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30 décembre 2022 5 30 /12 /décembre /2022 12:56
Franck Bergerot       John Coltrane Giant Steps, la pierre angulaire du jazz moderne.
Franck Bergerot       John Coltrane Giant Steps, la pierre angulaire du jazz moderne.

Franck Bergerot

John Coltrane

Giant Steps, la pierre angulaire du jazz moderne

Jazz Image records, 2022.

 

On croyait que tout avait été dit, écrit sur John Coltrane mais le saxophoniste, cinquante-cinq ans après sa disparition, le 17 Juillet 1967, continue à inspirer musiciens et chercheurs. Une œuvre qui traverse le temps et continue d’interroger. Franck Bergerot a mis à profit ses compétences de critique pour commenter l’une des étapes marquantes de l’évolution coltranienne, la révolution de Giant Steps.

John Coltrane virtuose et révolutionnaire? Sauf que quand l’histoire commence (John Coltrane, Giant Steps, La pierre angulaire du jazz moderne sorti chez Jazz Image Records), Coltrane a vingt-cinq ans «et peine encore à s’imaginer un avenir. Rongé par le doute, il était avide de savoir. La Connaissance serait la grande affaire de ce petit-fils de pasteurs. Il s’élancerait bientôt vers elle «à pas de géant» avec l’album Giant Steps».

L’auteur appuie son travail de recherches sur une bibliographie sérieuse mais aussi une écoute attentive de cette musique, un travail de défrichage des terres coltraniennes, en retraçant les reliefs et dépressions d'un itinéraire obstiné. Une occasion de le mettre à jour, de confronter ses connaissances au mythe.

Coltrane n’a jamais cessé, en effet, dans sa quête insatiable de sens, de travailler, d’enregistrer, de chercher. On le suit pendant ses années de formation où, influençable, il se nourrit de rencontres, se perfectionne aux côtés de Dizzy Gillespie avec lequel il grave ses premiers solos de sax ténor, sans avoir encore de personnalité propre. Le tournant, il le vivra avec le premier quintet de Miles Davis qui sait provoquer la créativité de ses musiciens, et plus encore avec Thelonius Monk au Five Spot de New York. Ce court passage chez le pianiste l’inspire : il usera bientôt de la vitesse à l’état pur avec ces rafales de notes en grappes, ces “sheets of sounds” selon Ira Gitler, critique à Downbeat.

Il use de «beaucoup de notes, comme s’il faisait ses gammes sur scène». Des nappes de son comme avec une harpe, instrument qui le fascine -sa dernière femme, Alice en jouera d’ailleurs!

Soultrane signé sur Prestige chez Rudy Van Gelder annonce l’ émancipation de la période Atlantic. Mais il faudra d’abord en passer par le retour chez Miles avec un nouveau sextet, une session chez Blue Note (Blue Trane) et les deux séances de Kind of Blue intercalées avec les enregistrements de Giant Steps, marquant l’arrivée chez Atlantic, chez Tom Dowd, pionnier de la stéréophonie. Plusieurs rendez-vous, sessions supervisées par le producteur Nesushi Ertegun ( 26 mars, 4 et 5 mai, 2 décembre) seront nécessaires pour graver ces titres mythiques, une première pour Coltrane qui a écrit l’ensemble de ces compositions, références à son entourage familial «Cousin Mary», «Naïma», «Syeeda Song Flute», à son partenaire Paul Chambers «Mr PC». Car sa vie reste indissociable de son oeuvre.

Dans un développement passionnant, Franck Bergerot détaille la révolution de «Giant Steps» et de ce "Countdown" au tempo effréné ou l’harmonie au grand large dans lequel Coltrane enjambe le cycle des quintes, en créant des graphiques- mandalas qui lui permettent d’explorer les modulations ou changements de tonalité. Usant à son tour d’une représentation cartographique, il met au point par des métaphores maritimes, dans une recréation transposée tout à fait passionnante, une navigation au grand large, le long de la côte méditerranéenne, qui prend la forme d’une merkabah juive.

Il insiste aussi sur ce qui fait l’originalité de ce disque, qui ne perd pas pour autant sa qualité «chantante», son lyrisme avec « une comptine, un air de fête et des nymphéas ».

