) en profitaient (c’était permis) pour sortir « griller une cigarette » ou « s’enfiler un canon ». Une époque (quelque peu révolue) où les solistes prenaient leur temps au risque de « jouer la montre ».


    L’heure étant à la sobriété si ce n’est au minimalisme, cet exercice a quelque peu disparu. Il n’en reste pas moins que le solo de batterie a ses maîtres, ainsi que vient de le rappeler Frank Bergerot dans le cd « Les As de la Batterie Moderne » livré avec le dernier numéro de Jazz Magazine (n°752, septembre 2022). Et quels as ! Kenny Clarke, Max Roach, Philly Joe Jones, Art Blakey, Roy Haynes (seul survivant à ce jour). A cette courte liste, pourrait bien s’ajouter désormais Simon Goubert. L’un des rares batteurs couronnés du Prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz (c’était en 1996) s’est lancé dans un défi à la hauteur de ses talents. Construire une œuvre en s’inspirant d’un univers sonore mis au point par le compositeur Ivan Wyschnegradsky (St Petersbourg 1893- Paris 1979) sur un piano accordé au ¼ de ton. A l’issue d’un concert de ce dernier en 1977, « je m’étais juré d’un jour me rapprocher de cette musique », témoigne-t'il. Il aura donc fallu plus de quatre décennies pour sa concrétisation.

 

   

    En studio, le batteur a monté un dialogue entre deux batteries (une Gretsch, assez classique, et une Repercussion de conception acoustique innovante). Le résultat surprend, séduit, estomaque. Foin de toute virtuosité, place à la musicalité dans « Le Matin des Ombres », suite en trois parties (pièce centrale de l’album complété de compositions courtes et percutantes signées également du jazzman) ... Une expression qui renvoie aussi bien au jazz qu’à la musique contemporaine. Un objet sonore non identifiable qui donne à réfléchir et jamais ne lasse.

 

    Laissons le dernier mot à la vice-présidente de l’association Ivan Wyschnegradsky, Martine Joste : « en mariant ses impros percussives à de brèves séquences extraites d’œuvres de Wyschnegradsky mises en répétition (….) Simon Goubert a superbement réussi cette intégration qui aurait pu paraître improbable ».

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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20 septembre 2022 2 20 /09 /septembre /2022 19:00

Jazz eleven 2022


Pamina Beroff (vc, compos), Mark Priore (piano), Juan Villarroel (contrebasse) et Elie Martin-Charrière

 

« Unfolding », le premier album de la toute jeune chanteuse Pamina Beroff est, en ce début d’automne une bien belle découverte et, il faut bien le dire une surprise qui nous a totalement charmé.

Nous ne connaissions pas cette chanteuse (personne n’est parfait !).
Née en 1993 sous une bonne étoile, de père et mère tous deux musiciens et pianistes de haut niveau ( Michel Beroff et Marie-Joseph Jude), Pamina Beroff avait donc de très bonnes fées qui se sont très tôt penchées sur son berceau. Baignée de musique, Pamina s’est forgée une solide culture dans le jazz à force de fréquenter régulièrement le festival de Montreux (où elle y voit George Duke, Angelique Kidjo, et d’autres) et quelques masterclasses prestigieuses.

Parcours qui l’amène aussi à rencontrer pour ce premier opus Eric Legnini qui assure la réalisation de cet album et le pianiste Giovani Mirabassi qui se charge de la direction artistique. C’est dire combien Pamina Beroff a su mettre tous les atouts de son côté.

Et le résultat est là.

Il est en effet des albums que l’on pose dans sa platine sans rien en savoir au préalable et que l’on écoute d’une oreille un peu distraite tout en faisant autre chose. Mais parfois l’oreille se met aux aguets et se trouve captée par un « je-ne-sais-quoi ». Et c’est exactement ce qui s’est passé avec Pamina Beroff. Alors du coup, on arrête ses occupations et l’on écoute. Et là, pas de doutes, cette chanteuse a un truc. Un truc qui nous charme autant qu’il nous emballe.