Pour finir, Franck Bergerot souligne l’exceptionnelle influence des solos de «Giant Steps» et «Countdown» dans l’imaginaire des plus grands musiciens de jazz, saxophonistes, pianistes, guitaristes jusqu’à la version toute récente de la  chanteuse Camille Bertault.

L’aventure ne s’est pas arrêtée là. Si cet album sonne le départ de la carrière météorique de Trane, il n’est qu’une étape dans son parcours : d’autres suivront où il continuera son expérimentation, creusant son obsession du plein, son cheminement intérieur vers l’avant-garde. Mais ceci est une autre histoire que l’on espère suivre bientôt sous la plume érudite mais toujours d’une grande lisibilité de Franck Bergerot. 

Un livre que les amoureux du jazz  liront d'une traite  en regardant les illustrations des plus grands photographes tout en écoutant le CD incluant toutes les plages de Giant Steps avec en bonus cinq titres choisis par l'auteur... 

 

Sophie Chambon


 

Franck Bergerot       John Coltrane Giant Steps, la pierre angulaire du jazz moderne.
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26 décembre 2022 1 26 /12 /décembre /2022 17:25
BANDES ORIGINALES    THIERRY JOUSSE

BANDES ORIGINALES THIERRY JOUSSE

B.O! Une histoire illustrée de la musique au cinéma

Editions EPA/ Radio France

 

Voilà un livre parfait (et pas que pour les fêtes), un cadeau intelligent qui plaira aux amoureux de toutes les musiques, aux néophytes comme aux cinéphiles les plus avertis.

On ne peut que rendre hommage au travail nécessaire et remarquable de Thierry Jousse, qui vient combler une lacune aussi ancienne que profonde. A cause de l’étendue de l’entreprise, ses Bandes originales acquièrent le statut d’une référence désormais incontournable. Un livre de savoir, facile à lire qui se parcourt comme un roman, un geste d’amour de l’auteur, résultat d’années de passionnantes émissions sur le cinéma et la musique de films Cinéma Song (2011- 2015), actuellement Ciné Tempo sur France Musique, diffusé chaque samedi.

Profitant de l’engouement récent pour les musiques de films-les temps changent, il réunit deux passions, soulignant les liens étroits du cinéma dans tous ses états avec toutes les musiques, rock, pop, jazz, électro, symphonique…Le livre propose une vision à la fois précise et la plus large possible de l’histoire de la musique de films. Thierry Jousse avoue avoir essayé de dresser une ligne historique cohérente qui se divise en périodes et en styles, pleine de mutations et de filiations. C’est aussi l’un des points communs avec le jazz.

Si chaque période a ses inventions et ses artistes majeurs, depuis l’âge d’or des studios hollywoodiens avec un son façonnés par des compositeurs pionniers venus d’Europe ( les Max Steiner, Erich Wolfgang Korngold, Miklós Rózsa, Dimitri Tiomkin, Franz Waxman,) ce qui nous intéresse aux DNJ, c’est l’irruption du jazz comme nouvelle esthétique dans les années 1950, même si les grands n’ont pas attendu que le jazz devienne musique de film pour apparaître à l’écran Louis Armstrong, Billie Holiday, Artie Shaw.

Le jazz comme nouveau langage musical avec Elmer Bernstein (L’homme au bras d’or en 1955), Duke Ellington ( Anatomy of a murder en 1959), Chet Baker (I soliti Ignoti de Mario Monicelli en 1958). Jazz et modernité vont de pair avec John Cassavetes dès son inaugural Shadows en 1958, Shirley Clark en 1962 (The connection), Jerzy Skolimowski (Le départ en 1967 avec JP Léaud), mais aussi Roman Polanski avec  le pianiste Krzysztof Komeda.

Dans le registre du jazz avec cordes, Gato Barbieri, musicien très cinéphile, écrit le score du Dernier Tango à Paris (1972), arrangé par le saxophoniste Oliver Nelson. Citons encore la partition d’Eddie Sauter avec Stan Getz dans le curieux film d’Arthur Penn Mickey One (1965). Ou beaucoup plus tard, la musique de Naked Lunch (Le Festin nu 1992) de David Cronenberg, composée par le musicien de prédilection du réalisateur, Howard Shore, avec un autre grand soliste le saxophoniste Ornette Coleman, qui improvise sur les motifs symphoniques d’un grand orchestre.

Que dire du cas Woody Allen, le cinéaste le plus identifié au jazz des années 1930-1940? Le« vieux jazz » a fini par devenir la marque de fabrique du cinéaste, lui même clarinettiste. Dans Midnight in Paris en 2011, c’est Bechet et son fameux “Si tu vois ma mère”, dans Sweet and Low down (Accords et Désaccords, 1999), Sean Penn joue le rôle d’Emmett Ray, guitariste fictif, rival éternel de Django Reinhardt. Comme dans Zelig (1983), le personnage imaginé permet à Woody Allen de plonger dans une époque, les années 1930, et un milieu, celui des pionniers du jazz.

Dans la grande histoire du jazz au cinéma, Thierry Jousse n’oublie pas un moment français, fin des années 1950-début des années 1960. Louis Malle fait sensation avec son Ascenseur pour l’échafaud : dans la nuit du 4 au 5 décembre 1957, au Poste parisien, le trompettiste Miles Davis, entouré de Barney Wilen au sax ténor, René Urtreger au piano, Pierre Michelot à la contrebasse, Kenny Clarke à la batterie, improvisent sur les images nocturnes de Jeanne Moreau arpentant les Champs.

Même Marcel Carné, pourtant de la vieille école, violemment critiqué par les jeunes cinéastes, intègre le jazz dans Les Tricheurs (1958), un film sur la jeunesse. La bande-son permet de croiser Dizzy Gillespie, Coleman Hawkins et Stan Getz, rien que ça! Édouard Molinaro pour Un témoin dans la ville (1959), polar nerveux urbain, confie la musique au saxophoniste Barney Wilen, déjà présent dans la séance d’Ascenseur pour l’échafaud. C’est là encore une vraie réussite. Quant à Jean-Pierre Melville, grand connaisseur de jazz,  il demande à Christian Chevallier, compositeur, arrangeur et chef d’orchestre, la musique de Deux hommes dans Manhattan (1959) avec un thème du pianiste Martial Solal. Le cinéma français est décidément jazz. C’est l’attraction d’une nouvelle génération de cinéastes pour cette musique  : Vadim revisite les Liaisons dangereuses 1960 avec Thelonius Monk, Art Blakey, Martial Solal compose la musique d’A bout de souffle, le premier et retentissant Godard. Les premières partitions de Michel Legrand, au début des années 1960, témoignent également de son inclination réelle pour le jazz.

Mais le jazz au cinéma sera bientôt supplanté par le rock, la pop au milieu des années 1960. Le jazz n’apparaîtra plus que de façon ponctuelle dans la filmographie de grands cinéastes: parmi les vingt huit collaborations de Spielberg avec John Williams, "il en est une qui est tout à fait à part. Pour Arrête-moi si tu peux, dont l’action se déroule dans les années 1960, le compositeur renoue en effet avec ses amours anciennes pour le jazz. Le thème principal est une miniature parfaite, ponctuée par de mini cellules percussives et traversée par la voix expressive d’un saxophone très coloré. L’ensemble du score est un pur bonheur et un moment d’allégresse teinté à plusieurs reprises d’une mélancolie sous jacente".

Thierry Jousse continue évidemment son exploration de la musique au cinéma selon diverses thématiques, le nouvel Hollywood, l’électronique, les genres (de la comédie musicale au cinéma d’horreur), des décennies particulières comme 80 et 90, les cinéastes DJ, et l’émergence encore trop discrète des femmes.

Quand il étudie des couples de légende qui sont inséparables Bernard Herrmann et Alfred Hitchcock, Nino Rota et Fellini, Sergio Leone et Morricone, il montre que le compositeur est le troisième auteur du film, Bernard Herrmann  ayant compris le rapport entre musique et image. Il sera suivi par Philippe Sarde, Alexandre Desplat...

Si Thierry Jousse a fait des choix, limité par la contrainte des pages( le livre fait 288 pages), ils ne sont pas vraiment subjectifs, le résultat est bluffant et on chercherait en vain de grosses impasses-il avoue lui même avoir négligé Georges Van Parys et Georges Auric. Mais il n’a pas oublié l’immense Maurice Jaubert disparu trop tôt (auteur de L’Atalante de Vigo, de la valse à l'envers de Carnets de Bal de Duvivier ).