Sa voix juvénile tout d’abord (normal puisque l’album évoque le passage à l’âge adulte), légère et qui ne tombe jamais dans la lourde mélancolie. Une voix qui séduit par sa fraîcheur et qui nous laisse une belle dose d’ondes positives au travers des chansons dont, pour la plupart elle signe les textes en anglais. On ressent parfois les mêmes émotions que lorsque jadis l’on entendait Judy Garland ou qui avec un air presque enfantin chantait des choses qui touchaient droit au cœur.

Appuyée par une superbe formation et un pianiste-orfèvre avec un Marc Priore particulièrement inspiré et enlumineur des espaces, Pamina Beroff nous montre une vraie façon de faire danser les mots avec un swing léger et aérien.

Une vraie découverte. Une vraie entreprise de séduction. Un vrai coup de cœur.

Jean-marc Gelin

https://youtu.be/7DlRzo-vWK8

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16 septembre 2022 5 16 /09 /septembre /2022 16:24

Benjamin Bondonneau (clarinette), Laurent Cerciat (voix d’alto), Christin Wodraska (piano), Gaël Mevel (violoncelle), Jean-Luc Cappozzo (trompette, bugle), Denis Cointe (reconstitution sonore d’acouphènes), Loïc Lachaize (enregistrement, conception sonore) , Didier Lasserre (batterie, tymbale baroque, cloche, composition)

Poitiers, 26-27 mai 2021

Ayler records AYLCD-176 / Orkhêstra

http://www.ayler.com/didier-lasserre-silence-was-pleased.html

 

Inspirée par un poème du Paradis perdu de John Milton, une folle excursion depuis le silence vers les sons, où l’on retrouve (dans le chant) comme un écho de la musique baroque anglaise du 17ème siècle (contemporaine du poème), mêlé à des pérégrinations dans toutes les musiques contemporaines (vocales ou instrumentales, incluant le jazz, les musiques improvisées), et où la quête de cet absolu du silence qu’est la musique est parfois stimulée autant que parasitée par ces sonorités reconstituées d’acouphène. Une manière de prendre en compte, tout à la fois, le pouvoir (et la beauté) de la musique, et les bruits du monde (fût-il intérieur) qui peuplent notre univers sonore (silence inclus). La voix et les sons instrumentaux sont d’une grande beauté, troublante, exacerbée par la qualité de la restitution phonographique. Un très beau voyage musical et sonore qui mérite une immersion profonde, attentive, et prolongée.

Xavier Prévost

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16 septembre 2022 5 16 /09 /septembre /2022 16:08

Sophie Bernado (basson, voix, effets), Céline Grangey (traitement du son, insertion de séquences sonores, prise de son)

invité pour deux plages : Ko Ishikawa (orgue à bouche)

Lamaguère (Gers),février 2021

Ayler records AYLCD-177 / Orkhêstra

http://www.ayler.com/lila-bazooka-arashiyama.html

 

Une musique d’osmose, de collaboration complice et libre. Le basson, et aussi la voix de Sophie Bernado, sont traités par l’instrumentiste au gré de son inspiration, de son désir de produire une sonorité qu’elle imagine, comme en un rêve et, sur cette matière instrumentale et vocale, Céline Grangey intervient, modifiant le son, proposant par son traitement ou ses inserts une écoute augmentée. Il en résulte une proposition artistique inédite, audacieuse, et très cohérente. Le son du basson, son expressivité et sa musicalité sont magnifiés par la prise de son. Les sons et la voix se mêlent pour créer un univers d’une grande singularité. Inclassable évidemment, et c’est ce qui fait le prix d’une telle aventure. La musique (comme le visuel du CD) est inspirée par le Japon, où le duo avait fait un long séjour. Et c’est assez naturellement que deux plages se jouent en compagnie de Ko Ishikawa et de son orgue à bouche (que l’on appelle sho). Une beau moment de musique, à recommander à celles et ceux pour qui la musique est un monde de surprises, d’étonnements et de sensations inédites, et qui nous rappelle que l’Art (avec un grand ‘A’) se joue hors des sentiers battus et rebattus.

Xavier Prévost

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