L’intérêt de ce travail tient à l’abondance des exemples répertoriés selon plusieurs axes, pas toujours chronologiques qui restent accessibles grâce à la présentation claire des éditions EPA, aux illustrations et aux explications fournies. Des annexes pertinentes, une bibliographie et un index tout à fait indispensables.

Un bonus : 57 titres appartenant à l’histoire de la musique au cinéma forment un complément musical à cet objet-livre, occasion de surprises et de souvenirs. Cette playlist a été constituée par l’auteur, avec l’aide précieuse de Guillaume Decalf de France Musique.

Vous l’aurez compris, voilà mon gros coup de coeur et coup de chapeau pour ce livre-somme qui donne plus que jamais envie de voir et revoir des films en étant attentif à leurs musiques.

Sophie Chambon

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22 décembre 2022 4 22 /12 /décembre /2022 11:43

Jean-Marc Larché (saxophones soprano & alto) , Yves Rousseau (contrebasse)

Paris, mai & juillet 2022

Label MCO / Socadisc

 

Ce disque prolonge une ancienne complicité, au sein d’un groupe, puis de ce duo que j’avais eu la chance d’écouter sur scène à deux reprises. On pourrait dire qu’il y là une tonalité générale assez mélancolique. En fait c’est plus que cela : l’attachement aux musiques du passé : Bach est l’un des inspirateurs, par sa science autant que par sa sensualité (je fais partie de ces hétérodoxes qui ne réduisent par l’illustre Jean-Sébastien à l’austère source religieuse….). L’attachement aussi à la liberté que fait naître le présent de l’improvisation, terrain de jeu des deux protagonistes (même si, dans le cas présent, l’écrit et le préconçu sont difficiles à distinguer l’un de l’autre). On y perçoit aussi le souvenir des musiques d’avant le baroque, d’une connivence surgie de la nuit des temps. Parfois le saxophone timbre comme une flûte : mystère d’une science musicale qui ne livre pas tous ses secrets. Deux instrumentistes hors-norme qui sont avant tout profondément musiciens. C’est par cette qualité précieuse, et pas si courante, qu’ils rendent évidente et simple une musique dont la complexité s’efface dans la force de l’expression. C’est tout simplement BEAU !

Xavier Prévost

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20 décembre 2022 2 20 /12 /décembre /2022 10:12

Avec Yotam Silberstein (guitare), Vitor Goncalves (piano, claviers, accordéon) et Daniel Dor (batterie, percussions).
Invites : Itai Kris (flûte), Carlos Aguirre (percussions), Grégoire Maret (harmonica) et Valerio Filho (pandeiro).
Big Orange Sheep, Brooklyn, NY, mai 2021.
Jazz & People/PIAS.


    Soyons sports au lendemain de cette rencontre épique qui vit le 18 décembre à Doha le couronnement de Lionel Messi et de ses co-équipiers de l’Albiceleste terrassant la bande de Kylian Mbappé pour brandir le trophée Jules Rimet.
  Ecoutons deux compositions du guitariste Yotam Silberstein : un hommage (Requiem for Armando) à deux de ses idoles récemment disparues lors de la pandémie du Covid 19, Chick Corea et Diego Maradona, gloire éternelle du ballon rond et quasiment déifé dans son pays natal, l’Argentine; une évocation de Parana (Entre Rios), cité où le jazzman israélien séjourna avec son ami Carlos Aguirre, percussionniste argentin.


   Ces deux cartes postales musicales, où s’expriment virtuosité et sensibilité, participent d’un périple sans frontières que nous propose le guitariste. Nous sommes conduits en Amérique latine (après l’Argentine, l’Uruguay, le Venezuela, le Brésil) mais aussi dans l’Espagne du flamenco, sans négliger son Proche Orient natal.
   Autant d’illustrations du penchant d’Yotam Silberstein pour les musiques folkoriques, qu’elles se nomment, pour se limiter à l’Amérique du Sud, merengue, samba, choro ou candombe.

     Ne boudons donc pas notre plaisir avec cet « Universos » qui nous invite à la découverte et à l’illustration de traditions revisitées et dynamisées.


Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo X. (D.R.)

 

 

 

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17 décembre 2022 6 17 /12 /décembre /2022 08:22

Soirée magique Jeudi 15 à la MECA (Bordeaux)  : les subtils ramages de Fred Pouget

Fred Pouget (cl), Guillaume Scmidt (saxs), Anne Colas (fl), Benoît Michaud ( vielle à roue), Rozann Bezier (tb), Maarten Decombel (g, mandoline), Maïlys Maronne (claviers), Janick Martin (accordéon), Ömer Sarigedik (b, effets), Adrien Chennebault (dms, percus)

 

Fred Pouget présentait jeudi dernier son nouveau projet ( « Sauvage ») en sortie de résidence de 3 semaines à la Meca de Bordeaux, sous la houlette de son collectif Maxiphone.

A la lecture du dossier de presse nous y allions un peu circonspects sur ce que nous allions y entendre, tant il est vrai que sur le papier l’idée de réinventer les suites pour clavecin de Jean-Philippe RAMEAU avec cet instrumentarium inédit nous semblait relever d’une gageure. Pensez-donc : réunir pour l’occasion  clarinettes, saxophones, flûtes, vielle à roue (!), guitare, mandoline, piano, basse , batterie et même des effets électro pour réinterpréter l’oeuvre de Rameau ne pouvait qu’aiguiser notre curiosité.

 

Et le fait est que le travail de Fred Pouget qui s’était aussi appuyé sur la direction artistique de Daniel Yvinec ( orfèvre en la matière) nous a absolument conquis dans cette mini-présentation de 4 morceaux. 

Ce travail est brillant de créativité sans jamais donner dans la démonstration. Les parties sont imbriquées dans des rouages fluides où les timbre se marient en toute nuance et avec une grande douceur dans l’expression. Pas un travail harmonique qui serait prétexte à des solistes flamboyants mais plutôt un « ramage » harmonieux où s’ouvrent très subtilement des tiroirs qui captent l’auditeur avec une très grande finesse. Ce tentet nous a marqué par son sens de l’équilibre et presque de funambulisme où la gravité est dans une certaine forme de respect entre ces musiciens de grand talent, concentrés, à l’écoute et au service d’un collectif raffiné et moderne.

Il s’agissait d’une présentation en format court et j’avoue, nous en sortions sous le charme mais néanmoins un peu frustrés de n’avoir entendu que quelques pièces de cet ouvrage. Nous en voulions encore.

Et ce sont les Corréziens et les Corréziennes qui auront la chance de découvrir l’oeuvre en entier à l’occasion du festival Du bleu en hiver au théâtre de Tulle le 19 janvier.

A ne pas manquer.

Jean-Marc Gelin

 

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15 décembre 2022 4 15 /12 /décembre /2022 16:40

David Linx (voix, textes), Guillaume de Chassy (piano, transcriptions), Matteo Pastorino (clarinette & clarinette basse)

Udine (Italie)

Enja Yellow Bird / l’autre distribution

 

«Nous sommes comme des nains juchés sur des épaules de géants» : c’est en s’inspirant de cette phrase, rapportée par Jean de Salisbury et attribuée à Bernard de Chartres (philosophe néo-platonicien du Moyen-Âge, qui faisait ainsi référence aux sagesses anciennes) que David Linx et Guillaume de Chassy ont choisi de se lancer dans ce projet à peine raisonnable, et pourtant totalement convaincant : sur des pièces pour clavier (avec même un concerto pour piano et orchestre), et transcrites par le pianiste, poser les mots imaginés par le chanteur. Les clarinettes viennent en renfort de nuances (lesquelles sont déjà extrêmement développées par la voix et le piano). Rachmaninov, Schubert, Bach, Ravel, Chostakovitch, Chopin, Mompou et Scriabine sont à l’affiche de cette fête de la beauté. Ils se tiennent sur les épaules de ces géants avec une maestria confondante, apportant la richesse de leurs parcours respectifs de sculpteurs d’univers musicaux si chargés d’émois et d’esthétiques adoubées par l’histoire. Les textes de David Linx sont d’une grande poésie (on trouve l’un d’eux sur la vidéo Youtube ci-après). Je vais encore faire sourire certains de mes amis en usant d’une formule que j’affectionne, que j’emploie souvent, de manière anachronique, à propos du jazz (au sens large) : c’est beau comme du Schubert ! Et pour une fois je ne suis pas totalement hors sujet…. Ces lieder pour un temps présent chargé de mémoire sont une véritable Œuvre d’Art.

Xavier Prévost

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Des avant-ouïr sur Youtube

à partir de l’Étude-Tableau Op39 N°5 de Rachmaninov

à partir de la Sonate D537 de Schubert   

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14 décembre 2022 3 14 /12 /décembre /2022 17:14

Tim Berne (saxophone alto), Matt Mitchell (piano)

Montréal, 4 octobre 2021

Intakt CD 395 / Orkhêstra

 

Retour de ce duo qui a déjà publié dans cette formule ; le pianiste a en outre été maintes fois sideman dans les groupes du saxophoniste. Familiarité donc, avec la très grande liberté qui en découle. Le disque commence par un lyrisme très assumé de Tim Berne. Lyrisme très libre, qui part en de multiples circonvolutions, soulignées par le piano, avec des passages en unisson, des détours, des retraits, des bifurcations. C’est extrêmement élaboré, et cela paraît pourtant couler d’une source vive, celle de la liberté que donne la complicité. Des surprises, des écarts soudains, des moments de parfaite osmose. Les compositions sont de Tim Berne, sauf celle de deuxième plage, signée Julius Hemphill. Les parties écrites semblent relever de fondus-enchaînés avec les improvisations, sans qu’il soit vraiment possible (ni d’ailleurs utile) de faire le départ entre l’écrit et l’improvisé. Et de ce flux aventureux émergent d’indiscutables formes, soulignées par une intense dramaturgie. Captivant, émouvant : magnifique !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Bandcamp

https://timberneintakt.bandcamp.com/album/one-more-please

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14 décembre 2022 3 14 /12 /décembre /2022 15:23

Yoann Loustalot (trompette, bugle, effets, composition), Giani Caserotto (guitare, effets, composition), Stefano Lucchini (batterie)

Sarzeau (Morbihan), novembre 2021

Pure Capture / l’autre distribution

Le disque «Slow», en quartette, paru en 2019, affichait un concept, brillamment abouti, d’extrême lenteur. Ici, en dépit du titre, pas de programme explicite. Mais un indiscutable goût de l’ailleurs, une exploration des possibilités esthétiques offertes par les effets, quand ils abandonnent l’efficacité pour le seul projet artistique. De plage en plage, nous voguons sur une vague qui nous entraîne, inexorablement, vers un horizon que l’on croirait infini si l’idée même d’infini ne nous paraissait déjà comme un travestissement de la limite, ou plutôt du but comme limite. La sonorité exceptionnelle, et la formidable expressivité de Yoann Loustalot, à le trompette comme au bugle, sont les instruments de ce voyage sans limite(s). La guitare (et les effets) de Giani Caserotto, et la batterie de Stefano Lucchini, sont les alliés de ce complot dont le but avoué est de produire de la beauté. Enrico Rava ne s’y trompe pas, qui écrit «Ce n'est pas juste un "beau son". Non, c’est le son de l’âme, et il est si profond et authentique que chaque note compte et conte». On ne saurait mieux dire. Enrico est un expert dans ce domaine, et l’on peut succomber sans crainte ni honte au sortilège qui nous accapare.

Xavier Prévost

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Le groupe est en concert le samedi 17 décembre 2022 au 360 Paris Music Factory

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Un avant-ouïr sur Youtube

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13 décembre 2022 2 13 /12 /décembre /2022 09:44
KIDS’TIME     DMITRY BAEVSKY

KIDS’TIME  DMITRY BAEVSKY

Fresh Sound New Talent

Sortie 2 décembre 2022

DMITRY BAEVSKY "KIDS' TIME'" [album teaser] - YouTube

 

Ce qui frappe l’auditeur dès le démarrage du nouvel album du saxophoniste alto Dmitry Baevsky avec l’inaugural “Mr H”, est la vitesse conjointe à l’agilité dans les up tempo, pour ce répertoire de neuf originaux et deux standards dont la ballade “Deep in a Dream” de Jimmy Van Heusen sans oublier le “Soy Califa” de Dexter Gordon,  littéralement "Je suis de Californie" et non "Je suis le Calife de Valby",  Danemark où vivait alors Dexter Gordon, le héros du film de Bertrand Tavernier Round Midnight.

 Les albums de l'altiste d'origine russe sont une plongée musicale mémorielle, usant d'un langage be bop avec des influences multiples de Gigi Gryce à Jackie McLean sans oublier des ténors comme Sonny Rollins et Dexter Gordon.  Références communes à beaucoup d’altistes ceci dit, comme Géraldine Laurent et Pierrick Pedron qui tiennent en France le haut du pavé dans leur catégorie. Geraldine n’a t-elle pas sorti un album Around Gigi en 2010? Alors que Deep in a Dream reste le titre d’un somptueux album de Pedron de 2006. Je n’irai pas plus loin dans l’éternel (et un peu crispant pour les musiciens) petit jeu des  ressemblances.

 Il faut juste compter avec Dmitry Baevsky dont ce Kid's Time est déjà le dixième album! Un“Time flies” ébouriffant et haletant, composition au titre on ne peut plus juste, le temps passe trop vite mais le saxophoniste a commencé très jeune. Son album précédent nous avait révélé son histoire émouvante et sur le chemin des confidences se détachait un auto-portrait en creux.

 De ce nouvel album, on saura juste d’après la photo de couverture et quelques lignes d’introduction qu’il a beaucoup écrit en s’inspirant de son fils, âgé de six ans, en le regardant vivre et jouer. Il établit d’ailleurs un parallèle fort intéressant entre le dispositif des enfants quand ils se livrent à leur activité favorite exerçant leur imaginaire et l’imagination dont font preuve les musiciens quand ils jouent. Dmitry Baevsky est ancré dans le présent, l’instant, l’improvisation et l’interplay, avec un lyrisme qui s’appuie sur une grande technique, sans qu’il cherche à mettre la pression, à envoyer trop de puissance. Vif, élégant et articulé, son phrasé surprend, véloce plus que volubile ("Rollin’"), précis et sans emphase, adapté à la dynamique du trio, délivrant une émotion juste. Il cherche en tournant et retournant les phrases, et les idées jaillissent sous ses doigts : il se jette dans la bataille, audacieux dans sa prise de risque. Il faut reconnaître qu’il est merveilleusement accompagné, sans piano mais en totale complicité avec Clovis Nicolas, le contrebassiste français qui s’est installé à New York et le batteur du Bronx Jason Brown, un trio américain rompu à la pratique des clubs. Cette rythmique affûtée est capable non seulement de suivre le saxophoniste et de le soutenir dans ses échappées mais d’ explorer en vrais compagnons de jeu toutes les compositions. On ne cherchera pas à isoler des passages ou des échappées, ils sont réactifs en permanence ("MTA"), ou sur le calypso de Dexter que l’on entend rarement si ce n'est dans la variation "Una noche con Francis" dans le film de Tavernier.

Une virtuosité originale couplée à une musicalité expressive : moelleux et sinueux, swingant sur cet orientalisant et dansant “Imitagant” qui restera longtemps en tête. Après le phrasé envoûtant et hypnotique, on revient à l’heure du jeu avec ce “Kid’s time” où le trio s’adjoint les services d’un Frenchy, le trompettiste et bugliste Stéphane Belmondo qui prendra la main sur “Deep in a Dream”. On attendait quand même au tournant le saxophoniste sur les tempi lents et très doux. Suave est un qualificatif rebattu pour les ballades, mais point de mièvrerie dans cette voluptueuse attaque à l’unisson, ce duo amoureux et sensuel où les timbres se fondent et s’enlacent.“The End” ne conclut pas tout à fait l’album puisqu’il y aura un bonus, un standard “Don’t blame” des années trente, repris par tous les grands d'Ethel Waters à Hank Jones. Emouvante version avec quelques aigus rares. C’est bien fini cette fois, et on reste interdit devant l’aisance à marier style et tempérament, sensibilité et sérénité, vitalité et limpidité. Du grand jazz comme on l’aime, à écouter sans modération.

Sophie Chambon

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12 décembre 2022 1 12 /12 /décembre /2022 23:13

Une très belle soirée se tenait le 10 décembre au studio 104 de la Maison de la Radio (et de la Musique). Le contrebassiste Michel Benita présentait son quartette ‘Looking at Sounds’ (avec lequel il a enregistré pour ECM en 2019 un CD éponyme), et l’Orchestre National de Jazz donnait, en création ‘mondiale’, son nouveau répertoire ‘Frame by Frame’, inspiré par le rock progressif et la pop expérimentale : des musiques surgies à la toute fin des années 60 et au début des années 70.

MICHEL BENITA«LOOKING AT SOUNDS»
Matthieu Michel (bugle), Jozef Dumoulin (piano électrique, électronique), Michel Benita (contrebasse), Philippe ‘Pipon’ Garcia (batterie, électronique)

Paris, Maison de la Radio, studio 104, 10 décembre 2022, 19h30

Le groupe a joué pour nous une partie du répertoire de son disque. La tonalité générale est celle d’une musique mélancolique, mais sous-tendue par une véritable effervescence musicale : un jeu de batterie qui attise les tensions, que ce soit à mains nues, aux balais ou aux baguettes ; une partie de clavier très enveloppée d’effets électroniques qui métamorphosent en permanence l’habituelle sonorité de l’instrument ; un jeu de contrebasse qui engage, expose, indique et se déploie dans certaines séquences ; et en surplomb la sonorité, l’expressivité, la profonde musicalité du bugle. Bref tous les ingrédients d’un beau moment de musique, entre intensité et infinies nuances.

 

ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ «FRAME BY FRAME»

Frédéric Maurin (direction)

Quentin Coppalle (flûte, flûte alto, piccolo), Catherine Delaunay (clarinette), Jean-Michel Couchet (saxophones alto & soprano, clarinette basse), Julien Soro (saxophone ténor, clarinette), Fabien Norbert é Sylvain Bardiau (trompettes & bugles), Daniel Zimmermann & Jessica Simon (trombones), Mathilde Fèvre & Astrid Yamada (cors), Fanny Meteier (tuba), Frédérice Maurin (guitare), Bruno Ruder (piano électrique & synthétiseur), Stéphan Caracci (vibraphone, marimba, autres percussions, synthétiseur), Sarah Murcia (contrebasse, voix, synthétiseur), Raphaël Koerner (batterie)

Airelle Besson, Sylvaine Hélary, Sarah Murcia, Frédéric Maurin (arrangements)
Paris, Maison de la Radio, studio 104, 10 décembre 2022, 20h50

 

Les musiques sont empruntées aux groupes King Crimson (4 titres), Henry Cow, Genesis et Pink Floyd. Pour l’amateur chenu que je suis, bercé de jazz et de musique classique depuis l’enfance, qui entre 1967 et le milieu des années 70 ne possédait, côté rock et pop expérimentale, que des disques de ces groupes (sauf Genesis, que je trouvais trop ‘pompier’ ; et je n’avais pas de disques de Yes, qui ne figure pas à ce programme, pour la même raison). Et j’avais de surcroît une passion pour Soft Machine : pour moi donc ce programme est en lui-même une promesse. Exaucée au-delà de mes attentes, par la qualité des arrangements (l’apport des cuivres, et notamment des cors, qui donnent à ces musiques une couleur renouvelée), par les formes très libres, par la verve des solistes, et l’engagement de tout l’orchestre dans cette aventure hors-norme. L’une des principales réussite des arrangements est précisément d’avoir su restituer l’expressivité massive et appuyée des certains des thèmes tout en évitant le pompiérisme auquel a parfois succombé des courants du rock qui affichaient de grandes ambitions musicales. Pur plaisir donc, pour le mélomane jazzophile (mais pas que….). Vérification pour cette partie du concert sur France Musique le 7 janvier 2023, dans l’émission ‘Jazz Club’. Une bonne partie du programme de l’ONJ y sera diffusée. Quant au groupe de Michel Benita, il sera diffusé ultérieurement sur France Musique.

Xavier Prévost

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L’ONJ donnera à nouveau ce programme le 11 janvier à Nantes (Pannonica, Salle Paul Fort), le 10 février au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, et le 7 mars à Paris, Théâtre du Châtelet (Festival ‘Le Châtelet fait son jazz’)

 

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